dimanche 8 novembre 2015

SUR LES TRACES DE CARLO RAMBALDI

 
Carlo RAMBALDI à l'âge de cinq ans, en compagnie de ses parents et de son frère; on avait évoqué ici en exclusivité la figure du père de cet artiste dans l'hommage ayant fait suite à sa disparition.

"Créatures et imagination" avait probablement été le seul site à donner des nouvelles récentes du créateur de E.T. de son vivant, Carlo RAMBALDI, amené à superviser les effets d’un opéra italien adapté de la DIVINE COMÉDIE de Dante ALIEGHERI. Évidemment, un très long hommage a été proposé suite à sa disparition, précurseur de Stan WINSTON par les créatures mécanisées géantes qu’il concevait, comme le personnage de E.T. L’EXTRATERRESTRE et celles de DUNE qui sont encore dans toutes les mémoires.

Un site officiel rendant hommage à Carlo RAMBALDI vient d’être mis en ligne cet été, présentant notamment des photos de familles et les coulisses de créations comme celles conçues pour les films KING KONG (le remake de John GUILLERMIN) et LE BISON BLANC (THE WHITE BUFFALO).


La version grandeur nature de Kong pour le remake de John GUILLERMIN (en haut). Il faut rendre justice à Carlo RAMBALDI, même si Rick BAKER, interprète de Kong ayant agencé son costume, les mécanismes de la tête qu'il revêtit furent bien conçus par Carlo RAMBALDI (bas), comme il en avait déjà été question dans les différents articles ayant évoqués ici le film, notamment celui en deux parties relatif à l'histoire des costumes de singes au cinéma.  

 
Le bison blanc du film éponyme, montrant en haut sa construction, révélant une partie de la mécanique sophistiquée et l'impressionnant résultat final.

Tête d'un mutant de DUNE et Dagoth, le monstre de CONAN LE DESTRUCTEUR ( CONAN THE DESTRUCTOR) vaincu par le héros incarné par Arnold SCHWARZENEGGER, deux des créations de Carlo RAMBALDI présentées lors d'une exposition qui lui avait été consacrée et dont il avait présidé  l'inauguration, qu'on retrouvera probablement dans le futur musée.



Un musée devrait aussi voir le jour, permettant d’immortaliser le souvenir de ce créateur, comportant, outre une librairie, une section sur la jeunesse de Carlo, sa passion pour la mécanique et ses études, une seconde relative à ses créations italiennes de 1957 à 1975, se rapportant notamment aux films d'horreur et à la série PINOCCHIO de 1972, enfin une troisième consacrée à sa période hollywoodienne, avec ses travaux pour des films comme le remake de KING KONG, ALIEN et E.T. L'EXTATERRESTRE, lesquels lui ont valu ses trois Oscars. Le Fonds Carlo Rambaldi y présentera sa collection, constituée de croquis, maquettes, des trucages des films d'horreur, des modèles pour Pinocchio, King Kong et E.T., des prototypes et mécanismes pour la mâchoire de l'Alien et la main de King Kong, des monstres, 55 peintures à l'huile représentant des visions de l'espace et des extraterrestres, ainsi que des documents personnels comme la lettre lui accordant la nationalité américaine et celles lui décernant les Oscars. 

 
Plan du musée, accolé à l'école primaire de Vigarano Mainarda, commune qui l'a vu naître en 1925 - espérons que personne n'aura l'idée saugrenue d'incendier l'école comme il arrive que cela se pratique en France.
Projet de salle avec reproduction de la main géante de Kong.

articles précédents consacrés à Carlo RAMBALDI : 


Postérité lointaine


La tradition est également maintenue par le studio italien Makinarium, qui s’est signalé ces derniers mois à l’attention des amateurs d’effets spéciaux au vrai sens du terme par la création de créatures pour le film TALE OF TALES (IL RACONTO DI RACONTI) de Matteo GARRONE, réalisateur du remarqué film GOMORRA (2008) sur la Camorra, la maffia de Naples. Inspiré de contes d’un auteur sulfureux de la Renaissance, Giambattista BASILE, le film entrecroise des histoires se déroulant dans plusieurs royaumes, au sein desquels les personnages sont confrontés à leur destin, souvent cruel. Pour être apprécié pleinement jusqu’à son épilogue qui a pu dérouter le public, le film nécessite que le spectateur abandonne son esprit logique pour se laisser entraîner dans un univers fantasmagorique et absurde, dont le caractère baroque constitue à la fois la forme et le fond. Les effets spéciaux portent sur la transformation d’une vieille femme en jeune fille et la création d’un ogre, d’un dragon aquatique, d’une puce à la taille démesurée ainsi que d’une chauve-souris géante monstrueuse, laquelle avait d’abord était conçue comme semi-humaine avant que le réalisateur décide finalement d’opter pour une créature terrifiante plus proche de l’abomination d’AUX PORTES DE L’AU-DELÀ (FROM BEYOND) et de THE CAVE.



Préparation du tournage sur fond vert de la scène avec le dragon endormi, un bel bel animal malheureusement promis à une existence écourtée (en bas).

Assemblage du corps d'une puce devenue plus grosse qu'un homme - les peignes céphaliques composés d'épines, notamment celui qui entoure la bouche en présentant l'allure de dents aiguisées, ont été retranchés de manière à conférer un aspect moins effrayant au parasite démesurément grossi. A côté de cette licence artistique qui confère à l'insecte une apparence inhabituelle, les créateurs ont poussé l'application jusqu'à faire figurer sur le flanc de l'animal géant une sangsue.



Version initiale de la tête de la Créature-chauve-souris (en haut), avant que le metteur en scène Matteo GARRONE ne demande une version plus terrifiante, au second plan derrière Leonardo CRUCIANO sur la photo du bas. La monstruosité est noyée dans l'obscurité dans la séquence du film au cours de laquelle  elle s'attaque à un des jumeaux royaux, mais la vidéo du tournage ci-dessous permet d'apprécier à quel point elle est terrifiante.

 

L’impression finale est cependant légèrement mitigée. Si les créatures créées par l'équipe de Leonardo CRUCIANO sont fort réussies, dignes des créations hollywoodiennes de l’époque, son parti-pris délibéré d’en réaliser également une version numérique est plus discutable, et ce d’autant plus que les créatures n’ont pas nécessairement à effectuer de complexes mouvements, le dragon étant tué durant son sommeil et la puce géante ayant perdu son aisance depuis qu’elle est devenue un animal familier ventripotent nourrie à la main par le monarque qui l’a adopté, les dispositifs mécanisés qui ont été agencés auraient ainsi largement suffi à leur donner la vie, les quelques plans fondus au numérique altérant ainsi quelque peu leur crédibilité, notamment obtenue par la qualité du travail effectué sur leur texture.

Réussites techniques et frustration du spectateur

Une réussite, donc, qui ne pâtit que, une nouvelle fois, d’un certain manque d’audace et de confiance dans le pouvoir absolu des trucages traditionnels, comme en témoigne aussi la quasi-obscurité qui imprègne le film HARBINGER DOWN, dont la première raison d’être était pourtant d’apporter la démonstration éclatante de leur supériorité sur les animations infographiques ; il semble qu’au final le réalisateur ait préféré verser dans une approche plus impressionniste alors même que certaines séquences de tournage sont époustouflantes, la cruelle ironie étant que, apparaissant floutés, obscurcis ou filmés de loin, même le satellite du prologue, les bélougas qu’on voit brièvement nager sous l’eau ou encore le navire de pêche dont la maquette est d’une finition remarquable, paraissent à tort être des images de synthèse ! On renoue ainsi avec la triste tradition qui voulait que les créatures les plus réussies soient généralement montrées très fugitivement et fragmentairement à l’écran, ce qui était toujours beaucoup trop explicite pour les critiques de cinéma prônant la suggestion, alors que depuis que les films ne sont souvent plus qu’une addition ininterrompue d’images générées par ordinateur depuis la nouvelle trilogie de LA GUERRE DES ÉTOILES (STAR WARS) de George LUCAS et autres AVATAR de James CAMERON, les critiques sont devenues extatiques… Cela est d’autant plus regrettable que les premières apparitions de créatures, soit les Tardigrades mutants sous l’objectif du microscope, et la masse tapie sous le lit qui s’apparente à un amas cellulaire proliférant couvert de mucus, sont de pures merveilles, qui laissaient augurer les plus grands espoirs. Le grand soin apporté au rendu organique des créatures est pour l'essentiel perdu par l'obscurité des plans ou l'éclairage bleuté saturé créé par les lampes torches qui font perdre toute la subtilité des textures et des couleurs.
 

Quelques images montrant des manifestations monstrueuses des créatures d'HARBINGER DOWN, des monstruosités issues de Tardigrades dont l'A.D.N. modifié s'est recombiné avec celui d'autres espèces marines - l'apparition vermiforme en bas à droite, quelque peu réminiscente de la séquence finale du chenil de THE THING, semble ainsi emprunter quelques caractéristiques à la fois aux vers tubicoles géants des abysses - il faudrait imaginer qu'il en ait absorbé une larve - dont il emprunte la morphologie générale, et le calmar vampire pour la membrane couverte d'épines. Seules les deux photos du bas sont issues du film, figurant parmi les moins sombres.

Il reste à craindre qu'HARBINGER DOWN ne demeure le chant du cygne du film de monstre non virtuel ; Alec GILLIS et Tom WOODRUFF ont apporté récemment leur talent à la suite du film LE LABYRINTHE (THE MAZE RUNNER), intitulée LE LABYRINTHE: LA TERRE BRÛLÉE (MAZE RUNNER: THE SCORCH TRIALS), mais seuls des embryons des créatures, hébergés dans des bocaux, renvoyant à une scène d'ALIEN IV sur laquelle ils avaient œuvré, ont été créés en studio, tous les monstres adultes apparaissant dans le film n'étant que des animations virtuelles engendrées par ordinateur. 
 

Ceux qui persistent avec justesse à promouvoir les effets spéciaux concrets doivent plus que jamais les assumer en tant que tels au lieu de les noyer sous les retouches numériques, ou de les présenter sous une forme minimaliste, au seuil de la visibilité, il en va de leur survie !

L'acteur qui incarne la taciturne professeur d'université dans HARBINGER DOWN, au côté du célèbre Lance HENRIKSEN auquel est dévolu le rôle du capitaine qui met à sa disposition son chalut crabier pour ses recherches sur les cétacés, n'est autre que le sympathique Matt WINSTON, fils aîné de Stan WINSTON qui a repris le flambeau familial des effets spéciaux, et qu'on avait pu voir récemment lors de la réunion spéciale évoquée récemment qui rassemblait nombre de responsables des effets spéciaux robotisés de la saga JURASSIC PARK.

La vidéo ci-jointe donne un (trop) court aperçu des talents déployés pour le film HARBINGER DOWN, rappelant la grande époque du cinéma hollywoodien des années 1980; on eut aimer retrouver dans le film une si belle photographie qui eut permis de faire apprécier à l'unanimité des effets spéciaux de la meilleure qualité.



Ceux qui n’ont pas contribué financièrement au projet peuvent toujours visionner le film sur le réseau Netflix depuis le 1er novembre 2015 :
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Deux disparitions.


                                                                                                
A propos du remake de KING KONG évoqué en tête de la présente parution, il faut ici indiquer le décès de son réalisateur John GUILLERMIN à l'âge de 89 ans le 27 septembre 2015. KING KONG et sa suite en 1986 - films évoqués dans l'hommage au producteur Dino de LAURENTIIS en décembre 2010 - furent les seuls de ses différents films d'aventures qui se rattachaient au fantastique ; la filmographie de ce metteur en scène de nationalité britannique comporte aussi le célèbre film-catastrophe LA TOUR INFERNALE (THE TOWERING INFERNO), tourné en 1974, soit deux ans avant le remake de KING KONG dont le dénouement mettait aussi en valeur un gratte-ciel moderne, immortalisant le Wold Trade Center avant sa destruction ultérieure par des terroristes, et un classique du film policier, MORT SUR LE NIL (DEATH ON THE NILE), la seule adaptation du roman homonyme d'Agatha CHRISTIE; le film dont la photographie était signée Jack CARDIFF à qui on a rendu hommage en mai 2009, comportait, au côté de Peter USTINOV dans le rôle d'Hercule POIROT, la future vedette de la série MANIMAL, Simon MACCORKINDALE, dans un rôle moins sympathique. 

 

La communauté de la science-fiction française déplore quant à elle la disparition d'AYERDHAL (à ne pas confondre avec l'auteur américain Vance AANDAHL), né Marc SOULIER, à seulement 56 ans le 27 octobre 2015 des suites d'un cancer du poumon. Utilisant notamment la fonction métaphorique de l'imaginaire pour exprimer ses convictions politiques, l'étrangeté physique de ses créatures n'était pas le souci premier, ses extraterrestres pouvant être ainsi semblables à des Lémuriens comme dans LE CHANT DU DRILLE (1992), préférant détailler la bizarrerie résultant des clans que différentes mutations ont fait naître chez les être humains ayant colonisé un monde extraterrestre dans MYTALE (1991). Considéré comme un des auteurs de science-fiction français les plus célèbres de la génération actuelle avec Laurent GENEFORT et Jean-Claude DUNYACH, il s'était associé en 1999 avec ce dernier pour le roman ÉTOILES MOURANTES, la suite du roman ÉTOILES MORTES que son collègue avait fait paraître en 1991, et qui raconte comment de gigantesques créatures interstellaires hébergent des humains, vivant en symbiose et s'étant séparés en trois rameaux différents ayant fini par développer chacun leurs spécificités et leur culture, jusqu'au moment où les singularités sont amenées à coopérer pour sauver l'univers.