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mardi 17 mai 2022

LE PLUS DOUE DE LA FAMILLE ADAMS


    Aux États-Unis, les bandes dessinées mettant en scène des super-héros, ces personnages dotés de pouvoirs extraordinaires comme les Dieux de l’Olympe de la mythologie gréco-romaine, connaissent un grand succès, notamment depuis les années 1950, et dans la période récente, elles constituent une des sources principales d’inspiration d’Hollywood. Nombre de dessinateurs se sont fait une réputation bien établie dans le domaine et sont adulés par les amateurs, comme Jack Kirby et John Buscema, puis Mike Ploog, Kerry Gammill ou encore Neal Adams, qui vient de disparaître à New-York l’âge de 80 ans le 28 avril 2022 des suites d’une infection. L’artiste a aussi dessiné un certain nombre de couvertures d’albums de bandes dessinées ainsi que des posters de films.

        Le dessinateur avait notamment donné vie dans les années 1960 aux aventures des personnages de Green Lantern et de Batman dans les séries éponymes, puis à celles des X-Men, en leur appliquant un graphisme dynamique évocateur du montage cinématographique. Il avait aussi contribué à conférer un style plus sombre aux aventures du justicier masqué n’intervenant dorénavant plus que la nuit dans sa croisade contre le crime, approche qui inspirera les adaptations cinématographiques. Très impliqué dans son domaine professionnel, il s’attachait à ce que les artistes soient reconnus et il obtint qu’à la suite de l’achat des droits à DC Comics par les producteurs de la Paramount pour l’adaptation sur grand écran des aventures de Superman, l’éditeur crédite et rémunère les concepteurs eux-mêmes. Il avait fondé avec Stan Lee, célèbre créateur de super-héros à l’origine de l’autre grande maison éditant des albums consacrés aux super-héros, la société Marvel, un syndicat de défense des scénaristes et dessinateurs et avait pris vigoureusement position contre le modèle de contrat que cette société, au temps où elle était dirigée par l’éditeur en chef Jim Shooter, voulait imposer aux artistes indépendants qu’elle engageait, en leur déniant d’emblée toute prétention à exciper de la propriété de leurs travaux. Son fils estime que le dessinateur faisait preuve d'une affection paternelle pour tous ceux qu'il rencontrait.

        Au sein de son abondante production, Neal Adams a eu rarement l’occasion de concevoir des créatures comme celles qui représentent le centre d’intérêt de ce site, à part quelques bandes dessinées consacrées à des êtres monstrueux comme les loups-garous. Il avait cependant à l'occasion de quelques bandes dessinées consacrées à Conan confronté le personnage de Barbare imaginé par l’écrivain Robert Howard à quelques monstres monumentaux, une gigantesque limace habitant une grotte dans le numéro 37 et une sorte de pieuvre monstrueuse d'allure lovecraftienne pour la couverture du numéro 45.

La limace titanesque que découvre Conan le Barbare dans The Curse of the Golden Skull dans l'album "Conan numéro 37", une aventure dessinée par Neal Adams.

Tandis que l'aventure de The Demon of Dark Valley était du ressort de Sal Buscema dans le numéro 45 de Conan, la couverture en fut dévolue à Neal Adams.  

Un monstre effrayant dessiné par Neal Adams.
                                  
Un Ptérodactyle emporte le héros dans cette adaptation de Tarzan at the Earth's Core d'après Edgar Rice Burroughs.

L'Homme-Chose (Man-Thing) de Marvel, un homologue de La Créature du Marais (The Swamp Thing) de Len Wein et Bernie Wrightson (voir hommage à celui-ci) chez DC Comics, ici recréé en 1998. Le dessinateur indépendant a collaboré aussi bien avec DC Comics et Marvel, les deux grands éditeurs concurrents.

Monstres démoniaques figurant sur la couverture de l'album Monsters de Neal Adams.

       De manière occasionnelle, Neal Adams a collaboré à quelques projets cinématographiques, particulièrement deux films réalisés en 1986 par Stuart Gordon (voir l’hommage posthume en ces pages), Les poupées (The Dolls), un inquiétant conte sur un couple changeant ses invités en poupées meurtrières, et Aux portes de l’au-delà (From Beyond), adaptation d’une nouvelle d’Howard Phillips Lovecraft traitant de l’invention d’un dispositif permettant d’ouvrir un passage dans une autre dimension, dont s’échappent de monstrueuses et redoutables créatures.


Esquisses de Neal Adams pour le film Aux portes de l'au-delà (From Beyond), en haut, la matérialisation de créatures ondulant autour du "résonator", et l'apparition de celles-ci dans le film, en dessous.


Illustration représentant le savant Pretorius littéralement changé en "pervers polymorphe" pour reprendre l'expression de la psychanalyse freudienne.




Nouvelle incarnation du savant Pretorius ayant fusionné avec un être protéiforme, se métamorphosant en un être d'épouvante. 





Un plan non tourné d’Aux portes de l’au-delà (From Beyond) dessiné par Neal Adams devait montrer brièvement le personnage de Crawford Tillinghast joué par Jeffrey Combs à l’intérieur du gosier de la créature surgissant dans la cave, inspirée de la lamproie en dépit du renfort du policier joué par Bubba Smith, avant qu’elle ne le recrache. Dans le film, on le voit être englouti par la créature dont il ressort à peu près indemne, à l’exception de sa chevelure, réapparaissant totalement glabre.

    Neal Adams avait livré en 1980 un travail conceptuel pour l'adaptation d’un roman de l’auteur de science-fiction Arthur C. Clarke envisagée par le Studio Universal, Les enfants d’Icare (Childhood’s End). L'écrivain n’avait pas cherché à dépeindre des êtres extraterrestres vraisemblables comme dans ses romans La Cité et les astres, Chants de la Terre lointaine2010 : Odyssée Deux ou dans ses nouvelles Avant l’Eden et Hors du Soleil, mais s’était inspiré de son attrait pour le surnaturel, en imaginant des visiteurs de l’Espace affirmant vouloir aider l’humanité, bien que leur l’apparence déstabilisante pour les Terriens était exactement celle de démons, semblant issus des représentations de l’enfer de Hieronymus Bosch et de Gustave Doré. Neal Adams parvint à convaincre les producteurs que son procédé de fixation des ailes pour les créatures était réalisable, et l'essai le confirma. Cependant, l'ampleur du projet que laissaient augurer ses illustrations, avec ses vaisseaux spatiaux et ses vastes décors incluant aussi des dinosaures, finit par inciter le studio à renoncer. Le roman sera finalement transcrit par la Chaîne SyFy en 2015 sous forme de série télévisée, Childhood’s End : Les enfants d’Icare (Childhood’s End).

 Les extraterrestres d'allure diabolique inventés par Arthur C. Clarke, représentés en 1980 par Neal Adams pour le projet d'adaptation cinématographique par Universal. 


Scènes de Childhood's end figurées par Neal Adams, incluant des dinosaures.

Les extraterrestres cornus à l'apparence démoniaque voient finalement le jour à l'occasion d'une série télévisée produite en 2015 par la chaîne Sy-Fy (ex Sc-FI Channel).

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site officiel : http://nealadams.com/

biographie complète pour les anglophones : 

http://illustrationartgallery.blogspot.com/2012/10/neal-adams.html

http://www.tcj.com/neal-adams-1941-2022/

échantillons de ses contributions à la bande dessinée :

http://bibliosity.blogspot.com/2010/05/incredible-graphic-arts-of-neal-adams.html

Le film Aux portes de l'au-delà a déjà été évoqué à l'occasion de la disparition du réalisateur Stuart Gordon et de son spécialiste attitré des effects spéciaux et un des principaux responsables de ceux de cette adaptation d'une nouvelle de Lovecraft, John Carl Buechler.

Stuart Gordon : https://creatures-imagination.blogspot.com/2020/08/cetait-un-des-maitres-de-lempire.html

John Carl Buechler : https://creatures-imagination.blogspot.com/2019/05/un-serviteur-de-lempire-aux.html

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Disparition de l'acteur Fred Ward :

Décédé le 8 mai 2022 à l’âge de 79 ans, l’acteur américain Fred Ward était notamment connu des cinéphiles pour sa participation à un célèbre film de monstres de la fin des années 1980, Tremors. Après avoir servi durant trois années dans l’armée de l’air américaine, il avait suivi des cours de comédie. Il avait aussi pratiqué la boxe, se faisant casser trois fois le nez, contribuant à lui façonner son physique râblé.

Fred Ward (à gauche) et Kevin Bacon, vedettes du film TREMORS.

Il fit ses débuts à l’écran au début des années 1979, à la télévision dans la série L’ère des Médicis en 1973 puis sur le grand écran l’année suivante. Il incarne au côté de Clint Eastwood dans L’évadé d’Alcatraz (Escape from Alcatraz) de Don Siegel en 1979 un des trois fugitifs de la célèbre évasion réussie le 11 juin 1962 depuis ce lieu dont les limites étaient censées être infranchissables, à la consternation du directeur de la prison interprété par Patrick McGoohan, qui s’est fait ironiquement connaître pour le rôle-titre de sa série Le Prisonnier (The Prisoner) dans lequel il ne cessait de tenter de s’évader – autre touche piquante, le réalisateur concrétise une séquence véritable au cours de laquelle les évadés trompent la vigilance des gardiens en façonnant des mannequins à leur effigie, rappelant les duplicatas d’origine extraterrestre en cours d’achèvement destinés à se substituer à de véritables êtres humains dans ce classique de la science-fiction que Siegel avait mis en scène en 1956 dans L’Invasion des profanateurs de sépultures (Invasion of the Body Snatchers) qu’avait confectionnés le studio de Don Post.

Fred Ward apparaîtra dans l’évocation d’autres restitutions de l’histoire américaine récente, la Guerre du Vietnam dans Retour vers l’enfer (Uncommon valor) en 1983, réalisé par Ted Kotcheff qui avait déjà abordé le thème de ce conflit avec Rambo (First Blood) et la même année la restitution des débuts du vol supersonique dans L’Étoffe des héros (The Right Stuff) dans lequel il joue l'astronaute Gus Grissom sous la direction de Philip Kaufman – lequel pour l’anecdote a réalisé le premier remake de L’Invasion des profanateurs de sépultures de Siegel cité ci-dessus. En 2009, il incarne le Président Ronald Reagan dans une recréation d'un affaire célèbre d'espionnage de la guerre froide, Farewell, mise en scène par Christian Carion.

Tremors de Ron Underwood renouvelle en 1989 l’approche des films de monstres, avec contant les infortunes d’un petit groupe assiégés par des vers géants d’une espèce inconnue, qui trouve refuge momentanément sur les toits d’habitations – film qui a aussi permis aux créateurs d’effets spéciaux Tom Woodruff et Alec Gillis, fondateurs du Studio ADI, de retrouver du travail après l’échec de leur projet de film. Fred Ward dans le rôle d’Earl Bassett et Kevin Bacon et dans celui de Valentine McKee sont les deux hommes à tout faire qui affrontent les premiers les redoutables créatures inconnues, avec bientôt le renfort d’un maniaque des armes, Burt Gummer joué par Michael Gross. Ce dernier revient en 1996 dans la première suite, Tremors II : les dents de la terre (Tremors : Aftershocks), suppléer au partenaire manquant, Bassett travaillant dorénavant seul, les deux hommes aguerris étant cette fois confrontés aux rejetons bipèdes des créatures, avant que dans les volets ultérieurs, Michael Gross finisse par tenir seul la vedette, devenant la nouvelle incarnation de la franchise.

Le réalisateur de TREMORS, Ron Underwood, entre ses deux vedettes, Kevin Bacon et Fred Ward.

Fred Ward contemple le bec fendu dont dépasse un des tentacules buccaux d'un "Graboïde" mort.

Fred Ward (au fond) et Michael Gross (avec l'arme) aux côtés d'Helen Shaver dans Tremors 2 : les dents de la terre.

Un poulet ? Un oiseau ? Non, la forme juvénile des vers géants.

En 1991, Fred Ward se voit investi de la responsabilité d’incarner une version très libre du fameux écrivain américain Howard Phillips Lovecraft, en dépit d’une ressemblance physique approximative (Jeffrey Combs est plus vraisemblable dans le rôle de l’auteur intervenant entre les sketchs de Necronomicon produits par Brian Yuzna en 1993), dans Détective Philippe Lovecraft (Cast a Deadly Spell), comédie fantastique dans laquelle le personnage renommé exerce curieusement la profession de détective et se heurte à des êtres surnaturels, notamment à un monstre lovecraftien convoqué par un arriviste prêt à lui sacrifier sa propre fille vierge à la manière de la Reine maléfique de Conan le destructeur (Conan the destructor) avec sa nièce, et qui est incarné par David Warner également à l’affiche de Necronomicon. Fred Ward était aussi apparu dans une courte série télévisée de science-fiction de la BBC, Invasion : Earth, en 1998, et dans un autre domaine fit partie de la distribution de la comédie Y a-t-il un flic pour sauver Hollywood ? (Naked Gun 31 1/3 : the final insult) de Peter Segall en 1994. 

Fred Ward dans le rôle éponyme d'un Lovecraft détective sur l'épaule duquel s'épanche une gargouille.

L'enquêteur Lovecraft s'apprête à interroger en prison un suspect patibulaire qu'on pourrait même qualifier de bestial.

Un aperçu du Grand Ancien.

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Si vous avez déjà entendu parler du film JUNK HEAD, film de Takahide Hori, sorti en salle le 18 mai 2022, c'était peut-être sur ce site. En effet, "Créatures et imagination, les êtres réels et les êtres imaginaires" avait évoqué ce projet de film apocalyptique animé image par image selon la technique popularisée par le créateur de King Kong Willis O'Brien et par son brillant successeur Ray Harryhausen (voir le long hommage sur ces pages à ce dernier en juillet 2013). L'oeuvre a pu être achevée grâce aux contributions des internautes ayant permis de concrétiser cet univers sombre comparable à celui de Phil Tippett, MAD GOD, réalisé avec la même technique et concrétisé au travers du même procédé de financement.


Les deux entreprises avaient été évoquées dans le même article, en novembre 2014, en même temps que d'autres intiatives, en cours ou pour beaucoup ayant déjà abouti, à l'exception du projet NEBULA en raison du décès de son initiateur : 

http://creatures-imagination.blogspot.com/2014/11/le-futur-de-lanimation-hors-dhollywood.html

Le lecteur peut visionner ci-dessous la bande-annonce du film :

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Un jour, j'avais été obsédé par tous les thèmes de Total Recall, le lendemain, j'appris que Jerry Goldsmith avait disparu la veille. Et le 18 mars en début d'après-midi, j'avais un thème flûté de 1492 qui me trottait dans la tête, je m'étais dit au vu de ce précédent que, si ça tombe, Vangelis était décédé et effectivement, il était mort le jour précédent à l'âge de 79 ans, bien que certains aient initialement dénoncé une rumeur - je pensais d'ailleurs aussi à lui ces tous derniers jours. Je n'affirmerais pas que je crois au surnaturel mais je ne suis pas sans m'étonner de ces coïncidences, comme si j'avais un lien particulier avec les génies de la musique de film...

Ce compositeur singulier composait en ignorant le solfège. D'origine grecque, Vangelis Papathanasiou avait d'abord était compositeur pour le groupe Aphrodite's Child autour du chanteur Demis Roussos. Il avait composé des musiques pour les documentaires de Frédéric Rossif sur la vie animale, collaboration débutée par L'Apocalypse des animaux, de nombreux thèmes inspirés par l'espace et l'univers futuriste avec notamment ses albums Direct en 1988 et The City en 1990, et ainsi illustré la série vulgarisatrice de Carl Sagan sur l'Univers, Cosmos. Il avait été à plusieurs reprises associé au cinéma, dès 1970 pour Sex Power d'Henry Chapier et avait reçu en 1982 l'Oscar pour la meilleure musique de film pour Les Chariots de feu (Chariots of God). Il savait composer une atmosphère envoûtante comme pour Blade Runner pour lequel il élabora un vrai univers sonore, Antarctica, 1492 (1492 : Conquest of Paradise) ou encore Les Révoltés du Bounty (The Bounty), le second remake avec Anthony Hopkins.


Pas réellement de créatures dans Blade Runner, mais un univers étouffant à l'atmosphère mélancolique généré par Vangelis, dans lequel on s'interroge sur ce qui différencie les humains des êtres artificiels.

Le morceau de Blade Runner "Tears in rain" a été repris avec la même charge émotionnelle par Hans Zimmer dans l'épilogue de Blade Runner 2049 de Denis Villeneuve. Adieu, Cher Vangelis, merci pour ces souvenirs qui mêleront nos larmes à la pluie...

    

Dossier sur sa composition pour Blade Runner pour les anglophones : http://www.nemostudios.co.uk/bladerunner/


lundi 21 décembre 2020

RICHARD CORBEN, L'ART POPULAIRE PAR EXCELLENCE


Peu après Ron Cobb (voir hommage précédent), c’est un autre nom célèbre du monde des illustrateurs américains qui s’est éteint, le 2 décembre 2020 des suites d’une opération du cœur à l’âge de 80 ans. À l’instar du réalisateur Stuart Gordon disparu il y a quelques mois qui avait adapté Howard Phillips Lovecraft de manière exubérante en y mêlant l’érotisme et le grotesque, notamment dans Re-animator et Aux portes de l’au-delà (From Beyond) même si sa troisième incursion dans l’univers de l’écrivain, Dagon, demeurait durant une majeure partie du film dans une sobriété imprégnée d’une sourde angoisse (voir l’hommage au cinéaste au mois d'aôut : https://creatures-imagination.blogspot.com/2020/08/cetait-un-des-maitres-de-lempire.html), Richard Corben a notamment livré des œuvres célèbres inspirées d’un autre auteur renommé contemporain de Lovecraft, Robert E Howard, en y associant son propre penchant pour une nudité assez crue, avec ses femmes aux seins opulents similaires à des globes et ses héros masculins au crâne souvent chauve, au corps musculeux et totalement glabre tel celui des culturistes et ne dissimulant pas leurs attributs virils (même si l’auteur a toujours récusé tout lien avec la pornographie, contrairement à Gillon qui était parfois audacieux en la matière). Le dessinateur avait lui-même pratiqué cet entraînement physique destiné à accroître de manière spectaculaire la masse musculaire avant d’en abandonner la pratique par manque de temps.

Né le 1er janvier 1940 dans le Missouri, Richard Corben avait fait des études d’art, après s'être initié en autodidacte, réalisant un court-métrage inspiré des douze travaux d'Hercule en utilisant la caméra Super 8 de son père. Débutant sa carrière dans le domaine de l’animation, il avait été le responsable de l’animation du film Siegfried saves Metropolis récompensé dans le cadre d’un concours organisé en 1964 par le magazine Famous Monsters, réalisé par Madonna Marchant qu’il épousa l’année suivante et qui demeura sa femme durant toute sa vie.

Son univers à la sauvagerie inhérente servait à Richard Corben à évoquer aussi bien le monde barbare antique fictif imaginé par l’auteur du personnage de Conan le Cimmérien que celui décadent d’un futur post-apocalyptique comme celui de Den, au service duquel il livra aussi les adaptations en bande dessinées d’Un garçon et son chien (Vic and Bloodd’après la vision très sombre d’Harlan Ellison. Les bandes dessinées de Richard Corben sont aussi caractérisées par des couleurs vives, outrées, presque baveuses, résultat obtenu au travers de la superposition de plusieurs films, même s’il arriva comme pour son album Bloodstar que l’auteur délègue à d’autres la colorisation.

En dépit de l’allure quelque peu paillarde de ses dessins, loin des canons habituels de l’art consacré par le bon goût, Richard Corben recherchait fréquemment son inspiration dans des sources littéraires, adaptant des œuvres d’Edgar Allan Poe, d’Edgar Rice Burroughs, de William Hope Hodgson et d’Howard Phillips Lovecraft. Il avait fondé sa société Fantagor pour éditer ses oeuvres, mais ses revenus étant insuffisants, il avait aussi loué ses talents à de plus grandes compagnies telles que Marvel, D C Comics et Dark Horse, livrant quelques histoires de super-héros et ayant aussi à l'occasion repris le personnage maudit et ombrageux créé par Bernie Wrightson de la Créature du marais (voir hommage consacré à ce dernier en mars 2017 : https://creatures-imagination.blogspot.com/2017/03/il-avait-imagine-la-creature-du-marais.html ).

Le sombre héros et son complice canin d'Un garçon et son chien (Vic and Blood). 

Deux évocations lointaines des dinosaures sauropodes, en haut, une créature qui s'apparente à ce qu'aurait pu être un reptile mammalien à long cou, en dessous, les rangées de petits yeux de ces monstres rosâtres conférent à leur extrémité antérieure un petit aspect de Némertien (vers rubannés, évoqués sommairement dans l'article de septembre 2008 : http://creatures-imagination.blogspot.com/2008/09/le-tentacule-dabyss-existe-reellement.html).







Quelques créatures façonnées par Richard Corben pour illustrer des récits littéraires : en haut, plantes carnivores vigoureuses pour la couverture du monde de la mort (Deathworldd'Harry Harrison et de la flore martienne apparaissant dans les aventures de John Carter sur Mars inventées par Edgard Rice Burroughs, en dessous, créatures porcines inquiétantes de l'adapatation en bande dessinée de La maison au bord du monde (The House on the Borderland) de William Hope Hodgson, et en bas la créature que son apparence molle ne rend pas moins terrifiante de la bande dessinée Bloodstar inspirée de La vallée du ver (Valley of the Worm) de Robert E Howard.

    
Cette créature de taille plus modeste mais à l'apparence tout aussi remarquable apparaît dans la saga Den.

Autoportrait de l'artiste

Ces éléments, les personnages au physique stéréotypé, la nudité, la cruauté qui transparaissait régulièrement au sein de ces aventures baroques, les couleurs plutôt criardes des planches, faisaient par excellence de Richard Corben un représentant de l’art populaire. Il était devenu la figure emblématique du magazine de bandes dessinées Métal Hurlant et de sa version américaine Heavy Metal et il avait contribué au dessin animé réalisé en 1981 sous forme de long métrage composé de plusieurs séquences inspirées par l’univers des auteurs de la revue.


Ce personnage humanoïde sur la couverture d'un numéro de la version américaine de Métal hurlant ne semble pas particulièrement intimidé par le discours féministe omniprésent.

Après avoir apporté sa contribution au long métrage d’animation Métal Hurlant en 1981, Richard Corben s’aventura en 1989 à réaliser son propre film, Dark Planet, directement pour le marché de la vidéo. L’auteur ne se plaindra pas du peu de notoriété de l’œuvre, convenant qu’elle n’était pas très concluante. Force est de constater que cette tentative expérimentale est loin d’être réussie, suite assez décousue alignant des séquences fastidieuses sans réellement de signification. Quant à la créature de l’affiche, animée image par image, la texture et la couleur terne d’argile qui sont conférées à ses formes molles ne lui donne pas d’autre allure que celle d’une figurine en glaise s’agitant vainement, loin du titan effrayant et inébranlable qu’elle est censée représenter. 


La créature de Dark Planet pour le poster du film et son apparition à l'écran en dessous.


Poster réalisé par Richard Corben pour le film de série B Spookies.

Le surréalisme assez outrancier de Richard Corben dont le penchant pour les femmes charnues le rapproche de Frazetta, illustre avec le style hyperréaliste de Paul Gillon ou le trait d’allure un peu fantaisiste et onirique de Moebius la variété de l’esthétique de la bande dessinée, au sein du du Panthéon du neuvième art dans lequel il demeurera sûrement.


Richard Corben s'était vu attribuer de nombreuses récompenses pour sa carrière artistique.


Site officiel : http://www.corbencomicart.com/

Site dédié très complet : https://muuta.net/wp/sitemap/

Pour les lecteurs qui voudraient tenter l'expérience de visionner Dark Planet :

https://www.youtube.com/watch?v=KkfoeGfS63A


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Ce serviteur de l'Empire se fiait à son Etoile noire


Dave Prowse sous l'armure impériale de Dark Vador

Le 28 novembre 2020 a disparu à l'âge de 85 ans un autre ancien adepte du culturisme. Né le 1er juillet 1935, l’acteur Dave Prowse a connu une fin de vie difficile, des problèmes d'arthrose lui ayant laissé les bras paralysés, il était également affecté par la maladie d'Alzheimer et avait eu le cancer de la prostate. Il assurait la vice-présidence d'une association pour l'insertion des handicapés. Un de ses trois enfants, Rachel, a indiqué qu'il avait succombé à la terrible épidémie du coronavirus chinois qui déferle depuis un an sur le monde. Il était surtout connu pour avoir endossé la costume de Dark Vador (Darth Vader en version originale) dans la saga de La Guerre des étoiles (Star Wars) créée par George Lucas, même si sa voix était doublée en version originale par l’acteur James Earl Jones (Thulsa Doom dans Conan le barbare de John Milius), et qu’il n’avait pas prêté ses traits au personnage démasqué à la fin du Retour du Jedi (Return of the Jedi), lequel avait été interprété par Sebastian Shaw. La frustration d'être ainsi limité dans son expression l'avait amené à critiquer George Lucas, lequel en rétorsion l'avait finalement interdit de toute participation aux manifestations officielles de la franchise. Il avait choisi ce rôle iconique de préférence à celui de Chewbacca, le comparse velu d’Han Solo, pour lequel Lucas avait à défaut engagé un infirmier en raison de sa grande taille, Peter Mayhew, disparu un peu plus tôt. Il avait aussi incarné, en 1971, le majordome à l’impressionnante musculature qui contraignait l’odieux Alex d’Orange mécanique (A clockwork Orange) dorénavant rendu inoffensif à déjeuner chez un écrivain dont il avait causé le décès de la femme, joué par Patrick McGee, alors qu’il commençait à réaliser chez qui il avait trouvé refuge, lequel, bien que libertaire, exerçait sur lui la plus machiavélique vengeance. Il avait aussi à deux reprises interprété pour la compagnie anglaise Hammer la Créature de Frankenstein, en 1971 dans Les Horreurs de Frankenstein (The Horror of Frankenstein) dans lequel il a le crâne rasé et en 1974 dans Frankenstein et le monstre de l’enfer (Frankenstein and the Monster from Hell), le dernier film de Terence Fisher dans lequel il joue Schneider, une brute simiesque que le baron Frankenstein incarné par Peter Cushing utilise comme cobaye de ses expérimentations démentes – les financiers avaient exigé qu’une figure monstrueuse figure dans le film, d’où les traits bestiaux et la pilosité hirsute dont fut gratifié le personnage. Parmi les autres apparitions de Dave Prowse figurent un minotaure dans la série Dr Who (The Time Monster) en 1971, un extraterrestre dans l’épisode The Beta Cloud de la série Cosmos 1999 (Space 1999) et le bourreau du Continent oublié (The People that Time forgot).

Dave Prowe dans le costume de l'hideux Schneider devenu le sujet des fort douteuses expériences du Docteur Frankenstein dans Frankenstein et le monstre de l’enfer, jouant de son physique imposant dans son incarnation tacite du domestique d'Orange mécanique et un autre rôle dans lequel il n'utilisait pas davantage sa voix mais qui lui a valu des admirateurs dans le monde entier pour s'être identifié au ténébreux Dark Vador maléfique de la trilogie originelle de La Guerre des étoiles.

Mentionnons aussi le décès subit le 9 novembre 2020 à Paris de Joseph Altairac, grande perte à la fois sur le plan intellectuel et humain. Après avoir écrit une biographie d'H.G. Wells en 1998 puis d'un autre auteur célèbre de science-fiction, A. E. Van Vogt, en 2000, ce passionné de Lovecraft avait en association avec Guy Costes livré en 2006 une somme sur les mondes imaginaires souterrains. Le duo s'était ensuite consacré dans le sillage de Pierre Versins à réaliser une encyclopédie recensant les oeuvres préfigurant la science-fiction dans la littérature francophone, "de Rabelais à Barjavel", Rétrofictions. En présentant son monumental ouvrage avec son co-auteur, il avait indiqué qu'il avait inclus au sein de cette proto-science-fiction Le Tour du monde en 80 jours de Jules Verne parce qu'un Chinois y évoquait un genre de télévision, et Michel Strogoff du même auteur car on y trouvait un épisode de révolte des Tartares qui était fictif, ce qui le rapprochait de l'uchronie. Il avait par contre reconnu suite à ma demande de précision avoir ajouté Le passe-muraille de Marcel Aymé guidé par une certaine subjectivité, motivée par son intérêt pour la nouvelle bien qu'aucun élément explicatif de nature scientifique n'y figure effectivement. J'avais eu longuement le plaisir de discuter avec lui quatre ans plus tard, nous accordant notamment sur le paradoxe de l'origine de la science-fiction américaine qui s'est d'abord annoncée sous des atours fantaisistes mêlés de merveilleux avec un auteur comme E. R. Burroughs et son cycle de John Carter sur Mars, avant de s'ancrer davantage dans l'imaginaire scientifique à l'imitation des auteurs européens sous l'égide notamment de Jack Williamson. Personnage attachant trop tôt disparu, Joseph Altairac nous manquera. Sa disparition suit avec quelques mois celle de Jean-Pierre Moumon, un des fondateurs des conventions françaises de science-fiction, polyglotte et traducteur de romans de science-fiction scandinaves.

https://www.actusf.com/detail-d-un-article/joseph-altairac-nous-a-quitt%C3%A9s?fbclid=IwAR0m4ihva11LqJPu31hewVAOF6HJVS-URJzpvNSa3TUjPV2vqigRGvVn5DU

https://www.franceculture.fr/emissions/la-methode-scientifique/dmitry-glukhovsky-le-printemps-russe



Il y a exactement un an, le 26 décembre 2019, s'éteignait le producteur de cinéma David Foster qui, avec Laurence Turman et sa compagnie Turman-Foster, avait joué un rôle déterminant dans la production du film de science-fiction et d'épouvante The Thing puisque, grand admirateur de la novella de John W. Campbell, Who goes there ?, il avait soutenu l'initiative d'adaptation de son ami le producteur Stuart Cohen, à défaut de son autre proposition relative à une invasion d'insectes. Son rôle fut déterminant puisqu'il lui permet d'obtenir le soutien financier fort utile à un projet aussi ambitieux du Studio Universal au nom de son président Ned Tanen, même si ce dernier préfera initialement confier la mise en scène au réalisateur de Massacre à la tronçonneuse (Texas Chainsaw Massacre) qu'à John Carpenter proposé par Cohen, qui n'avait pas encore été consacré par le succès d'Halloween puis l'excellente réception d'Assault (Assault on Precinct 13en Europe. David Foster recommanda également à l'instar du créateur d'effets spéciaux mécaniques Roy Arbogast le choix de l' artiste Dale Kuipers avec lequel ils avaient travaillé sur la comédie préhistorique Caveman comme concepteur artistique pour imaginer la "Chose" mais un accident totalement inattendu eut pour effet de le faire quitter le projet comme évoqué en ces pages dans l'hommage qui lui a été rendu, ainsi que dans le grand dossier en trois parties consacré au film, sur lequel on aura à nouveau prochainement l'attention de revenir, à la fois sur la version de Kuipers puis sur la conception du film en général.

David Foster au milieu prête ses traits à un des infortunés Norvégiens fuhitivement entrevus dans The Thing, autour du bloc de glace contenant la découverte qui causera leur malheur.

    Il avait envisagé de produitre la suite, The Thing 2, qui aurait vu la Chose parvenir jusqu'à l'océan, s'emparant de manchots et d'un cachalot, comme illustré à la fin du troisième volet du long hommage consacré en ces pages au film de John Carpenter.

Un manchot encore plus effrayant que ceux des Montagnes hallucinées d'Howard Philip Lovecraft, dessin de John Jagusak d'après un scénario de Todd Robinson pour The Thing 2.


David Foster sur la production de Short Circuit avec la co-vedete Johnny 5, le robot sentimental.


Prenez soin de vous, on espère retrouver les lecteurs encore plus nombreux à la prochaine parution.