samedi 4 décembre 2021

UN ACTEUR SOURCILLEUX

L’acteur américain Dean Stockwell, décédé le 7 novembre 2021 à l’âge de 85 ans, était reconnaissable à ses sourcils broussailleux qui lui conféraient une expression sentencieuse. Il avait débuté au cinéma dès l’âge de 7 ans sous l‘impulsion de son père, l’acteur Harry Stockwell. Il fut notamment l’interprète principal du Garçon aux cheveux verts (The Boy with the Green Hair) de Joseph Losey en 1948, une fable sur la différence qui sera par la suite perçue comme une préfiguration de la dénonciation du maccarthysme. Comme nombre d’enfants dont la jeunesse fut happée par le cinéma, Dean Stockwell éprouva une certaine lassitude des plateaux de tournage, qui l’incita à voyager dans le pays durant plusieurs années avant de retrouver le chemin des studios et de faire à nouveau nombre d’apparitions sur les écrans.


Un enfant singularisé par la couleur peu commune de sa chevelure.

En 1959, il est distingué pour sa participation au Génie du mal d’Orson Welles. En 1970, il incarne Wilbur Whateley, célèbre personnage imaginé par H P Lovecraft, dans Horreur à volonté (The Dunwich Horror) réalisé par Daniel Haller, un proche de Roger Corman, d’après la novella L’Abomination de Dunwich (The Dunwich Horror). Contrairement au texte originel, il n’est pas un hybride doté de parties monstrueuses procréé par sa génitrice s’étant livrée à un rite surnaturel, et jumeau de la créature gigantesque abritée dans la grange, mais un simple fanatique sacrifiant des jeunes filles à l'être effroyable grâce à l’atmosphère hippie propice à faire venir à la ferme familiale des étudiantes trop confiantes. Les séquences suggérant la présence de l’être invisible sont malheureusement montées de manière assez répétitive, sans l’efficacité de son équivalent dans Planète interdite (Forbidden Planet) ; quant au monstre lui-même, il s’avère assez décevant lorsqu’il se matérialise, consistant en réalité en la tête de l’acteur couverte par une barbe d’allure factice et harnachée par des excroissances l’encadrant figurant des têtes de serpent comme celles de la gorgone et des prolongements tentaculaires s’achevant par des griffes.



Wilbur Whatekey vient consulter à la bibliothèque de Miskatonic l'ouvrage ésotérique dénommé Nécronomicon afin de s'en inspirer pour ses rites, mimant les cornes du bouc satanique au moment du sacrifice.


Le  Monstre de Dunwich promis par l'affiche est incarné par l'acteur pourvu d'un postiche.

Dean Stockwell s’illustre ensuite dans une œuvre à l’inspiration cette fois implicitement anti-communiste avec Le loup-garou de Washington (The Werewolf of Washington) en 1973 qui s’apparente à une fable politique, dans lequel son personnage, Jack Whittier, un proche du Président des États-Unis et fiancé à sa fille, est attaqué par un loup-garou lors d’un séjour en Union soviétique et en revient contaminé par la lycanthropie qui le fait devenir à son tour un monstre s’attaquant au chef de l’exécutif.

                                       La métamorphose du Loup-garou de Washington.

Par la suite Dean Stockwell n’aura plus guère de rôle de premier plan sur le grand écran, même si son physique le rend aisément identifiable pour les spectateurs. David Lynch lui attribue le rôle du Docteur Wellington Yueh dans l’adaptation du roman Dune de Frank Herbert, conduit à une sombre manipulation pour se venger  de l'odieux chantage du Baron Harkonnen. Le réalisateur le reprend pour son fameux thriller Blue Velvet deux ans plus tard. En 1988, Dean Stockwell prête ses traits au célèbre milliardaire et producteur de cinéma Howard Hugues dans Tucker de Francis Ford Coppola.



Le  Docteur Yueh de Dune.

Dean Stockwell se distingue davantage sur le petit écran. En 1961, il joue un impitoyable Lieutenant Katell durant la guerre du Vietnam dans un épisode de La Quatrième Dimension (The Twilight Zone), La grandeur du pardon (A quality of Mercy). Il apparaît à l’occasion dans des épisodes de séries célèbre comme Arabesque (Murder, She Wrote), L’amour du risque (Hart to Hart), L’agence tous risques (The A-Team), Columbo (épisode Eaux troubles avec Patrick McNee, Robert Vaughn et Peter Maloney), ou encore Loïs et Clark : les nouvelles aventures de Superman (Loïs et Clark : The New Adventures of Superman). Il incarne en 1995 Bob Jenkins dans l’adaptation télévisée sous forme de deux épisodes des Langoliers (The Langoliers) de Stephen King par Tom Holland. Il y compose un personnage à l’esprit particulièrement analytique servi par un sang-froid sur lequel se reposent les autres protagonistes, constituant un excellent contre-point à l’atmosphère de mystère de ce récit intrigant transportant les passagers d’un avion hors du temps ; il est seulement dommage que les créatures voraces qui les menacent qu’avait réalisées l’équipe de Vincent Guastini aient été conformément à la bêtise habituelle des producteurs modernes remplacées par des animations virtuelles qui semblent tout droit échappées du jeu électronique Pac Man.


Les passagers du vol Los Angeles-Boston dans Les Langoliers sont confrontés à l'Inconnu, se laissant guider par Nick Hopewell (Mark Lindsay Chapman) qui s'efforce de garder son calme et fait bon accueil aux hypothèses élaborées par le romancier Bob Jenkins s'efforçant d'interpréter les phénomènes incroyables auxquels ils sont confrontés.



Bob Jenkins joué par Dean Stockwell est très attentif au moindre élément susceptible d'expliquer l'étrange aventure dans laquelle est plongé un petit nombre de passagers.


Le romancier Stephen King auteur des Langoliers (en haut) et le réalisateur Tom Holland (Vampire vous avez dit vampire, en version originale Fright Night) font une brève apparition à l'écran.

Un montage des créatures conçues par le studio de Vincent Guastini avant qu'il n'y soit substitués de pauvres erzats numériques.

L’acteur avait obtenu en 2006 un rôle récurrent dans la nouvelle mouture de la série Battlestar Galactica. Mais c’est au travers de la série Code Quantum (Quantum Leap) que Dean Stockwell a accédé à la reconnaissance du public. Dans cette série tournée entre 1989 et 1993, il interprète Al Qualvicci, présent sous forme d’hologramme, qui avec son air à la fois un peu sévère mais aussi sarcastique, tente de venir en aide au personnage principal joué par Scott Bakula dont l’esprit, à la suite d’une expérience scientifique devenue incontrôlable, habite provisoirement le corps de différentes personnes dans le passé, à un moment décisif de leur vie, s’efforçant d’agir dans leur intérêt et dans un sens toujours impeccablement "politiquement correct" pour l'édification du spectateur. Il n’est cependant pas interdit de préférer sur le même thème de l’homme amené à intervenir pour tenter d’éviter des drames la série Demain à la Une (Early Edition) dans lequel Gary Hobson (Kyle Chandler) reçoit tous les jours son quotidien avec un jour d’avance, lequel présage des tragédies qui doivent survenir le lendemain et qu’il tente d’éviter, avec une subtilité psychologique appréciable différant du ton un peu trop ouvertement moralisateur de la précédente. Néanmoins, Code Quantum avait consacré Dean Stockwell, puisque la série lui avait valu d’être honoré pour son rôle pas moins de neuf fois.

Les deux héros de Code Quantum, l'Amiral  Al Qualvicci (Dean Stockwell, à gauche) et le Docteur Sam Beckett (Scott Bakula), ballotté au fil du XXème siècle.

Dean Stockwell dans la nouvelle mouture de la série Battlestar Galactica.


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Le réalisateur américain Michael S. Laughlin décédé le 20 octobre à l’âge de 82 ans des suites de la contamination par la COV-ID était une personnalité respectée du monde du cinéma, producteur, scénariste et réalisateur, même si sa notoriété auprès du grand public était plus modeste. Il est surtout connu des amateurs de science-fiction pour son film de série B, Strange Invaders, qu’il avait écrit et dirigé en 1983, racontant l’invasion d’un petit bourg des États-Unis par des extraterrestres prenant apparence humaine, dans lequel figurait notamment Kenneth Tobey, héros dans les années 1950 des films La Chose d’un autre monde (The Thing from another world) et Le monstre vient de la mer (It came from beneath the Sea). Les envahisseurs y sont défaits par un petit groupe d’habitants déterminés et l’histoire aboutit à ce dénouement plutôt improbable voyant les résidents qui avaient été transformés en boules d’énergie bleutée recouvrer miraculeusement leur vraie forme. Les effets spéciaux de maquillage avaient été assurés par James Cummins auquel il a été rendu hommage en ces pages au moment de sa disparition en décembre 2010*. Le réalisateur avait déjà abordé en 1981 le thème de la suspicion au sein d’une petite communauté dans Strange Behaviour.


                                                    Le "cigare volant" des Envahisseurs.

              La suspicion grandit dans la petite communauté témoin d'étranges évènements.

Un petit village occupé par des extraterrestres dont des résidents (incarnés par Diana Scarwid et Kenneth Tobey sur la photo) se rebellent.


Un extraterrestre se défait de son déguisement humain pour dévoiler sa vraie face plutôt rébarbative.

 http://creatures-imagination.blogspot.fr/2010/12/james-cummins.html