samedi 26 octobre 2013

EN SOUVENIR DE DALE KUIPERS



Le nom de Dale KUIPERS n'est pas tout à fait inconnu de ceux des lecteurs qui ont apprécié sur ce site le long hommage en trois volets consacrés pour le trentième anniversaire de sa sortie à un des chefs-d'œuvre longtemps les moins reconnus du cinéma, THE THING de John CARPENTER; il fut en effet provisoirement associé au projet, et son anniversaire ainsi qu'une actualité récente donnent l'occasion en complément de l'évoquer ici.

Cet artiste américain du Wisconsin, né le 26 octobre 1947, a développé ses capacités artistiques dès sa prime adolescence. A l'âge de 11 ans, une dame âgée, Mademoiselle de Woolf, qui avait remarqué ses dons, lui demanda de réaliser des centaines d'illustrations pour représenter ses propriétés, ce qui contribua à exercer ses talents. 

L'artiste précoce dans la cave de ses parents aux côtés d'un modèle de tyrannosaure pour son film Infant Earth sur l'évolution de la vie sur notre planète.

Dale Kuipers devenu un jeune homme.

Un pastel (le mode d'expression favori de Dale KUIPERS) qu'on pourrait prendre pour une photo.

A la même époque, il commençait à sculpter des dinosaures et réalisa un film d'animation avec ses modèles animés image par image, INFANT EARTH, équivalent du projet inabouti du jeune Ray HARRYHAUSEN, EVOLUTION, représentant l'histoire de la vie sur notre planète, depuis les premières formes unicellulaires jusqu'aux poissons et aux dinosaures. Un autre projet d'animation réalisé avec l'aide d'un étudiant, Chester WALLACE, se situait sur la planète Vénus riche en dinosaures.

Une scène d'attaque d'un grand dinosaure par un groupe de plus petits dessinée par Dale KUIPERS qui annonce étonnamment le final du film JURASSIC PARK. 

Le jeune artiste dans son atelier.

L'artiste à 17 ans réalisant un modèle de monstre grandeur nature dans sa cave. Il récupérait tout matériau inutilisé tels que des sachets en plastique (dont William BRYAN fera également grand usage pour la compagnie XFX de Steve JOHNSON), bourre, cintres, tapis, ampoules, précisant qu'il n'avait que la peinture à acheter.

Dale KUIPERS fut le concepteur de différentes maisons hantées plongeant le visiteur dans une atmosphère d'épouvante, créant notamment quarante monstres pour une attraction située sur l'île de Mackinac, "le Théâtre hanté de l'île" ( Haunted Theatre Mackinac ). Il conçut également des costumes pour diverses occasions, en particulier ceux d'un gorille, d'un cyclope cornu inspiré de celui animé par Ray HARRYHAUSEN dans LE SEPTIÈME VOYAGE DE SINBAD (THE SEVENTH VOYAGE OF SINBAD) et de personnages des bandes dessinées éditées par Marvel comme Hulk et l'"Homme-Chose" (The Man-Thing). 

L'Homme-Chose puissamment restitué par Dale KUIPERS.

Un démon ailé au Mackinak Theatre.

L'artiste a affirmé être aussi l'auteur de la nouvelle version plus réaliste d'une créature connue sous le nom de "l'homme de glace de Minnesota", mannequin aux allure de Néandertalien, que le passionné des phénomènes occultes Ivan SANDERSON lui avait commandé afin de le montrer au public à l'intérieur d'un bloc de glace dans une attraction itinérante en le présentant comme un spécimen réel de "Bigfoot". Le célèbre cryptozoologue Bernard HEUVELMANS jugea si convaincante cette création que, bien qu'il ne fut jamais autorisé à l'examiner en détail, il affirma sa certitude qu'il s'agissait d'un véritable hominidé rescapé de la préhistoire, au risque des inévitables railleries de la communauté scientifique qui mit à mal sa réputation de zoologiste.

Le chaînon manquant supposé, vu ici sans la glace qui le recouvrait ordinairement, spécimen qui déchaîna les passions sur le sujet des "hommes sauvages" - à l'image de la célèbre "autopsie de l'extraterrestre de Roswell" dans celui de l'ufologie - et constituait un des échantillons du portfolio de Dale KUIPERS.

Il avait aussi occupé la fonction de directeur artistique sur une production de 1978 réalisée dans l'état du Wisconsin, THE ALPHA INCIDENT, un thriller de science-fiction relatant une infection causée par un microbe ramené de l'espace par une sonde conçu comme un huis-clos dans un train. Lorsqu'une équipe du studio Universal se rendit sur l'île pour y tourner la romance fantastique de QUELQUE PART DANS LE TEMPS (SOMEWHERE IN TIME) mettant en vedette Christopher REEVES, Dale KUIPERS contacta le département des effets spéciaux et obtint au vu de ses créations pour le Théâtre hanté des lettres de recommandation. 

De retour à Green Bay, Dale KUIPERS adressa des portfolios de ses réalisations accompagnés des lettres aux grands studios, et quelques semaines plus tard, il reçut un appel téléphonique de Roy ARBOGAST, crédité notamment pour le requin mécanique des DENTS DE LA MER (JAWS) du film de SPIELBERG, qui recherchait un sculpteur connaissant les dinosaures. Ainsi, Dale devint sculpteur sur la comédie L'HOMME DES CAVERNES (CAVEMAN), qui fait évoluer des hommes préhistoriques au milieu de créatures du mésozoïque. Une rumeur prétendait d'ailleurs que Dale KUIPERS aurait pris quelque part à la création d'un dinosaure ventripotent de CAVEMAN dont il indiquait humoristiquement constituer le modèle en raison de ses problèmes de diabète responsables de sa prise de poids, qui lui causèrent quelques soucis sur le tournage; cependant, le célèbre animateur Randall William COOK nous a assurés que cette anecdote était fantaisiste, l'animal ayant été totalement conçu par Jim DANFORTH, qui engagea l'artiste anglais Roger DICKEN ( les premiers stades de la créature de ALIEN) pour l'assister. Jim DANFORTH, suite à une dispute avec les producteurs, quitta quant à lui la production et laissa l'animation image par image entre les mains de Dave ALLEN, Randall William COOK, Peter KLEINOW et Laine LISKA, Jim AUPPERLE étant chargé de réaliser les prises de vue miniatures.


Ce reptile géant du film CAVEMAN conçu par Jim DANFORTH semble désireux d'honorer Halloween qui s'annonce (haut); Dale KUIPERS a notamment construit pour Roy ARBOGAST la version grandeur nature chevauchée par l'acteur Ringo STARR (en bas ).

L'attaque d'un moustique géant, préfigurant ceux créés pour le film d'horreur SKEETER, vraisemblablement élaboré par Dale KUIPERS.

Cette première expérience à Hollywood lui valut les félicitations du grand maquilleur Rick BAKER qu'il admirait particulièrement et pour lequel il aurait déjà brièvement œuvré officieusement au temps de LA GUERRE DES ETOILES (STAR WARS: A NEW HOPE). 

Selon ses amis, Dale KUIPERS avait été chargé de sculpter les masques de deux extraterrestres de la séquence du bar de LA GUERRE DES ETOILES, ceux surnommés "Walrus man" (l'homme-morse) et "Hammerhead" (tête en marteau) de manière discrète, n'étant pas agréé par le syndicat des maquilleurs, à l'instar de l'apprenti de Rick BAKER, Rob BOTTIN - de surcroît mineur - auquel Dale KUIPERS devait par la suite être de nouveau associé, pour le meilleur comme pour le pire.

Comme Rick BAKER avait déjà constitué une équipe complète pour œuvrer sur LE LOUP-GAROU DE LONDRES (AMERICAN WEREWOLF IN LONDON), le maquilleur le recommanda à son disciple Rob BOTTIN, lequel recrutait des sculpteurs pour un autre film de loups-garous, HURLEMENT (THE HOWLING). Dale KUIPERS travailla étroitement avec Rob BOTTIN pour définir le loup-garou le plus spectaculaire. Alors que la production était bien avancée, il fut embarrassé d'apprendre que le film sur lequel travaillait Rick BAKER était aussi une histoire de loup-garou, qui se trouvait ainsi en compétition avec celui auquel il apportait sa collaboration - le mentor  prit à cet égard ombrage que Rob BOTTIN qu'il avait formé ait ainsi accepté de concevoir un loup-garou appelé à rivaliser avec le sien grâce aux techniques qu'il lui avait apprises. L'exposition aux produits chimiques dérivés du pétrole utilisés dans le studio contraignit par ailleurs Dale KUIPERS à retourner au Wisconsin pour recouvrer la santé, de même que ses difficultés avec l'Union syndicale des maquilleurs qui contesta son embauche alors qu'il n'y était pas affidé, en dépit du soutien de Rob BOTTIN.

Dale KUIPERS sculptant la main griffue d'un loup-garou pour HURLEMENTS (THE HOWLING) de Joe DANTE.

L'artiste au travail sur une tête présentant de plus petites oreilles que dans la version définitive.

Le réalisateur John CARPENTER, désireux de trouver un créateur susceptible de concevoir le monstre de THE THING, lui téléphona quelques mois plus tard, sur le conseil du responsable des effets mécaniques du film, Roy ARBOGAST, dont il avait été le collaborateur sur CAVEMAN; il bénéficiait aussi du soutien de Lawrence TURMAN et David FOSTER, producteurs sur les deux films. John CARPENTER lui exprima le souhait de voir concrétiser une créature qui se déplacerait de manière inédite, qui ne "vole, ni ne rampe, ni ne nage, ni ne marche". Lorsque l'artiste se rendit à Los Angeles pour lui montrer ses esquisses, John CARPENTER manifesta un grand enthousiasme, convoquant les membres de son équipe pour leur présenter en leur disant : "voilà, c'est exactement cela, il a trouvé ce qu'on cherchait.." L'artiste fut engagé et reprit le chemin de son studio à Green Bay dans le Wisconsin pour y travailler sur un prototype de la créature. Il conçut également des peintures relatives aux sept grandes scènes d'effets spéciaux prévues dans le scénario originel de Bill LANCASTER, depuis l'irruption du monstre dans le chenil au travers du simulacre de chien jusqu'à son apparition finale lorsque, devenu gigantesque en dilatant sa masse, il se mesure à un chasse-neige (voir dessin dans la première partie de l'hommage à THE THING), et il en imagina les spécificités et les origines.

La Chose abandonne son apparence canine dans la séquence du chenil vue par Dale KUIPERS.

Comme dans l'histoire originelle de John CAMPBELL dans laquelle l'entité métamorphe semble avoir une forme principale, très approximativement "humanoïde", Dale KUIPERS postula que la Chose avait une apparence précise, laquelle était révélée au travers de ses transformations mimétiques. Selon son idée, la créature aurait été une arme biologique envoyée pour ravager les mondes afin de permettre à une civilisation extraterrestre de les investir par la suite ( on peut alors supposer que ses créateurs auraient prévu une durée de vie limitée pour ne pas être à leur tour en proie à leur monstre ), que découvrait congelée dans la glace l'équipe d'un consortium à la recherche de pétrole à la fin du XXème siècle - à noter cependant que selon les dispositions internationales actuelles, l'exploitation industrielle de l'Antarctique est interdite. Dale KUIPERS imagina que la Chose pouvait émettre instantanément à partir de sa région supérieure de fins pseudopodes susceptibles de se solidifier et de se désagréger aussitôt, lui permettant d'adhérer et de se déplacer sur toute surface horizontale ou verticale - et peut-être même en l'air selon l'auteur. Les grands yeux jaune à facette fonctionnaient comme une pile solaire convertissant tout rayonnement en fluide visqueux générant les pseudopodes. 

La créature atteint sa taille maximale.

Pour accaparer l'apparence de ses victimes, la Chose commençait par se ficher sur la tête de sa proie en l'enserrant avec des pattes arthropodiennes extrêmement puissantes, puis enfonçait dans son cerveau l'équivalent de vrilles munies de milliers de petites structures fines comme des cheveux afin d'y puiser toutes les informations utiles pour pouvoir imiter son hôte. Une fois cette tâche accomplie, la Chose dissolvait totalement sa victime sous forme de gelée ingérée par le monstre, qui reconstituait ensuite très rapidement l'apparence de sa victime autour de son propre organisme. La créature, qui pouvait néanmoins être démasquée par  son poids excédant celui de son équivalent humain, était prompte à se défaire de son camouflage une fois découverte, pattes et vrilles s'extirpant de la bouche pour attaquer ses ennemis, tandis que la constitution d'apparence humaine se réduisait et fondait pour reconstituer le céphalothorax de la créature.

Un faciès monstrueux surgit du déguisement humain. Ce concept d'un extraterrestre insectoïde surgissant au travers d'un visage humain n'est pas sans évoquer certaines productions télévisuelles ultérieures, notamment LE MONSTRE ÉVADÉ DE L'ESPACE (SOMETHING IS OUT THERE) de Richard A. COLLA, dont ironiquement les effets spéciaux sont à porter au crédit du maquilleur Rick BAKER avec lequel Dale KUIPERS rêvait de travailler à l'issue de son expérience sur THE THING.

Bien que dépourvue d'intelligence propre, le cerveau de la Chose était par ailleurs capable de mémoriser un complet assortiment des caractéristiques les plus dissuasives des créatures rencontrées et de les combiner pour produire des hologrammes réalistes capables de terrifier ses adversaires.


La Chose de KUIPERS devant de deux de ses apparences hallucinatoires inspirées par des créatures rencontrées précédemment.

Le destin de Dale KUIPERS bascula au sens littéral lorsque, alors que son travail sur le prototype avait pris du retard, il fut soudain projeté dans la vitrine d'un magasin par un motard conduisant sous l'emprise de l'alcool. L'artiste étant suffisamment blessé pour être immobilisé durant deux mois, John CARPENTER décida au vu des transformations convaincantes de HURLEMENTS de faire appel à Rob BOTTIN, son complice de THE FOG, pour que celui-ci, commence à créer le monstre imaginé par Dale KUIPERS, jusqu'à ce que ce dernier soit à nouveau en mesure de travailler et intègre l'équipe. Rob BOTTIN parut réticent à reprendre le concept de quelqu'un d'autre, et de plus, n'adhérait pas totalement à la vision de son ancien assistant, tout en reconnaissant la qualité de son travail. Il estima que sa créature était "bien mieux que l'agrippe-visage (face hugger) d'ALIEN mais que, fondamentalement, il s'agissait toujours d'une sorte de gros cafard". Le réalisateur lui demanda alors qu'elle était sa propre représentation du monstre et Rob BOTTIN lui répondit qu'en raison même du terme de "Chose" par lequel on le qualifiait, il ne pouvait avoir de forme définie, mais devait changer perpétuellement d'apparence en passant d'une forme à une autre - et même être susceptible de présenter simultanément des traits empruntés à ses différentes incarnations précédentes. John CARPENTER se montra intrigué et, quand Rob BOTTIN lui présenta peu après un premier modèle bricolé autour d'une boule de Noël montrant un des aspects possibles de la Chose, il lui donna l'accord d'explorer cette nouvelle conception avec le dessinateur Mike PLOOG, qui avait la tâche de concevoir les storyboards du film et qui, comme le metteur en scène, fut conquis par les idées apportées par le jeune maquilleur.

Lorsque Dale KUIPERS fut rétabli, il déclina la proposition de son ancien maître d'œuvre de HURLEMENT de rejoindre l'équipe. L'artiste du Wisconsin était meurtri d'avoir vu le projet lui échapper et n'évoquait pas cet épisode sans une grande tristesse. Il estima aussi que la créature imaginée par Rob BOTTIN trahissait trop son inspiration grotesque issue des bandes dessinées, et qu'il était frustrant qu'elle ne possède pas d'apparence propre contrairement à celle qu'il avait élaborée; néanmoins, il ne semble pas qu'elle en avait davantage dans le scénario, aussi peu allusif soit-il, écrit par Bill LANCASTER, dans lequel elle pouvait même paraître réduite à une forme de virus transformant les corps selon les dialogues scientifiques de la première mouture, achevée un mois avant l'arrivée du remplaçant de Dale KUIPERS. Ainsi, la Chose de Rob BOTTIN qui paraît une forme de vie cellulaire d'allure primordiale, n'est pas si éloignée de celle qu'avait vraisemblablement en tête le scénariste, avec sa morphologie changeante. D'ailleurs, Dale KUIPERS laissa entendre que, si John CARPENTER avait donné son plein accord pour la construction de "sa" Chose, il avait perçu davantage de réserve de la part de la production; sans doute le coproducteur et principal initiateur du projet, Stuart COHEN, considérait-il que les idées personnelles de Dale KUIPERS s'écartaient significativement du scénario de Bill LANCASTER, lequel traduisait pour lui le traitement idéal pour adapter à l'écran la nouvelle WHO GOES THERE? de John CAMPBELL.

THE THING est demeuré un souvenir amer pour Dale KUIPERS.

Dale KUIPERS jugea que le film tel qu'il se fit n'était pas réussi, pointant des erreurs dans la continuité quant aux vêtements portés par les acteurs. Il considéra aussi, comme, il est vrai, beaucoup de critiques à l'époque de la sortie du film, qu'aussi brillants que fussent les effets spéciaux agencés par Rob BOTTIN et son équipe, ceux-ci ne représentaient qu'une démonstration n'ayant pas d'autre raison d'être que de prouver les capacités de leur créateur, sans être reliés à un véritable suspens. Il contesta ainsi à John CARPENTER la maîtrise de la mise en scène, qui n'aurait pas mis en valeur le cadre offert par la station antarctique pour planter son histoire, mais se serait contenté de filmer de longs corridors indistincts les uns des autres - la réalisation du film a cependant fini par faire l'unanimité en tant que  démonstration d'un huis-clos parfaitement angoissant par un metteur en scène au summum de son talent. On peut évidemment songer que la déception a sa part dans la faible considération de l'artiste pour un film duquel il a été écarté, et qu'il rejetait comme très en-deçà de ses deux films de science-fiction préférés, 2001 L'ODYSSÉE DE L'ESPACE (2001, A SPACE ODYSSEY) et ALIEN, dont il louait à contrario la direction. Si l'artiste évincé ne tint pas excessivement rigueur à Rob BOTTIN d'avoir substitué sa conception de la Chose à la sienne, estimant qu'il n'avait fait que saisir une opportunité pour sa carrière, même s'il rappelait que celui-là n'était "que l'élève de Rick BAKER et qu'il préférerait à l'avenir travailler avec le maître lui-même à présent" (bien que Rick BAKER fut tout autant l'élève de Dick SMITH auparavant), il demeura beaucoup plus amer au sujet de John CARPENTER, lequel avait apprécié sans réserve son travail et l'avait fait engager, avant que les circonstances le décident à donner son aval à un projet concurrent de celui avalisé.

En dépit de son expérience malencontreuse à Hollywood, il semble que Dale KUIPERS eut de nouveau contact avec le milieu du cinéma puisqu'il exécuta en 1985 une série de dessins conceptuels pour un autre grand projet de remake, LA MOUCHE (THE FLY). Ceux-ci détaillent une transformation réellement graduelle, empreinte d'un grotesque très organique qui permet de suivre précisément la manière par laquelle le corps de l'infortuné chercheur se mue en une créature dominée par les gènes de l'insecte. La production connut là aussi des aléas, et lorsque le réalisateur David CRONENBERG fut engagé, il confia les trucages à l'équipe de Chris WALAS avec lequel il avait collaboré sur une de ses œuvres précédentes, SCANNERS, et celle-ci développa sa propre conception du processus, avec les premiers stades se rapprochant plus notablement d'une maladie de peau conformément aux souhaits de CRONENBERG. L'artiste du Wisconsin aurait alors peut-être pu avoir l'occasion de travailler de nouveau en collaboration avec Rob BOTTIN, celui-ci ayant aussi réalisé un buste conceptuel pour le remake de LA MOUCHE, mais leurs candidatures ne furent pas retenues. 

La métamorphose très progressive agencée pour le remake de LA MOUCHE (THE FLY) - document présenté en exclusivité sur le site qui lui est consacré sur Facebook : 
https://www.facebook.com/pages/Dale-Kuipers/212712462116808?ref=stream&hc_location=stream


Dale KUIPERS avait par ailleurs réalisé des dessins de créatures extraterrestres d'inspiration reptilienne pour un projet d'adaptation d'une histoire de Ray BRADBURY portant sur une faille spatio-temporelle, mais le projet ne se fit pas, ce qui cette fois encore, dut contribuer à renforcer sa prévention contre le système hollywoodien.

Extraterrestre reptilien pourvu de trois yeux et de tentacules accessoires tiré du projet d'adaptation du récit de Ray BRADBURY.

La parution d'une bande dessinée de Dale KUIPERS, MANDELLA, avait été annoncée par une maison d'édition du Wisconsin, Green Bay comics, racontant la survie d'un naufragé sur une planète couverte d'une végétation à la croissance spectaculaire, lancé à la recherche d'une espèce intelligente qui pourrait l'aider à regagner son monde, mais cette entreprise-là non plus n'a visiblement pas vu le jour.

Souffrant de diabète, victime d'un cancer occasionnés par les produits chimiques avec lesquels il a été en contact dans son travail, Dale KUIPERS s'est éteint le 17 juillet 1996. Il a laissé une grande impression auprès de ceux qui l'ont connu, et, pour son anniversaire, le 26 octobre 2013, un musée à l'initiative d'Anthony ROCKEY ouvre ses portes à Mackinac, présentant notamment 36 pastels relatifs à la série INFANT EARTH, afin de conserver la mémoire d'une carrière artistique trop brève.

La pierre tombale de l'artiste, restituant sa passion pour les dinosaures.


La carte de visite du musée Dale KUIPERS.

vidéo d'entretien mise en ligne par le maquilleur et archiviste William FORSCHE : http://www.youtube.com/watch?v=g6nY1mCjUnA&hd=1


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Un auteur célèbre de science-fiction a disparu le 2 septembre 2013 à l'âge de 93 ans, Frederik POHL, écrivain américain né à New-York le 26 novembre 1919. En 1938, il avait rejoint en même temps qu'Isaac ASIMOV le groupe des Futurians, une association regroupant des passionnés de science-fiction de la côte est des Etats-Unis, souvent assez fortement orientés à gauche comme Damon KNIGHT ( lui-même ayant été un temps communiste ), et au sein de laquelle Frederic POHL rencontrera plusieurs de ses épouses successives, dont Judith MERRIL.

Ses activités dans la domaine de la publicité inspirent particulièrement à Frederik POHL une vision acerbe de la société de consommation, qu'il illustre notamment dans son roman PLANÈTES A GOGO. (THE SPACE MERCHANTS). Il a écrit de nombreux textes en collaboration, notamment avec Cyril M. KORNBLUTH (dont le roman précité) puis avec Jack WILLIAMSON, comme LES RÉCIFS DE L'ESPACE (THE REEFS OF SPACE), région au sein desquelles se réfugient ceux qui veulent échapper à une organisation estimée trop planificatrice et où la vie est possible grâce à de minuscules organismes symbiotiques, les Fusoriens, permettant de respirer en l'absence d'oxygène et assurant aussi la capacité de propulsion à des animaux tenant à la fois des poissons et des oiseaux ainsi qu'à d'autres aux allures de pieuvre, les pyropodes. Tandis que certains auteurs comme Arthur CLARKE et Stanislas LEM avaient imaginé dans des nouvelles que les astres puissent être un milieu abritant des formes de vie principalement constituées d'énergie, Frederik POHL n'hésitait pas à présenter dans plusieurs œuvres les étoiles elles-mêmes comme des formes de vie intelligentes non organiques, à tel point que dans une autre collaboration POHL-WILLIAMSON, L'ÉTOILE SAUVAGE (STARCHILD). un astre miniature synthétisé en laboratoire s'éveille à la conscience avant d'être attiré par un véritable corps céleste appelé à parfaire son éducation.

Dans les années 1970, Frederik POHL a obtenu la consécration pour une production individuelle, le cycle initié par LA GRANDE PORTE (GATEWAY) dans lequel les humains explorent des raccourcis de l'espace-temps créés par une ancienne civilisation d'extraterrestres humanoïdes, les Heeches, entreprise dans laquelle ils sont assistés par des Australopithèques - dans leur roman HEAVEN, Jack COHEN et Ian STUART faisaient de manière analogue collaborer les astronautes avec d'autres parents éteints de notre lignée évolutive, des Néandertaliens.


DIALOGUE AVEC L'EXTRATERRESTRE (THE VOICES OF THE HEAVEN ) : les difficultés que présente la compréhension d'une espèce extraterrestre insectoïde.


Des créatures extraterrestres tentaculaires imaginées par Frederik POHL pour le roman THE AGE OF THE PUSSYFOOT (en français, L'ERE DU SATISFACTEUR) et en dessous illustration de Wallace WOOD pour la nouvelle I PLINGOT YOU WHO publiée par le numéro de février 1959 de la revue Galaxy.

Frederik POHL a aussi été éditeur de deux des plus célèbres magazines littéraires de science-fiction des années 1960, GALAXY et IF.

Son œuvre n'a fait l'objet que d'une seule transcription au cinéma, un film futuriste méconnu dirigé par le réalisateur italien Luigi COZZI (ALIEN CONTAMINATION), LE TUNNEL SOUS LE MONDE ( THE TUNNEL UNDER THE WORLD ).

Il a par ailleurs consacré un livre à l'auteur TIBERE, ce qui lui a valu d'être alors l'autorité de référence de l'"Encyclopedia universalis" sur le sujet.




Après celles de Nigel KNEALE le 29 octobre 2006 puis de Jimmy SANGSTER le 19 août 2011, un dernier scénariste emblématique de la société de production Hammer a disparu 30 septembre 2013. Fils de Tony HINDS, un des fondateurs de la Hammer avec James CARRERAS, Anthony HINDS avait initié la série d'adaptations sur le grand écrans des aventures du Professeur Quatermass écrites pour la BBC par Nigel KNEALE, dont la première est sortie en 1955 sous le titre QUATERMASS XPERIMENT (LE MONSTRE en France, THE CREEPING UNKNOWN aux Etats-Unis); il eut ainsi un rôle décisif dans le tournant qui vit la compagnie s'orienter résolument vers le fantastique. 


L'étrange créature féline du poster de l'adaptation cinématographique de la première aventure du Professeur Quatermass, une mutation engendrée dans le zoo de Londres par l'entité extraterrestre, en fait sans rapport direct avec une scène du film ( la créature s'introduit bien dans l'enceinte du parc, mais dissout complètement ses victimes, à la différence de l'astronaute dont elle a fait son hôte ).

En 1968, il mit en œuvre une autre production singulière de la Hammer, LE PEUPLE DES ABÎMES (THE LOST CONTINENT) dans lequel, à la manière de nouvelles de William Hope HODGSON comme LA CHOSE DANS LES ALGUES, des naufragés se trouvent échoués sur les bancs d'algues de la mer des Sargasses, en butte à de voraces créatures marines, et rencontrant ici de surcroît les descendants d'une expédition espagnole - dont un inquisiteur interprété par l'acteur Darryl READ, également un musicien promoteur de la musique punk, est décédé dans un accident de moto en Thaïlande le 23 juin 2013 alors qu'il avait entrepris de participer à un documentaire allemand retraçant sa carrière.




LE PEUPLE DES ABIMES : une créature marine à mi-chemin du scorpion et de la sauterelle devant les ballons qui permettent aux naufragés de se déplacer sur le tapis incertain constitué par les algues des Sargasses (haut) et les descendants de conquistadors dont l'un présente le visage poupin de Darryl READ.


Sous le pseudonyme de John ELDER, Anthony HINDS écrivit lui-même, lorsque le scénariste attitré Jimmy SANGSTER se lassa de l'épouvante gothique, nombre de scénario de productions fantastiques comme LA FEMME-REPTILE (THE REPTILE), relatif à une malédiction changeant régulièrement une femme en créature sanguinaire. 


La femme-reptile tient la promesse du titre grâce à un maquillage de Roy ASHTON.


La disparition du producteur, et troisième scénariste représentatif de la production de la Hammer, contribue à tourner symboliquement la page de ce morceau d'histoire du cinéma fantastique anglais, alors que les studios Bray dans lesquels les films étaient réalisés ont, au grand désespoir des personnalités du cinéma qui avaient tenté de s'y opposer, été vendus pour être convertis en ensemble résidentiel de luxe durant l'été.



Mentionnons par ailleurs le décès le 8 août 2013 de l'actrice Karen BLACK, emportée par un cancer; ayant tourné pour Alfred HITCHCOCK et dans TRILOGY OF TERROR, un téléfilm écrit par Richard MATHESON (voir paragraphe dans l'article précédent) et William NOLAN ( auteur de L'AGE DE CRISTAL évoqué dans l'article sur THE THING), elle avait été en 1986 le second rôle du remake de INVADERS FROM MARS réalisé par Tobe HOPPER, aux côtés d'extraterrestres pittoresques créés par l'équipe de Stan WINSTON.



Enfin, signalons la disparition le 6 octobre 2013 de Diana HARRYHAUSEN suivant de peu celle de son époux, à qui on a consacré un hommage dans l'article précédent. Durant les 50 années de mariage, elle accompagnait son mari sur les tournages et le suivait aussi parfois dans ses rencontres avec ses admirateurs, se faisant remarquer par sa grande gentillesse. Saluons donc ici la mémoire de celle qui a soutenu ce magicien du cinéma durant une bonne partie de sa carrière, lui permettant de se concentrer sur son art qui nous émerveille encore aujourd'hui.

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LE YETI SE FAIT TOUJOURS ATTENDRE

Après certaines études de "scalps" attribués à "l'Abominable Homme des neiges" qui avaient conclu que les poils provenaient de yacks, d'autres prélèvements ont à l'issue de nouveaux tests génétiques été cette fois attribués à un animal de la famille des ours. Décidément, le supposé primate inconnu reste bien insaisissable. Une seule certitude, l'hypothétique créature n'est pas anthropophage à en juger par le nombre de dépouilles d'alpinistes accidentés qui reposent inviolées dans le massif himalayen..


NOTA: les évolutions indésirables d'internet liées aux incompatibilités techniques entre les différents systèmes (plugs-in qui plantent, shockwave flash inopérant, etc.. sans parler des fenêtres publicitaires intempestives lors de la rédaction des messages et des problèmes d'espacement entre paragraphes) conduisent dans l'attente de mises à jour satisfaisantes par les gestionnaires des moteurs de recherche pour Windows 7 à espacer les publications.