mardi 23 août 2011

LES TENTACULES DE CRACKEN


Plusieurs personnalités du grand et du petit écran, en rapport avec les créatures fantastiques, ont disparu dans les derniers mois et on se propose de les évoquer ici.


Michael J. McCRACKEN était un maquilleur et créateur de monstres. Né en 1940 dans une petite cité minière du Colorado, il s'était découvert à l'âge de douze ans, lorsque les siens s'établirent à Denver, une passion pour la sculpture en contemplant l'architecture des bâtiments de la ville et les dioramas du musée d'histoire naturelle considérés alors comme les plus réussis au monde.

De l'histoire naturelle au cinéma en passant par l'architecture et Disneyworld.

Après avoir achevé des études d'art à l'université du Colorado, il s'est efforcé de devenir illustrateur, allant dans différentes villes jusqu'à finalement gagner Los Angeles. Il est embauché comme sculpteur pour le compte d'architectes et de décorateurs. C'est alors que Walt DISNEY élabore son parc d'attraction de Disneyworld, et qu'il est engagé sur ce vaste chantier, sur lequel des artisans aguerris le font profiter de leur expérience, ce qui s'avère très formateur.

Prototype du Calmar géant de 2000 LIEUES SOUS LES MERS que sculptera Michael MCCRACKEN pour le parc Disneyland de Paris.

A la fin des années 1970, il enseigne durant une année l'art et le dessin, avant de souhaiter reprendre son activité de sculpteur. Le principal sculpteur de Disney lui conseille alors de contacter Don POST, un célèbre accessoiriste du cinéma ( auquel on doit notamment les cosses de L'INVASION DES PROFANATEURS DE SÉPULTURES ( INVASION OF THE BODY SNATCHERS ) de 1956 - ce qui lui valut de réaliser le moulage de Dana WYNTER évoquée ci-dessous ) et créateur d'une société à son nom de fabrication de masques pour Halloween. Le choix s'avère judicieux, car Don POST, qui devait bientôt disparaître, puisqu'il décéda le 17 novembre 1979, le recommande à John CHAMBERS, un maquilleur renommé, notamment consacré pour la responsabilité des maquillages de LA PLANÈTE DES SINGES ( PLANET OF THE APES ).

Il intègre donc les studios Chambers et, sous la direction de ce grand perfectionniste, sculpte les embryons du film EMBRYO (1976). Il contribue à la création des masques des Hommes-bêtes du remake de L'ILE DU DR MOREAU ( ISLAND OF DR. MOREAU ) de 1977 avec John CHAMBERS, son assistant Daniel STRIEPEKE ainsi que Tom BURMAN, notamment. Les créatures devaient au départ présenter une apparence plus ouvertement animale et contrefaite, mais il fut en définitive décidé de limiter l'importance de la transformation pour des raisons financières, en se concentrant principalement sur la tête des personnages. Mike McCRACKEN avait également prévu que chaque créature aurait la couleur de l'animal dont elle est issue, mais une teinte unique a finalement été adoptée pour donner plus d'harmonie au groupe.

L'Homme-ours du remake de L'ILE DU DR MOREAU.

En raison de problèmes de santé de John CHAMBERS, ce dernier lui confie la responsabilité de créer les extraterrestres de RENCONTRE DU TROISIEME TYPE ( CLOSE ENCOUNTERS OF THE THIRD KIND ). Le réalisateur Steven SPIELBERG lui exprime son souhait de disposer d'humanoïdes ayant un cou très mince et allongé, ce que les deux hommes s'accordent à reconnaître comme impossible à réaliser avec un maquillage. L'expérience finit par tourner court, Steven SPIELBERG se montrant trop désireux de coller aux portraits-robots établis par les témoins prétendant avoir observé des visiteurs venus de l'espace; faute d'acceptation de ses dessins par le réalisateur, et ne souhaitant pas créer un maquillage stéréotypé, bas-de-gamme, qui ressemble au personnage de Casper le fantôme, Mike McCRACKEN décide d'abandonner la partie - ce sera finalement Tom BURMAN qui s'efforcera de contenter le metteur en scène, tandis que Carlo RAMBALDI créera une version mécanique capable d'une élongation du cou.

L'expérience artistique de Michael McCRACKEN lui vaut d'être aussi recruté sur certains des premiers films sur lesquels Stan WINSTON a la responsabilité des maquillages, THE WIZ (1978), une comédie musicale et HEARTHBEEPS (1981), comédie sur des robots pour laquelle il crée le personnage du robot masculin, et a fort à faire avec le maques en gélatine qui fond à la chaleur, ainsi que sous la direction de Rick BAKER sur une comédie fantastique, LA FEMME QUI RÉTRÉCIT (THE INCREDIBLE SHRINKING WOMAN, 1981) pour le compte duquel il sculpte les mains du gorille.

Mike McCRACKEN œuvre aussi pour la télévision, réalisant des humanoïdes à tête de serpent pour le téléfilm d'héroïc-fantasy L'ARCHER ET LA SORCIÈRE ( THE ARCHER, 1981 ) et une bande de macaques presque humains pour le pilote de la série JAKE CUTTER (TALES OF THE GOLDEN MONKEY, 1982).

Un guerrier à tête de serpent de L'ARCHER ET LA SORCIÈRE.

Il rejoint le maquilleur Craig READON sur le film de Tobe HOOPER produit par SPIELBERG, POLTERGEIST (1981). Il a l'idée d'une scène d'hallucination au cours de laquelle un personnage devant une glace voit son visage se décomposer littéralement, qu'adopte SPIELBERG. Il retrouve Craig REARDON sur le dernier sketch du film LA QUATRIEME DIMENSION-LE-FILM ( THE TWILIGHT ZONE-THE-MOVIE, 1983 ) produit par SPIELBERG; il réalise le costume et la longue queue foliacée du diablotin effrayant qui terrorise un passager depuis l'aile d'avion où il s'est installé, tandis que son collègue en réalise la tête.

Michael McCRAKEN, à droite, sur le tournage de POLTERGEIST, avec Craig REARDON, à gauche, entourant Gunnar FERDINANDSEN, défunt spécialiste du moulage aux compétences unanimement respectées que vous avez pu voir la gorge tranchée dans THE THING de John CARPENTER ( il s'est servi de lui-même comme modèle pour le cadavre, également norvégien, trouvé un rasoir à la main afin d'échapper à un sort plus terrifiant que la mort elle-même ).

Le Gremlin effrayant de LA QUATRIÈME DIMENSION-LE-FILM, dont Michael McCRAKEN a fait le costume.

Michael McCRACKEN a aussi sculpté les têtes des "hommes chauve-souris" de DAR L'INVICIBLE de 1982 (THE BEASTMASTER), avant de quitter la production suite à un différent, Bill MUNNS ayant alors été engagé pour confectionner les costumes dans un délai très réduit. Il oeuvre également sur PSYCHOSE 2 (1983), la suite empreinte d'humour noir du film d'HITCHCOCK qui suit la tentative de retour à la vie normale du personnage de Norman Bates, crée une nouvelle tête d'homme-serpent pour la série MANIMAL (1983), suppléant à Stan WINSTON qui s'est chargé des deux transformations principales du personnage de Jonathan Chase, sculpte l'extraterrestre carnassier du petit film de science-fiction CREATURE (1985) de William MALONE dans lequel joue Klaus KINSKI, conçoit la foule de Loups-garous ébouriffés de PEUR BLEUE ( SILVER BULLET, 1985 ) tandis que Carlo RAMBALDI se charge de la transformation mécanique du lycanthrope principal.

Quelques plans de MANIMAL laissent entrevoir la transformation du héros en serpent.

Maquette du monstre de CREATURE.

En 1987, Michael McCRACKEN se voit confier la responsabilité des créatures de THE KINDRED, un film sur un chercheur se livrant à la création de mutants transgéniques, en transformant de malheureux cobayes humains en hybrides héritant de traits de créatures marines, Rod STEIGER retrouvant l'ambiguïté de son personnage de Ponce Pilate du JÉSUS DE NAZARETH de Franco ZEFIRELLI au travers de ce biologiste dévoyé, capable de justifier les abominations qu'il perpètre avec une certaine bonhomie préfigurant le jeu de Marlon BRANDO dans le second remake cinématographique de L'ILE DU DR MOREAU ( ISLAND OF THE DR MOREAU ) réalisé par John FRANKENHEIMER. Il faut cependant regretter l'inattention du cadreur et du monteur qui ont laissé passé quelques images laissant entrevoir en dessous du niveau de la ceinture du monstre le pantalon blanc de son interprète... McCRACKEN est aussi à l'œuvre dans l'importante équipe donnant vie à une autre abomination transgénique mêlant humain et créature marine, LEVIATHAN (1989). 

On le retrouve ensuite aux commandes des maquillages du film COMMUNION (1989), basé sur l'expérience de Withley STRIEBER qui dit avoir été ravi par des extraterrestres, même s'il a finalement relativisé son affirmation en laissant entendre que son témoignage pouvait peut-être s'interpréter au travers d'une explication psychologique plus classique. En dépit de certaines contradictions relevées par les lecteurs de l'auteur dans ses écrits, McCRACKEN est convaincu par la sincérité de STRIEBER, sans se prononcer sur l'origine de l'expérience dont il se prévaut ( à l'époque de RENCONTRES DU TROISIÈME TYPE, il se montrait déjà sceptique quant à la réalité des récits sur les enlèvements par des extraterrestres ). Son équipe conçoit deux types d'extraterrestres, l'un élancé aux grands yeux vitreux en amande, en fait un déguisement qui dissimule une apparence plus inquiétante comme dans PROGENY, et un autre plus petit et ramassé à la peau bleue.

Michael McCRAKEN fignole le prototype du monstre principal de THE KINDRED ( tandis qu'à l'arrière-plan, Jim McPHERSON est à l'oeuvre sur les tentacules grandeurs nature du monstre ).

Mike McCRACKEN fait de la figuration en tant que cobaye du savant de THE KINDRED.

Micheal McCRACKEN se retrouvera par la suite à assurer les maquillages pour des thrillers, et figurera lui-même en 2008 dans la distribution du film MIDNIGHT MEAT TRAIN. Il avait encore était chargé des maquillages d'une comédie distribuée cette année, ECHANGE STANDARD ( CHANGE-UP ). Michael McCRACKEN disparaît le 29 avril 2011,à l'âge de 61 ans.

Page commémorative consacrée à Michael McCRACKEN senior : 


Le fondateur d'une dynastie.

Issu d'une famille de mineurs, Michael McCRACKEN était parvenu à se forger un destin bien différent. Il a créé son propre studio de maquillage, et a aussi initié une nouvelle tradition familiale. Très jeune, son fils également prénommé Michael l'assistait dans son travail et finit par le rejoindre sur les productions cinématographique. Le jeune McCRACKEN élabora le corps desséché de la mère dans PSYCHOSE 2. Sur KINDRED, il a créé le costume du monstre principal pourvu de tentacules mobiles nommé Anthony, avant de se glisser dans la peau pour incarner la créature. Il a contribué aux perfectionnements techniques des effets spéciaux, tout en conservant l'intérêt pour la sculpture et l'architecture, disciplines d'origine de son père.

Michael McCRACKEN père et fils.

Anthony, le monstre de THE KINDRED, incarné par le fils McCRACKEN

Le sculpteur et maquilleur Jeff KENNEMORE, passionné par la magie, qui a été employé sur de grandes productions comme POLTERGEIST et THE THING, puis plus tard ALIEN NATION, intègre la famille de Michael McCRACKEN et le rejoint sur des productions comme LEVIATHAN et THE KINDRED, pour lequel il sculpte les petits mutants vus dans les bocaux. Sur le film ARENA, il sculpte la tête et les pinces du monstre reptilien appelé "Stitches", un des gladiateurs extraterrestres qui s'affrontent sur le ring d'une compétition interstellaire. Il apportera aussi sa contribution à une seconde production de Charles BAND, SPELLCASTER, en tant que membre de l'équipe de John Carl BUECHLER ( le créateur d'effets spéciaux attitré du producteur ) chargée de créer les monstres baroques qui peuplent un château hanté. Sur COMMUNION, Jeff KENNEMORE sculpte les têtes des extraterrestres bleus, et son épouse Melinda, qui travaille comme perruquière sur des films comme le remake du BLOB, participe aux effets spéciaux de maquillage. Jeff KENNEMORE disparaît prématurément en 1995, au début de la quarantaine, emporté par un cancer.

portrait du sculpteur Jeff KENNEMORE

Un petit monstre de THE KINDRED, sculpté par Jeff KENNEMORE, et animé par Jim McPHERSON à l'aide de tiges, saute littéralement au visage de l'héroïne.

Jeff KENNEMORE sculptant un tentacule carnassier du monstre de LEVIATHAN.

"Stitch" d'ARENA ( cette photo et la précédente sont extraites du site que son fils lui a consacré en hommage : http://www.myspace.com/jeffkennemore ).

La tradition familiale est reprise par le petit-fils de Michael McCRACKEN. Neal KENNEMORE a œuvré - bien que son nom ne figure pas au générique - sur la parodie BIG MOVIE ( initialement produit sous le titre de EPIC MOVIE ) en même temps que son grand-père, a sculpté un extraterrestre semi-insectoïde pour ALIEN VS HUNTER ayant plutôt fière allure malgré un budget étriqué et un délai très bref imparti pour sa création, et a été embauché sur diverses productions télévisées comme la série médico-légale LES EXPERTS ( CSI : CRIME SCENE INVESTIGATION ) au sein de la société de maquillages W.M. Creations - dont le responsable a notamment été chargé de la pose des maquillages sur les différentes incarnations monstrueuses du DRACULA mis en scène par COPPOLA. Avec John WRIGHTSON, fils de Bernie WRIGHTSON, dessinateur auquel on doit le personnage de la Créature du marais ( the Swamp Thing ), il créé chaque année pour Halloween des animations aux studios Universal et, en janvier 2011, intègre la société Trick or treat studio, qui fabrique des masques d'Halloween, y retrouvant John WRIGHTSON.

Michael McCRAKEN avec son petit-fils Neal KENNEMORE.

Portrait du protagoniste extraterrestre de ALIEN VS HUNTER : un sourire modérément engageant.

Le monstre d'ALIEN VS HUNTER s'apprêtant dans sa loge, en attendant de gagner les feux ( modestes ) de la rampe, en compagnie de son créateur ( photo extraite de la page personnelle de Neal sur Myspace, qui a fort aimablement autorisé sa reprise pour cet article ).

Bien que l'araignée géante d'ALIEN VS HUNTER soit virtuelle, Neal a eu l'occasion d'en sculpter un beau spécimen pour une société spécialisée dans les costumes d'Halloween. A droite, un Manchot sculpté en 2006. Entre ses créatures imaginaires et ses recréations réalistes d'animaux, les réalisations de Neal KENNEMORE concordent tout à fait avec les intérêts cultivés par ce site!

Si le film LEGEND de Ridley SCOTT baigne dans une atmosphère éthérée, il devait initialement verser davantage dans le spectaculaire, mais, pour des raisons budgétaires, les producteurs ont décidé d'en réduire notablement le nombre de créatures fantastiques confiés à Rob BOTTIN, lesquelles auraient du notamment inclure un dragon, un ogre à deux têtes et une "Chose" - peut-être cette dernière aurait-elle ressemblé à ce Démon de la forêt créé par Neal KENNEMORE.

Les sculptures de Neal KENNEMORE témoignent d'un talent digne des plus aguerris, et ne dépareraient pas dans des galeries d'art. On peut en voir un plus large échantillon dans son portfolio en ligne : http://ndkartwork.deviantart.com/. Un créateur dont on devrait sûrement entendre de nouveau parler dans l'avenir.


LA CHOSE D'UN AUTRE MONDE n'est plus...


Un peu plus d'un an après son frère James AURNESS, connu sous le nom de Peter GRAVES, ( de laquelle on avait rendu compte sommairement en mars 2010 ), c'est au tour de James AURNESS dit ARNESS de disparaître de causes naturelles. Né le 26 mai 1923 à Minneapolis, cet Américain d'origine germano-norvégienne, qui avait entamé une carrière d'acteur au sortir de la seconde guerre mondiale durant laquelle son héroïsme lui avait valu des blessures aux jambes lui ayant laissé des séquelles douloureuses, s'est éteint le 3 juin 2011 à Los Angeles durant son sommeil.

Alors qu'il avait initialement rêvé d'exercer un métier en rapport avec la mer, il s'était rendu à Hollywood sur la suggestion d'un ami et, comme Harrison FORD, y avait débuté comme charpentier. Bien que cet acteur ait principalement tourné dans des films et séries d'aventure, plus particulièrement des westerns, il était une icône de nombre de fans de science-fiction pour avoir endossé très brièvement le rôle d'un des tous premiers extraterrestres du cinéma, notamment du premier d'entre eux destiné à susciter la peur, celui de LA CHOSE D'UN AUTRE MONDE ( THE THING FROM ANOTHER WORLD ) en 1951, film réalisé par Christian Niby - et encore céda-t-il sa place à un cascadeur qui assuma les risques lors du tournage de la scène durant laquelle la créature prend feu, dissimulant sous le maquillage un masque à oxygène. Le film, supervisé par le producteur Howard HAWKS - réalisateur de westerns que le cinéaste John CARPENTER, réalisateur d'une nouvelle mouture du film en 1982, considère comme son modèle, parvient à instaurer une ambiance d'inquiétude en jouant sur la suggestion, la peur culminant lors des très rares apparitions de la créature, surnommée "la carotte pensante" en raison de certaines caractéristiques végétales qui lui sont prêtées ( régénération accélérée et reproduction sous forme de graines donnant naissance à une forme végétative ).

LA CHOSE D'UN AUTRE MONDE a tout d'un classique, dont la notoriété a servie paradoxalement la notoriété de l'interprète d'un personnage sans nom, mais un regret finit néanmoins par saisir l'amateur de monstres : Howard HAWKS a fait détruire un extraterrestre beaucoup plus impressionnant construit d'après la description de la nouvelle originelle de John CAMPBELL, préférant demeurer complètement dans la suggestion en décidant de grimer un acteur de très grande taille à la manière du monstre de FRANKENSTEIN. L'acteur s'était amusé de son apparence en conservant sur lui ses fausses mains griffues alors qu'il allait en compagnie du maquilleur Lee GREENWAY dans un drive-in, ce qui eut un grand effet sur la serveuse... Cependant, James ARNESS ne semblait pas complètement à l'aise à l'idée d'incarner un monstre. Sur le plateau, il a tendance à se tenir à l'écart lorsqu'il était grimé et n'assista pas à la première du film.

Un visiteur de l'espace qui ne semble pas sans parenté avec un célèbre personnage des années 1930 incarné par Boris KARLOFF...

Il est notablement moins connu que James ARNESS endossa aussi le costume d'un autre monstre extraterrestre, celui de l'humanoïde aux yeux globuleux et à la peau épaisse, qui transporte l'Intelligence martienne dans le classique LES ENVAHISSEURS DE LA PLANETE ROUGE ( INVADERS FROM MARS ) réalisé en 1953 par l'ancien directeur artistique William Cameron MENZIES, suppléant pour les scènes d'action, à l'instar de Pete DUNN, Max PALMER, handicapé par son poids.

James ARNESS tourna quelques années plus tard dans un autre "film de monstres" tout aussi représentatif de la science-fiction cinématographique des années 1950, DES MONSTRES ATTAQUENT LA VILLE ( THEM! ) de Gordon DOUGLAS ( 1956 ), dans lequel des Fourmis gigantesques sèment la terreur, réalisées sous forme de modèles grandeur nature, probablement pour permettre une intégration avec les acteurs plus concrète qu'avec des trucages optiques utilisant de vrais insectes ( une leçon pour les producteurs fanatiques d'effets numériques ). Bien que l'origine du gigantisme des Insectes soit imputable à des essais nucléaires effectués par l'armée américaine, le film semble faire écho allégoriquement à la peur du communisme de l'époque tout comme LA CHOSE D'UN AUTRE MONDE, cette dernière incarnant un être mécanique, sans conscience, à l'image des froids soviétiques que redoutent les occupants de l'avant-poste militaire, et les insectes sociaux représentant l'image d'une société robotisée, dont les sujets ne sont que les acteurs d'une volonté commune portée à son paroxysme dans la conception bolchevique. James ARNESS endosse le rôle d'un agent du FBI, Robert Graham, un des représentants des autorités américaines qui devront découvrir l'origine du péril et s'efforcer d'éradiquer ce qu'elles ont elles-mêmes engendré par mégarde. Lors du tournage, la taille de James ARNESS, qui atteignait 2,01 mètres, amena le réalisateur a enfouir partiellement l'acteur dans le sable, ou à faire monter son partenaire James WHITMORE sur une caisse pour d'autres plans, afin de réduire à l'image la disparité entre les deux acteurs.

James ARNESS découvre une colonie de fourmis géantes prêtes à supplanter l'humanité.

Avant de figurer dans les deux classiques de la science-fiction qui lui valurent une notoriété certaine auprès des amateurs du genre, James ARNESS avait aussi eu le rôle central de THE TWO WORLDS réalisé en 1950 par Norman DAWN, un film d'aventures associant rivalité amoureuse, combat avec des pirates, et découverte d'un îlot volcanique peuplé de Dinosaures - ceux-ci provenant de séquences empruntées à un film antérieur, TUMAK, FILS DE LA JUNGLE ( ONE MILLION B.C. ) réalisé en 1940 par Hal ROACH et Hal ROACH junior, comportant un Iguane rhinocéros - espèce qui sera aussi utilisée en 1959 comme base pour les Dimétrodons de VOYAGE AU CENTRE DE LA TERRE ( JOURNEY TO THE CENTER OF THE EARTH ) de Henry LEVIN - un Alligator affublé d'une crête, un homme dans un costume de Tyrannosaure, et un cochon déguisé en Tricératops.

James ARNESS prend finalement la mer, mais pour le cinéma, à la barre de TWO LOST WORLDS. Le navigateur ne s'attend probablement pas à rencontrer des Dinosaures ayant survécu... à un film précédent !

Bien que les Dinosaures n'apparaissent qu'à la toute fin du film de manière fort inattendue, le spectateur le moins observateur peut voir qu'ils tiennent la vedette sur l'affiche.

Homme discret, qui s'était lié d'amitié pour son partenaire de POLICE DES PLAINES ( GUNSMOKE ) Dennis WEAVER - le fameux automobiliste très éprouvé du téléfilm DUEL de Steven SPIELBERG, confronté à un chauffeur de poids lourd psychopathe, il veillait à tenir éloignée sa famille de l'univers de la télévision, ce qui ne suffit pas à la préserver. Sa fille Jenny Lee - qui était apparue dans quelques épisodes de POLICE DES PLAINES - mourut d'overdose, ainsi que son épouse qui avait précédemment fait deux tentatives de suicide. L'homme, qui s'était remarié et laisse derrière lui un fils champion de surf, s'occupait d'associations caritatives, notamment en faveur de personnes atteintes de paralysie cérébrale. Il a fait poster sur son site un message posthume selon lequel il estime avoir eu une vie merveilleuse auprès des personnes lui ayant apporté un grand soutien et a exprimé sa reconnaissance pour les admirateurs de ses apparitions dans les différentes productions, dans POLICE DES PLAINES aussi bien que dans LA CHOSE D'UN AUTRE MONDE.

( pour voir un condensé de LA CHOSE D'UN AUTRE MONDE, avec une nouvelle partition impressionnante, ouvrir ce lien : http://www.youtube.com/watch?v=Xgu7SEpLLyc )


Et la fiancée de L'INVASION DES PROFANATEURS DE SÉPULTURES disparaît pour de vrai...


On avait évoqué brièvement Dana WYNTER lors de l'hommage à Kevin McCARTHY. Comme James ARNESS, elle fut un visage emblématique du cinéma de science-fiction des années 1950, et là encore pour un rôle spécifique. Elle incarnait en effet pour son premier grand rôle Becky Driscoll, la tendre amie du Dr Bennell joué par Kevin McCARTHY, disparu il y'a moins d'un an, dans le classique de 1956 L'INVASION DES PROFANATEURS DE SÉPULTURES ( INVASION OF THE BODY SNATCHERS ) de Don. A SIEGEL. Le couple est témoin de l'invasion de Santa Mira par des envahisseurs remplaçant progressivement le voisinage, issus de cosses végétales extraterrestres ( construites par Don POST ), conformément au roman de Jack FINNEY dont le film est la première adaptation, jusqu'au moment terrible où Becky s'avère avoir été elle-même remplacée par une usurpatrice originaire d'un autre monde...  Dana WYNTER joue parfaitement cette jeune femme brune d'allure sage, sensible et inquiète, qui cède soudain place à une femme devenue une parfaite étrangère, au regard glacial. Si le film se voulait, pour ses initiateurs, qui déniaient toute connotation anticommuniste intentionnelle, une réflexion philosophique sur l'évolution de la société, alors que l'Amérique était encore en grande partie rurale et pénétrée de valeurs traditionnelles, il se montre alors terriblement prophétique au travers de cette scène qui pourrait annoncer, parmi d'autres bouleversements familiaux et sociaux, l'incompréhension radicale entre les sexes qui tend à se généraliser dans le monde actuel.

Dans la serre, face à des plantes plus qu'inquiétantes...

Becky, jeune femme en détresse...

à laquelle se substitue soudain une personne étrangère, au regard glaçant.

Tout comme James ARNESS devait endurer plusieurs heures de maquillage pour incarner la Chose d'un autre monde, Dana WYNTER supporta stoïquement le moulage intégral de son corps qui avait été demandé aux principaux acteurs du film, afin que l'équipe de Don POST puisse travailler sur leur réplique exacte en vue de créer le duplicata extraterrestre des personnages, illustration des efforts que consentent les acteurs appelés à incarner des créatures fantastiques. L'interprète de Becky prit aussi avec flegme la facétie du réalisateur qui avait déposé un soir sur le pas de sa porte une cosse de Don POST...

Des communistes il était par contre réellement question dans l'épisode CAPTURE ( THE CAPTIVE ) de la série LES ENVAHISSEURS ( THE INVADERS ) dans lequel Dana WYNTER avait joué - Kevin McCARTHY avait été quant à lui à l'affiche d'un autre épisode. David Vincent ( joué par Roy THINNES ) est contraint de faire libérer un envahisseur surpris alors qu'il tentait de s'emparer de documents secrets dans une ambassade d'un pays de l'est, faute de quoi les extraterrestres détruiront l'ambassade. Le héros récurrent finit par convaincre de la réalité de la menace le Dr. Katherine Serret, interprétée par Dana WYNTER, qui se montre dans l'épilogue disposée à relayer le combat de Vincent contre la menace venue de l'espace.

Allemande née à Berlin le 8 juin 1931 sous le nom de Dagmar WINTER, elle avait commencé par suivre la trace de son père chirurgien avant d'arrêter ses études de médecine pour devenir actrice. Elle a tourné avec James ARNESS évoqué ci-dessus dans la série POLICE DES PLAINES ( GUNSMOKE ), joué dans le film historique de 1960 COULEZ LE BISMARCK ! ( SINK THE BISMARCK !) et était apparue pour la dernière fois sur grand écran en 1975 dans un film français, la comédie sentimentale LE SAUVAGE aux côtés d'Yves MONTAND et Catherine DENEUVE. L'actrice était aussi apparue dans un grand nombre de séries télévisées jusqu'en 1993. Elle évitait les rôles en rapport avec la violence, considérant qu'"on n'allait pas au cinéma pour voir des accidents de voiture", et ne s'était résolue à tenir une arme qu'avec réticence dans la série MAGNUM au côté de Tom SELLECK, estimant que ce genre d'attitude ne convenait pas à une femme. Elle entama aussi dans les années 1980 une série de chroniques sur la vie locale en Irlande, puis en Californie où elle avait rejoint son fils, dans des journaux comme "The Guardian" et s'était depuis longtemps fortement investie contre la souffrance animale, notamment pour prôner davantage de respect à l'égard des animaux de ferme. Souffrant depuis plusieurs années de problèmes cardiaques, Dana WYNTER s'est éteinte paisiblement le 5 mai 2011 à 83 ans à l’hôpital d'Ojai Valley en Californie.

A nouveau réunis : Dana WYNTER visionnant pour la première fois L'INVASION DES PROFANATEURS DE SÉPULTURES, en compagnie de son partenaire de l'époque Kevin McCARTHY en 2002 au festival du film d'Ojai, projetant des petits films d'épouvante en noir et blanc des années 1950 ( à sa gauche, le journaliste Lenny ROBERTS, qui a eu l'idée d'y faire projeter le film en leur présence ).

( mise à jour : un article ultérieur d'un blog anglophone revient également sur sa carrière :
http://birdiewarbles.blogspot.fr/2013/04/dana-wynter-regal-lady.html )

On rappellera pour mémoire la disparition d'un autre couple à l'affiche d'un autre classique de science-fiction des années 1950, celui de PLANÈTE INTERDITE ( FORBIDDEN PLANET ); après le décès de Leslie NIELSEN le 28 novembre 2010 ( à qui on avait à l'époque consacré un petit hommage ), c'est Anne FRANCIS, interprétant la jeune fille candide qui lui donnait la réplique, qui a succombé au cancer le 2 janvier de la présente année.


Un personnage éphémère mais très remarqué de STAR TREK

Le facétieux mais non moins cruel Trélane interprété par William CAMPBELL.

On s'en voudrait de ne pas faire allusion à une autre disparition un peu plus ancienne, celle de l'acteur William CAMPBELL, qui bénéficiait d'un véritable culte, justifié, auprès des amateurs de la série STAR TREK. L'épisode LE CHEVALIER DE DALOS ( THE SQUIRE OF GOTHOS ) baigne dans une atmosphère surréaliste, comme lorsque le vaisseau interstellaire Entreprise tente d’échapper à l'attraction d'une planète à la trajectoire facétieuse. L'acteur William CAMPBELL y incarne Trélane, qui dispute avec le capitaine Kirk, tel un émule du comte Zaroff, un jeu de chasse à l'homme - au cours duquel l'acteur s'est d'ailleurs blessé à l'épaule. Trelane fait preuve, en dépit de sa cruauté, d'un caractère particulièrement fantasque. L'épilogue révélera que l'amateur de trophées est l'incarnation d'un être extraterrestre supérieur, composé d'énergie, ne visant qu'à s'amuser en usant immodérément de ses capacités émergentes. La prestation de CAMPBELL, qui pourrait évoquer la composition d'un Jim CARREY possédé par le démon, sans se départir d'une certaine prestance aristocratique, est particulièrement mémorable. L'acteur avait aussi à l'occasion interprété un personnage de Klingon. Décédé le 28 avril 2011 à l'âge de 81 ans, il avait tourné nombre de films sous la direction de metteurs en scène réputés, John STURGES, Robert ALDRICH, Francis Ford COPPOLA et tout particulièrement Raoul WALSH. Pour la petite histoire, il avait divorcé de sa première épouse, suite à une liaison de celle-ci avec un certain John KENNEDY...

Les parents de Trélane viennent rappeler leur turbulent fils à l'ordre. Cette fois, le caractère immatériels de ces entités constituées d'énergie ne doit rien aux images de synthèse.

Pour mémoire, évoquons aussi la disparition de John WOOD, acteur anglais décédé durant son sommeil le 6 août 2011, qui avait interprété divers personnages historiques. Il était aussi apparu dans un épisode de la courte série de Jim HENSON consacrée aux légendes grecques, THE SORYSTELLER : THE GREEK MYTHS, sous les traits de Minos dans l'épisode DAEDALUS AND ICARUS. Au cinéma, il avait été l'évêque retors du conte médiéval fantastique et romantique LADYHAWKE de Richard DONNER ( 1985 ), que sa jalousie avait poussé à transformer deux amants en animaux ne pouvant jamais se rencontrer, l'un nocturne, l'autre diurne - séquences suggérées, sans métamorphoses visibles à l'écran, et avait été Falken, le chercheur misanthrope, retiré depuis la disparition de son épouse, dans WAR GAMES ( 1983 ) de John BADHAM, et persuadé que l'humanité était irrémédiablement vouée à l'extinction, comme les Dinosaures en leur temps.

Le personnage désabusé interprété par John WOOD dans WARGAMES.

Le scénariste emblématique de la Hammer s'est échappé


Le scénariste emblématique de la société Hammer célèbre pour ses films d'épouvante, Jimmy SANGSTER, a disparu le 19 août 2011 à l'âge de 83 ans des suites de problèmes pulmonaires; il avait d'ailleurs par erreur été déclaré décédé dès 1989 par la guilde des auteurs de Grande-Bretagne, ce qu'il avait naturellement fort peu apprécié. Il y avait gagné le surnom de "Jim the nasty" (qu'on pourrait approximativement traduire par "Jim le malséant") par sa propension à inventer des scènes horrifiques.

Situations macabres, érotisme pervers, couleurs saturées... Le style des films d'épouvante de la Hammer, que le scénariste britannique Jimmy SANGSTER a contribué à façonner.

Né le 2 décembre 1927 dans le sud du pays de Galles, il obtient dès l'âge de seize ans différents emplois au plus bas de l'échelle dans le monde du cinéma. Après son service dans l'armée, le petit-fils du producteur de la société qui va devenir la Hammer, avec lequel il a servi, lui procure un emploi en son sein en tant que troisième assistant du metteur en scène. SANGSTER gravit progressivement les échelons jusqu'à devenir directeur de production. C'est alors que la Hammer remporte en 1955 un grand succès par son adaptation de la série télévisée QUATERMASS EXPERIMENT pour le grand écran, LE MONSTRE (QUATERMASS XPERIMENT, aux États-Unis, THE CREEPING UNKNOWN), dépeignant le triste destin d'un astronaute assimilé par une forme de vie extraterrestre. La Hammer désire poursuivre sur cette lancée avec un autre film combinant épouvante et science-fiction. Afin de se démarquer de la vague d'envahisseurs extraterrestres qu' Hollywood a commencé à propulser sur les écrans depuis le début des années 1950, comme LA CHOSE D'UN AUTRE MONDE (THE THING FROM ANOTHER WORLD), LES ENVAHISSEURS DE LA PLANETE ROUGE (INVADERS FROM MARS) ou LA GUERRE DES MONDES (THE WAR OF THE WORLDS), Jimmy SANGSTER propose un sujet sur une menace venant de dessous la surface de la terre. L'idée séduit le studio et le directeur de production se trouve malgré lui chargé d'écrire le scénario. SANGSTER orchestre la révélation progressive du péril, avec une plongée angoissante dans une faille dans laquelle les éclaireurs de l'armée trouvent une mort horrible, avant que la menace ne s'en extirpe définitivement et propage sa radioactivité létale à l'extérieur. Produit en 1956, X THE UNKNOWN est en quelque sorte un film de monstre sans monstre, puisque l'entité menaçante sans forme définie qui semble annoncer l'extraterrestre insatiable de DANGER PLANETAIRE (THE BLOB) s'avère n'être qu'une simple nappe de boue, animée par une forme d'énergie primordiale analogue à celle qui se trouve à l'origine des mutations vues dans LE MONSTRE (QUATERMASS XPERIMENT). La vedette du film, Dean JAGGER, ayant refusé de tourner sous la direction du metteur en scène pressenti, Joseph LOSEY - dont le scénariste de L'INVASION DES PROFANATEURS DE SÉPULTURES (INVASION OF THE BODY SNATCHERS) de 1956 allait devenir le collaborateur attitré, car celui-ci venait d'être mis sur la liste noire d'Hollywood pour son engagement au côté du parti communiste (ce qui aurait d'ailleurs pu entraver la distribution du film aux États-Unis), la tâche est confiée à Leslie NORMAN - dont SANGSTER disait le plus grand mal pour être poli. Bien que moins prenant que LE MONSTRE, X THE UNKNOWN, tout à fait estimable, offre un de ses premiers rôles à Leo McKERN, acteur qui perdit très jeune un œil comme Peter FALK récemment évoqué, qui a notamment composé un truculent Numéro 2 dans plusieurs épisodes de la série britannique LE PRISONNIER (THE PRISONER), et qui fit aussi parti de la distribution de LADYHAWKE (voir plus bas) et des deux premiers volets de la série LA MALÉDICTION (THE OMEN) au travers du rôle de l'archéologue Carl BUGENHAGEN.

L'intérieur du centre atomique de X THE UNKNOWN, qui annonce l'intérieur d'une usine d'une autre production de la Hammer l'année suivante, LA MARQUE (ENEMY FROM SPACE/QUATERMASS 2/EARTH AGAINST SATELLITE).

Une nappe de boue agressive, objet de toutes les attentions.

L'exercice ayant été jugé satisfaisant, Jimmy SANGSTER se voit confirmé dans sa nouvelle fonction. Si l'auteur de la série QUATERMASS EXPERIMENT, Nigel KNEALE, est engagé pour adapter lui-même pour le grand écran la seconde série de son cycle, QUATERMASS 2, le scénariste de fraîche date se voit confier la tâche de proposer une nouvelle adaptation du célèbre roman FRANKENSTEIN de Mary SHELLEY, suite au prix jugé trop élevé qu'avait demandé un scénariste auteur d'un premier traitement du sujet pour en céder les droits. SANGSTER tourne le dos à l'aspect moralisateur de l'œuvre, et relègue au second plan la créature artificielle - en dépit de l'affirmation de son interprète Christopher LEE qui estimait lui avoir conféré, sous son maquillage grumeleux volontairement distinct de celui porté par KARLOFF de manière à éviter un procès avec Universal, de la sensibilité, choisissant de privilégiant une vision de Frankenstein comme un génie du mal, un être qui, sous des dehors stylés manifestés par l'acteur Peter CUSHING, s'est affranchi du moindre scrupule. Cette mouture colorée et retorse nommée FRANKENSTEIN S'EST ÉCHAPPÉ (THE CURSE OF FRANKENSTEIN, 1957) ne laisse pas indifférent le public, formant le moule de films fantastiques volontairement outrés, baignant dans une ambiance malsaine, et magnifiés par des couleurs tranchées. Son réalisateur, Terence FISHER, retrouve ses deux vedettes dans un remake de DRACULA l'année suivante, LE CAUCHEMAR DE DRACULA (HORROR OF DRACULA), avec Peter CUSHING en chasseur de vampires et Christopher LEE mettant à profit sa haute taille pour composer un personnage majestueux, prédateur terrifiant aux yeux injectés de sang, dans des décors gothiques parfaitement étudiés. Le duo d'acteur se reforme pour le remake de LA MOMIE, LA MALÉDICTION DES PHARAONS (THE MUMMY), en 1959, ainsi qu'une nouvelle mouture du CHIEN DES BASKERVILLE (THE HOUND OF THE BASQKERVILLES) la même année.

Si les films de vampires de la Hammer ont pu paradoxalement être taxés de puritanisme, associant la sexualité à la perversité, comme souvent dans les films ultérieurs du cinéaste canadien David CRONENBERG, tandis que se dressent devant les sinistres personnages des hommes valeureux et dévoués, déterminé à leur faire échec en usant des ressorts de la foi au travers d'un dualisme qui empreinte au manichéisme, le filon des adaptations du roman FRANKENSTEIN pousse plus loin encore la transgression, l'expérimentateur s'étant affranchi de tout repère moral, préfigurant un monde matérialiste ne connaissant d'autre critère que la réussite scientifique quels qu'en soient les moyens employés : ici, le docteur Frankenstein (à gauche), redoutable corrupteur incarné par Peter CUSHING.

Auparavant, SANGSTER aura adapté pour le compte d'une compagnie concurrente, Tempean films, une série de science-fiction de six épisodes réalisés en direct à partie d'un scénario de Peter KAY, THE TROLLENBERG TERROR, pour le grand écran. THE CRAWLING EYE (qui a parfois aussi été distribué sous le même titre que la série), mis en scène par Quentin LAWRENCE, déjà réalisateur de l'œuvre originale, préfigure le sujet des ENVAHISSEURS (THE INVADERS) transféré dans les Alpes suisses. Deux touristes américaines y sont témoins du contrôle mental exercé par des extraterrestres qui se sont installés sur un sommet à l'air raréfié pour y étudier la possibilité de modifier l'atmosphère terrestre afin de l'adapter à leurs besoins. Finalement démasqués par l'une des deux jeunes filles, ayant un pouvoir médiumnique, les envahisseurs, comme dans l'épilogue de LA MARQUE (QUATERMASS 2) écrit par Nigel KNEALE, s'extirpent de leur cachette - en l'occurrence l'épaisse couche nuageuse - pour se révéler dans toute leur monumentale horreur et exercer leur courroux destructeur sur les représentants de notre espèce. En dépit de moyens limités (le responsable des effets spéciaux, Les BOWIE, déjà à l'œuvre sur LE MONSTRE ainsi que sur X THE UNKNOWN évoqué plus haut, bien que ne désirant pas s'étendre sur la question, a ainsi reconnu que le nuage n'était la plupart du temps qu'un morceau de coton agité devant une photo), THE CRAWLING EYE est assez prenant, bénéficiant d'une atmosphère de mystère et s'achevant dans la pure terreur lorsque les monstres tentent de s'emparer des habitants du village voisin dont une petite fille tétanisée - le réalisateur John CARPENTER a déclaré que le film lui avait inspiré l'idée du brouillard menaçant de THE FOG. Réputé pour être assez peu loquace, Jimmy SANGSTER avait coutume, comme il m'a été donné de le constater, de répondre, lorsqu'on l'interrogeait pour savoir si c'était lui qui avait eu l'idée du concept de ces créatures comparables à des cerveaux géants pourvus de tentacules et à l'œil unique (celles de la série n'étant jamais dépeintes), que c'était il y a fort longtemps et qu'il ne s'en souvenait absolument plus.

Il y'a vraiment des fois où il vaut mieux ne pas ouvrir sa porte à un inconnu...(THE CRAWLING EYE).

Le final de haute volée de THE CRAWLING EYE : de quoi faire passer le goût de l'alpinisme.

SANGSTER écrivit un nouveau scénario avec Anthony HINDS sous le pseudonyme collectif de John SAMSON, confirmant Christopher LEE dans le rôle de DRACULA, auquel fait face, au lieu de l'énergique Van Helsing joué par Peter CUSHING un vigoureux moine interprété par Andrew KEIR (l'acteur qui a repris le rôle du Professeur Quatermass dans la troisième adaptation de ses aventures cinématographiques mises en scène par Roy Ward BAKER, évoquées dans l'hommage consacré à ce dernier). DRACULA, PRINCE DES TÉNÈBRES (DRACULA, PRINCE OF DARKNESS), réalisé en 1966 par Terence FISHER, y consacre plus que jamais le comte Dracula en animal malfaisant, exerçant la fascination du mal à laquelle les femmes les plus convenables finissent par succomber - d'autant que son personnage est mutique pour une raison disputée, le scénariste comme l'acteur en revendiquant la décision.

De Dracula à Mr. T

SANGSTER fera des émules : s'il ne se compte pas au nombre des auteurs du RETOUR DE FRANKENSTEIN (FRANKENSTEIN MUST BE DESTROYED) réalisé en 1966 par Terence FISHER avec Peter CUSHING en savant plus abominable que jamais et avec un brillant Freddie JONES (forain de THE ELEPHANT MAN, et précepteur de KRULL, notamment) en cobaye pathétique, son influence paraît évidente tant on y retrouve les situations perverses et le découpage sans temps mort de ses scénarios. De manière très symbolique, il écrit et réalise lui-même une version parodique de FRANKENSTEIN en 1970, LES HORREURS DE FRANKENSTEIN (THE HORROR OF FRANKENSTEIN) - il est passé à quelques occasions derrière la caméra, poste auquel il a été généralement considéré comme peu convainquant, y compris de son propre aveu, laquelle signe ses adieux à la Hammer.

Suite à la rencontre avec sa nouvelle compagne, et à un projet accepté avec le producteur de séries télévisées américaines Aaron SPELLING, il exerce ensuite son métier outre-Atlantique pour le petit écran, dans un tout autre registre, écrivant par exemple des épisodes pour des héros policiers flegmatiques (L'HOMME DE FER (IRONSIDE), CANNON et COLUMBO), des super-héros comme L'HOMME QUI VALAIT TROIS MILLIARDS (THE SIX MILLION DOLLAR MAN), et WONDER WOMAN, ou même un téléfilm familial autour du personnage de MR. T - l'interprète de Barracuda de L'AGENCE TOUS RISQUES (THE A-TEAM).

Clap de fin pour Dracula !... Épuisement prévisible du filon ou coïncidence? Le départ de SANGSTER (et celui à peu près contemporain de l'acteur Christopher LEE) de la Hammer au début des années 1970 correspond à l'époque à laquelle les critiques considèrent unanimement que la qualité des films produits baisse notablement (la compagnie finira par se tourner vers la télévision dans les années 1980, produisant quelques séries plus réputées, comme l'appréciable MAISON DE TOUS LES CAUCHEMARS, en version originale HAMMER HOUSE OF HORROR).

Il est aussi l'auteur de 9 romans, relevant notamment de l'espionnage, qui n'ont pas rencontré un grand succès. Jimmy SANGSTER avait fait paraître une autobiographie intitulée "Do you want it good or for tuesday ?" (c'est à dire : "voulez-vous que ce soit abouti ou prêt pour mardi?"), révélant avec un esprit ironique les dessous du métiers de scénariste pour le grand et le petit écran. Il s'étonnait souvent de susciter autant d'intérêt, après tant d'années, pour sa contribution au cinéma d'épouvante britannique, expliquant qu'il était assez étrange que les gens lui vouent une sorte de culte simplement parce que les films auxquels il avait contribué faisaient eux-mêmes l'objet d'une consécration. Il est vrai que rien n'oblige les créateurs, écrivains, scénaristes, cinéastes, créateurs d'effets spéciaux, ou autres, à éprouver en retour un attachement envers les personnes qui apprécient leur travail, mais il n'est cependant pas absurde de saluer le travail de ceux qui se sont illustrés dans les genres qui nous intéressent.

Un autographe de Jimmy SANGSTER daté de 2006, constituant une preuve irréfutable qu'il n'avait pas disparu en 1989 !..

vendredi 29 juillet 2011

UN EXTRATERRESTRE NON VIRTUEL CHEZ SPIELBERG !

Depuis le début de l'été, une nouvelle série de science-fiction produite par Steven SPIELBERG, FALLING SKIES, a débuté aux Etats-Unis sur la chaîne TNT ( et est diffusée en France aux abonnés de la chaîne Orange ). L'histoire se déroule alors que l'invasion extraterrestre par des êtres nommés "Skitters" est déjà advenue, approche moins courante du sujet au cœur de quelques romans comme LE GRAND SILENCE de Robert SILVERBERG ( THE ALIEN YEARS ), L'INTERPRÈTE ( THE INTERPRETER ) de Brian ADLISS, ou encore LES SEIGNEURS DES SPHERES ( LORDS OF THE PSYCHON ) de Daniel F. GALOUYE, et programmes télévisés comme les séries LES TRIPODES ( THE TRIPODS ), tirée du roman homonyme de John CHRISTOPHER, d'INVASION PLANÈTE TERRE ( EARTH : FINAL CONFLICT ), initialement conçue par le créateur de STAR TREK Gene RODDENBERRY, de la nouvelle série V, ainsi que de quelques épisodes d'AU-DELÀ DU RÉEL-L'AVENTURE CONTINUE ( THE NEW OUTER LIMITS ) tels LES DÉPROGRAMMEURS ( THE DEPROGRAMMERS ), LE CAMP ( THE CAMP ) et SANS PITIÉ ( QUALITY OF MERCY ).

Fallait pas leur montrer le chemin...

La série se focalise principalement sur la manière dont les humains réagissent à l'invasion, et sur leur division, mettant notamment l'accent sur la nécessité de se réorganiser, ce qui prend la forme de petites communautés rurales ( sur un sujet différent, Frederic BROWN, avec sa nouvelle THE WAVERIES, avait déjà mis l'accent sur le retour à une vie plus simple et aux valeurs de solidarité naturelle, suite à l'irruption d'ondes extraterrestres ayant rendu l'électricité inutilisable, ce qui rappelle les vues du sociologue Ferdinand TÖNNIES sur un âge idéal que représenteraient les communautés organiques rurales d'autrefois, d'avant les bouleversements induits par la mécanisation et l'industrialisation ).

Les avis sur la série sont contrastés; celle-là semble susciter un certain enthousiasme aux Etats-Unis et au contraire décevoir les Français qui ont pu la voir, ces derniers trouvant qu'elle se focalise trop sur une chronique ordinaire de la vie des personnages, comme lorsqu'un garçonnet apprend à faire du skateboard. De quoi inciter à scander cette allitération : Un Skitter plutôt qu'un skater !..

Les colons venus d'ailleurs sont, comme d'ordinaire, parfois représentés à l'écran par des images conçues par ordinateur, mais un modèle grandeur nature d'extraterrestre a été construit par la société créée par Todd MASTERS ( ayant à son crédit les effets d'HORRIBILIS ( SLITHER ) et certains trucages de NECRONOMICON ). L'extraterrestre, ayant une partie supérieure de type plutôt humanoïde, avec six pattes articulées rappelant celles des Insectes et des Araignées, évoque un peu par sa morphologie quelques créatures baroques précédemment entrevues à l'écran, notamment le Gremlin mutant mélangé à une Araignée dans GREMLINS 2, l'être maléfique du téléfilm IL EST REVENU ( IT ) tiré du roman ÇA ( IT ) de Stephen KING, ou encore la mutation de la sorcière dans SPOOKIES - les séries télévisées comportent aussi quelques formes voisines, comme Racnoss dans DR WHO ou son homologue de BEASTMASTER, LE DERNIER DES SURVIVANTS (BEASTMASTER). Curieusement, les extraterrestres ont construit pour les servir des robots bipèdes, qui correspondent ainsi davantage à notre morphologie.

Plusieurs vidéos montrent la construction et l'animation du Skitter, que l'on visionnera avec plaisir, après avoir dû subir le déferlement de tant d'extraterrestres purement virtuels dans les films de SPIELBERG, et ce jusqu'au pourtant mythique E.T. l'Extraterrestre ( E.T. THE EXTRATERRESTRIAL ) retouché numériquement dans plusieurs plans, ce qui, c'est peu dire, n'apportait rien à sa légende. L'animation en temps réel de la créature aux nombreuses pattes articulées est réellement impressionnante ( même si les deux jambes de l'acteur seront effacées numériquement* ) et nous rappelle ce qu'aurait dû demeurer le cinéma de l’imaginaire, un émerveillement du spectateur, par la grâce, non d'une triviale manipulation de l'image, mais au travers de procédés plus élaborés permettant de faire momentanément croire à l'impossible.


(* il semble qu'il soit par ailleurs prévu que l'informatique contribue aussi à modifier les expressions de la tête animatronique du Skitter - à la manière des Créatures de MAX ET LES MAXIMONSTRES ( WHERE THE WILD THINGS ARE ) réalisées par le studio Henson**; les extraits présentés dans les vidéos ne semblent apparemment pas comporter ce type de manipulation; en attendant d'en voir davantage, profitons de ces aperçus sur les coulisses de la création d'une créature extraterrestre ).

(**auquel a été consacré un article en ces pages : http://creatures-imagination.blogspot.com/2010/05/le-maitre-des-marionnettes.html )

POST-SCRIPTUM : Un internaute anglo-saxon exprime lui aussi quelque déception au sujet de la série, notamment pour ses effets spéciaux : "Les effets spéciaux et les extraterrestres paraissent issus d'un téléfilm de 1995". 1995, soit la toute fin des effets spéciaux traditionnels, parvenus à leur apogée - rappelons d'ailleurs que les trucages de la production télévisée LE MONSTRE ÉVADÉ DE L'ESPACE ( SOMETHING IS OUT THERE ) de 1988 avaient été agencés par Rick BAKER, un des plus illustres maquilleurs qui soient ! De quoi, décidément, conforter plus que jamais l'une des vocations de ce site, la promotion et la défense des véritables créateurs de monstres du cinéma !

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AVIS AUX EDITEURS : si vous faîtes partie des milliers de personnes qui apprécient les articles qui sont proposés ici, n'hésitez pas à adresser un message à l'adresse de ce site, creatures-imagination@neuf.fr; des textes inédits susceptibles de vous intéresser sont tenus à votre disposition ( pas sérieux s'abstenir ).

vendredi 15 juillet 2011

LA "CHOSE" RETROUVE L'ECRAN

On a à plusieurs reprises évoqué en ces pages le processus de création des monstres de la "préquelle" du film de science-fiction THE THING réalisé par John CARPENTER ( voir liens ci-dessous ). Le tournage de cette production s'attachant à relater les évènements antérieurs à l'histoire dépeinte dans le film initial est dorénavant achevé et une bande-annonce du film dont la sortie aux Etats-Unis est prévue pour octobre 2011 est visible sur le site officiel : http://www.thethingmovie.net/

Le monstre se révèle dans une nouvelle scène de dissection.

On va enfin savoir ce que se disaient les Norvégiens, même si la tournure des évènements ne semble pas difficile à entrevoir lorsqu'on a préalablement vu le film de CARPENTER. On croit déceler un rapide plan virtuel à l'occasion d'un morphing, qu'on espère isolé. La créature elle-même semble assez fortement insectoïde, comme l'avaient suggéré certains des concepts montrés précédemment, rappelant la dissection de STARSHIP TROOPERS et, parmi les métamorphes, ceux de téléfilms comme LE MONSTRE ÉVADÉ DE L'ESPACE ( SOMETHING IS OUT THERE ) - avec ses pattes affûtées, il n'est d'ailleurs pas sans ressemblance avec le "genre de gros cafard"(*) envisagé avant l'arrivée du créateur d'effets speciaux Rob BOTTIN sur le film de CARPENTER - mais au moins la rumeur émanant des concepteurs d'une forme humanoïde trouvée dans le bloc de glace parait-elle démentie. L'esthétique du film semble proche de celle de l'original, avec des décors rappelant ceux conçus par le défunt John LLOYD et une photographie se rapprochant de celle de Dean CUNDEY, même si on ne cessera de regretter que les producteurs n'aient pas, à la manière de Ridley SCOTT ayant à nouveau recruté H.R. GIGER pour la préquelle d'ALIEN, fait appel à John CARPENTER intéressé par le projet et au créateur des effets spéciaux Rob BOTTIN, lesquels, plutôt que de suivre le modèle original, se seraient incontestablement efforcés de renouveler le concept en lui faisant prendre des directions sans doute inattendues sous la forme d'une suite ( laquelle devait même selon le souhait du cinéaste permettre de retrouver Kurt RUSSELL et Keith DAVID, interprètes des deux personnages survivants à l'issue du film original ).

(* selon l'expression employée par Rob BOTTIN )
liens vers les anciens articles :

vendredi 17 juin 2011

LE PLUS GRAND DESSINATEUR FRANÇAIS ?

Paul GILLON dans le jardin de sa propriété

à Ignaucourt, dans le département de la Somme.

Le dessinateur français Paul GILLON est décédé à l'hôpital d'Amiens à l'âge de 85 ans, le samedi 21 mai 2011. Né à Paris en 1926 dans une famille monoparentale d'origine modeste, en banlieue communiste, il souffrit de tuberculose de la hanche qui l'empêcha de marcher jusqu'à l'âge de onze ans. Paul GILLON décida très jeune de s'orienter dans le domaine du dessin. Inscrit par sa mère dans divers établissements enseignant le dessin industriel, l'adolescent s'en fit exclure par son indiscipline.

Du chanteur Charles TRÉNET aux mutants à tête de tapir...

Egalement amateur de chanson française, il rencontra Charles TRÉNET à l'âge de 14 ans et fut engagé pour illustrer les partitions de nombre de chanteurs; il réalisa aussi des caricatures d'artistes, la plupart du temps de mémoire, pour divers journaux. Après la Libération, il trouva un nouveau débouché dans la bande dessinée. Il oeuvra pour la revue d'obédience communiste "Vaillant" - laquelle deviendra ensuite "Pif Gadget" - en réalisant diverses séries d'aventures, comme LYNX BLANC et CORMORAN, et conçut un album à la gloire des révolutionnaires maoïstes. Il travaillera aussi pour son rival, "Le journal de Mickey", réalisera sans enthousiasme une série sentimentale ( "soap-opera") pour le journal "France soir", 13 RUE DE L'ESPOIR - adaptée au cinéma sous le titre LA GAMBERGE, puis oeuvrera pour les périodiques de bandes dessinées "L'Echo des savanes" et "Métal hurlant".

S'il a réalisé des bandes dessinées historiques qui connaîtront le succès ( dont une histoire du socialisme français et une adaptation à l'esprit libertin et à la morale nitzschéenne de la vie de Jeanne d'Arc pour le moins fort éloignée de l'imagerie traditionnelle ), ce sont ses albums de science-fiction qui lui auront probablement apporté la plus grande notoriété. Basé sur un sujet minimaliste proposé par le rédacteur en chef de "L'Echo des savanes", GILLON conçoit pour la revue la série LA SURVIVANTE, qui représente quatre albums, saga érotico-pornographique contant les pérégrinations d'une femme tentant d'assouvir ses pulsions charnelles avec tout ce qu'elle peut trouver sur une terre dévastée, presque exclusivement peuplée de robots équipés de manière à pouvoir la satisfaire et de créatures marines tentaculées en manque d'affection, et qui s'achève subitement par un épilogue surréaliste et poétique. Son caractère licencieux, non habituel il est vrai en matière de bande dessinée de science-fiction pour adultes, ne l'empêche pas de se voir décerner le Grand Prix RTL 1986. Il fera aussi paraître dans la revue de bande dessinée américaine "Eerie" les aventures d'une brigade spatiale, SPACEWRECKED, laquelle est notamment confrontée à des spores ressemblant à des météorites qui se nourrissent du sang de toutes les créatures vivantes.

Foule hétéroclite ; la créature du milieu n'est d'allure approximativement humanoïde qu'au-dessus de la taille, reposant sur une base composée de tentacules tandis qu'à l'inverse, les deux humanoïdes qui l'encadrent n'ont en guise de tête qu'une excroissance allongée qui rappelle la trompe de certains vers marins du groupe des Échiuriens.

Dans l'album PROCESSUS DE SURVIE, les créatures mutantes les plus diverses s'accouplent frénétiquement, comme ce petit être insectoïde un peu intimidé ( ci-dessus ) qu'encourage une créature femelle globulaire évoquant lointainement les extraterrestres pensifs de la nouvelle LES MANGEURS DE LOTUS de Stanley WEINBAUM. Un couple ayant conservé sa pureté génétique pourra néanmoins refonder une nouvelle humanité. ( Nota : l'image a été rognée pour adaptation du format au cadre )

Un animal de compagnie qui va s'avérer très familier dans la tétralogie LA SURVIVANTE.

La grande saga de science-fiction emblématique de Paul GILLON est LES NAUFRAGÉS DU TEMPS, qui s'étale sur dix albums. Commencée avec le scénariste Jean-Claude FORREST (BARBARELLA) - après le rejet initial par le dessinateur d'un sujet jugé trop littéraire du spécialiste de l'histoire des utopies, Pierre VERSINS, il la poursuit seul à partir du cinquième album, le scénariste ayant alors exigé de recevoir une rémunération supérieure à celle du dessinateur, contrairement au contrat validé par l'éditeur. Comme dans BUCK ROGERS, la série met en scène les aventures d'un homme du XXème siècle propulsé dans le futur après une période d'hibernation, en proie à des groupes hostiles, lequel tente de retrouver une jeune femme de son siècle également réanimée. Des envahisseurs extraterrestres ressemblant à des rats humanoïdes y côtoient des êtres synthétiques laissant entrevoir partiellement leur part robotique, ainsi que des mutants, pitoyables comme la femme dont une main se mue progressivement en serres de reptile, ou bien inquiétants et à demi animaux, comme le personnage du Tapir, qui évoquent les créatures transgéniques mises en scène par Cordwainer SMITH dans des récits tels que sa fameuse nouvelle LA PLANÈTE SHAYOL. Le caractère baroque DES NAUFRAGÉS DU TEMPS évoque quelque peu les mondes de FLASH GORDON, en plus dérangeant. GILLON paraît avoir conservé de sa courte période d'étude du dessin industriel une perfection des traits, un réalisme caractéristique qui pourrait même paraître un peu froid si le graphisme "académique" n'y voisinait de temps à autre avec les courbes plus exubérantes d'engins ou de créatures à la rotondité un peu molle qu'on croirait surgies de l'univers de son collègue MOEBIUS.

Créatures extraterrestres de la saga des NAUFRAGÉS DU TEMPS : Des Vers géants, L'lombri (L'UNIVERS CANNIBALE ), forme de vie intersidérale qui avale un vaisseau comme son homologue du film L'EMPIRE CONTRE-ATTAQUE, des créatures voraces de TERRA aux allures de Nématodes, et une créature éponyme des MAÎTRES DU RÊVE.

Si Paul GILLON a pu laisser accroire, durant quelques années, qu'il dessinait surtout pour les revenus que son art lui assurait, au point d'être banni durant deux ans des éditions Vaillant qui l'avaient quelque temps rémunéré sans obtenir en contrepartie le travail commandé, la passion pour le dessin ne l'a jamais réellement quitté. En dépit des douleurs, héritées de ses ennuis de santé de jeunesse, ayant assombri ses dernières années, il s'efforça de dessiner jusqu'au bout de ses forces et était encore dernièrement à l'oeuvre sur sa saga L'ORDRE DE CICÉRON. Distingué par le Festival de la bande dessinée d'Angoulême, qui le sacre meilleur dessinateur français en 1978, puis lui décerne en 1982 le Grand Prix international, son perfectionnisme fera encore longtemps de lui une référence dans la bande dessinée française.

Une danseuse en apesanteur artificielle arborant un masque de hibou dans l'album LABYRINTHE de la saga des NAUFRAGÉS DU TEMPS, et, en-dessous, image d'une publicité toute récente pour une marque automobile laquelle, coïncidence, renvoie à la même esthétique psychédélique.

Paul Gillon interviewé à domicile : https://www.ina.fr/video/I13269623/paul-gillon-a-propos-de-son-oeuvre-video.html

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Parmi les acteurs récemment disparus, on mentionnera ici le Canadien Michael SARRAZIN, au regard assez particulier et pénétrant, disparu le 17 avril 2011 à l'âge de 70 ans. Apparu dans diverses oeuvres de science-fiction, il avait notamment été la pathétique Créature de Frankenstein dans le téléfilm FRANKENSTEIN THE TRUE STORY réalisé en 1973 par Jack SMIGHT, la plus fidèle adaptation du roman de Mary SHELLEY comme l'indique le titre, jusqu'à ce que Kenneth BRANAGH revienne à son tour ultérieurement vers le roman original. Plus récemment, en 1996, il avait été l'énigmatique personnage éponyme de l'épisode L'HOMME AUX YEUX VIOLETS de la série AU-DELÀ DU RÉEL : L'AVENTURE CONTINUE ( THE NEW OUTER LIMITS ), épisode très réussi mais qui a pris un relief plus dramatique de par la ressemblance de l'histoire (la promesse d'échapper à la maladie en étant transféré sur un monde extraterrestre) avec les fondements du suicide collectif ayant frappé l'année suivante la secte de la Porte du Paradis (The Heaven's gate) des gourous Marshall APPLEWHITE et Bonnie NETTLES.

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On le savait gravement atteint par la maladie d'Alzheimer; un peu plus d'un an après la disparition de Serge SAUVION, qui prêtait sa voix pour la version française à son personnage de COLUMBO, l'interprète du célèbre inspecteur, Peter FALK, s'est éteint à son tour le 23 juin 2011. Frappé par la maladie dès son plus jeune âge, une tumeur à l'âge de trois ans l'ayant rendu borgne, son handicap ne l'empêcha pas d'entamer une carrière au cinéma dans des films d'auteurs, notamment sous la direction de John CASSAVETES, avant de devenir la vedette de la célèbre série policière mêlant à la manière de DERRICK peinture psychologique servie par des seconds rôles forts et déduction, au travers de son personnage, perspicace derrière son apparente naïveté un peu brouillonne. Incarnant un révolutionnaire paranoïaque inspiré de Fidel CASTRO dans un épisode de LA QUATRIÈME DIMENSION ( THE TWILIGHT ZONE ) intitulé LE MIROIR ( THE MIRROR ), il est aussi apparu marginalement dans deux films comportant des créatures, PRINCESS BRIDE de Rob REINER (1987) dans lequel lui était dévolu le rôle de narrateur, et qui comptait au nombre des péripéties relatées l'irruption d'un rat géant, et une adaptation télévisée du MONDE PERDU ( THE LOST WORLD ) de Conan DOYLE par Stuart ORME ( réalisateur des MAÎTRES DU MONDE ) en 2001, qui comportait des Dinosaures virtuels, à l'exception de quelques têtes mécaniques fort réussies créées par la compagnie Crawley Creatures ( couramment associée aux productions de la BBC ), et des hommes-singes plutôt réalistes, et dans lequel l'acteur interprétait un révérend fanatique percevant le sanctuaire préhistorique comme diabolique, refusant d'y pénétrer et prêt à sacrifier sa propre fille au nom de ses convictions.

Peter FALK incarnant la solitude du dictateur qui, après avoir éliminé tous ses concurrents, se retrouve en face à face avec lui-même. 

Peter FALK, un religieux déstabilisé dans LE MONDE PERDU, rôle créé spécifiquement pour l'adaptation de Stuart ORME du célèbre roman, entouré par Elaine CASSIDY, qui joue sa fille, et Bob HOSKINS auquel est dévolu le rôle du professeur Challenger - ces deux derniers avaient tourné ensemble deux ans plus tôt au travers d'un inquiétant face à face dans le film d'Atom EGOYAN, LE VOYAGE DE FELICIA (FELICIA's JOURNEY). La fin du téléfilm permet de retrouver le vieux prêcheur qui, en dépit de son comportement irascible et criminel, parvient à émouvoir lors de ses tous derniers instants.

Le personnage de l’inspecteur Columbo était apparu en ces pages à l'occasion d'une petite parodie que les lecteurs peuvent retrouver en suivant ce lien :

http://creatures-imagination.blogspot.com/2010/02/circulez-il-ny-rien-voir-ou-si-peu.html.

mardi 7 juin 2011

KEVIN MCCARTHY ENCORE UN PEU PARMI NOUS

On rendait hommage à l'automne 2010 à l'acteur Kevin McCARTHY qui venait de disparaître, vedette du classique de science-fiction L'INVASION DES PROFANATEURS DE SÉPULTURES (INVASION OF THE BODY SNATCHERS) de 1956 dans lequel son personnage de Miles Bennell tenait tête à des envahisseurs extraterrestres de nature végétale. L'acteur avait aussi interprété de nombreux seconds rôles, y compris dans des films à caractère fantastique parfois peu connus comme THE SLEEPING CAR réalisé par Douglas CURTIS en 1989 dans lequel il exorcise une voiture hantée, ou plus récemment, en 2002, dans THE LEGEND OF THE RAZORBACK réalisé par Michael GREENSPAN.

Kevin McCARTHY avec une des fameuses cosses extraterrestres de L'INVASION DES PROFANATEURS DE SEPULTURES; après une apparition sous forme d'hommage dans le remake de Philip KAUFMAN de 1978, il convoque à nouveau, en 2003, le célèbre mythe, cette fois sous forme parodique, dans LES LOONEY TOONS PASSENT A L'ACTION ( LOONEY TOONS : BACK IN ACTION ) de Joe DANTE.

On déplorait dans l'hommage la disparition du site officiel de l'acteur, en s'efforçant alors de réparer cette perte avec le sujet assez long - quoique forcèment non exhaustif - proposé par "Créatures et imagination", afin de ne pas oublier ceux qui ont pu nous faire rêver ( lien vers l'article : http://creatures-imagination.blogspot.com/2010/10/disparition-du-dernier-etre-humain-de.html ).

C'est avec plaisir que l'on annonce aux lecteurs le retour du site officiel de l'acteur, http://www.body-snatchers.com.

Outre la petite biographie et la filmographie attendues, le site propose trois pages de photos de l'acteur, dont celles présentées ici.

L'acteur, barbu, interprétant le prophète Bokonon dans le téléfilm américain de 1972, BETWEEN TIME AND TIMBUKTU : A SPACE FANTASY, adaptation d'une oeuvre de science-fiction, de Kurt VONNEGUT, auteur d'ABATTOIR 5 ( SLAUGHTERHOUSE FIVE ).

Rappelons qu'un autre excellent second rôle coutumier du fantastique, dont on attend toujours avec impatience les apparitions qui volent souvent la vedette aux premiers rôles, David WARNER, est toujours en activité, et on ne peut qu'inciter les lecteurs à le visiter : http://www.davidwarnerfilm.co.uk/

lundi 2 mai 2011

PHOTO-MYSTERE N° 2


Quel est notre étrange invité du jour? Une sculpture surréaliste, un animal bizarre, un monstre de série B, ou bien un fonctionnaire un peu ramolli, selon les tenants de l'ultra-libéralisme?


Faîtes-nos connaître vos propositions.

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Inutile de faire durer plus longtemps le suspens. Notre ami Thieu a été prompt à réagir et a trouvé justement l'identité de notre héros du jour. Il s'agit d'un Poisson abyssal du genre Psychrolutes, effectivement surnommé "blobfish" par les Anglo-saxons, en raison de sa forme arrondie d'allure molle ( et naturellement non pas parce qu'il aurait figuré sur le menu proposé par le célèbre restaurant du film de science-fiction THE BLOB de 1958 ! ).

Les tissus gélatineux du Psychrolutes composés d'une substance moins dense que l'eau lui permettent de flotter sans recourir à l'emploi d'une vessie natatoire.

Comme nombre d'espèces des profondeurs, cet animal étrange est malmené par la pêche aux filets dérivants qui rafflent les fonds-marins en arasant tout sur leur passage.

La Myxine est quant à elle une créature assez inquiétante, qu'on sera sûrement amené à évoquer à l'occasion de futurs articles et qui, comme le Candiru, investit la partie la plus privée de l'individu pour le dévorer, même si elle ne s'attaque principalement qu'aux Poissons malades et mourants. Elle n'est par contre pas à proprement parler un "Poisson" au sens strict du terme, mais représente la forme animale vivante la plus proche des Vertébrés.