dimanche 20 février 2011

DERNIÈRE SÉANCE POUR LA BIODIVERSITÉ ?

Passage fatal d'une Girafe sur une piste d’atterrissage : le développement humain peut-il encore laisser une place à l'animal sauvage ?

Avec les derniers jours de décembre 2010 s'est achevée l'année internationale de la biodiversité, c'est à dire la mise à l'honneur de la variété des espèes vivantes présentes sur notre planète. Il faut espérer que cette initiative ne demeurera pas sans lendemain, à la manière de la "journée de la courtoisie au volant", qui pourrait laisser accroire que, le restant du temps, les chauffards seraient tolérés et leur "inconduite" admise. Cette séquence a débouché sur la création de la Plate-forme intergouvernementale de la biodiversité et des écosystèmes ( IPBES), répondant à une urgence criante : les experts estiment que le taux d'extinction des espèces est de 100 à 1000 fois plus important que celui qui se produit ordinairement dans la nature. On ne peut qu'espérer que cette prise de conscience officielle se traduise par des actions fortes. Cependant, l'absence d'adoption de véritables dispositions coercitives à l'issue de la conférence sur le climat de Cancun susceptibles d'induire une inflexion notable visant à réduire le réchauffement climatique, et ce malgré le désolant précédent de la conférence de Copenhague de l'hiver précédent, laisse sceptique quant à la perspective de mesures concrètes prochaines de protection des espèces.

La diversité biologique n'est en effet guère prise en compte, à de rares exceptions près - un projet d'autoroute a été suspendu dans le sud de la France pour protéger une espèce de Coléoptère menacée - par les décideurs, qui n'envisagent pas le maintien des différentes formes de vie comme une priorité, l'anthropocentrisme et le court terme étant la règle. C'est ce constat qui a conduit l'économiste Nicolas STERN à conclure que les responsables ne pourraient intégrer dans leurs paramètres la complexité des écosystèmes que si l'on chiffrait financièrement les services que ceux-ci rendent gratuitement à l'homme, notamment par la régulation du climat et de l'atmosphère réalisée au travers des océans et des forêts, par le recyclage des matières organiques sans émission de pollution - alors qu'on suspecte de plus en plus les incinérateurs d'être cancérigènes, ou encore par la pollinisation des plantes au travers des Insectes - si ces derniers venaient à disparaître, il n'y aurait plus guère que quelques espèces comme les Pissenlits, lesquels utilisent le truchement du vent pour disperser leurs graines, qui ne risqueraient pas l'extinction. L'évaluation a ainsi, à l'issue de l'expertise, mis en évidence la somme considérable que les sociétés humaines devraient investir pour avoir la moindre chance de compenser les effets délétères d'un développement non maîtrisé.

Une certaine vulgate laisse entendre qu'un discours écologique lassant aurait fini par s'imposer unanimement. Si les préoccupations environnementales ont effectivement davantage de visibilité dans les médias, ce serait beaucoup s'illusionner d'en déduire que celles-ci sont désormais prioritaires. On ne peut d'ailleurs que s'inquiéter de voir aux États-Unis revenir en force dans le camp républicain la tendance dont le ticket de la dernière élection était l'expression, plutôt que des personnalités du parti plus responsables en matière d'environnement, tels qu'Arnold SCHWARZENEGGER et Newt GINGRICH. La prise de conscience des risques induits par un développement non maîtrisé en Chine, promise à devenir la nouvelle puissance mondiale, est également assez lente. Le premier ministre de Russie, Vladimir POUTINE, initie à présent la protection du Tigre; cependant, cet investissement au travers d'une espèce emblématique ne semble pas pour l'instant annoncer pour autant un réel changement d'orientation de la politique, au moment où de nouveaux opposants à la construction d'une autoroute menaçant une forêt ont été passés à tabac et mutilés à la suite de BEKETOV ( évoqué précédemment dans l'article "Nos précieux cousins des profondeurs" ). En France, la proclamation du pouvoir sur la "conversion écologique" à l'issue de l'élection n'a pas réellement débouché sur des arbitrages nécessairement favorables aux objectifs annoncés alors que les résistances institutionnelles sont toujours aussi affirmées ( lors des débats parlementaires sur les organismes génétiquement modifiés, leurs partisans sont ainsi pratiquement les seuls à être reçus par les instances parlementaires dans le cadre des auditions devant fonder les projets de loi, de sorte que les arguments de ceux qui réclament une certaine prudence en la matière sont d'emblée passés sous silence ).
Depuis que, grâce à leurs armes, les premiers hommes ont pu chasser les gros animaux qui n'avaient que peu de prédateurs, et qu'ils ont ainsi pu contribuer, en dépit de leur faible importance numérique, à leur extinction, l'emprise de l'espèce humaine, au fur et à mesure qu'elle transformait les milieux naturels, n'a cessé de s'accroître. A présent, les menaces pesant sur les espèces sauvages sont multiformes, et le taux d'extinction ne cesse ainsi d'augmenter. Les perspectives de réchauffement climatique sont effectivement loin de constituer le seul facteur de perturbation de l'environnement. Dans tous les domaines, des intérêts obèrent une gestion pleinement responsable des ressources.

Nombre de petits Marsupiaux ont disparu dans les derniers siècles, comme ce Wallaby-lièvre dont il ne reste plus que des exemplaires naturalisés.

Le développement technique fait peser ses contraintes sur tous les plans. Le maillage des territoires des pays occidentaux par des autoroutes et des surfaces bitumées coupent les aires naturelles dont les animaux ont besoin de disposer pour trouver leur partenaire; l'imperméabilisation du sol stérilise le substrat et empêche l'absorption des eaux excédentaires, facilitant les inondations. En Australie, l'utilisation non raisonnée de l'irrigation a drainé l'eau de régions exposées à la sécheresse, précipitant la désertification, et finissant finalement par y mener l'agriculture à sa propre perte. Un ver de terre géant spécifique au Lac Pedder en Tasmanie a disparu après l'installation d'une centrale hydroélectrique. En Chine, le gouvernement qui s'efforce de protéger le Grand Panda, symbole du pays, a en revanche laissé s'éteindre une espèce de Dauphin d'eau douce, victime de la pollution des fleuves et des barrages restreignant le nombre de ses proies.

L'envolée démographique des pays en voie de développement conduit quant à elle à un empiétement toujours plus grand sur les réserves naturelles; les projections les plus pessimistes estiment que, tandis que l'Europe peine à renouveler ses générations, l'Afrique pourrait compter près de 9 milliards d'habitants en 2100. En Asie et en Amérique du sud notamment, des zones forestières ne cessent d'être défrichées pour être converties en champs, entraînant des conflits entre les cultivateurs et les animaux dont l'espace vital se réduit. En Afrique, les villageois n'hésitent plus à chasser ouvertement les animaux officiellement protégés qui y vivent, renforçant la prédation imputable aux braconniers chasseurs d'ivoire et de cornes de Rhinocéros. De surcroît, en Amazonie et en Afrique, la viande de brousse ( les animaux sauvages d'espèces souvent menacées, Singes de toutes espèces, Pangolins, Tatous, Fourmiliers, Tapirs, etc... ) fait l'objet d'un véritable engouement qui n'est pas limité aux populations locales, certaines personnes se faisant même clandestinement acheminer par leur famille jusqu'en Occident les cadavres de ces créatures destinées à servir de mets. Et le processus n'en est encore qu'à ses prémisses; nombre de pays comme la Chine et l'Inde achètent d'énormes territoires dans des endroits encore sauvages comme à Madagascar pour y délocaliser la production agricole.
L'effet de destruction imputable à une démographie incontrôlée est encore amplifiée par les déprédations dues aux conflits, comme la guerre au Rwanda qui a failli réduire à néant l'investissement de Dian FOSSEY en faveur de la protection des Gorilles de montagne, ou les affrontements au Nigeria et en Côte d'Ivoire qui précarisent encore davantage l'Hippopotame nain, dernière espèce d'Hippopotame de petite taille encore vivante appartenant à un genre distinct de son parent l'Hippopotame amphibie, de nombreuses autres formes d'Hippopotames de taille réduite ayant disparu dans les temps récents en raison très probablement de l'action de l'homme - rien que dans les sous-bois de l'île de Madagascar, il y'a eu pas moins de trois espèces de petits Hippopotames dans les derniers siècles jusqu'à l'installation des Malgaches.
L'hippopotame nain, discret hôte des forêts d'Afrique de l'Ouest.
Les grandes compagnies ont également leur part dans la déforestation, particulièrement en Asie du sud-est, accaparant le bois précieux ou défrichant pour installer des plantations d'huile de palme ou des carburants verts, éradiquant ainsi l'écosystème naturel; des militants écologistes y ont été assassinés, pour avoir tenté d'alerter l'opinion des déprédations perpétrées. De plus en plus, une sylviculture anthropique ( arbres originaux remplacés par des essences d'espèces exploitées par l'homme ) appauvrissent le milieu. En Alaska, le lobby pétrolier demande à pouvoir effectuer des exploitations dans des réserves naturelles; les évaluations des associations écologiques estiment que les perturbations induites par l'activité auraient un impact plus important que celui allégué par les requérants et seule la catastrophe survenue dans le Golfe du Mexique a conduit le président américain à reconsidérer provisoirement les risques des exploitations d'hydrocarbures - après un rejet initial au temps du gouvernement BUSH grâce à la fronde de quelques élus républicains courageux ayant voté à l'opposé de leur camp. L'Afrique du sud a durant des décennies exercé un rôle de pionnier auprès des institutions zoologiques par sa politique de gestion de la grande faune; le gouvernement actuel ne témoigne apparemment pas du même intérêt en la matière, nombre de protecteurs de la nature dont les efforts ont permis de maintenir en bonne condition les populations de Rhinocéros blancs sont tour à tour expulsés pour laisser la place au projet d'un complexe d'usines et d'une centrale électrique sur une zone étendue de bush, suite à la découverte de la richesse pétrolière du sous-sol. L'exploitation des ressources minières occasionne également bien des pollutions, comme les mines de cobalt d'Amérique du sud ou l'extraction du lithium utilisé notamment pour le téléphone portable. Les orpailleurs clandestins en Guyane française empoisonnent le milieu aquatique, excédant les capacités des forces de l'ordre à y mettre un terme.
Les animaux sont aussi toujours recherchés pour leurs attributs; les Félins sont menacés en raison de leur fourrure, l'ivoire végétal constituant un matériau très proche de celui des défenses d'Eléphants n'a pas mis fin à la tuerie des pachydermes pour ce motif, les cornes de Rhinocéros servent à constituer des manches d'armes blanches très recherchées dans les pays arabes où la superstition leur prête le même pouvoir de virilité que leur utilisation sous forme de poudre par les Asiatiques et notamment par les Chinois, également très demandeurs de griffes de Tigre, ou bien d'autres produits animaux auxquels leurs croyances attribuent également à tort une fonction aphrodisiaque, tandis que d'autres encore comme la bile d'Ours ( prélevée de manière particulièrement cruelle ) et certains Reptiles sont censés avoir des effets bénéfiques pour la santé selon la médecine chinoise traditionnelle. Des mains de Gorille ou des pieds d'Eléphant servent aussi de cendrier ou deviennent d'autres objets utilitaires d'un goût contestable.
Voici un pied de tabouret qui porte bien son nom! On ne sait pas si la trompe a servi à confectionner un tuyau de douche...
L'océan n'est plus depuis longtemps hors d'atteinte de l'homme et son emprise sur ce milieu a été croissante. Il est pour le moins surprenant, pour dire le moins, d'entendre encore certains responsables proclamer en 2010 que la mer peut tout absorber, alors que l'équipe du commandant Jacques-Yves COUSTEAU ( qui s'indignait qu'on "prenne la mer pour une poubelle" ) avait mis en évidence il y' a déjà des années la désertification de certaines zones de la mer Méditerranée, engorgées par les produits toxiques rejetés par les fleuves; on sait depuis que l'embouchure du Saint-Laurent ou les côtes de la Mer baltique ne se portent pas tellement mieux..Une étude récente a révélé que la taille des poissons d'eau douce n'avait cessé de décroître au XIX ème siècle pour cause de prélèvements excessifs, de sorte que la mer est apparue comme une alternative pour l'approvisionnement. A l'heure actuelle, les espèces marines les plus consommées sont en péril, et même celles des profondeurs, qui devaient s'y substituer, commencent elles-mêmes à montrer des signes d'épuisement des populations, de sorte qu'une estimation prévoit la disparition totale des Poissons d'ici trente ans - voir la prédiction de Jules VERNE évoquée dans l'article "La revanche des plus humbles" d'août 2010. De surcroît, l'espèce humaine s'ingénie à dégrader ce milieu dont elle attend tant pour sa subsistance. Les filets dérivants raclant le sol marin arasent tout sur leur passage, détruisant les animaux qui y vivent ainsi que les pontes, et étranglent aussi les espèces nageuses. Une quantité considérable de déchets, notamment drainés par les fleuves, s'y déversent, une accumulation de déchets plastiques apportés par les courants constitue même à présent dans l'Atlantique un véritable continent artificiel, triste réalisation célébrant la modernité. Les particules plus petites s'insinuent dans les organismes et les micropolluants, aux effets toxiques voire mutagènes, se concentrent au fil de la chaîne alimentaire, se retrouvant ensuite avec une forte teneur dans les espèces consommées par l'homme. Nitrates et phosphates, et plus généralement une surabondance de matières organiques, provoquent l'eutrophisation, une prolifération exagérée d'algues qui intoxique l'environnement, entraînant l'extinction de la faune. Les hormones anti-contraceptives se retrouvent aussi dans l'eau, perturbant l'équilibre physiologique de certains animaux, notamment des Poissons qui se féminisent, compromettant leur reproduction. Quant au processus de réchauffement climatique, la modélisation laisse craindre une acidification des mers qui pourrait être fatale à de nombreuses formes de vie; au cours de son histoire, notre planète a connu bien des climats différents ayant eu des influences majeures sur celles-ci, mais l'addition des atteintes porte à croire que la diversité aura davantage de difficultés à surmonter la crise présente.
Le défunt sculpteur CÉSAR n'est pour rien dans cette accumulation formant presque une nouvelle terre qu'aucun conquérant n'a pour l'instant revendiquée...
La contamination des espèces pêchées par l'homme illustre la manière avec laquelle la courte vue finit par être également préjudiciable à notre propre espèce. La pollution génère allergies, asthmes et cancers. La disparition de prédateurs ainsi que l'appauvrissement de la faune au profit d'espèces plus courantes qui sont souvent des "réservoirs" naturels hébergeant des organismes pathogènes pour l'homme, augmente le risque de transmission de maladies. Les organismes génétiquement modifiés, généralement conçus par l'intégration dans l'ADN de virus utilisés pour transférer les gènes, peuvent faire redouter des mutations inattendues, tant les interactions sont par nature complexes, et la résistance qui finit par apparaître chez les parasites combattus par les végétaux modifiés renforce finalement la population d'espèces nuisibles devenus invincibles, comme si toute interférence dans les écosystèmes s'avérait néfaste ( qu'on se souvienne de l'introduction désastreuse des Lapins en Australie, puis de l'horrible myxomatose incontrôlée répandue ensuite pour limiter leur propagation ). On peut encore rappeler que la variété presque infinie de combinaisons chimiques et de caractéristiques cellulaires rencontrée chez les espèces vivantes, dont on ne cesse de réduire dramatiquement le nombre, laisse pourtant augurer des voies prometteuses à la recherche, revêtant notamment dans le domaine médical une importance cruciale; en matière de lutte contre le cancer, notamment, on renverra le lecteur à l'article "Nos précieux cousins des profondeurs" de novembre 2008.
Et pourtant, l'homme est bien loin de ménager la nature alors que son propre intérêt le commanderait. Il n'est pas jusqu'aux scientifiques qui rechignent à donner l'exemple, collectant souvent systématiquement tout organisme découvert lors d'une étude au lieu de se limiter à un ou deux individus par espèce. Des entomologistes sont ainsi parvenus en 1968 à décimer toute une population d'Insectes aptères à Rovinj en Croatie, pour avoir sans ménagement remué toute la zone. Plus récemment, deux espèces de plantes africaines contemporaines des Dinosaures sont considérées comme pratiquement éteintes, suite à un prélèvement intensif.
Sa petite taille n'a pas mis l'Embie, Insecte dont les ailes ont régressé secondairement qui vit sous terre dans des galeries de soie, à l'abri de toutes les convoitises...
Les Cycades ont survécu aux Dinosaures durant 65 millions d'années, mais pourraient ne pas réchapper de la frénésie de certains amateurs de botanique.
Par le passé, bien des populations, dont le mode de vie était plus proche de la nature, ont chassé des espèces jusqu'à l'anéantissement total, en particulier dans les îles, avec l'arrivée des Malgaches, Maoris, Arborigènes, Canaques et autres Mélanésiens, puis finalement des Européens. Des mesures de protection ont été adoptées dans les derniers siècles, mais le statut d'espèce protégée est arrivé trop tardivement pour empêcher l'extinction de l'Aurochs, des dernières Rythines de Steller ( lointain parent du Lamantin adapté au climat polaire ) et du Loup marsupial ( évoqué brièvement dans l'article "L'étrange fin des Marsupiaux?" ). Ce dernier avait notamment pâti de la mauvaise réputation excessive que les éleveurs de moutons australiens leur avait faite, stigmatisation qu'on retrouve de nos jours en France à l'encontre des Loups et des Ours, auxquels on impute d'emblée tout trépas survenu dans le cheptel, entraînant une vindicte frénétique à leur encontre - alors même qu'existent des dispositions pour indemniser le propriétaire lésé. Du Loup marsupial au Renard, sans oublier le Hanneton, qui a pratiquement disparu, différents animaux ont eu l'infortune d'être proposés à la détestation générale, leur destruction étant encouragée par l'octroi de primes. La bêtise consternante des hommes est de constamment surévaluer la capacité de reconstitution des populations : les ornithologues connaissent bien la triste répétition de cette erreur qui a vu l'extermination du Dodo de l'Ile Maurice, du Grand Pingouin de l'Arctique ( seul de son groupe a avoir perdu la capacité de voler, à l'instar des Manchots de l'hémisphère austral ), ou encore plus près de nous du Pigeon migrateur, animaux qu'on disait surabondants jusqu'à ce que le dernier individu soit tué. L'amnésie fait aussi partie des caractéristiques de notre espèce : très présent dans la littérature maritime à l'époque, le Grand Pingouin, à la différence du Dodo mis en scène par le récit de Lewis CAROLL dans ALICE AU PAYS DES MERVEILLES, a totalement disparu de notre culture contemporaine. Les hommes de l'avenir sauront-ils que le Rhinocéros et l'Eléphant ont existé dans les temps historiques ?
Hannetons annonciateurs de la Pentecôte présentés sous un jour sympathique sur cette carte postale de 1905.
Les enfants des écoles étaient recrutés pour anéantir les Hannetons, recevant dix centimes par kilo, avant de les entasser et d'y mettre le feu.
Hanneton vu de face, avec ses antennes en éventail : un indésirable pourchassé jusqu'à sa quasi-disparition.

On peut considérer que, sans des mesures exceptionnelles, une espèce, pour avoir une chance raisonnable de survie, doit bénéficier d'un vaste territoire et être représentée par plusieurs milliers d' individus au minimum, 10 000 dans l'idéal. Lorsque son territoire est morcelé et que ce nombre est inférieur, elle n'est pas assurée de pouvoir surmonter les aléas divers, comme des épidémies ( la maladie de Carré a ainsi décimé près de 90% de la population de lions d'une réserve africaine ). Le braconnage, quant à lui, élimine de préférence les mâles reproducteurs les plus vigoureux, d'ordinaire plus épargnés par les prédateurs. La sous-espèce du Nord de Rhinocéros blanc est ainsi considérée comme pratiquement éteinte, faute que les autorités des pays africains concernés aient pu avoir les moyens suffisants d'endiguer la chasse illicite.
A ce terrible constat des agissements d'une espèce qui a tôt fait d'en désigner nombre d'autres sous le terme de nuisibles, mais qui est incontestablement celle qui aura le plus malmené l'environnement, il convient cependant d'ajouter quelques contre-exemples démontrant la possibilité d'une alternative. En Islande, la population locale qui utilise le duvet de l'Eider remplace le prélèvement effectué dans le nid par un substitut, de manière à ce que la couvaison de ce genre indigène de Canard n'en souffre pas, démontrant que l'homme peut tirer profit d'une espèce sans nécessairement compromettre sa survie. Des chasseurs européens organisateurs de safaris, notamment en Inde, ont pris conscience au début du XXème siècle des menaces que la chasse aux trophées faisait peser sur nombre d'animaux, et sont devenus les promoteurs de réserves naturelles. Le célèbre BUFFALO BILL tient son surnom de la gloire qu'il se faisait des larges massacres de Bisons d'Amérique qu'il perpétrait; il a néanmoins fini par prendre quelque part à sa protection et la population de ces grands ongulés s'est partiellement reconstituée. Le Bison d'Europe est sans doute passé encore plus près de l'extinction, mais cette fois, à la différence du pauvre Aurochs, la Pologne a su préserver les derniers individus vivants en liberté, de sorte qu' il n'est à présent plus immédiatement menacé. Le Lynx pardelle ( grand chat sauvage vivant dans le sud de l'Europe ) a pu se maintenir grâce à un investissement soutenu pour garantir sa reproduction. Néanmoins, sa survie a long terme est incertaine, car le réchauffement climatique devrait selon toute vraisemblance désertifier la réserve naturelle vouée à sa protection. De la même manière, en Afrique, les variations climatiques potentielles dues au réchauffement global pourraient déplacer les zones fertiles, compromettant la perpétuation de la riche faune encore préservée dans les réserves naturelles, l'extension des zones occupées par l'homme ne laissant plus guère de solution de repli.
Si les raisons d'être pessimiste l'emportent largement sur de trop rares bonnes nouvelles, il n'est pas interdit de participer au niveau le plus modeste à une meilleure prise en compte des formes de vie avec lesquelles nous avons reçu la planète en héritage. Le contribuable peut évidemment apporter une participation financière sous la forme de dons déductibles des impôts aux organisations qui tentent de préserver la faune, ce qui ne dispense pas d'un investissement plus personnel. La généralisation de petits gestes quotidiens peut aussi amoindrir l'œuvre de destruction de la nature en cours. Rouler plus lentement, notamment l'été, peut permettre de limiter l'hécatombe routière des Hérissons, dont la stratégie de défense les conduit à se rouler en boule plutôt qu'à prendre la fuite, ce qui leur est fatal. Proscrire les pesticides dans le jardin, alors que la plupart du temps, les mécanismes de défense des plantes et l'action des prédateurs limitent les proliférations indésirables à un niveau tolérable, permet de maintenir une population d'Insectes diversifiée et évite de contaminer les animaux qui s'en nourrissent, tels qu'Hérisons, Musaraignes, Chauve-souris et Oiseaux. Ne pas abandonner de sacs plastiques, particulièrement à proximité de plages, ne répond pas qu'à un civisme soucieux d'esthétique, ceux-ci étouffant nombre d'animaux marins comme les Tortues de mer qui les prennent pour les Méduses dont ils se nourrissent. Concernant ceux d'entre nous estimant indispensable d'avoir un téléphone ou un ordinateur portable, on ne saurait trop leur conseiller de ne pas en acheter un nouveau tous les six mois dès que le dernier modèle à la mode est mis sur le marché comme la publicité intensive y incite, pour le motif évoqué plus haut. Et évidemment, il convient pour ceux qui collectent des plantes ou collectionnent des spécimens d'Insectes ou d'autres animaux, de ne prélever que des espèces non protégées, en préférant toujours comme représentant du groupe recherché celles qui sont les plus courantes à celles qui sont plus rares, ceux qui s'intéressent à la nature se devant de donner l'exemple.
Cette pauvre Tortue a poursuivi sa croissance en dépit de l'anneau qui l'enserre incoerciblement; beaucoup de souffrance provoquée par une petite négligence.
( NOTA : cet article qui devait paraître au début de l'année a été différé pour évoquer les disparitions de personnalités de janvier 2011 )
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Quelques sites ont célébré l'année de la diversité biologique :
Le muséum national d'histoire naturelle de Londres a mis en valeur une espèce chaque jour:
Un blog américain a proposé durant un an de faire découvrir un parasite différent chaque jour :
( on s'était d'ailleurs permis de proposer quelques photos rares, mais faute, probablement, de la caution d'une institution prestigieuse, ces propositions n'ont pas eu l'honneur d'être retenues )
Auparavant, un internaute avait proposé une galerie des espèces découvertes ces dernières années : http://www.flickr.com/photos/26042632@N03