samedi 26 octobre 2013

EN SOUVENIR DE DALE KUIPERS



Le nom de Dale KUIPERS n'est pas tout à fait inconnu de ceux des lecteurs qui ont apprécié sur ce site le long hommage en trois volets consacrés pour le trentième anniversaire de sa sortie à un des chefs-d'œuvre longtemps les moins reconnus du cinéma, THE THING de John CARPENTER; il fut en effet provisoirement associé au projet, et son anniversaire ainsi qu'une actualité récente donnent l'occasion en complément de l'évoquer ici.

Cet artiste américain du Wisconsin, né le 26 octobre 1947, a développé ses capacités artistiques dès sa prime adolescence. A l'âge de 11 ans, une dame âgée, Mademoiselle de Woolf, qui avait remarqué ses dons, lui demanda de réaliser des centaines d'illustrations pour représenter ses propriétés, ce qui contribua à exercer ses talents. 

L'artiste précoce dans la cave de ses parents aux côtés d'un modèle de tyrannosaure pour son film Infant Earth sur l'évolution de la vie sur notre planète.

Dale Kuipers devenu un jeune homme.

Un pastel (le mode d'expression favori de Dale KUIPERS) qu'on pourrait prendre pour une photo.

A la même époque, il commençait à sculpter des dinosaures et réalisa un film d'animation avec ses modèles animés image par image, INFANT EARTH, équivalent du projet inabouti du jeune Ray HARRYHAUSEN, EVOLUTION, représentant l'histoire de la vie sur notre planète, depuis les premières formes unicellulaires jusqu'aux poissons et aux dinosaures. Un autre projet d'animation réalisé avec l'aide d'un étudiant, Chester WALLACE, se situait sur la planète Vénus riche en dinosaures.

Une scène d'attaque d'un grand dinosaure par un groupe de plus petits dessinée par Dale KUIPERS qui annonce étonnamment le final du film JURASSIC PARK. 

Le jeune artiste dans son atelier.

L'artiste à 17 ans réalisant un modèle de monstre grandeur nature dans sa cave. Il récupérait tout matériau inutilisé tels que des sachets en plastique (dont William BRYAN fera également grand usage pour la compagnie XFX de Steve JOHNSON), bourre, cintres, tapis, ampoules, précisant qu'il n'avait que la peinture à acheter.

Dale KUIPERS fut le concepteur de différentes maisons hantées plongeant le visiteur dans une atmosphère d'épouvante, créant notamment quarante monstres pour une attraction située sur l'île de Mackinac, "le Théâtre hanté de l'île" ( Haunted Theatre Mackinac ). Il conçut également des costumes pour diverses occasions, en particulier ceux d'un gorille, d'un cyclope cornu inspiré de celui animé par Ray HARRYHAUSEN dans LE SEPTIÈME VOYAGE DE SINBAD (THE SEVENTH VOYAGE OF SINBAD) et de personnages des bandes dessinées éditées par Marvel comme Hulk et l'"Homme-Chose" (The Man-Thing). 

L'Homme-Chose puissamment restitué par Dale KUIPERS.

Un démon ailé au Mackinak Theatre.

L'artiste a affirmé être aussi l'auteur de la nouvelle version plus réaliste d'une créature connue sous le nom de "l'homme de glace de Minnesota", mannequin aux allure de Néandertalien, que le passionné des phénomènes occultes Ivan SANDERSON lui avait commandé afin de le montrer au public à l'intérieur d'un bloc de glace dans une attraction itinérante en le présentant comme un spécimen réel de "Bigfoot". Le célèbre cryptozoologue Bernard HEUVELMANS jugea si convaincante cette création que, bien qu'il ne fut jamais autorisé à l'examiner en détail, il affirma sa certitude qu'il s'agissait d'un véritable hominidé rescapé de la préhistoire, au risque des inévitables railleries de la communauté scientifique qui mit à mal sa réputation de zoologiste.

Le chaînon manquant supposé, vu ici sans la glace qui le recouvrait ordinairement, spécimen qui déchaîna les passions sur le sujet des "hommes sauvages" - à l'image de la célèbre "autopsie de l'extraterrestre de Roswell" dans celui de l'ufologie - et constituait un des échantillons du portfolio de Dale KUIPERS.

Il avait aussi occupé la fonction de directeur artistique sur une production de 1978 réalisée dans l'état du Wisconsin, THE ALPHA INCIDENT, un thriller de science-fiction relatant une infection causée par un microbe ramené de l'espace par une sonde conçu comme un huis-clos dans un train. Lorsqu'une équipe du studio Universal se rendit sur l'île pour y tourner la romance fantastique de QUELQUE PART DANS LE TEMPS (SOMEWHERE IN TIME) mettant en vedette Christopher REEVES, Dale KUIPERS contacta le département des effets spéciaux et obtint au vu de ses créations pour le Théâtre hanté des lettres de recommandation. 

De retour à Green Bay, Dale KUIPERS adressa des portfolios de ses réalisations accompagnés des lettres aux grands studios, et quelques semaines plus tard, il reçut un appel téléphonique de Roy ARBOGAST, crédité notamment pour le requin mécanique des DENTS DE LA MER (JAWS) du film de SPIELBERG, qui recherchait un sculpteur connaissant les dinosaures. Ainsi, Dale devint sculpteur sur la comédie L'HOMME DES CAVERNES (CAVEMAN), qui fait évoluer des hommes préhistoriques au milieu de créatures du mésozoïque. Une rumeur prétendait d'ailleurs que Dale KUIPERS aurait pris quelque part à la création d'un dinosaure ventripotent de CAVEMAN dont il indiquait humoristiquement constituer le modèle en raison de ses problèmes de diabète responsables de sa prise de poids, qui lui causèrent quelques soucis sur le tournage; cependant, le célèbre animateur Randall William COOK nous a assurés que cette anecdote était fantaisiste, l'animal ayant été totalement conçu par Jim DANFORTH, qui engagea l'artiste anglais Roger DICKEN ( les premiers stades de la créature de ALIEN) pour l'assister. Jim DANFORTH, suite à une dispute avec les producteurs, quitta quant à lui la production et laissa l'animation image par image entre les mains de Dave ALLEN, Randall William COOK, Peter KLEINOW et Laine LISKA, Jim AUPPERLE étant chargé de réaliser les prises de vue miniatures.


Ce reptile géant du film CAVEMAN conçu par Jim DANFORTH semble désireux d'honorer Halloween qui s'annonce (haut); Dale KUIPERS a notamment construit pour Roy ARBOGAST la version grandeur nature chevauchée par l'acteur Ringo STARR (en bas ).

L'attaque d'un moustique géant, préfigurant ceux créés pour le film d'horreur SKEETER, vraisemblablement élaboré par Dale KUIPERS.

Cette première expérience à Hollywood lui valut les félicitations du grand maquilleur Rick BAKER qu'il admirait particulièrement et pour lequel il aurait déjà brièvement œuvré officieusement au temps de LA GUERRE DES ETOILES (STAR WARS: A NEW HOPE). 

Selon ses amis, Dale KUIPERS avait été chargé de sculpter les masques de deux extraterrestres de la séquence du bar de LA GUERRE DES ETOILES, ceux surnommés "Walrus man" (l'homme-morse) et "Hammerhead" (tête en marteau) de manière discrète, n'étant pas agréé par le syndicat des maquilleurs, à l'instar de l'apprenti de Rick BAKER, Rob BOTTIN - de surcroît mineur - auquel Dale KUIPERS devait par la suite être de nouveau associé, pour le meilleur comme pour le pire.

Comme Rick BAKER avait déjà constitué une équipe complète pour œuvrer sur LE LOUP-GAROU DE LONDRES (AMERICAN WEREWOLF IN LONDON), le maquilleur le recommanda à son disciple Rob BOTTIN, lequel recrutait des sculpteurs pour un autre film de loups-garous, HURLEMENT (THE HOWLING). Dale KUIPERS travailla étroitement avec Rob BOTTIN pour définir le loup-garou le plus spectaculaire. Alors que la production était bien avancée, il fut embarrassé d'apprendre que le film sur lequel travaillait Rick BAKER était aussi une histoire de loup-garou, qui se trouvait ainsi en compétition avec celui auquel il apportait sa collaboration - le mentor  prit à cet égard ombrage que Rob BOTTIN qu'il avait formé ait ainsi accepté de concevoir un loup-garou appelé à rivaliser avec le sien grâce aux techniques qu'il lui avait apprises. L'exposition aux produits chimiques dérivés du pétrole utilisés dans le studio contraignit par ailleurs Dale KUIPERS à retourner au Wisconsin pour recouvrer la santé, de même que ses difficultés avec l'Union syndicale des maquilleurs qui contesta son embauche alors qu'il n'y était pas affidé, en dépit du soutien de Rob BOTTIN.

Dale KUIPERS sculptant la main griffue d'un loup-garou pour HURLEMENTS (THE HOWLING) de Joe DANTE.

L'artiste au travail sur une tête présentant de plus petites oreilles que dans la version définitive.

Le réalisateur John CARPENTER, désireux de trouver un créateur susceptible de concevoir le monstre de THE THING, lui téléphona quelques mois plus tard, sur le conseil du responsable des effets mécaniques du film, Roy ARBOGAST, dont il avait été le collaborateur sur CAVEMAN; il bénéficiait aussi du soutien de Lawrence TURMAN et David FOSTER, producteurs sur les deux films. John CARPENTER lui exprima le souhait de voir concrétiser une créature qui se déplacerait de manière inédite, qui ne "vole, ni ne rampe, ni ne nage, ni ne marche". Lorsque l'artiste se rendit à Los Angeles pour lui montrer ses esquisses, John CARPENTER manifesta un grand enthousiasme, convoquant les membres de son équipe pour leur présenter en leur disant : "voilà, c'est exactement cela, il a trouvé ce qu'on cherchait.." L'artiste fut engagé et reprit le chemin de son studio à Green Bay dans le Wisconsin pour y travailler sur un prototype de la créature. Il conçut également des peintures relatives aux sept grandes scènes d'effets spéciaux prévues dans le scénario originel de Bill LANCASTER, depuis l'irruption du monstre dans le chenil au travers du simulacre de chien jusqu'à son apparition finale lorsque, devenu gigantesque en dilatant sa masse, il se mesure à un chasse-neige (voir dessin dans la première partie de l'hommage à THE THING), et il en imagina les spécificités et les origines.

La Chose abandonne son apparence canine dans la séquence du chenil vue par Dale KUIPERS.

Comme dans l'histoire originelle de John CAMPBELL dans laquelle l'entité métamorphe semble avoir une forme principale, très approximativement "humanoïde", Dale KUIPERS postula que la Chose avait une apparence précise, laquelle était révélée au travers de ses transformations mimétiques. Selon son idée, la créature aurait été une arme biologique envoyée pour ravager les mondes afin de permettre à une civilisation extraterrestre de les investir par la suite ( on peut alors supposer que ses créateurs auraient prévu une durée de vie limitée pour ne pas être à leur tour en proie à leur monstre ), que découvrait congelée dans la glace l'équipe d'un consortium à la recherche de pétrole à la fin du XXème siècle - à noter cependant que selon les dispositions internationales actuelles, l'exploitation industrielle de l'Antarctique est interdite. Dale KUIPERS imagina que la Chose pouvait émettre instantanément à partir de sa région supérieure de fins pseudopodes susceptibles de se solidifier et de se désagréger aussitôt, lui permettant d'adhérer et de se déplacer sur toute surface horizontale ou verticale - et peut-être même en l'air selon l'auteur. Les grands yeux jaune à facette fonctionnaient comme une pile solaire convertissant tout rayonnement en fluide visqueux générant les pseudopodes. 

La créature atteint sa taille maximale.

Pour accaparer l'apparence de ses victimes, la Chose commençait par se ficher sur la tête de sa proie en l'enserrant avec des pattes arthropodiennes extrêmement puissantes, puis enfonçait dans son cerveau l'équivalent de vrilles munies de milliers de petites structures fines comme des cheveux afin d'y puiser toutes les informations utiles pour pouvoir imiter son hôte. Une fois cette tâche accomplie, la Chose dissolvait totalement sa victime sous forme de gelée ingérée par le monstre, qui reconstituait ensuite très rapidement l'apparence de sa victime autour de son propre organisme. La créature, qui pouvait néanmoins être démasquée par  son poids excédant celui de son équivalent humain, était prompte à se défaire de son camouflage une fois découverte, pattes et vrilles s'extirpant de la bouche pour attaquer ses ennemis, tandis que la constitution d'apparence humaine se réduisait et fondait pour reconstituer le céphalothorax de la créature.

Un faciès monstrueux surgit du déguisement humain. Ce concept d'un extraterrestre insectoïde surgissant au travers d'un visage humain n'est pas sans évoquer certaines productions télévisuelles ultérieures, notamment LE MONSTRE ÉVADÉ DE L'ESPACE (SOMETHING IS OUT THERE) de Richard A. COLLA, dont ironiquement les effets spéciaux sont à porter au crédit du maquilleur Rick BAKER avec lequel Dale KUIPERS rêvait de travailler à l'issue de son expérience sur THE THING.

Bien que dépourvue d'intelligence propre, le cerveau de la Chose était par ailleurs capable de mémoriser un complet assortiment des caractéristiques les plus dissuasives des créatures rencontrées et de les combiner pour produire des hologrammes réalistes capables de terrifier ses adversaires.


La Chose de KUIPERS devant de deux de ses apparences hallucinatoires inspirées par des créatures rencontrées précédemment.

Le destin de Dale KUIPERS bascula au sens littéral lorsque, alors que son travail sur le prototype avait pris du retard, il fut soudain projeté dans la vitrine d'un magasin par un motard conduisant sous l'emprise de l'alcool. L'artiste étant suffisamment blessé pour être immobilisé durant deux mois, John CARPENTER décida au vu des transformations convaincantes de HURLEMENTS de faire appel à Rob BOTTIN, son complice de THE FOG, pour que celui-ci, commence à créer le monstre imaginé par Dale KUIPERS, jusqu'à ce que ce dernier soit à nouveau en mesure de travailler et intègre l'équipe. Rob BOTTIN parut réticent à reprendre le concept de quelqu'un d'autre, et de plus, n'adhérait pas totalement à la vision de son ancien assistant, tout en reconnaissant la qualité de son travail. Il estima que sa créature était "bien mieux que l'agrippe-visage (face hugger) d'ALIEN mais que, fondamentalement, il s'agissait toujours d'une sorte de gros cafard". Le réalisateur lui demanda alors qu'elle était sa propre représentation du monstre et Rob BOTTIN lui répondit qu'en raison même du terme de "Chose" par lequel on le qualifiait, il ne pouvait avoir de forme définie, mais devait changer perpétuellement d'apparence en passant d'une forme à une autre - et même être susceptible de présenter simultanément des traits empruntés à ses différentes incarnations précédentes. John CARPENTER se montra intrigué et, quand Rob BOTTIN lui présenta peu après un premier modèle bricolé autour d'une boule de Noël montrant un des aspects possibles de la Chose, il lui donna l'accord d'explorer cette nouvelle conception avec le dessinateur Mike PLOOG, qui avait la tâche de concevoir les storyboards du film et qui, comme le metteur en scène, fut conquis par les idées apportées par le jeune maquilleur.

Lorsque Dale KUIPERS fut rétabli, il déclina la proposition de son ancien maître d'œuvre de HURLEMENT de rejoindre l'équipe. L'artiste du Wisconsin était meurtri d'avoir vu le projet lui échapper et n'évoquait pas cet épisode sans une grande tristesse. Il estima aussi que la créature imaginée par Rob BOTTIN trahissait trop son inspiration grotesque issue des bandes dessinées, et qu'il était frustrant qu'elle ne possède pas d'apparence propre contrairement à celle qu'il avait élaborée; néanmoins, il ne semble pas qu'elle en avait davantage dans le scénario, aussi peu allusif soit-il, écrit par Bill LANCASTER, dans lequel elle pouvait même paraître réduite à une forme de virus transformant les corps selon les dialogues scientifiques de la première mouture, achevée un mois avant l'arrivée du remplaçant de Dale KUIPERS. Ainsi, la Chose de Rob BOTTIN qui paraît une forme de vie cellulaire d'allure primordiale, n'est pas si éloignée de celle qu'avait vraisemblablement en tête le scénariste, avec sa morphologie changeante. D'ailleurs, Dale KUIPERS laissa entendre que, si John CARPENTER avait donné son plein accord pour la construction de "sa" Chose, il avait perçu davantage de réserve de la part de la production; sans doute le coproducteur et principal initiateur du projet, Stuart COHEN, considérait-il que les idées personnelles de Dale KUIPERS s'écartaient significativement du scénario de Bill LANCASTER, lequel traduisait pour lui le traitement idéal pour adapter à l'écran la nouvelle WHO GOES THERE? de John CAMPBELL.

THE THING est demeuré un souvenir amer pour Dale KUIPERS.

Dale KUIPERS jugea que le film tel qu'il se fit n'était pas réussi, pointant des erreurs dans la continuité quant aux vêtements portés par les acteurs. Il considéra aussi, comme, il est vrai, beaucoup de critiques à l'époque de la sortie du film, qu'aussi brillants que fussent les effets spéciaux agencés par Rob BOTTIN et son équipe, ceux-ci ne représentaient qu'une démonstration n'ayant pas d'autre raison d'être que de prouver les capacités de leur créateur, sans être reliés à un véritable suspens. Il contesta ainsi à John CARPENTER la maîtrise de la mise en scène, qui n'aurait pas mis en valeur le cadre offert par la station antarctique pour planter son histoire, mais se serait contenté de filmer de longs corridors indistincts les uns des autres - la réalisation du film a cependant fini par faire l'unanimité en tant que  démonstration d'un huis-clos parfaitement angoissant par un metteur en scène au summum de son talent. On peut évidemment songer que la déception a sa part dans la faible considération de l'artiste pour un film duquel il a été écarté, et qu'il rejetait comme très en-deçà de ses deux films de science-fiction préférés, 2001 L'ODYSSÉE DE L'ESPACE (2001, A SPACE ODYSSEY) et ALIEN, dont il louait à contrario la direction. Si l'artiste évincé ne tint pas excessivement rigueur à Rob BOTTIN d'avoir substitué sa conception de la Chose à la sienne, estimant qu'il n'avait fait que saisir une opportunité pour sa carrière, même s'il rappelait que celui-là n'était "que l'élève de Rick BAKER et qu'il préférerait à l'avenir travailler avec le maître lui-même à présent" (bien que Rick BAKER fut tout autant l'élève de Dick SMITH auparavant), il demeura beaucoup plus amer au sujet de John CARPENTER, lequel avait apprécié sans réserve son travail et l'avait fait engager, avant que les circonstances le décident à donner son aval à un projet concurrent de celui avalisé.

En dépit de son expérience malencontreuse à Hollywood, il semble que Dale KUIPERS eut de nouveau contact avec le milieu du cinéma puisqu'il exécuta en 1985 une série de dessins conceptuels pour un autre grand projet de remake, LA MOUCHE (THE FLY). Ceux-ci détaillent une transformation réellement graduelle, empreinte d'un grotesque très organique qui permet de suivre précisément la manière par laquelle le corps de l'infortuné chercheur se mue en une créature dominée par les gènes de l'insecte. La production connut là aussi des aléas, et lorsque le réalisateur David CRONENBERG fut engagé, il confia les trucages à l'équipe de Chris WALAS avec lequel il avait collaboré sur une de ses œuvres précédentes, SCANNERS, et celle-ci développa sa propre conception du processus, avec les premiers stades se rapprochant plus notablement d'une maladie de peau conformément aux souhaits de CRONENBERG. L'artiste du Wisconsin aurait alors peut-être pu avoir l'occasion de travailler de nouveau en collaboration avec Rob BOTTIN, celui-ci ayant aussi réalisé un buste conceptuel pour le remake de LA MOUCHE, mais leurs candidatures ne furent pas retenues. 

La métamorphose très progressive agencée pour le remake de LA MOUCHE (THE FLY) - document présenté en exclusivité sur le site qui lui est consacré sur Facebook : 
https://www.facebook.com/pages/Dale-Kuipers/212712462116808?ref=stream&hc_location=stream


Dale KUIPERS avait par ailleurs réalisé des dessins de créatures extraterrestres d'inspiration reptilienne pour un projet d'adaptation d'une histoire de Ray BRADBURY portant sur une faille spatio-temporelle, mais le projet ne se fit pas, ce qui cette fois encore, dut contribuer à renforcer sa prévention contre le système hollywoodien.

Extraterrestre reptilien pourvu de trois yeux et de tentacules accessoires tiré du projet d'adaptation du récit de Ray BRADBURY.

La parution d'une bande dessinée de Dale KUIPERS, MANDELLA, avait été annoncée par une maison d'édition du Wisconsin, Green Bay comics, racontant la survie d'un naufragé sur une planète couverte d'une végétation à la croissance spectaculaire, lancé à la recherche d'une espèce intelligente qui pourrait l'aider à regagner son monde, mais cette entreprise-là non plus n'a visiblement pas vu le jour.

Souffrant de diabète, victime d'un cancer occasionnés par les produits chimiques avec lesquels il a été en contact dans son travail, Dale KUIPERS s'est éteint le 17 juillet 1996. Il a laissé une grande impression auprès de ceux qui l'ont connu, et, pour son anniversaire, le 26 octobre 2013, un musée à l'initiative d'Anthony ROCKEY ouvre ses portes à Mackinac, présentant notamment 36 pastels relatifs à la série INFANT EARTH, afin de conserver la mémoire d'une carrière artistique trop brève.

La pierre tombale de l'artiste, restituant sa passion pour les dinosaures.


La carte de visite du musée Dale KUIPERS.

vidéo d'entretien mise en ligne par le maquilleur et archiviste William FORSCHE : http://www.youtube.com/watch?v=g6nY1mCjUnA&hd=1


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Un auteur célèbre de science-fiction a disparu le 2 septembre 2013 à l'âge de 93 ans, Frederik POHL, écrivain américain né à New-York le 26 novembre 1919. En 1938, il avait rejoint en même temps qu'Isaac ASIMOV le groupe des Futurians, une association regroupant des passionnés de science-fiction de la côte est des Etats-Unis, souvent assez fortement orientés à gauche comme Damon KNIGHT ( lui-même ayant été un temps communiste ), et au sein de laquelle Frederic POHL rencontrera plusieurs de ses épouses successives, dont Judith MERRIL.

Ses activités dans la domaine de la publicité inspirent particulièrement à Frederik POHL une vision acerbe de la société de consommation, qu'il illustre notamment dans son roman PLANÈTES A GOGO. (THE SPACE MERCHANTS). Il a écrit de nombreux textes en collaboration, notamment avec Cyril M. KORNBLUTH (dont le roman précité) puis avec Jack WILLIAMSON, comme LES RÉCIFS DE L'ESPACE (THE REEFS OF SPACE), région au sein desquelles se réfugient ceux qui veulent échapper à une organisation estimée trop planificatrice et où la vie est possible grâce à de minuscules organismes symbiotiques, les Fusoriens, permettant de respirer en l'absence d'oxygène et assurant aussi la capacité de propulsion à des animaux tenant à la fois des poissons et des oiseaux ainsi qu'à d'autres aux allures de pieuvre, les pyropodes. Tandis que certains auteurs comme Arthur CLARKE et Stanislas LEM avaient imaginé dans des nouvelles que les astres puissent être un milieu abritant des formes de vie principalement constituées d'énergie, Frederik POHL n'hésitait pas à présenter dans plusieurs œuvres les étoiles elles-mêmes comme des formes de vie intelligentes non organiques, à tel point que dans une autre collaboration POHL-WILLIAMSON, L'ÉTOILE SAUVAGE (STARCHILD). un astre miniature synthétisé en laboratoire s'éveille à la conscience avant d'être attiré par un véritable corps céleste appelé à parfaire son éducation.

Dans les années 1970, Frederik POHL a obtenu la consécration pour une production individuelle, le cycle initié par LA GRANDE PORTE (GATEWAY) dans lequel les humains explorent des raccourcis de l'espace-temps créés par une ancienne civilisation d'extraterrestres humanoïdes, les Heeches, entreprise dans laquelle ils sont assistés par des Australopithèques - dans leur roman HEAVEN, Jack COHEN et Ian STUART faisaient de manière analogue collaborer les astronautes avec d'autres parents éteints de notre lignée évolutive, des Néandertaliens.


DIALOGUE AVEC L'EXTRATERRESTRE (THE VOICES OF THE HEAVEN ) : les difficultés que présente la compréhension d'une espèce extraterrestre insectoïde.


Des créatures extraterrestres tentaculaires imaginées par Frederik POHL pour le roman THE AGE OF THE PUSSYFOOT (en français, L'ERE DU SATISFACTEUR) et en dessous illustration de Wallace WOOD pour la nouvelle I PLINGOT YOU WHO publiée par le numéro de février 1959 de la revue Galaxy.

Frederik POHL a aussi été éditeur de deux des plus célèbres magazines littéraires de science-fiction des années 1960, GALAXY et IF.

Son œuvre n'a fait l'objet que d'une seule transcription au cinéma, un film futuriste méconnu dirigé par le réalisateur italien Luigi COZZI (ALIEN CONTAMINATION), LE TUNNEL SOUS LE MONDE ( THE TUNNEL UNDER THE WORLD ).

Il a par ailleurs consacré un livre à l'auteur TIBERE, ce qui lui a valu d'être alors l'autorité de référence de l'"Encyclopedia universalis" sur le sujet.




Après celles de Nigel KNEALE le 29 octobre 2006 puis de Jimmy SANGSTER le 19 août 2011, un dernier scénariste emblématique de la société de production Hammer a disparu 30 septembre 2013. Fils de Tony HINDS, un des fondateurs de la Hammer avec James CARRERAS, Anthony HINDS avait initié la série d'adaptations sur le grand écrans des aventures du Professeur Quatermass écrites pour la BBC par Nigel KNEALE, dont la première est sortie en 1955 sous le titre QUATERMASS XPERIMENT (LE MONSTRE en France, THE CREEPING UNKNOWN aux Etats-Unis); il eut ainsi un rôle décisif dans le tournant qui vit la compagnie s'orienter résolument vers le fantastique. 


L'étrange créature féline du poster de l'adaptation cinématographique de la première aventure du Professeur Quatermass, une mutation engendrée dans le zoo de Londres par l'entité extraterrestre, en fait sans rapport direct avec une scène du film ( la créature s'introduit bien dans l'enceinte du parc, mais dissout complètement ses victimes, à la différence de l'astronaute dont elle a fait son hôte ).

En 1968, il mit en œuvre une autre production singulière de la Hammer, LE PEUPLE DES ABÎMES (THE LOST CONTINENT) dans lequel, à la manière de nouvelles de William Hope HODGSON comme LA CHOSE DANS LES ALGUES, des naufragés se trouvent échoués sur les bancs d'algues de la mer des Sargasses, en butte à de voraces créatures marines, et rencontrant ici de surcroît les descendants d'une expédition espagnole - dont un inquisiteur interprété par l'acteur Darryl READ, également un musicien promoteur de la musique punk, est décédé dans un accident de moto en Thaïlande le 23 juin 2013 alors qu'il avait entrepris de participer à un documentaire allemand retraçant sa carrière.




LE PEUPLE DES ABIMES : une créature marine à mi-chemin du scorpion et de la sauterelle devant les ballons qui permettent aux naufragés de se déplacer sur le tapis incertain constitué par les algues des Sargasses (haut) et les descendants de conquistadors dont l'un présente le visage poupin de Darryl READ.


Sous le pseudonyme de John ELDER, Anthony HINDS écrivit lui-même, lorsque le scénariste attitré Jimmy SANGSTER se lassa de l'épouvante gothique, nombre de scénario de productions fantastiques comme LA FEMME-REPTILE (THE REPTILE), relatif à une malédiction changeant régulièrement une femme en créature sanguinaire. 


La femme-reptile tient la promesse du titre grâce à un maquillage de Roy ASHTON.


La disparition du producteur, et troisième scénariste représentatif de la production de la Hammer, contribue à tourner symboliquement la page de ce morceau d'histoire du cinéma fantastique anglais, alors que les studios Bray dans lesquels les films étaient réalisés ont, au grand désespoir des personnalités du cinéma qui avaient tenté de s'y opposer, été vendus pour être convertis en ensemble résidentiel de luxe durant l'été.



Mentionnons par ailleurs le décès le 8 août 2013 de l'actrice Karen BLACK, emportée par un cancer; ayant tourné pour Alfred HITCHCOCK et dans TRILOGY OF TERROR, un téléfilm écrit par Richard MATHESON (voir paragraphe dans l'article précédent) et William NOLAN ( auteur de L'AGE DE CRISTAL évoqué dans l'article sur THE THING), elle avait été en 1986 le second rôle du remake de INVADERS FROM MARS réalisé par Tobe HOPPER, aux côtés d'extraterrestres pittoresques créés par l'équipe de Stan WINSTON.



Enfin, signalons la disparition le 6 octobre 2013 de Diana HARRYHAUSEN suivant de peu celle de son époux, à qui on a consacré un hommage dans l'article précédent. Durant les 50 années de mariage, elle accompagnait son mari sur les tournages et le suivait aussi parfois dans ses rencontres avec ses admirateurs, se faisant remarquer par sa grande gentillesse. Saluons donc ici la mémoire de celle qui a soutenu ce magicien du cinéma durant une bonne partie de sa carrière, lui permettant de se concentrer sur son art qui nous émerveille encore aujourd'hui.

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LE YETI SE FAIT TOUJOURS ATTENDRE

Après certaines études de "scalps" attribués à "l'Abominable Homme des neiges" qui avaient conclu que les poils provenaient de yacks, d'autres prélèvements ont à l'issue de nouveaux tests génétiques été cette fois attribués à un animal de la famille des ours. Décidément, le supposé primate inconnu reste bien insaisissable. Une seule certitude, l'hypothétique créature n'est pas anthropophage à en juger par le nombre de dépouilles d'alpinistes accidentés qui reposent inviolées dans le massif himalayen..


NOTA: les évolutions indésirables d'internet liées aux incompatibilités techniques entre les différents systèmes (plugs-in qui plantent, shockwave flash inopérant, etc.. sans parler des fenêtres publicitaires intempestives lors de la rédaction des messages et des problèmes d'espacement entre paragraphes) conduisent dans l'attente de mises à jour satisfaisantes par les gestionnaires des moteurs de recherche pour Windows 7 à espacer les publications.







dimanche 30 juin 2013

UN GÉANT ENTOURÉ DE MINIATURES



Le grand créateur d'effets Ray HARRYHAUSEN s'est éteint paisiblement à l'âge de 92 ans le 7 mai 2013 à l'hôpital Hammersmith de Londres, et la formule consacrée selon laquelle c'est tout un pan du cinéma fantastique qui disparaît avec lui est en l'occurrence tout à fait appropriée. Il fut en effet le maître d'œuvre de bien des films parmi les plus pittoresques et singuliers, ne se limitant pas à animer des créatures extraordinaires, mais concevant aussi l'aspect visuels des œuvres depuis leur commencement, et se chargeant de l'incrustation des différents effets spéciaux jusqu'à l'édition du film définitif.

Ray HARRYHAUSEN utilisait les ressorts de la fantaisie pour donner vie à ses créations, se tenant délibérément à l'écart de la réalité quotidienne, puisant ainsi dans la mythologie et les contes, ou usant du décalage avec notre époque en mettant en contact les hommes avec des dinosaures ou en se servant du cadre victorien du passé pour restituer aux classiques de la science-fiction leur contexte originel, avec son adaptation des PREMIERS HOMMES DANS LA LUNE, de L'ÎLE MYSTÉRIEUSE ou son projet non abouti de LA GUERRE DES MONDES.

On ne peut s'empêcher de songer qu'il existe parfois des destins prédestinés, en comparant les débuts de Ray HARRYHAUSEN et ceux d'un autre grand créateur de monstres, Rob BOTTIN. L'animateur qui a vu le jour le le 29 juin 1920 est né dans la ville Los Angeles, capitale américaine du cinéma, comme plus tard Rob BOTTIN, puis tous deux ont pu très jeunes rencontrer grâce à l'amabilité d'une camarade l'homme qu'ils admiraient le plus, respectivement le créateur de KING KONG et le maquilleur Rick BAKER, avant d'être épaulés et guidés dans la profession par leur mentor.

Une vocation ancienne


Le jeune Ray au travail sur un modèle de Dimétrodon.

Passionné depuis l'enfance par le fantastique et les dinosaures, Ray n'avait même pas cinq ans lorsqu'en 1925 ses parents l'emmenèrent voir au cinéma Le MONDE PERDU (THE LOST WORLD) d'Harry HOYT, adaptation du roman de Conan DOYLE qui lui laissa alors penser que les animaux animés par Willis O'BRIEN étaient de véritables dinosaures. Il fut pourtant encore plus impressionné lorsqu'à l'âge de treize ans il vit en 1933 au cinéma la première version de KING KONG, dont les effets spéciaux étaient également l'œuvre d'O'BRIEN. Il demanda à ses parents comment les créatures fabuleuses étaient réalisées, et comme pour le jeune Rob BOTTIN s'adressant à son père après avoir vu FRANKENSTEIN, il ne put obtenir de réponse parentale satisfaisante, aussi, s'intéressa-t-il aux trucages qui avaient permis ces prodiges. Il chercha d'abord à recréer le singe géant de KING KONG et ses dinosaures avec des marionnettes à fil tout en pressentant qu'il ne s'agissait pas de la technique utilisée, puis, après avoir lu divers articles parfois inexacts sur le film, il découvrit de la documentation sur l'animation image par image à l'occasion de sa ressortie en salles et visita une exposition sur KING KONG et LE MONDE PERDU lui permettant de se sentir suffisamment familiarisé avec cette technique consistant à la manière du dessin animé à faire se succéder une série d'images de personnages miniatures sur chacune desquelles la position des figurines est légèrement modifiée, de manière à restituer l'impression de mouvement. Ses premières armatures articulées étaient en bois mais, trop fragiles, il les remplaça bientôt par du métal. Ses parents Fred et Martha ont toujours soutenu sa créativité, même lorsque leur jeune fils s'autorisa à découper un vieux manteau en vison de la mère pour confectionner la fourrure d'une figurine d'ours des cavernes. Son père garait la voiture à l'extérieur pour permettre à Ray d'utiliser le garage comme studio de manière à pouvoir réaliser les essais d'animation en intérieur, avec une lumière constante pour les prises. Fasciné par les représentations de dinosaures sur les fresques murales effectuées par le peintre Charles KNIGHT du musée de Los Angeles,  il s'inspira des travaux de ce dernier pour représenter un diorama avec un Stégosaure qui lui valut à l'âge de 18 ans le premier prix d'une compétition organisée par l'institution. Lorsqu'il présenta sa création à Willis O' BRIEN alors que celui était au travail sur un projet appelé WAR EAGLES, celui-ci l'examina longuement avant de se montrer critique quant aux pattes, les comparant à des saucisses et lui conseiller d'étudier les techniques artistiques et cinématographiques, ainsi que l'anatomie pour rendre compte plus exactement de l'insertion des muscles sur l'articulation. Ray HARRYHAUSEN suivit ses conseils, prenant des cours du soir, et parvint ainsi à conférer à ses créatures un mouvement plus fluide et réaliste. Le créateur de KING KONG lui confirma aussi l'intérêt de l'art du graveur Gustave DOR
É, dont il s'inspirait pour la composition de ses dessins conceptuels si importants pour obtenir l'attention des financeurs, et qui devint également pour lui une influence majeure, tout comme le peintre anglais John MARTIN et le peintre italien Giacomo GANDI. Ray se rendit aussi fréquemment au parc zoologique afin de se pénétrer de la manière de se comporter des animaux.

 
Premières expériences filmiques inachevées menées à titre individuel: ÉVOLUTION, l'histoire de la vie sur Terre racontée à travers des époques déterminantes (les deux photos du haut) et une première immersion dans l'imaginaire avec PROJET JUPITER (JUPITER PROJECT) avec un extraterrestre hexapode à la mâchoire dinosaurienne (troisième illustration, accompagnée en dessous d'un dessin conceptuel et d'une photo du tournage dans un décor miniature ).

Premiers contrats

En 1940, Ray HARRYHAUSEN répondit à une petite annonce du producteur George PAL et œuvra sur sa série PUPPETOONS, reposant sur de petits personnages animés, avec très ponctuellement le renfort de Willis O'BRIEN, mais comme son mentor, il jugea sommaire le procédé consistant à changer tête et jambe d'un plan à l'autre.

Ray HARRYHAUSEN (à l'extrême-droite) entouré de ses mentors, Willis O'BRIEN à ses côtés et George PAL à gauche.

Ray HARRYHAUSEN effectua la seconde guerre mondiale dans le service de propagande de l'armée sous la direction du réalisateur Frank CAPRA en utilisant ses compétences pour l'animation image par image. 

"La bataille de Guadalcanal" et "Comment construire un pont", deux films d'animation réalisés au service de l'armée.

La paix revenue, il réalisa une série d'animation très populaire dans les écoles, LES CONTES DE MA MÈRE L'OIE ( TALES OF MOTHER GOOSE); son père, inventeur et mécanicien, construisit les armatures des personnages sur ses indications et la mère couturière confectionna les costumes miniatures. 

 
Le grand méchant loup en costume de Mère-grand issu du "petit chaperon rouge", un des contes adaptés par Ray HARRYHAUSEN.

Peu après, en 1947, Willis O'BRIEN le contacta pour une nouvelle histoire de singe géant orchestrée par la même équipe que celle créditée pour le film préféré de Ray HARRYHAUSEN, KING KONG, et il fut donc chargé de la majeure partie de l'animation de l'anthropoïde, créé par le sculpteur Marcel DELGADO, le collaborateur régulier d' O'BRIEN, de même que de celle du lion que le gorille affronte notamment pour sauver des enfants vers la fin du film. Le film obtient un Oscar au titre des effets spéciaux.

 
Ray avec le modèle de Joe.

L'émancipation des mentors

Alors même que Ray HARRYHAUSEN était devenu un élément essentiel de l'équipe de l'homme qu'il vénérait, ce dernier peinait à obtenir le financement de nouveaux projets, et après avoir collaboré sur plusieurs d'entre eux comme VALLEY OF THE MIST qui devait mettre une tribu en prise avec des créatures survivantes de l'époque des dinosaures, il se résolut en 1950 à concevoir ses propres films. Il est un des tous premiers à anticiper la vague de films de science-fiction des années 1950, sa première idée initiale consistant en une adaptation de LA GUERRE DES MONDES (WAR OF THE WORLDS) d'H.G.WELLS, mettant en scène les machines tripodes du roman original, dont il avait imaginé qu'un système de balancier assurait la stabilité, et leurs occupants martiens évoquant des pieuvres comme dans la description de l'auteur, et il tourna même une séquence montrant la sortie d'un des envahisseurs hors de son habitacle. Il proposa le projet au producteur George PAL pour lequel il avait déjà travaillé à l'occasion des PUPPETOONS. Cependant, celui-ci avait entrepris de réfléchir de son côté à l'adaptation du roman, et Ray HARRYHAUSEN finit par découvrir qu'il n'utiliserait pas ses concepts mais qu'il ne songeait en fait qu'à utiliser ses techniques pour son projet des AVENTURES DE TOM POUCE (THE ADVENTURES OF TOM THUMB). Orson WELLES qui avait adapté le roman à la radio - suscitant d'ailleurs la panique de nombre d'auditeurs croyant entendre un reportage - ne donna pas davantage suite, ni aucun autre producteur. Il décida finalement de proposer sa créature martienne aux producteurs de LA CHOSE D'UN AUTRE MONDE (THE THING FROM ANOTHER WORLD) étant donné que la créature tentaculée animatronique qui avait été également filmée pour un bout d'essai avait été rejetée, mais ceux-ci ne retinrent pas davantage la sienne. L'animateur songea alors un temps à utiliser sa créature pour un projet non abouti appelé THE VISITATION, celle-ci devant incarner une entité venue sur terre avec une double identité bénéfique et maléfique afin de tester les humains, et finissant par embarquer trois d'entre eux pour les rééduquer. Dans une veine différente, il envisagea tout aussi infructueusement d'adapter l'histoire de David et Goliath, ainsi que LES AVENTURES DU BARON DE MUNCHAUSEN, et son idée de 1946 sur un Yéti féminin, THE ABOMINABLE SNOWMAN, demeura également dormante. Son intérêt pour les dinosaures n'était pas oublié avec UGALA qui, en 1950, devait mêler ces animaux à des araignées géantes.


Dessin de production pour DAVID ET GOLIATH, que Ray HARRYHAUSEN songeait à adapter en n'employant que des personnages animés.

Le satire de la légende de Daphnis et Chloé que Ray HARRYHAUSEN pensa brièvement adapter, sur la partition de Maurice RAVEL.


L'ABOMINABLE FEMME DES NEIGES, une illustration aux allures d'estampe japonaise.

 
Ray HARRYHAUSEN avait songé en 1945 à adapter RUR de l'écrivain tchèque Karel CAPEK, le premier roman de science-fiction à utiliser le mot de robot.

 
Dessin montrant le Baron de Münchausen poursuivi par un aigle martien à trois têtes.
  
Test réalisé pour LES AVENTURES DU BARON DE MUNCHAUSEN, avec une tête en mousse pour le géant sélénite, capable de bouger les lèvres pour donner l'impression de parole.

Projet avorté d'adaptation de LA GUERRE DES MONDES (WAR OF THE WORLDS): dessins de production montrant une machine tripode (haut) et la mort des Martiens victimes des bactéries terrestres (en dessous), cette dernière scène ayant été partiellement filmée (en bas). Ray HARRYHAUSEN avait envisagé des Martiens avec une tête surmontée de deux antennes, distincte du buste, avant d'opter pour une transcription littérale de la description.

 
 
Créature de THE ELEMENTALS (1952), un projet inachevé, première conception avec des êtres ressemblant à des démons (au dessus), puis version à la gueule plus reptilienne (au dessous).

 
 
Il peut déjà être inquiétant d'être suspendu dans le vide dans un téléphérique, à fortiori quand des êtres terrifiants comme les "élémentaux" s'attaquent à la cabine. Le cinéaste français Eugène LOURIÉ, qui avait gagné la reconnaissance pour des films plus classiques puis avait réalisé LE MONSTRE DES TEMPS PERDUS, avait été si conquis par la technique de Ray HARRYHAUSEN que, bien qu'il n'eut pas l'occasion de travailler avec lui de nouveau, il avait lui-même des années plus tard imaginé sans trouver de financement de mettre en scène l'attaque de Paris par des Ptérodactyles.

Vu d'une créature en piqué pour une séquence tournée (en haut). Ray HARRYHAUSEN avait réalisé une miniature de lui-même pour la séquence dans laquelle un des êtres l'attaque et le saisit.

Ray HARRYHAUSEN décida ainsi de revenir à une série de contes avec FAIRY TALES, mettant en scène l'histoire de personnages comme Le Roi Midas ainsi qu' Hansel et Gretel. Alors qu'en 1952, il commençait à travailler sur le "Lièvre et la tortue" - la première d'une série de fables d’ÉSOPE qu'il avait envisagé d'adapter - qu'il n'achèvera finalement qu'en 2001 avec l'aide de deux animateurs, il reçut la visite du producteur John DIETZ qui s'enquérait des effets spéciaux pour le film LE MONSTRE DES TEMPS PERDUS (THE BEAST FROM 20000 FANTHOMS), hésitant entre l' utilisation d'un alligator dressé ou le recours à un interprète costumé. En regardant des extraits de MR. JOE ainsi que de son documentaire avorté EVOLUTION retraçant l'histoire la vie sur lequel l'animateur avait travaillé à l'âge de 18 ans, il fut séduit par le principe d'animation image par image et laissa carte blanche à Ray HARRYHAUSEN pour concevoir un gigantesque monstre quadrupède aux allures dinosauriennes vedette de l'histoire inspirée d'une nouvelle de son ami Ray BRADBURY. Les trucages sont d'autant plus saisissants que l'animateur insérait son animation entre un premier plan et un arrière-plan filmés lors du tournage en prises réelles en recourant à l'obturation partielle de la caméra. Le film attira l'attention d'un autre producteur, conquis par l'intérêt de l'animation image par image, Charles SCHNEER, qui devint le producteur attitré et le soutien des entreprises de Ray HARRYHAUSEN.

 
Une première version du MONSTRE DES TEMPS PERDUS aux allures de dinosaure cératopsien, et le résultat final, au dessous, avec un reptile présentant des traits évoquant davantage ceux d'un animal carnivore. A l'origine, l'animateur avait envisagé bien d'autres options, telles que dragons multipèdes à une ou bien deux têtes, une créature très proche du Martien décrit par H.G. WELLS dans son célèbre roman ou encore un monstre aux allures d'arbre mobile pourvus de quatre tentacules préhensiles dotés chacun d'un œil. 

Leur première association est une autre histoire de monstre, LE MONSTRE VIENT DE LA MER (IT CAME FROM BENEATH THE SEA), sorti en 1955, qui met en scène une pieuvre mutante devenue gigantesque en raison de la radioactivité - on peut noter qu'un semblable animal avait été envisagé pour le scénario du MONSTRE DES TEMPS PERDUS. Ray hésita un temps en raison de la similarité du sujet avec celui de son film précédent, puis estima qu'il pouvait être amusant de détruite sous forme de maquette le grand pont de San Francisco, le Golden Gate Bridge. Pour des raisons d'économie et de simplification de l'animation, le mollusque céphalopode ne fut pourvu que de six tentacules au lieu de huit, le créateur d'effets spéciaux détournant l'attention du spectateur en en faisant toujours mouvoir au moins un, supercherie passée inaperçue jusqu'à ce que son ami Forrest J. ACKERMAN - grâce à qui il avait rencontré l'écrivain Ray BRADBURY, son autre grand ami - la révèle dans sa revue "Famous monsters" ! Les vues du pont grandeur nature furent tournées subrepticement, faute d'avoir obtenu l'aval de l'autorité municipale qui craignait que le film confère une impression de fragilité à l'édifice chez les spectateurs. Ray HARRYHAUSEN réalisa en plus grande taille trois tentacules afin d'obtenir un détail incroyablement réaliste de leur texture.

 
 
Le monstre du Loch Ness? Cthulhu? Non, juste un poulpe colossal dans LE MONSTRE QUI VIENT DE LA MER, acharné à détruire le plus grand ouvrage d'art de San Francisco.

La même scène colorisée à l'occasion de sa réédition.

Son ami Willis O'Brien rappella son disciple pour un film documentaire d'Irwin ALLEN, ANIMAL WORLD, lequel s'avérera d'ailleurs leur dernière collaboration, une séquence sur des dinosaures étant destinée à enrichir cet aperçu de la diversité animale. Ray HARRYHAUSEN proposa d'animer les reptiles disparus plutôt que de les présenter en plan statique, mais fut cependant déçu du rendu car non seulement les animateurs ne disposèrent que de huit semaines de tournage mais surtout, les modèles fabriqués par le studio, réalisés par injection de mousse de latex dans des moules, manquaient de finition et paraissaient un peu être des modèles en plastique(alors que Ray HARRYHAUSEN, suivant l'exemple de Marcel DELGADO, collaborateur de Willis O'BRIEN depuis les débuts, recouvrait alors progressivement l'armature de plusieurs couches de latex pour créer ses propres modèles, ce qui leur conférait une meilleure impression de relief)

 
Ray HARRYHAUSEN a enfin l'occasion d'animer des dinosaures pour une présentation au public grâce à Irwin ALLEN.

Un partenariat fructueux

Charles SCHNEER produisit deux autres films de science-fiction en noir et blanc dont Ray HARRYHAUSEN était le maître d'œuvre. L'année 1956 mit particulièrement en valeur sur grand écran les soucoupes volantes popularisées par les magazines populaires, les pulps, avec LES SURVIVANTS DE L'INFINI (THIS ISLAND EARTH) et son enlèvement de terriens, emmenés jusqu'à une planète lointaine, ou PLANÈTE INTERDITE (FORBIDDEN PLANET) qui montrait l'armée du futur sillonnant elle-même l'espace dans de tels engins. Ray HARRYHAUSEN y contribua largement en les mettant au premier plan du film LES SOUCOUPES VOLANTES ATTAQUENT (EARTH VERSUS THE FLYING SAUCERS) de Fred SEARS, les objets volants non identifiés semant, comme ceux de la version de LA GUERRE DES MONDES produite par George PAL, la destruction en Amérique avec leur rayon laser. L'animateur eut l'idée de faire tourner sur eux-mêmes les engins, construits par son père en aluminium, pour leur conférer plus de mouvement. Faute de pouvoir filmer au ralenti la chute de reconstitutions à plus petite échelle des monuments détruits par les envahisseurs, ce qui eût été plus onéreux et normalement nécessité plusieurs caméras, il suspendit à des ficelles, peintes pour se confondre avec l'arrière-plan, les répliques des pierres se détachant de tous petits modèles. Le budget modique ne lui permit pas de porter à l'écran un des différents concepts d'extraterrestres originaux à tentacules rappelant quelque peu ceux de pulps qui se seraient prêtés à l'animation image par image, des humanoïdes aux yeux bridés enchâssés à la peau frippée en latex, dans une combinaison inspirée du robot du JOUR OU LA TERRE S'ARRÊTA (THE DAY THE EARTH STILL STOOD), portée par des interprètes tenant finalement lieu d'envahisseurs. Il avait aussi imaginé des sondes sous forme de soucoupes volantes miniatures, séquence anticipant le film BATTERIES NOT INCLUDED de Matthew ROBBINS produit par Steven SPIELBERG.

 
Soucoupes violentes : un engin non identifié s'en prend aux symboles du pouvoir. Au dessous, scène d'horreur, une soucoupe des envahisseurs s'apprête à se débarrasser de captifs en les précipitant dans le vide.

Pour A DES MILLIONS DE KILOMÈTRES DE LA TERRE (20 MILLIONS MILES TO EARTH) qui met en scène un monstre échoué sur Terre, devenant furieux après s'être heurté à l'hostilité des habitants, Ray HARRYHAUSEN opta pour un extraterrestre plus typique de ses goûts personnels, celui-ci ressemblant à une gargouille reptilienne, après avoir d'abord envisagé une créature au faciès plus démoniaque ou encore un cyclope aux pieds de bouc, annonçant celui du 7EME VOYAGE DE SINBAD, la corne frontale en moins. Pour varier le cadre, il installa l'intrigue en Italie, le monstre finissant tué par l'armée alors qu'il s'est hissé sur le Colisée - comme une allusion subliminale de l'animateur à son intérêt pour la mythologie gréco-romaine qu'il explorera ultérieurement. Il décida de laisser dans la pénombre l'attaque de l'extraterrestre par le chien après avoir estimé que la texture du modèle réduit de ce dernier paraissait trop caoutchouteuse.
 
Une première version de l'extraterrestre qui a tout de la créature qu'affrontera Sinbad dans le film suivant (en haut); Ray HARRYHAUSEN le dotera même de cornes à l'occasion du buste en plâtre qu'il a réalisé, accusant une évolution vers des caractéristiques plus reptiliennes (en bas).  

 
La créature extraterrestre reptilienne trouve un adversaire à sa mesure, en l’occurrence un éléphant.

A l'issue des quatre films orchestrant la destruction de villes, Ray HARRYHAUSEN éprouva réellement le souhait de changer de sujet d'inspiration et, estimant que la science-fiction, alors en pleine vogue au cinéma, menait souvent à ce type de scène, décida de se tourner vers l'Orient fabuleux avec LE 7EME VOYAGE DE SINBAD, réalisé en couleur, malgré les réticences de l'animateur qui considérait qu'avec ce procédé, la restitution des scènes filmées avec les acteurs utilisées en arrière-fond derrière les figurines animées présentait un atour granuleux, ce qui l'avait conduit à conserver le noir et blanc pour le film précédent. Il s'agit aussi du premier d'une série de films tournés en Espagne, afin d'utiliser notamment les paysages des plages de la Costa Brava, ce qui conduisit le duo à s'établir en Angleterre, afin de s'en rapprocher. Le début du film est spectaculaire avec le titanesque cyclope cornu aux pieds de bouc inspirés de Pan qui surgit sur la plage, poursuivant un magicien, en fait un personnage retors interprété brillamment par Torin THATCHER. L'île comporte aussi le gigantesque oiseau légendaire des contes, l'Oiseau-roc auquel l'animateur attribue deux têtes, un dragon, un squelette vindicatif combattant le héros à l'épée dans un escalier spiralé - séquence issue d'un dessin exécuté quatre ans plus tôt; on pourrait aussi mentionner une transformation d'une danseuse du ventre en créature d'allure serpentine, lointaine préfiguration de sa Gorgone. Cependant, bien d'autres prodiges prévus n'ont pas été retenus par le producteur : une vallée remplie de serpents géants, Charles SCHNEER éprouvant de la répulsion pour ces animaux et estimant qu'ils feraient fuir le public féminin, des rats géants, évincés pour la même raison, des sirènes à queue de poisson cherchant à envoûter de leur voix les navigateurs (dans l'adaptation italienne d'ULYSSE produite quatre ans plus tôt par Dino de LAURENTIIS, elles sont entendues mais non montrées ), des démons aux ailes de chauve-souris, et un combat entre deux cyclopes avait aussi été un temps envisagé.


 

 
Une danseuse orientale changée en créature fantastique. 

L'irruption grotesque et fascinante d'un cyclope, saisissante entrée en matière dans le monde des légendes.

Quelques années plus tard, le succès commercial du film poussera le producteur Edward SMALL a en produire un genre de pastiche, JACK ET LE TUEUR DE GÉANTS (JACK THE GIANT KILLER), avec notamment un géant cornu animé par le jeune Jim DANFORTH tentant de reproduire les techniques de son modèle, le même réalisateur, Nathan JURAN, la même vedette, Kerwin MATTHEW et le même interprète du sorcier, Torin THATCHER. Ray HARRYHAUSEN appréciera d'autant moins qu'il avait auparavant tenté d'intéresser en vain le producteur à ses projets sans recevoir même de réponse.

LES AVENTURES DE GULLIVER (THE THREE WORLDS OF GULLIVER) est l'adaptation des deux récits les plus célèbres de l'épopée écrite par Jonathan SWFIT, avec Gulliver propulsé dans le monde des minuscules Liliputiens puis dans celui des géants. Il n'y a pas réellement de créatures dans l'histoire originelle, mais, dans le second pays, Ray HARRYHAUSEN y confronte son héros à un écureuil, inquiétant à l'échelle du personnage (il s'agit de l'animation d'un spécimen naturalisé), ainsi qu'à un grand alligator détenu par les géants, menace sérieuse pour le navigateur, qui se substitue à un rat géant dont le producteur ne voulait pas entendre parler pour cause d'aversion personnelle. Ray HARRYHAUSEN utilise toutes les techniques possibles comme la perspective forcée alignant des interprètes situés à des distances différentes et le cache permettant d'impressionner successivement différentes parties de l'image pour réaliser les effets d'échelle requis par le conte, même si la dimension philosophique de ces aventures pittoresques est moins évidente que dans l'adaptation plus sombre et plus complète de Charles STURRIDGE, le producteur Charles SCHNEER ayant souhaité que l'angle sarcastique du conte ne soit pas développé. Plus anecdotiquement, Ray HARRYHAUSEN avait aussi envisagé qu'un magicien du pays des géants crée un homoncule diabolique, de même taille que Gulliver, scène qui sera intégrée dans LE VOYAGE FANTASTIQUE DE SINBAD. L'animateur et son producteur attitré songèrent à faire suivre immédiatement LES AVENTURES DE GULLIVER par un nouveau film propulsant un héros dans une autre société de lilliputiens bellicistes avec TARZAN ET LES HOMMES-FOURMIS, mais ils ne parvinrent pas à obtenir les droits d'adaptation des ayant-droits d'Edgar Rice BURROUGHS.

 
Ray HARRYHAUSEN avait imaginé de confronter Lemuel Gulliver, échoué dans le monde des géants, à un magicien et à son homoncule diabolique.

 
Gulliver combattant un rat géant - remplacé par un alligator de belles dimensions dans le film.

 
Bien que l'essentiel de la technique employée par Ray HARRYHAUSEN, héritée de Willis O'BRIEN, soit connue, le maître de l'animation n'a pas désiré à l'instar des magiciens révéler tous ses secrets et certains spécialistes cherchent ainsi à analyser image par image ses films; ainsi, Al FRISWELL, le restaurateur des modèles de l'animateur, pense avoir décelé dans le combat de Gulliver avec la queue de l'alligator une petite touche de peinture sur la pellicule destinée à prolonger le mouvement du bras de l'acteur devant la figurine de l'appendice caudal du crocodilien.

Pour son adaptation de L'ÎLE MYSTÉRIEUSE (THE MYSTERIOUS ISLAND), Ray HARRYHAUSEN, estima que le strict respect de l'histoire contant la manière dont des hommes s'organisent pour survivre sur une île isolée, jusqu'à la révélation finale que le site abrite le sous-marin du Capitaine Nemo rescapé de ses aventures précédentes, risquait de ne pas représenter un attrait suffisant pour le spectateur moderne et y vit l'occasion de peupler l'île de créatures préhistoriques comme dans KING KONG, incluant une attaque sous l'eau d'un reptile marin, un plésiosaure ou bien un très grand Mésosaure - le premier Reptile aquatique découvert dans les sites fossilifères, notamment en Antarctique, qui possédait un long museau comme le Gavial garni de dents très effilées et qui mesurait en réalité moins d'un mètre de long. Cependant, il est décidé qu'il est plus pertinent d'utiliser la présence du Capitaine Nemo pour justifier l'existence d'êtres fantastiques et ceux-là deviennent ainsi des créatures géantes issues de ses expériences visant à résoudre les difficultés de la faim dans le monde. Subsiste néanmoins de cette inspiration initiale le Phorusrhacos, un oiseau géant qui a régné durant des millions d'années en Amérique du sud, qui passe ainsi pour un poulet géant, et, plus inexplicablement - bien qu'il existe dans les mers chaudes un fossile vivant apparenté, le Nautile - une gigantesque ammonite qui attaque les marins tentant de renflouer un navire échoué, dont l'animateur s'appliqua à animer les tentacules avec le plus de subtilité possible afin de restituer la fluidité des mouvements en milieu aquatique. L'apparition d'une abeille géant, est magistrale; pour le plan dans lequel elle emmure les deux intrus humains en scellant une alvéole de la ruche, Ray HARRYHAUSEN a filmé la destruction de la paroi par le modèle de l'animal et a monté la séquence à l'envers. Les naufragés sont aussi menacés sur la plage par un énorme crabe, un véritable animal que Ray HARRYHAUSEN a fait préparer de manière à pouvoir insérer dans l'exosquelette une armature lui permettant de l'animer. Quelques gros plans sur la bouche de vrais crabes vivants ont été ajoutés au montage. Une plante carnivore a quant à elle disparu du script, ainsi qu'un paysage constitué de champignons géants, environnant une antique cité, rappelant une scène d'un autre roman de Jules VERNE, VOYAGE AU CENTRE DE LA TERRE. La plage utilisée pour le tournage est la même que celle apparaissant dans LE 7EME VOYAGE DE SINBAD; Ray HARRYHAUSEN se montrera déçu par les peintures sur verre destinées à changer son apparence en la dotant de rochers escarpés qu'il avait fait exécuter, peut-être par Leslie BOWIE (qui allait travailler sous sa direction sur LES PREMIERS HOMMES DANS LA LUNE avec Kit WEST, un des principaux technciciens de DUNE), estimant qu'elles ne faisaient pas suffisamment illusion, contestant la qualité de leur rendu tout en estimant qu'il aurait peut-être dû les imaginer autrement pour obtenir une impression plus réaliste. L'animateur s'est aussi chargé de la scène initiale montrant l'évasion en montgolfière d'évadés sudistes, dans le décor miniature reproduit à l'identique, séquence qui avait notamment motivé son intérêt pour le projet. Pour la destruction de la grotte abritant le Nautilus de Nemo, Ray HARRYHAUSEN utilisa un assez grand décor, de manière à ce que les éclaboussures occasionnées par la chute des rochers ne trahissent pas l'échelle réduite.

Dessin de Ray HARRYHAUSEN pour le franchissement périlleux d'un ravin dans L'ILE MYSTERIEUSE, une image qui renvoie directement à une scène marquante de son film favori KING KONG sorti en 1933, le plus connu sur lequel a œuvré son mentor Willis O'BRIEN.


Illustration conceptuelle de référence et scène du film avec l'oiseau géant.

Face à une abeille géante très réaliste.
 
Un film réellement mythique

Le film suivant, JASON ET LES ARGONAUTES (JASON AND THE ARGONAUTS) sorti en 1963 est certainement le plus iconique de ceux agencés par Ray HARRYHAUSEN et également celui dont lui-même se montrait le plus fier. Plus que dans aucun autre, l'animation ne met sans doute autant en valeur le contraste saisissant entre les humains et les créatures fabuleuses auxquelles ils sont brutalement confrontés, tels les pauvres jouets de puissances terrifiantes commandés par des dieux de l'Olympe semblant disputer une partie d'échecs avec leur existence (un nouvel effet d'échelle après la princesse à la taille réduite du 7EME VOYAGE DE SINBAD et les contrastes des AVENTURES DE GULLIVER ).


 Ray HARRYHAUSEN imaginait tout l'aspect visuel d'un film, représentant les paysages et les décors architecturaux dans lesquels évoluaient ses personnages et créatures.

Des peintures sur verre parfaitement intégrées aux scènes tournées.

 L'apparition divine géante flamboyante incitant Jason à se lancer dans la quête de la toison d'or, pour aussi stupéfiante qu'elle soit, n'est qu'un léger avant-goût des prodiges qui suivent. L'animation soudaine de l'énorme statue de Talos, veillant sur les offrandes déposées aux Dieux, est absolument terrifiante. Ray HARRYHAUSEN s'est inspiré de l'automate conçu par Dédale, le père de Thésée qui se donna la mort après avoir cru que son fils avait péri face au minotaure dans une aventure précédente de la mythologie gréco-romaine - ainsi que de la statue du colosse de Rhodes pour la taille. 

 
 
La saisissante et inexorable marche du colosse de bronze Talos, presque un avant goût de l'impitoyable tueur de métal de TERMINATOR.

Une autre scène très impressionnante met en scène deux harpies persécutant un aveugle - créatures volantes démoniaques comparables à celles prévues dans une scène non tournée du 7EME VOYAGE DE SINBAD et à celles d'un projet non abouti, THE ELEMENTALS (dont il existe aussi un essai avec une version plus reptilienne), dont il avait finalement cédé les droits au producteur John DIETZ; on pourrait seulement regretter qu'un modèle plus détaillé n'ait pas été prévu pour un gros plan sur un des faciès grimaçants qui eût apporté une touche d'effroi supplémentaire. 

D'indésirables convives aux allures peu engageantes, ravissant chaque jour à Phineus son déjeuner, à la manière du supplice de Tantale qui voyait sa pitance s'éloigner chaque fois qu'il tentait de s'en emparer.

Pour des raisons de facilité, Ray HARRYHAUSEN décida de faire incarner le Dieu Poséidon écartant le rochers pour laisser passer le navire des Argonautes par un acteur gratifié d'une queue de poisson, la scène filmée au ralenti donnant une impression de majesté et de puissance au géant. 

Un bel exemple de "deus ex machina" : le Dieu Triton fait soudain irruption pour écarter momentanément les rochers trop rapprochés sur lesquels l'Argonaute charrié par la houle était sur le point de se fracasser.

Parvenu en Colchide, le projet de Jason de voler la Toison d'Or miraculeuse est révélé par Acaste qui veut lui nuire, mais il trouve en la propre fille du Roi, Médée, une alliée qui par amour l'aide à accomplir sa quête. La fin du film est époustouflante. Jason combat d'abord le gardien de la Toison, Ray HARRYHAUSEN ayant substitué au dragon classique (déjà brillamment représenté dans LE 7EME VOYAGE DE SINBAD) l'Hydre à sept têtes de la légende des Travaux d'Hercule, sorte d'aberration tératologique, l'animateur lui ayant aussi conféré une queue dédoublée sur le modèle de la langue bifide. L'animal fabuleux possède un bec corné à chaque tête dont l'allure emprunte quelque peu à celle du Phorusrhacos. 

 
L'Hydre à sept têtes défend farouchement la toison d'or contre les impétrants.

Le monstre est à peine vaincu au cours d'un combat réellement homérique que ses dents réduites en poudre jetées sur le sol par le Roi de Colchide furieux font par leur pouvoir magique surgir du sol les squelettes vindicatifs de sept guerriers qui affrontent à l'épée les Argonautes - l'un d'entre eux provenant du 7EME VOYAGE DE SINBAD - séquence ayant nécessité quatre mois de tournage. Initialement, Ray HARRYHAUSEN avait imaginé que les assaillants seraient des morts-vivants mais cette option fut refusée par les financeurs qui l'estimèrent trop horrible.

 
Vaincre l'Hydre ne constituait pas l'ultime épreuve... Ray HARRYHAUSEN avait d'abord envisagé des morts vivants quittant les catacombes avant de revenir vers sa passion pour les squelettes qui se prêtent si bien à ses talents d'animateurs.

Cependant, le film aurait pu être encore plus extraordinaire, Ray HARRYHAUSEN ayant un temps projeté d'inclure dans le défilé rocheux les monstres Charybde et Scylla de L'ODYSSÉE, et de faire descendre Jason aux enfers avec Médée l'y baignant dans un liquide immunisant contre le venin de l'Hydre, ce qui devait l'amener à combattre Cerbère, le terrible chien à trois têtes. JASON ET LES ARGONAUTES ne rencontra pas en dépit du spectacle remarquable qu'il représente le succès escompté et le studio Paramount ne reconduisit pas le contrat avec l'animateur.

Médée mène Jason jusqu'aux Enfers où Cerbère les attend.

 
 La fascination de Ray HARRYHAUSEN pour les squelettes, héritée de l'imagerie de Gustave DORE, est confirmée non seulement par des séquences dans LE 7EME VOYAGE DE SINBAD, JASON ET LES ARGONAUTES et LES PREMIERS HOMMES DANS LA LUNE, mais encore dans cette esquisse de projet sur un homme devenant invisible (encore un thème wellsien, bien que le sujet soit inspiré d'un roman de Thorne SMITH) de 1963 pour un projet appelé SKIN AND BONES.

Ray HARRYHAUSEN apprécia l'idée du scénariste Nigel KNEALE ( à qui on doit notamment l'excellente série britannique de science-fiction QUATERMASS ) qui décida à l'issue de différents essais d'adaption du roman LES PREMIERS HOMMES DANS LA UNE (THE FIRST MEN INTO MOON) d'H.G.WELLS de conserver l'atmosphère victorienne de l'époque, ce qui lui conférait un côté suranné tranchant avec la science-fiction plus technologique que le créateur d'effets spéciaux affectionnait moins. Ray HARRYHAUSEN y anima les créatures basées sur les descriptions de l'écrivain britannique, les extraterrestres aux allures d'insectes et leur reine au cerveau hypertrophié - utilisant pour plus de facilité des costumes pour certains plans de groupe avec les acteurs humains - ainsi qu'un "veau lunaire", énorme créature à l'apparence de chenille qui sert de bétail, larve d'une sorte de papillon géant qui n'est pas montré, la scène du storyboard dans laquelle on découvrait les chrysalides n'ayant pas été conservée. Un squelette de JASON ET LES ARGONAUTES fait un court passage à l'écran lorsqu'un Terrien passe derrière une paroi filtrant les rayons X, préfigurant une scène de TOTAL RECALL.

Deux figurines de Sélénites pour les plans d'animation.

Un gigantesque "veau lunaire" fait son apparition dans une caverne lunaire - Ray HARRYHAUSEN avait un temps songé à montrer dans une séquence des chrysalides suspendues (comme dans son projet THE ELEMENTALS) révélant qu'il ne s'agissait que des chenilles de papillons géants.

Le renouement avec les dinosaures

L'artiste peut renouer avec sa passion pour les dinosaures avec les deux films suivants. Pour le remake de UN MILLION D'ANNÉES AVANT JÉSUS CHRIST (ONE MILLION YEARS B.C.) produit par la célèbre société de production anglaise Hammer et réalisé par Don CHAFFEY qui avait déjà dirigé JASON ET LES ARGONAUTES, cette fantaisie anachronique mettant en vedette des hommes préhistoriques autour de l'actrice Rachel WELCH et des dinosaures, Ray HARRYHAUSEN utilise pour débuter un véritable iguane vivant auquel il confère une taille gigantesque pour représenter ces derniers, ce qu'il regrettera finalement, préférant leur donner vie sous forme de petits modèles animés image par image. Il crée un Allosaure qu'affronte avec sa lance un primitif, un autre dinosaure carnivore, le Cératosaure cornu qui affronte un tricératops dans un combat impitoyable, un Archelon, tortue de 4 m de long qui est ici gigantesque, ainsi qu'un brontosaure dont l'apparition est très brève, la séquence dans laquelle il attaquait les humains n'ayant pas été conservée, ce qui ne permet d'apprécier que fugitivement le réalisme de l'épiderme du Sauropode. Pour la scène dans laquelle la vedette féminine est saisie par un reptile volant, Ray HARRYHAUSEN a conçu une version miniature de l'actrice, tandis qu'un modèle grandeur nature du Ptéranodon a aussi été réalisée. L'animateur ne visait pas la reconstitution à l'identique des Ptérosaures dont les ailes n'étaient portées que par un doigt, comme un fan de 5 ans lui fit un jour remarquer un peu insolemment, préférant prendre pour modèle les chauve-souris afin de conférer davantage de force apparente aux ailes de manière à convaincre de la capacité du prédateur à soulever sa proie - et en effet, les.Reptiles volants sont  traditionnellement envisagés comme étant davantage des planeurs que des animaux réellement capables de voler. La Hammer souhaita engager de nouveau Ray HARRYHAUSEN pour la suite, QUAND LES DINOSAURES DOMINAIENT LE MONDE (WHEN DINOSAURS RULED THE WORLD), mais il était déjà requis pour son projet suivant, LA VALLÉE DE GWANGI, et la production fit appel à Jim DANFORTH (JACK LE TUEUR DE GÉANTS) qui démontra, avec l'assistance de David ALLEN, qu'il était parvenu à se hisser au niveau de son modèle, donnant vie à divers reptiles disparus ainsi qu'à un dinosaure fictif assez proche des premières représentations de ces animaux - qui aurait pu représenter la forme femelle du "rhédosaurus" imaginaire du MONSTRE DES TEMPS PERDUS..

 
Dans cette préhistoire fantasmagorique, les humains affrontent avec leur lance des dinosaures carnivores affamés.  

 
Dessin de production pour la scène non tournée du combat entre des hommes préhistoriques et un brontosaure, lequel ne fait finalement qu'une fugace apparition; un oiseau géant aux allures de Diatryma, qui était emprisonné dans un enclos, n'a quant à lui pas dépassé le stade de la séquence dessinée.

LA VALLEE DE GWANGI (VALLEY OF GWANGI), sorti en 1969, est un projet qui tenait particulièrement à cœur Ray HARRYHAUSEN, car il s'agit d'un de ceux dans lesquels s'était investi son mentor Willis O'BRIEN, décédé en 1962, sous le titre de THE VALLEY OF THE MIST sans parvenir à obtenir son financement. Il s'attacha ainsi à porter à l'écran ce western fantastique dans lequel des cowboys découvrent dans une vallée encaissée des animaux survivants des temps reculées, notamment un Allosaure terrifiant qu'ils capturent pour le montrer dans un cirque, l'animal s'échappant et semant la destruction. Ray HARRYHAUSEN avait prévu un véritable éléphant pour combattre l'Allosaure mais il ne put se procurer qu'un jeune spécimen, aussi entreprit-il de le créer sous forme de modèle à animer comme il l'avait déjà fait pour A DES MILLIONS D'ANNÉES LUMIÈRE DE LA TERRE. La séquence de capture au lasso du dinosaure demanda un effort tout particulier pour faire coïncider le monstre avec les prises de vues réelles dans lesquelles l'objet était passé autour d'un poteau. Outre l'Allosaure, la vallée perdue abrite des Ornithomimus, permettant à l'animateur de montrer que tous les dinosaures n'étaient pas des créatures puissantes et gigantesques, un Styracosaure, qui réédite le combat avec le Carnosaure toujours attendu, un reptile volant et un animal apparu après la disparition des dinosaures, l'Eohippus, le plus ancien représentant de la lignée des chevaux d'une taille menue, que l'animateur confronte un instant à son descendant actuel. A la différence du film précédent, LA VALLEE DE GWANGI permet de montrer un dinosaure dans un décor urbain, avec l'Allosaure apparaissant dans une cathédrale, imagerie marquante pour un film demeuré cependant méconnu du grand public et sans doute victime comme JASON ET LES ARGONAUTES d'une trop faible promotion lors de la sortie en salles - l'animateur s'était d'ailleurs plaint du peu de moyens dont disposait la production de LA VALLEE DE GWANGI au cours du tournage avec les acteurs.

Un far West peuplé de créatures préhistoriques.

"Reste tranquille, c'est ton copain l'Allosaure que je viens chercher!"
Le Styracosaure a trouvé son maître.

 
Plus d'hésitation à avoir à présent, c'est l'Allosaure qui sera le trophée, pourvu que le lasso soit assez solide.

En 1971, la société de production britannique Hammer avait fait appel à Ray HARRYHAUSEN pour produire de nouvelles aventures préhistoriques, WHEN THE EARTH CRACKED OPEN, basé sur un scénario écrit l'année précédente par James HOUGHTON, après une version de John ELDER (pseudonyme de scénariste du producteur Anthony HINDS). Le film devait être diffusé en 1972, avec Caroline MUNRO pressentie en vedette féminine. Plusieurs affiches furent réalisées, mettant en valeur un personnage féminin en petite tenue, l'une avec un des monstres dinosauriens que devait créer Ray HARRYHAUSEN, mais deux autres évoquant davantage un film d'anticipation sur fond de catastrophe future. L'animateur avait envisagé d'y faire figurer la plante carnivore géante initialement prévue dans L'ILE MYSTÉRIEUSE, ainsi que diverses créatures disparues telles que des dinosaures comme un Triceratops ou un Ankylosaure, d'autres aux allures de Moschops (reptiles mammaliens au faciès assez patibulaire) et un paresseux géant, animal éteint récemment qui avait marqué Ray HARRYHAUSEN depuis qu'il avait vu au musée de La Brea la peinture du peintre Charles KNIGHT représentant cette espèce dans son milieu naturel, dont les restes furent découverts dans les schistes bitumineux du site - O'BRIEN avait déjà songé à faire apparaître cet animal éteint récemment dans son projet inabouti, CREATION. Le scénariste avait aussi imaginé un monstre ressemblant à un croisement entre un gorille et un saurien. Dans la dernière mouture du scénario, seules quatre créatures furent conservées, un tatou géant, un Lucane géant (type de scarabée possédant d'énormes mandibules), des fourmis soldats géantes et un monstre vivant dans un marécage, et un budget couvrant plusieurs semaines pour l'animation des tentacules de ce dernier par Ray HARRYHAUSEN avait déjà été programmé, de manière à pouvoir utiliser les plans dans la bande-annonce. L'animateur devait aussi se charger de réaliser les trucages relatifs à une éruption volcanique et aux coulées de lave. Finalement, les hésitations quant au script et les aléas de production eurent raison du projet.
 
La version de l'affiche du projet WHEN THE EARTH CRACKED OPEN se rapprochant le plus de ce sur quoi Ray HARRYHAUSEN devait œuvrer, une aventure comportant des créatures antédiluviennes aux allures de dinosaures.

Sinbad, une source inépuisable d'inspiration ?

A partir des années 1970, Ray HARRYHAUSEN replace le personnage de Sinbad au centre de ses préoccupations. Sa première idée pour le moins audacieuse fut de se servir du personnage comme principal protagoniste d'un nouveau film mettant en scène des dinosaures découverts dans une vallée perdue, le projet, intitulé THE KING OF GENIIS, orchestrant ainsi la rencontre entre plusieurs de ses centres d'intérêts. Cependant, l'échec commercial de LA VALLÉE DE GWANGI dissuada les financeurs de soutenir un nouveau projet du Maître de l'animation incluant ces animaux préhistoriques.
L'affiche initiale de la seconde aventure de Sinbad, qui devait originellement mêler dinosaures et monstres mythiques tels que cyclope et centaure (haut); rencontre avec un styracosaure bien redoutable en dépit de son régime végétarien (milieu); un serpent géant affronte un dinosaure devant des Orientaux issus des contes des 1001 nuits (bas).


La décennie verra finalement deux nouvelles aventures du marin des 1001 nuits, LE VOYAGE FANTASTIQUE DE SINBAD en 1973 (THE GOLDEN VOYAGE OF SINBAD) et SINBAD ET L'OEIL DU TIGRE en 1977 (SINBAD AND THE EYE OF THE TIGER). Il fut originellement envisagé de tourner réellement en Inde le premier, avant que la production se rabatte sur l'Espagne. Le second censé se passer au pôle Nord fut également tourné en Méditerranée, notamment à Malte, avec le renfort de neige factice réalisée entre autres avec du polystyrène, la température soumettant à rude épreuve les acteurs revêtus de fourrure, les conduisant à s'en défaire promptement entre les prises. A la fin d'une séquence, les trois acteurs principaux dont Jane SEYMOUR s'amusèrent même à se retourner et à ouvrir leur manteau face aux techniciens en révélant leur totale nudité. Ray HARRYHAUSEN avait songé à confier le rôle du magicien bienveillant Melenthius à Orson WELLES, mais celui-ci n'estima pas son salaire suffisant (c'est Patrick TROUGHTON - un des rôles-titres de la série DR WHO - qui l'incarne finalement après avoir été Phineus, la victime des Harpies de JASON ET LES ARGONAUTES), et Bette DAVIS déclina pour la même raison le rôle de la sorcière. Ray HARRYHAUSEN aurait par contre volontiers repris Kerwin MATTHEWS pour le rôle principal, suite à sa première prestation dans LE 7EME VOYAGE DE SINBAD, mais le studio préféra qu'un acteur différent incarne le personnage d'une aventure à l'autre pour ne pas donner l'impression de simples suites. Cependant, les deux films des années 1970 sont battis sur le même modèle: le marin Sinbad doit conduire dans une contrée lointaine, l'Inde dans le cas du VOYAGE FANTASTIQUE DE SINBAD, l'Hyperborée arctique dans SINBAD ET L'OEIL DU TIGRE, un prince dont une malédiction a altéré l'apparence pour l'empêcher de régner (respectivement défiguré, et changé en babouin) afin de lui permettre d'être restauré dans son état naturel grâce à une source magique, tout en déjouant les maléfices d'un sorcier lancé à leur poursuite, et dont l'affrontement final inclut un combat manichéen entre deux êtres fantastiques à l'intérieur du lieu sacré seul à même de renverser la magie maléfique. Ray HARRYHAUSEN illustre librement les légendes orientales, y mêlant des éléments d'origine diverses, tels que le centaure de la mythologie gréco-romaine et la déesse hindoue Kali dans LE VOYAGE FANTASTIQUE DE SINBAD. Il s'inspire même de la préhistoire dans SINBAD ET L'OEIL DU TIGRE, avec le Néandertalien surnommé Trog - qui devait initialement affronter le centaure dans le film précédent avant d'être remplacé par un griffon - dont le créateur d'effet spéciaux fera un géant et qu'il dotera finalement d'une corne frontale du plus bel effet, ainsi qu'un félin à dent de sabre de la période glaciaire, sans oublier un morse titanesque, difficile à animer en raison de l'épaisse couche de latex restituant la profondeur de l'épiderme de l'animal, se substituant à un Yéti envisagé initialement, débouchant sur un combat dont l'âpreté est presque dérangeante, tant il rappelle la mise à mort habituelle de ces animaux - à noter que le morse géant n'est pas un animal préhistorique, néanmoins, cet animal a été autrefois beaucoup plus répandu, aussi on pourrait très bien imaginer qu'à l'instar des "vaches marines" comme l'a révélé la paléontologie, une forme gigantesque ait initialement existé et ait trouvé refuge dans les régions arctiques les plus isolées jusqu'à ce que la chasse eut raison des derniers représentants. Des êtres mécaniques parsèment aussi les films, comme, dans LE VOYAGE FANTASTIQUE DE SINBAD, la satue de Kali qui devient vivante pour menacer Sinbad de ses six sabres à l'occasion d'un combat terrifiant et la figure de proue du navire du marin qui s'anime soudainement sous l'influence du sorcier Koura (joué par Tom BAKER, l'homme de main de MUTATIONS et un des interprètes-titres de la série DR WHO), l'avancée incoercible de cette sculpture anthropomorphe en bois étant digne du mémorable réveil de Talos de JASON ET LES ARGONAUTES, ou encore l'automate doré à l'effigie du minotaure dans SINBAD ET L'OEIL DU TIGRE, que se fit construire la sorcière Zenobie par des zombies dans une scène non retenue. Dans ce dernier film, Ray HARRYHAUSEN avait aussi envisagé un affrontement entre le Trog et un Arsinoitherium, mammifère préhistorique aux allures de rhinocéros mais davantage apparenté aux éléphants, ainsi que l'attaque du navire par un ver marin géant d'allure insectoïde, avec de courtes pattes à proximité de la tête, concept abandonné parce que jugé trop similaire au Veau lunaire des PREMIERS HOMMES DANS LA LUNE, qui aurait sans doute ressemblé à la créature créée par Carlo RAMBALDI pour le film de 1965 HERCULES AND THE PRINCESS OF TROY. Ray HARRYHAUSEN a aussi conféré à la tête des goules du VOYAGE FANTASTIQUE DE SINBAD une apparence d'insecte, qu'il avait même un temps confortée en songeant à les pourvoir d'une paire d'antennes. Pour Le VOYAGE FANTASTIQUE DE SINBAD, Ray HARRYHAUSEN avait pensé relancer l'idée de l'affrontement entre SINBAD et les démons ailés non utilisée dans LE 7EME VOYAGE DE SINBAD, et avait un temps également songé à un serpent semi-humanoïde qui aurait rappelé aux lecteurs d'Howard Philip LOVECRAFT la monstruosité connue sous l'appellation de "Yig le Père des serpents". Dans SINBAD ET L'OEIL DU TIGRE, l'animateur démontre une nouvelle fois son talent, avec l'animation très accomplie de l'homme préhistorique géant qui est vraiment un personnage à part entière plus qu'un "monstre" et du babouin qu'est devenu le prince Kassim, dont il fait ressentir toute la détresse devant la perte progressive de sa personnalité humaine. 

Tournage dans une Inde ibérique.
Source magique dans LE VOYAGE FANTASTIQUE DE SINBAD.

 
Entrée dans le site d'une civilisation disparue de l'Hyperborée, Grand Nord mythique. 

 
 
Dignes successeurs de Talos, la statue de la déesse Kali (haut) et une figure de proue en bois s'animent respectivement dans LE VOYAGE FANTASTIQUE DE SINBAD et dans SINBAD ET L'OEIL DU TIGRE; ce dernier comporte également un automate doré à l'aspect de minotaure, interprété par un acteur de 2m21, Peter MAYHEM, qui est notamment connu pour son incarnation du Wookie Chewbacca dans la saga de LA GUERRE DES ÉTOILES (STAR WARS).

Dessin pour la scène non tournée de la vallée des serpents pour LE VOYAGE FANTASTIQUE DE SINBAD.

 
 
 
Le Centaure du VOYAGE FANTASTIQUE DE SINBAD va bientôt rencontrer un adversaire plus à sa mesure, un Griffon, animal fabuleux qui symbolise le Bien, comme dans le bestiaire chrétien du Moyen-Age.

Le Troglodyte, destiné à sacrifier sa vie pour protéger ses amis récents d'un tigre à dents de sabre dans SINBAD ET L’ŒIL DU TIGRE.

Le héros oriental continua par la suite à inspirer à Ray HARRYHAUSEN l'idée de nouvelles aventures dont il était le héros.

Le dernier des titans

Le succès des deux nouvelles aventures de Sinbad permit à Ray HARRYHAUSEN d'obtenu un budget important de la MGM pour une seconde épopée mythologique, LE CHOC DES TITANS (CLASH OF THE TITANS) de Desmond DAVIES, sorti en 1981 - et qui met en scène des monstres, mais non les Titans polycéphales vaincus par les Dieux de l'Olympe que semble évoquer le titre. L'intrigue, intelligemment structurée, s'inspire librement de la légende de Persée, amené à trancher la tête de la Gorgone dont la chevelure est faite de serpents vivants et qui change ses victimes en pierre par son regard pétrifiant, afin d'utiliser son redoutable pouvoir contre un gigantesque monstre marin auquel doit être sacrifiée sa bien-aimé Andromède. Alors que les dieux de l'Olympe paraissaient des personnages assez cyniques dans JASON ET LES ARGONAUTES, ceux du CHOC DES TITANS, interprétés par de grands acteurs britanniques, autour de Laurence OLIVIER qui incarne Zeus, expriment plus explicitement les passions qui les animent au même titre que de simples mortels, et qui font du demi-Dieu Persée le jouet de ces antagonismes. Le monstre marin est une créature reptilienne titanesque pourvue de quatre bras tentaculaires, dénommée Kraken, du nom d'une créature scandinave fabuleuse. Le scénario importe aussi comme allié de Persée le cheval volant Pégase, issu de la légende de Bellerophon qui était utilisé pour combattre la chimère, et qui était justement né du sang de la Gorgone - fluide qui dans le film change la taille de scorpions après les avoir éclaboussés, en faisant deux ennemis acharnés de Persée; les auteurs du film imaginent qu'il est le dernier représentant d'un troupeau massacré par un personnage totalement inventé, Calibos, que Zeus a changé en personnage d'allure démoniaque pour le punir et qui continue de sévir en capturant chaque nuit le double astral de la princesse Andromède, emportée à l'intérieur d'une cage par un vautour géant - que Ray HARRYHAUSEN a estimé plus évocateur que la chauve-souris initialement pressentie par le scénario - dans les putrides marécages où s'est établi le sinistre personnage qui la convoite, jusqu'à ce que Persée la délivre de ce maléfice, mais que la vanité de la mère de la jeune fille, Cassiopée, entraîne l'ordre de la déesse Téthis de la sacrifier au Kraken, débouchant sur les nouvelles épreuves de Persée encore plus terrifiantes déjà évoquées. Calibos étant amené à parler, Ray HARRYHAUSEN choisit, à la différence du Trog de SINBAD ET L'OEIL DU TIGRE, de le faire interpréter alternativement par une figurine animée pour les plans larges et par un acteur maquillé pour les gros plans. Ray HARRYHAUSEN avait prévu de le montrer rampant pitoyablement sur le sol lorsque Persée le terrasse, mais le producteur Charles SCHNEER a estimé que cela serait exagérément mélodramatique. L'animateur ne cherche pas à édulcorer les éléments horrifiques : au cours de sa quête le menant à Méduse, Persée est confronté à trois sorcières aveugles et anthropophages fort lugubres, qui voient au travers d'un cristal magique qu'elles s'échangent, puis descend dans les Enfers, sur la barque du passeur squelettique Charon, et affronte le gardien des Enfers, un chien n'ayant que deux têtes pour simplifier l'animation, nommé Dioskilos, lequel remplace le Cerbère de la légende; les touristes apercevant le tournage de la scène au sein du temple italien de Paestum qui avait déjà été utilisé pour l'attaque des Harpies de JASON ET LES ARGHONAUTES, se montrèrent d'ailleurs perplexes en voyant des acteurs se battre frénétiquement contre quelque chose d'invisible, devant songer qu'il s'agissait de la répétition d'un film sanguinolent, et Ray HARRYHAUSEN écourtera lui-même la séquence pour qu'elle ne soit pas trop atroce. On peut cependant se demander si la créature bicéphale n'aurait pas été encore plus terrifiante s'il avait prêté aux têtes la physionomie d'une race de chien plus menaçante. La confrontation avec Méduse est particulièrement intense. Comme pour le Kraken et pour Calibos à la longue queue de lézard, Ray HARRYHAUSEN prête à Méduse des traits reptiliens avec sa peau écailleuse et le remplacement de ses membres inférieurs par un long abdomen de serpent sur lequel elle rampe. L'animateur s'attacha à faire se mouvoir chacun des serpents qui ondulent autour de sa tête et veilla à éclairer avec une petite flamme son modèle de manière à ce qu'il s'intègre parfaitement dans le décor. La caméra détaille soigneusement l'antre démoniaque parsemé de cadavres pétrifiés des guerriers qui se sont hasardés en ce lieu, puis la Gorgone émerge lentement d'entre les antiques colonnes, éclairée par les lueurs écarlates et changeantes de l' âtre tout proche, ondulant d’une manière presque surnaturelle. Du corps fnalement décapité de Méduse jaillit un épais liquide visqueux qui se répand abondamment sur le sol, la séquence s'achevant sur une image saisissante et très théâtrale, Persée brandissant devant le temple à l'abandon la version grandeur nature de la tête hideuse de la Gorgone aux cheveux serpentins au son de quelques mesures puissantes de Laurence ROSENTHAL. C'est d'ailleurs l'interprète de Persée, Larry HAMLIN, qui contraindra l'équipe à respecter la décapitation de la créature avec le glaive, tandis que le scénario avait imaginé qu'il use à la place du tranchant de son bouclier. La scène de la Gorgone demeure réellement terrifiante et représente la séquence d'animation dont Ray est le plus fier. Pour les scènes impliquant le Kraken, Ray HARRYHAUSEN dut aussi faire face au défi de combiner le monstre avec les incrustations de l'écume de la mer. 

 
Un élément gracieux du mythe, l'élégant cheval ailé Pégase.


 
 

 
 
Les principaux monstres du CHOC DES TITANS, le monstre marin nommé Kraken par Ray HARRYHAUSEN, dont le faciès proche de celui de l'Ymir évoque un King Kong reptilien, et la Gorgone Méduse au regard pétrifiant (dont le sang aurait selon la légende donné naissance au corail rouge, lequel est dans la zoologie moderne classé dans l'ordre des Gorgones ).

Magistral, LE CHOC DES TITANS aurait du augurer de nombreuses autres œuvres; pourtant, alors que le film représente l'apogée de sa carrière, il en marque aussi la fin, car plus aucun film conçu par Ray HARRYHAUSEN ne verra le jour.



Ray HARRYHAUSEN et Charles SCHNEER promouvant LE CHOC DES TITANS auprès du public japonais.

Du point de vue du grand public, Ray HARRYHAUSEN, qui disait que les films ne lui laissaient pas suffisamment de temps pour se consacrer à sa vie de famille, a pris sa retraite. En réalité, l'animateur tenta de mener à bien des projets, mais plus aucun n'aboutit.

Rêves évanescents

A la fin des années 1970, Ray HARRYHAUSEN envisagea de réintroduire le personnage du héros oriental dans une nouvelle épopée très inattendue, SINBAD GOES ON MARS.  Après quelque hésitation, le scénariste Ken KOLB, qui avait déjà agencé une première version de L'ILE MYSTÉRIEUSE jugée trop peu imaginative par Charles SCHNEER, se laissa convaincre en 1978 d'écrire l'histoire; Sinbad y vient en aide à une princesse martienne, contre des mutants à l'aspect reptilien, qui veulent récupérer le cristal ionique enfoui sur terre dans une pyramide sous-marine construite des siècles plus tôt par les architectes martiens et gardée par un génie à trois bras, envisagé comme étant un androïde à la voix métallique, afin de se rendre maîtres de l'univers. Transporté jusque sur Mars dans le vaisseau du maléfique Zangor, Sinbad devait aussi affronter l'équivalent d'une monstrueuse anémone de mer tapie dans les eaux troubles des canaux martiens. Le célèbre peintre britannique Chris FOSS, qui devait notamment être engagé comme artiste conceptuel sur ALIEN de Ridley SCOTT, eut alors la tâche de concrétiser l'univers visuel de SINBAD GOES ON MARS, Ray HARRYHAUSEN étant alors très accaparé par le tournage du CHOC DES TITANS. Ken KOLB s'attendit à ce qu'on lui demande, à l'issue de cette première tentative, d'écrire une seconde version du scénario pour tenir compte des éventuelles observations, mais la collaboration s'arrêta là une fois son salaire versé. Il devait en fait découvrir en 2007 que Beverley CROSS, le scénariste habitué de la collaboration avec le duo SCHNEER-HARRYHAUSEN auquel on doit notamment JASON ET LES ARGONAUTES et LE CHOC DES TITANS, s'était vu confier en 1979 la mission d'écrire une nouvelle version de l'histoire. Ray HARRYHAUSEN trouvait que le projet se rapprochait trop à son goût d'un film de pure action comme FLASH GORDON.

 
L'univers "rétro-futuriste" de l'aventure martienne de Sinbad, SINBAD GOES ON MARS concrétisé par Chris FOSS: en haut, de gauche à droite et de haut en bas, le vaisseau spatial de Zangor, celui de la princesse Tania, la salle de contrôle de Zangor, et les bulles de plastiques grâce auxquelles Sinbad et la princesse s'échappent du navire de Zangor, en dessous, l'intérieur d'une grande pyramide en révèle une plus petite inversée.

Beverley CROSS avait quant à lui imaginé que Sinbad, transporté sur Mars grâce un dispositif de téléportation installé dans une pyramide égyptienne, y affronterait une nuée de mites géantes très agressives et rencontrerait un sphinx ainsi qu'une descendante de Cléopâtre, assistée d'une sorte de monstre de Frankenstein, à laquelle il substitua dans une seconde version une princesse martienne entourée de divinités de l’Égypte antique comme Anubis, Osiris et Seth. Les canaux recelaient un monstre ressemblant à une anguille monstrueuse ainsi qu'une méduse géante. Pour sa part, Ray HARRYHAUSEN escomptait inclure sur la planète rouge l'oiseau Roc géant de la légende, les démons ailés oubliés par LE 7EME VOYAGE DE SINBAD, ainsi qu'une plante anthropophage, déjà laissée de côté au temps de la conception de L'ILE MYSTÉRIEUSE puis du projet non abouti WHEN THE EARTH CRACKED OPEN. Cependant, le projet ne trouva pas davantage preneur. En 2011, Barry SCHNEER, le neveu du producteur attitré de Ray HARRYHAUSEN, annonça qu'il voulait produire l'année suivante plusieurs films consacrés aux aventures de SINBAD SUR MARS dont le point de départ devait être ce projet avorté, sous le titre générique de SINBAD : ROGUE OF MARS. De son côté, Sahin Sean SOLIMON a en 2011 produit, réalisé et interprété le rôle principal de SINBAD : THE FIFTH VOYAGE, qui se veut une nouvelle aventure du marin oriental légendaire dans la continuité des trois films agencés par Ray HARRYHAUSEN, et utilisant des effets spéciaux animés avec la même technique que le grand animateur, incluant notamment un cyclope aux cornes de minotaure.

 
Impressionnante illustration de Sinbad attaqué par des démons volants pour une scène non utilisée du 7EME VOYAGE DE SINBAD ; Ray HARRYHAUSEN pensa ensuite l'intégrer dans LE VOYAGE FANTASTIQUE DE SINBAD, puis finalement dans SINBAD GOES ON MARS.


Beverley CROSS élabora aussi juste après la seconde aventure mythologique, LE CHOC DES TITANS, un projet intitulé SINBAD ET LES 7 MERVEILLES DU MONDE. Le marin y était amené dans sa quête à se rendre dans les différents lieux mythiques dans lesquels il était confronté à la magie, rencontrait Ali Baba, les Amazones, des squelettes de chevaux animés, faisait face dans le temple de Zeus à une statue géante divine prenant vie et devait aussi affronter une anguille géante à l'intérieur du crâne submergé du colosse de Rhodes. Ray HARRYHAUSEN appréciait beaucoup l'idée de base mais était plus réservé quant au traitement, notamment au sujet de cette dernière scène, et le film aurait par ailleurs dû être tourné dans de nombreux pays comme l'Egypte pour les pyramides et l'Amérique du sud pour représenter les Jardins suspendus de Babylone, aussi le film ne se fit-il pas. 

En 1983, fut mise en chantier l'adaptation d'un roman de Ridder HAGGARD, PEOPLE OF THE MIST, dans lequel des monstres sont découverts en Afrique par des aventuriers, héritiers spoliés à la recherche de pierres précieuses, assistant au sacrifice de jeunes vierges par une tribu les précipitant du haut d'un monument dans un lac infesté de reptiles aquatiques affamés, nothosaure, placodonte et mosasaure, remplaçant le crocodile géant du roman originel. Un extraterrestre ressemblant à un saurien avec une face simiesque avait aussi été sculpté par Ray HARRYHAUSEN pour le projet, sans doute la réminiscence d'un monstre imaginé par le scénariste James HOUGHTON pour le projet inachevé WHEN THE EARTH CRACKED OPEN. Le brouillard mystérieux qui isole le plateau était engendré par des extraterrestres, que Ray HARRYHAUSEN avait représentés comme des géants ressemblant tant à des humains qu'ils auraient été interprétés par des acteurs plutôt que d'être animés, et qui avaient entrepris d’accélérer l'évolution humaine avant d'être atteints par la corruption. Afin de pouvoir justifier l'existence de dinosaures, l'animateur avait imaginé que les extraterrestres les avaient réintroduits sur la Terre contemporaine. Le projet qui avait été proposé dès 1971 à Ray HARRYHAUSEN par le réalisateur Michael WINNER (directeur de nombre de films d'action avec l'acteur Charles BRONSON dans le rôle de l'architecte Paul Kersey confronté à la violence gratuite), échoua suite à un désaccord entre les deux hommes suite au refus de l'animateur d'accepter des modifications significatives de l'histoire, celui-ci considérant notamment que les additions de nouvelles scènes ne présentaient pas d'autre intérêt que d'accroître gratuitement le nombre des monstres.


PEOPLE OF THE MIST transporte des aventuriers dans une région isolée d'Afrique, peuplée de créatures antédiluviennes (en haut, les explorateurs sont épiés par un petit dinosaure hypsilophodonte, en bas, les Européens capturés par une tribu voient surgir deux reptiles volants rescapés du Crétacé). 


Une scène particulièrement spectaculaire de PEOPLE OF THE MIST devait montrer la précipitation de victimes offertes à des reptiles aquatiques préhistoriques dans une arène gigantesque (ci dessus). 

Ray HARRYHAUSEN s'est inspiré du projet non abouti de son mentor Willis O'BRIEN dans lequel les guerriers d'une civilisation disparue chevauchaient des aigles géants durant la Seconde Guerre mondiale en prêtant leur concours contre la Luftwaffe dans THE WAR EAGLES, en dotant certains reptiles volants de plumes sur leurs ailes pour PEOPLE OF THE MIST

Une autre créature hybride de PEOPLE OF THE MIST, présentant une allure reptilienne avec une face simiesque. Une séquence dans laquelle les créatures géantes assiégeaient une forteresse antique se serait apparentée à une scène similaire à l'attaque de la cité des Atlantes par des monstres aux allures de reptiles assez grotesques du film LES 7 CITES D'ATLANTIS (THE SEVEN CITIES OF ATLANTIS), une autre production britannique, réalisée dans les années 1970 sous l'égide de la firme Amicus.


En 1984, Ray HARRYHAUSEN amorça un retour à la mythologie gréco-romaine avec LA FORCE DES TROYENS (THE FORCE OF THE TROJANS), qui devait livrer une vision pittoresque de la Guerre de Troie, comportant parmi les monstres un Sphinx très inquiétant, Scylla, interprété très librement comme une sorte de scorpion à tête de saurien aux yeux pédonculés, et Charybde, autre créature à tête reptilienne et à corps de pieuvre, tentant de capturer avec ses tentacules les navires malmenés par les courants passant à proximité du défilé rocheux. Un oiseau parlant et un écureuil volant mécanique, les personnages de Dédale et d'Icare, les quatre cavaliers de l'apocalypse surgissant de la boîte de Pandore à la fin du film et d'autres personnages fabuleux complétaient ce qui devait constituer une nouvelle épopée fastueuse. Malheureusement, une étude effectuée auprès du public démontra un faible intérêt pour de nouvelles aventures mythologiques et le studio renonça donc à produire le film malgré l'implication prolongée de Charles SCHNEER. L'animateur fut par ailleurs approché en 1982 pour créer des effets spéciaux d'une première version du film PRINCESS BRIDE, mais il déclina la proposition en constatant que sa contribution au projet serait minime, et le film se fit finalement en 1987 sans sa participation.

L'un des deux monstres qui attendent les marins dans le défilé rocheux. Comme pour le monstre océanique de la légende de Persée devenu le Kraken, Ray HARRYHAUSEN a laissé s'exprimer son imagination, seule la petite nageoire caudale rappelant qu'il s'agit d'une créature marine.

Le modèle de Sphinx sculpté par Ray HARRYHAUSEN qui devait servir de référence pour LA FORCE DES TROYENS.

Disciple de Willis O'BRIEN, l'animateur tenta aussi de redonner vie à des projets avortés de son mentor comme cela avait été le cas pour VALLEY OF THE MIST devenu LA VALLEE DE GWANGI. Il demanda ainsi à Charles SCHNEER d'acquérir les droit de l'aventure polaire THE  LAST OF THE LABYRINTHODONS relatif à un cimetière de baleines près duquel les explorateurs découvraient des créatures amphibies préfigurant celle de L'
ÉTRANGE CREATURE DU LAC NOIR (CREATURE FROM THE BLACK LAGOON), mais ceux qui les avaient acquis demandèrent une somme d'argent dissuasive. Ray HARRYHAUEN tenta aussi de relancer WAR OF THE EAGLES, le combat mené contre les forteresses allemandes de la seconde guerre mondiale par des Vikings chevauchant des aigles géants découverts dans une vallée perdue par des explorateurs, qu'il avait vu Willis O'BRIEN préparer, mais le projet ne suscita pas réellement d'intérêt, son style et on contexte étant perçus comme dépassés - bien que des producteurs aient fait part en 2010 d'une velléité de porter le sujet à l'écran.

 
Dessins de productions pour deux projets abandonnés de Willis O'BRIEN, auxquels Ray HARRYHAUSEN aurait aimé donné une seconde chance : des chasseurs de Cétacés à l'origine bien plus ancienne que les Esquimaux étudiés par l'explorateur et ethnographe Paul-Emile VICTOR dans THE LAST OF THE LABYRINTHODONS, et un des aigles géants domestiqués par les Vikings dans une contrée nordique, dans laquelle ils livrent combat à des dinosaures - obsession commune de Willis O'BRIEN et de Ray HARRYHAUSEN - requis pour la défense aérienne des Etats-Unis contre les forces de l'Axe pour THE WAR EAGLES.

Dans les années 1990, la télévision laissa augurer d'une nouvelle tentative de restituer à l'écran la version de la guerre de Troie de Ray HARRYHAUSEN, et le créateur commença à façonner un modèle de la tête reptilienne du monstre Charybde tel qu'il l'avait conçu ainsi que le buste d'un cyclope barbichu pourvu de deux longues canines effilées, mais une nouvelle fois, le projet ne se concrétisa pas, et les images de synthèse ne cessaient de manifester leur hégémonie. Les films reposant principalement sur l'animation image par image semblaient être réellement passés de mode, alors que son comparse Charles SCHNEER avait déjà aussi de son côté renoncé dès 1979 à produire TIMEGATE, un projet avec des dinosaures animés par Jim DANFORTH sur un sujet similaire à la nouvelle UN COUP DE TONNERRE de Ray BRADBURY, le cinéma privilégiant alors des projets comportant une part plus importante d'effets mécaniques, comme cela était le cas pour des films comme LE DRAGON DU LAC DE FEU (DRAGONSLAYER) ou L'EMPIRE CONTRE ATTAQUE - avec deux versions du Tautaun chevauché par Han Solo, une grandeur nature et l'autre en modèle réduit animé par Phil TIPPETT - et comme cela devait d'ailleurs être le cas initialement pour les dinosaures de JURASSIC PARK ). Jusqu'en 2007, le magicien des effets spéciaux n'avait pas encore complètement tiré un trait sur le cinéma puisqu'il caressait l'idée d'un nouveau projet, moins original, THE EIGHTH ADVENTURE OF SINBAD : RETURN TO COLOSSA qui aurait vu le retour du célèbre marin sur l'île aux terrifiants cyclopes, sur lequel l'illustrateur conceptuel William STOUT avait commencé à travailler.


 
Ray HARRYHAUSEN devant la tête du modèle du monstre Scylla qu'il espérait encore porter à l'écran, cette fois pour une production télévisée, L’ODYSSÉE (THE ODYSSEY).

Au cours de sa carrière, Ray HARRYHAUSEN a toujours envisagé des projets qui n'ont pu être concrétisés, comme, au début des années 1950, puis de nouveau après JASON ET LES ARGONAUTES, sa tentative d'adapter LES AVENTURES DU BARON DE MUNCHAUSEN. Il avait non seulement tenté de porter à l'écran LA GUERRE DES MONDES de H.G.WELLS, son écrivain préféré, mais avait aussi songé à y transposer LA MACHINE A EXPLORER LE TEMPS avant que le producteur George PAL ne le fasse dans les années 1960, envisagé en 1961 une transcription de LA NOURRITURE DES DIEUX (FOOD OF THE GODS) sans parvenir à obtenir le financement du film en dépit notamment d'une belle illustration surréaliste montrant des poules titanesques déambulant en ville, et a aussi longtemps rêvé d'adapter L'ÎLE DU DR MOREAU, en concrétisant les humanimaux grâce au procédé d'animation image par image à la place des acteurs maquillés. 


  

Il a aussi quelque temps considéré la possibilité d'adapter d'autres sagas comme DUNE et CONAN, de même que LE SEIGNEUR DES ANNEAUX et LE HOBBIT, avant de réaliser que son procédé d'animation ne se prêtait peut-être pas à des adaptations de TOLKIEN. On lui avait aussi proposé après LE 7EME VOYAGE DE SINBAD de concevoir la transcription sur le grand écran du cycle JOHN CARTER SUR MARS d'Edgar Rice BURROUGHS, mais il estima que l'intrigue ne lui paraissait pas suffisamment digne d'intérêt, bien qu'il fut par la suite contacté par des producteurs qui songeaient à nouveau à l'adapter. Un autre projet, DELUGE, remake d'un film des années 1930, mettant en œuvre un cataclysme et l'irruption de dinosaures issus des profondeurs, comme dans son sujet ATLANTIS sur le continent mythique submergé, dont la civilisation avait été fondée par des extraterrestres aux allures de géants, fut proposé un an avant POSEIDON et la vague des films catastrophes; de la manière manière que ses projets sur les extraterrestres à l'orée des années 1950, Ray HARRYHAUSEN a eu l'infortune d'anticiper une vague de films juste un tout petit peu trop tôt pour être suivi par les maisons de production. La réputation de Ray HARRYHAUSEN l'amena aussi à être contacté pour un projet de remake de KING KONG; le disciple de Willis O'BRIEN était au départ très réticent, estimant qu'on ne pouvait rien apporter à ce classique du cinéma si ce n'est la couleur et une animation plus affinée, avant de se convaincre que s'il devait être fait, il serait dommage qu'il ne participât pas à rendre vie à son personnage favori; mais des problèmes d'obtention des droits et, finalement, la mise en œuvre du projet concurrent sous la direction du producteur Dino de LAURENTIIS mit fin à cette perspective, celui-ci ne recourant pas à utiliser l'animation image par image et, pour des raisons à la fois d'économie et d'actualisation dans un contexte plus réaliste, renonçant à peupler l'île de dinosaures, ce qui acheva de décevoir Ray HARRYHAUSEN.

 
ATLANTIS, une autre tentative infructueuse de donner vie à des dinosaures.

Cependant, jusqu'aux années 1980, Ray HARRYHAUSEN parvenait toujours à recycler les idées de films non concrétisés sur de nouvelles entreprises. Ainsi, la plupart des personnages mythiques prévus dans des projets comme THE LOST CITY (un monde souterrain peuplé de centaures, cyclopes et de dinosaures) et de THE SATYRE, avec ses divers monstres, cyclope, Gorgone, Centaure, Sirène, découverts dans une cité souterraine, apparaissent dans les œuvres qui suivront, et l'affrontement entre le satyre géant capturé par un directeur de cirque et un éléphant, avant que la créature ne retourne dans son monde en en condamnant le passage, dans le second projet, se retrouve dans A DES MILLIONS DE KILOMÈTRES DE LA TERRE et LA VALLÉE DE GWANGI. 

THE SATYRE (1946), combat avec un serpent géant que Ray HARRYHAUSEN tentera de replacer dans LE 7EME VOYAGE DE SINBAD pour une lutte avec le cyclope (ci-dessous).
Mais plus rien ne sortira malheureusement des essais postérieurs au CHOC DES TITANS, comme si l'homme qui a laissé sa marque dans l'histoire du cinéma fantastique appartenait soudain à une époque révolue, alors même que sa Gorgone combattue par Persée est sans doute le plus terrifiant des monstres mythiques jamais vus à l'écran. N'en déplaise à ses contempteurs, Ray HARRYHAUSEN a également prouvé la qualité de son animation en donnant vie à des animaux réalistes tout au long de sa carrière, résistant très bien à la comparaison avec leur modèle comme chacun peut s'en assurer avec le Babouin de SINBAD ET L'ŒIL DU TIGRE, l'éléphant de A DES MILLIONS D'ANNÉES LUMIÈRE DE LA TERRE ainsi que de LA VALLÉE DE GWANGI, l'abeille titanesque de l'ILE MYSTERIEUSE, pour ne citer que quelques exemples; quant à la transition entre le vrai lion filmé dans sa cage dans MR. JO et le modèle animé par Ray HARRYHAUSEN qui s'en est échappé et que combat le gorille géant, celle-là est quasiment indécelable tant l'animateur a su reproduire la gestuelle d'un véritable félin.



Un éléphant dont Ray HARRYHAUSEN n'éprouva pas de difficulté à se faire obéir pour LA VALLÉE DE GWANGI.

 
 Un des superbes scorpions devenus géants après le contact avec le sang de Méduse qui assaillent Persée et ses compagnons dans LE CHOC DES TITANS.
 
Un joueur d'échec mélancolique, le prince Kasim changé en singe dans LE VOYAGE FANTASTIQUE DE SINBAD; on pourrait facilement se laisser convaincre qu'il s'agit d'un véritable animal.

Dans l'ombre du Maître

Les films auxquels Ray HARRYHAUSEN a pris part sont tellement identifiés à sa personne que lorsqu'on les évoque, on occulte le nom de ceux qui les ont réalisés, lui-même n'en ayant cependant jamais réalisé aucun - car estimant qu'il aurait manqué de patience pour diriger les acteurs - à la manière des "films de Louis de FUNES", ainsi qualifiés parce que la vedette comique y tenait un rôle prépondérant. Il est vrai que Ray HARRYHAUSEN en était le principal maître d'œuvre : souvent instigateur de l'idée de départ, concepteur de l'aspect visuel des films au travers de ses dessins préparatoires, créateur de nombre des êtres fabuleux réalisés, chargé de donner vie à tous les personnages fantastiques, responsable des différents trucages permettant d'intégrer l'animation image par image aux prises de vues réelles, et superviseur du tournage avec les acteurs auquel il prenait malgré tout une part active. L'actrice Caroline MUNRO, héroïne du VOYAGE FANTASTIQUE DE SINBAD, a rapporté ainsi de quelle manière pittoresque l'animateur était présent sur le plateau en partenariat avec le cinéaste afin de préparer la future insertion du centaure : «Gordon HESSLER, le réalisateur et HARRYHAUSEN me guidaient donc sur le plateau. HARRYHAUSEN faisait le monstre et HESSLER, ce que je devais faire, moi. A un rugissement de Ray, Gordon HESSLER mimait mon propre rôle que je répétais ensuite au moment voulu. Sur le plateau, il n'y avait rien et HARRYHAUSEN disait : «Bon, à présent, il bouge, il marche et t'attrape» et HESSLER répondait « J'ai peur, je suis effrayé !».

 
Silhouette en carton de Dioskilos utilisée comme repère sur le tournage du CHOC DES TITANS.

Si les cinéastes pouvaient avoir l'impression sur les tournages de n'être parfois que les assistants de Ray HARRYHAUSEN tant son importance était déterminante pour la composition de l'image, et que leur nom s'est souvent effacé dans l'esprit du public devant celui du maître des effets spéciaux, principal maître d’œuvre des films, il ne semble pas qu'ils lui en aient tenu rigueur, comme l'illustre la présence de Gordon HESSLER, réalisateur du VOYAGE FANTASTIQUE DE SINBAD, lors de la cérémonie accordant une étoile à l'animateur sur le Boulevard des célébrités.

En dépit de ses immenses mérites, Ray HARRYHAUSEN n'était pourtant pas l'unique responsable des films, même si les réalisateurs avaient peu de liberté dans la mesure où ils devaient suivre le découpage très étudié auquel le Maître des effets spéciaux veillait sur le tournage afin de permettre ensuite une excellente adéquation des éléments miniatures. Mais Ray HARRYHAUSEN s'appuyait sur des scénaristes, comme Beverley CROSS, qui a imaginé les aventures mythologiques, de JASON ET LES ARGONAUTES à l'avorté FORCE OF THE TROJANS en passant par LE CHOC DES TITANS, ainsi que SINBAD ET L'OEIL DU TIGRE, tandis que Brian CLEMENS connu notamment pour la série CHAPEAU MELON ET BOTTES DE CUIR (THE AVENGERS) est l'auteur du scénario du VOYAGE FANTASTIQUE DE SINBAD, pour l'aider à construire des histoires, et son producteur attitré Charles SCHNEER n'hésitait pas, en dépit du soutien qu'il lui a assuré et auquel l'animateur doit sa carrière, à faire prévaloir ses propres vues, et à mettre son veto sur certaines scènes projetées.

 
Ray HARRYHAUSEN (debout) et son producteur Charles SCHNEER sur LE VOYAGE FANTASTIQUE DE SINBAD.

 
Ray, son épouse et le producteur, prenant la pause durant un tournage sous le soleil méditerranéen; pas vraiment des vacances idéales pour le créateur d'effets spéciaux, toujours anxieux de subir une insolation, comme se plaisait à le rappeler son collaborateur Colin ARTHUR.

 
Le scénariste Beverley CROSS, colaborateur régulier du tandem Ray HARRYHAUSEN et Charles SCHNEER, en compagnie de son épouse Maggie SMITH, ombrageuse Téthis du CHOC DES TITANS.

Dans le domaine même des effets spéciaux, les films sont aussi redevables aux accessoiristes, concevant d'indispensables compléments comme le navire miniature du VOYAGE FANTASTIQUE DE SINBAD, et la main ainsi que le pied géants de Talos directement en prise avec les acteurs pour JASON ET LES ARGONAUTES. On a déjà cité Les BOWIE et Kit WEST qui ont contribué aux trucages notamment des PREMIERS HOMMES DANS LA LUNE.

 A l'intérieur de la maquette du navire de Sinbad.

Il faut également mentionner les contributeurs qui ont assisté Ray HARRYHAUSEN pour la concrétisation des créatures, celui-ci ayant reconnu que le temps lui faisait généralement défaut pour les créer lui-même. Très jeune, sa mère, couturière, confectionnait les costumes de ses personnages et son père, un ingénieur, leur armature. Ce dernier a continué toute sa vie jusqu'à ce qu'il s'éteigne peu après avoir conçu celles des PREMIERS HOMMES DANS LA LUNE, et c'est donc à son crédit qu'on doit notamment porter les modèle articulés des squelettes de JASON ET LES ARGONAUTES que Ray a recouverts de coton pour leur donner leur aspect définitif. Il a aussi bénéficié, notamment pour le fameux Allosaure de LA VALLÉE DE GWANGI, des talents d'Arthur HAYWARD, sculpteur et taxidermiste, qui a recrée un certain nombre de reconstitutions d'animaux disparus pour le muséum d'histoire naturelle de Londres, et auxquels on doit certains des plus réalistes modèles de mammifères préhistoriques; après être resté très discret sur son apport, le créateur a fini dans un magasine qui consacrait un article à sa recréation des dinosaures permettant de montrer au public à quoi ces animaux ressemblaient vraiment, par révéler son implication dans nombre de films comme JASON ET LES ARGONAUTES, sans jamais mentionner le nom de Ray HARRYHAUSEN sous la supervision duquel il avait œuvré, ce qui meurtrit beaucoup ce dernier. Une autre collaboration régulière est celle de Janet STEVENS, sculpteur sur nombre de films fantastiques britanniques comme ALIEN et SUPERMAN, qui a créé beaucoup de figurines comme la figure de proue du VOYAGE FANTASTIQUE DE SINBAD et la Gorgone du CHOC DES TITANS; sa carrière fut tragiquement écourtée lorsqu'elle succomba à une attaque cardiaque à l'issue de l'inhumation de sa mère qui avait péri de la même manière. Colin ARTHUR, connu notamment pour le serpent mécanique géant en lequel se change le sorcier de CONAN - le producteur Dino de LAURENTIIS n'avait pas été convaincu par le serpent géant de son partenaire Carlo RAMBALDI pour KING KONG - ainsi que des créatures de L'HISTOIRE SANS FIN (THE NEVERENDING STORY), a aussi œuvré auparavant sur les trois derniers films de l'animateur à partir du VOYAGE FANTASTIQUE DE SINBAD, et a notamment conçu la version en caoutchouc mousse du Kraken destinée aux scènes sous-marines, tandis que le buste en grand format destiné à être animé fut sculpté par Lyle CONWAY, le maître d'oeuvre des effets spéciaux de DREAMCHILD et des remakes du MAGICIEN D'OZ, de LA PETITE BOUTIQUE DES HORREURS et de THE BLOB. Le sculpteur Tony McVEY qui avait également travaillé pour le muséum d'histoire naturelle de Londres, a aussi façonné deux créatures pour SINBAD ET L’ŒIL DU TIGRE avant de travailler sur des productions comme THE DARK CRYSTAL, LE RETOUR DU JEDI (RETURN OF THE JEDI), STAR TREK 3 et GREMLINS et il continue de créer des figurines inspirées de films pour la vente aux collectionneurs. 

 
Des collaborateurs de Ray HARRYHAUSEN : en haut, de gauche à droite, Fred HARRYHAUSEN, son père, resté en Amérique, qui façonnait les armatures, comme celles des célèbre squelettes de JASON ET LES ARGONAUTES, Arthur HAYWARD, taxidermiste et sculpteur, Janet STEVENS, et en bas, Tony McVEY et Colin ARTHUR.

Sur LE CHOC DES TITANS, Ray HARRYHAUSEN s'était aussi résolu à recourir pour la première fois au renfort de deux autres animateurs. Il avait ainsi, ne lui tenant pas rigueur du pastiche de ses créatures dans JACK LE TUEUR DE GÉANTS, engagé son disciple Jim DANFORTH pour donner notamment vie au cheval ailé Pégase et animer la version plus grande du buste du Kraken, ainsi que Steven ARCHER, responsable de l'animation du hibou mécanique accompagnant Persée, du vautour géant, de celle de Calibos sous sa version animée ainsi que de plans avec la figurine plus petite du Kraken, qui sera ensuite chargé de faire se mouvoir l'araignée de cristal de KRULL et la version miniature du dragon porte-bonheur de L'HISTOIRE SANS FIN dans les scènes de vol. Steve ARCHER et Ray HARRYHAUSEN déployèrent tant d'ardeur pour LE CHOC DES TITANS qu'ils s’abîmèrent chacun un doigt. Si FORCE OF THE TROJANS avait pu se concrétiser, Ray HARRYHAUSEN, dont on laisse entendre qu'il avait fini par perdre un peu d'entrain à animer ses figurines miniatures, comme pour Willis O'BRIEN à la fin de sa carrière, aurait davantage délégué le travail d'animation à des assistants comme Steve ARCHER pressenti pour animer un oiseau parlant et un écureuil mécanique, et il avait envisagé par ailleurs de confier certains effets spéciaux au célèbre studio Industrial Light and magic (I.L.M.) fondée par George LUCAS, la plus importante compagnie en la matière qui ne s'était pas encore dans les images de synthèse. 

Jim DANFORTH (haut) et Steve ARCHER (bas), assistants heureux de travailler sur LE CHOC DES TITANS sous la direction de celui qui est leur modèle.

Ce ne serait pas tant l'animateur qui aurait souhaité minorer l'apport de ceux qui lui avaient apporté leur contribution, que la volonté du producteur Charles SCHNEER, qui aurait voulu ne pas leur donner de crédit officiel afin de limiter leur rétribution, qui expliquerait leur faible notoriété. Ainsi, dans une réédition récente du CHOC DES TITANS, Ray HARRYHAUSEN reconnut l'apport au film des deux animateurs ainsi que du sculpteur déjà évoqué Janet STEVENS.

Reconnaissance tardive

Paradoxalement, alors même qu'en dépit de ses différentes tentatives, le cinéma refusait définitivement d'employer les talents de Ray HARRYHAUSEN, ceux-là lui valurent alors enfin la reconnaissance de la profession, hommage tardif évoquant presque une manifestation de mauvaise conscience comme lorsque des acteurs français dans l'ultime phase de leur vie se voient soudain attribuer pour l'ensemble de leur carrière le César qu'on leur a toujours refusé lorsqu'ils tournaient encore. En 1992, il se voit décerner un Oscar pour sa contribution au cinéma, remis par son vieil ami l'écrivain Ray BRADBURY; l'acteur Tom HANKS qui présentait la cérémonie déclara devant l'assistance que pour lui, JASON ET LES ARGONAUTES était "le plus grand film" de toute l'histoire du cinéma. Le 10 juin 2003, une étoile à son nom l'immortalisa sur le Boulevard des célébrités d'Hollywood. Il a même eu une statue de son vivant.

 
Le temps longtemps attendu et si mérité des honneurs.

 Le créateur devenu lui-même une icône au milieu de ses créations.

Dans les dernières années, le milieu du cinéma est devenu dithyrambique au sujet de Ray HARRYHAUSEN, lui fêtant son anniversaire avec faste. Pourtant, les Peter JACKSON, George LUCAS, Steven SPIELBERG, ont délibérément rompu avec la tradition de Ray HARRYHAUSEN en recourant systématiquement aux images de synthèse pour les trucages de leurs films, sans parler de leur principal instigateur Dennis MURREN qui, d'un côté, pose complaisamment avec tous les grands créateurs du genre mais de l'autre, a promu l'imagerie virtuelle au détriment de leur art, et se montre régulièrement très condescendant avec les effets spéciaux qui existaient avant qu'il ne les "révolutionne"...(voir à cet égard l'article évoquant l'hommage quelque peu hypocrite à Ray HARRYHAUSEN : http://creatures-imagination.blogspot.fr/2009/11/un-hommage-purement-virtuel.html). Comble de cruelle ironie, les producteurs qui ont laissé tombé ce grand créateur, ne prenant pas le risque de lui permettre de porter à l'écran son troisième projet de film mythologique FORCE OF THE TROJANS, ont fini par produire des remakes des deux existants en remplaçant ses créations par des créatures virtuelles... Les puristes apprécieront. Ceux qui portent aux nues Ray HARRYHAUSEN sont souvent les mêmes qui le ringardisent en en faisant un pionnier, certes, mais dépassé depuis longtemps par les effets spéciaux "modernes"..

Comme pourrait le dire Calibos : "Un hommage d'Hollywood au Maître des effets spéciaux, refaisant les films dans lesquels nous avons joué et proscrivant la technique qu'il utilisait ? Je cache ma joie.."

Beaucoup présentent les images de synthèse comme la suite logique de l'animation image par image traditionnelle. Si les tournages avec les acteurs s'effectuent souvent sans créatures, celles-ci étant rajoutées par la suite comme pour les images de synthèse, au moins les trucages de Ray HARRYHAUSEN utilisaient-ils des modèles concrets, dotés d'une vraie texture, et filmés avec une lumière directe qui reproduit celle du tournage principal.


Tricératops

Ray HARRYHAUSEN tient un Pteranodon grandeur nature sur le tournage de LA VALLEE DE GWANGI. 

 
Tête à grande échelle du Trog de SINBAD ET L'OEIL DU TIGRE. 

Version du Kraken à taille humaine pour les scènes sous marines filmées en temps réel pour LE CHOC DES TITANS.

Un héritage sans héritiers ?

Ray HARRYHAUSEN a porté à son summum l'animation image par image en trois dimensions. Cependant, malgré l'admiration qu'il a suscitée, il n'a plus réellement d'héritier à ce jour, la technique d'image par image étant dorénavant principalement réservée à une animation de personnages comiques pour jeunes spectateurs. Son disciple Jim DANFORTH, après avoir échoué à obtenir le financement de nombre de ses projets allant de l'aventure fantastique à la science-fiction, a fini par retourner à son autre discipline d'excellence, la peinture sur verre - il a ainsi exécuté la représentation du globe terrestre utilisée dans le prologue de THE THING de John CARPENTER. David ALLEN, après des contributions à des films comme LE SECRET DE LA PYRAMIDE (YOUNG SHERLOCK HOLMES) et des films de Larry COHEN ÉPOUVANTE SUR NEW-YORK (Q) et THE STUFF, a dû ensuite se contenter d'exercer l'animation image par image sur des petites productions fantastiques de Charles BAND, de plus en plus parodiques, et des publicités, espérant financer son projet de longue haleine, THE PRIMEVALS, aventures dans l'Himalaya avec le Yéti et des extraterrestres animés image par image, jusqu'à ce que la maladie et sa disparition prématurée empêchent ce perfectionniste de terminer son film. Phil TIPPETT fut un digne héritier de Ray HARRYHAUSEN durant des années, donnant vie notamment à la version miniature du monstre volant du DRAGON DU LAC DE FEU, à la monture de L'EMPIRE CONTRE-ATTAQUE, au féroce monstre de la fosse appelé Rancor dans LE RETOUR DU JEDI, jusqu'au moment de JURASSIC PARK où, après avoir traversé une difficile période de remise en cause, il s'est résolu à employer l'animation informatique pour animer ses modèles, acceptant comme d'autres animateurs tels que Randall William COOK de travailler comme modélistes sur les grandes productions sur lesquelles les créatures ne sont fondamentalement que des pixels animés. Après avoir animé les monstres de LA FISSURE 2 (THE GATE II) avec Randall William COOK, Steven ARCHER, qui avait été pressenti par le producteur Menahem GOLAN (Carolco) pour animer les tentacules mécaniques du personnage du Dr. Octopus dans une première version abandonnée d'adaptation de SPIDERMAN en 1990, a ensuite ensuite, pour cause de suprématie des images de synthèse au cinéma, principalement œuvré sur des publicités britanniques, et a aussi écrit un livre sur Willis O'BRIEN; il pourrait revenir à l'animation traditionnelle très prochainement dans le cadre de films à très petits budgets comme ceux de Neville BUCHANAN. Enfin, quelques animateurs australiens ont quant à eux agencé des documentaires animaliers recréant la vie préhistorique dans leur contrée, Nick HILLIGOSS avec ONCE UPON A TIME IN AUSTRALIA/PREHISTORIC AUSTRALIA, de même que Graham BINDING et Norman YEEND pour LIFE IN GONDWANA - oeuvre déjà citée en ces pages dans l'article de septembre 2011.

 
Le seul véritable hommage direct rendu à Ray HARRYHAUSEN par le monde du cinéma est celui de deux jeunes animateurs qui l'ont aidé à achevé un demi-siècle plus tard son adaptation de la fable du lièvre et de la tortue.

Animation d'un cyclope aux cornes de minotaure par Ron COLE - à qui on devait notamment les plans avec les versions miniatures des créatures du film ALIEN METAMORPHOSIS - à travers le procédé d'animation image par image pour SINBAD : THE FIFTH VOYAGE, destiné à s'inscrire directement dans la tradition instaurée par les trois aventures précédentes de Sinbad agencées par Ray HARRYHAUSEN.

Personnalité célébrée mais dont le cinéma contemporain avait fini par désavouer implicitement la tradition artistique dont il avait été le brillant promoteur, Ray HARRYHAUSEN employa une partie de son temps dorénavant vacant à réaliser des sculptures en bronze de ses créatures afin d'en conserver le souvenir, le latex des créations originales préservées se dégradant et les armatures d'un certain nombre d'autres ayant même été recyclées sur des films ultérieurs, incluant une statue grandeur nature de l'explorateur LIVINGSTONE affrontant un lion affamé à mains nues - dont il a épousé la petite fille, et il continua à rencontrer jusque dans ses dernières années ses admirateurs avec une gentillesse constante.

Bronze sculpté par Ray HARRYHAUSEN représentant son personnage préféré, King Kong, qui a motivé sa carrière, dans son combat impitoyable avec le tyrannosaure.

La cité antique derrière les modèles de Calibos et de Méduse (haut), statue de la déesse Thétis (milieu) et version à petite échelle du Kraken présentée lors d'une exposition. C'est l'habileté d'un magicien du cinéma comme Ray HARRYHAUSEN qui permet de donner à ces miniatures l'allure de réalisations monumentales.
 

Il disparaît peu de temps après son producteur dont il a toujours été proche, Charles SCHNEER, et ses deux plus grands amis, l'écrivain Ray BRADBURY et le directeur de magazines sur le cinéma fantastique, Forrest J. ACKERMAN (il a été rendu compte en ces pages de leur disparition).

Le producteur Charles SCHNEER invité au mariage de Ray avec Diana LIVINGSTONE.

Ray HARRYHAUSEN aux côtés de ses amis l'éditeur Forrest J. ACKERMAN et l'écrivain Ray BRADBURY prenant la pose (en haut) et s'amusant à imiter les trois singes de la fable (en bas).

Il avait avec son épouse créé une fondation pour préserver ce qui subsistait de ses créations et promouvoir ses œuvres, the Ray and Diana Harryhausen Fundation, qu'elle continue à animer avec leur fille Vanessa et Tony DALTON qui a conçu plusieurs ouvrages autour du créateur. A présent, nous sommes tous un peu dépositaires et défenseurs de sa mémoire.

 
Vanessa HARRYHAUSEN, fille du grand homme, et l'historien du cinéma Tony DALTON, dirigeants de la fondation Ray et Diana HARRYHAUSEN, avec l'épouse du créateur d'effets spéciaux. 

Merci au Maître de l'animation d'avoir consacré sa vie à nous faire rêver.


liens : 
créatures en animation sur le site officiel :
http://www.harryhausen.com/
vidéo compilant les extraits avec les créatures :
http://www.youtube.com/watch?v=hm9MSoRn0J0
les décors constitués de peintures sur verre des films de Ray HARRYHAUSEN :
http://nzpetesmatteshot.blogspot.fr/2013/05/ray-harryhausens-fantastical-lands.html
la cérémonie d'hommage en présence de Ray HARRYHAUSEN:
http://www.youtube.com/watch?v=16skb8LMhFU
vidéos sur la carrière :
http://www.youtube.com/watch?v=5y2Kun99knk
http://viooz.co/movies/16549-ray-harryhausen-special-effects-titan-2011.html 
Deux belles vidéos, dont on regrettera simplement les coupures pour faire parler des promoteurs du virtuel; on eut notamment dans le second préféré voir, plutôt que des extraits de films récents avec des images de synthèse tournant le dos à l'animation en volume du grand créateur, une évocation de ses nombreux projets non aboutis dont on a tenté ici d'évoquer les principaux d'entre eux.
vidéo d'hommage posthume :
 http://www.youtube.com/watch?v=6DgdJyOBN9Q
magnifiques créations d'amateurs en hommage aux créations de Ray HARRYHAUSEN:
http://monsterkidclassichorrorforum.yuku.com/topic/25328/HAIL-HARRYHAUSEN


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Ces graines d'Antirrhinum arborent un aspect très macabre, mais comment ne pas les présenter en hommage à Ray HARRYHAUSEN tant elles rappellent les têtes de ses sept squelettes de JASON ET LES ARGONAUTES. Le végétal mériterait d'être appelé Antirrhinum harryhausenum !

"Levez-vous, les enfants des dents de l'Hydre!"

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L'écrivain écossais Iain BANKS a succombé le 9 juin 2013 à un cancer inopérable, comme il en avait averti ses lecteurs sur son site. Son premier roman, LES SEIGNEURS DES GUÊPES (THE WASP FACTORY), a été classé parmi les 100 meilleurs romans du XX ème siècle à l'issue d'une consultation effectuée auprès de 25 000 lecteurs britanniques. Cette histoire s'inscrit parmi ses œuvres qui s'intéressent aux instincts criminels. L'écrivain a également eu l'honneur d'adaptations à l'écran. Iain BANKS était par ailleurs connu pour ses romans de science-fiction. Nombre de ceux-ci prennent pour cadre la société galactique future, d'inspiration anarchiste conformément aux vues de l'auteur, même si, comme la mécanique du genre s'y prête, l'auteur n'hésite pas à porter un éclairage critique sur la mise en œuvre de cette utopie, notamment au travers des procédés auxquels elle recourt pour étendre son influence sur de nouvelles civilisations. Si nombre des habitants des différents mondes sont d'apparence humanoïdes, avec parfois des particularités singulières comme le personnage de Bora Horza Gobuchul, capable de modifier ses traits, aptitude qu'il met à profit pour pratiquer des activités d'espionnage, la saga comporte aussi des créatures d'aspect nettement plus éloignées de l'homme qui viennent diversifier son univers.


Les créatures non humanoïdes imaginées par Iain BANKS telles que différents artistes se les sont représentées, de gauche à droite : Affronter (EXCESSION), Flekke (LES ENFERS VIRTUELS), Dweller (L'ALGEBRISTE), Homomga (LE SENS DU VENT), en dessous : Oct, Aultridia et Morthanveld (TRAMES).


Engagé politiquement, Iain BANKS s'était notamment signalé par sa dénonciation du soutien de son pays à la guerre en Irak, envoyant sa carte d'identité britannique déchirée au domicile du premier ministre Tony BLAIR, militait pour le boycott des produits israéliens tant que l'État juif n'aurait pas accordé certains droits aux Palestiniens et, comme l'acteur Sean CONNERY, était un partisan résolu de l'indépendance de l'Écosse. 



Un autre écrivain bien connu s'est éteint le 23 juin 2013, à 87 ans, l'écrivain américain Richard MATHESON. Son goût le portait vers un fantastique ancré dans le quotidien, à la manière de Ray BRADBURY et Stephen KING auxquels on le comparaît, comme dans sa nouvelle TIRE TOI SALE MOUCHE (SHOO FLY) de 1988, dans laquelle un insecte importun conduit un homme à la folie. Aussi, bien que s'étant fait connaître par sa célèbre nouvelle JE SUIS UN MONSTRE (BORN OF MAN AND WOMAN), était-il peu porté sur les créatures; on a ainsi évoqué dans la première partie du dossier sur le film THE THING réalisé par John CARPENTER le peu d'empressement, pour dire le moins, qu'il avait manifesté lorsqu'il lui fut proposé d'écrire le scénario du remake, estimant que ce type d'histoire de monstre était totalement dépassé. Plusieurs romans ont été adaptés au cinéma, L'HOMME QUI RÉTRÉCIT (THE INCREDIBLE SHRIKING MAN) sur un héros dont la taille devient minuscule suite à une contamination par la radioactivité, devenu un des films les plus connus du cinéaste populaire de science-fiction des années 1950 Jack ARNOLD, LE JEUNE  HOMME, LA MORT ET LE TEMPS (BID TIME RETURN), histoire d'amour intemporelle portée à l'écran par Jeannot SZWARC sous le titre QUELQUE PART DANS LE TEMPS (SOMEWHERE IN TIME) et JE SUIS UNE LÉGENDE (I AM A LEGEND), dont l'adaptation la plus connue mettait en vedette l'acteur Charlton HESTON confronté à une humanité vampirique, et dont les prédateurs n'ont pas été épargnés par les images de synthèse dans la dernière version cinématographique; l'auteur a estimé qu'aucun des films n'était réellement fidèle au roman. 

L'homme, mesure de l'univers : un changement de taille renverse les perspectives, notamment dans le rapport avec les araignées.. Comme souvent dans l’œuvre de Richard MATHESON, un individu se découvre progressivement étranger au monde qui l'environne. Son roman L'HOMME QUI RÉTRÉCIT fut rapidement adapté au cinéma.

Richard MATHESON avait lui-même écrit pour l'écran, même s'il confessait que la raison en était souvent principalement d'ordre alimentaire, étant notamment auteur d'un certain nombre d'épisodes de la série de Rod SERLING LA QUATRIÈME DIMENSION (THE TWILIGHT ZONE), dont le célèbre CAUCHEMAR A 20.000 PIEDS (NIGHTMARE AT 20,000 FEET) qui confrontait le passager d'un avion joué par William SHATNER (et par John LITHGOW dans l'adaptation cinématographique) à un monstre qu'il était seul à voir, ainsi que celui très dérangeant de la nouvelle série AU DELA-DU REEL (THE NEW OUTER LIMITS) intitulé ANNIVERSAIRE DE MARIAGE (FIRST ANNIVERSARY) avec Matt FREWER et Clint HOWARD, dans lequel un mari découvre que lorsque ses sentiments pour son épouse faiblissent, il perçoit une odeur répugnante, celle qu'il prend pour une femme étant en réalité une créature extraterrestre aux chairs putrescentes, dont seule l'illusion amoureuse dissimule la véritable nature. Il avait œuvré sur les adaptations de plusieurs histoires d'Edgar Allan POE que Roger CORMAN a portées à l'écran dans les années 1960, et sur celle des CHRONIQUES MARTIENNES (THE MARTIAN CHRONICLES) de Ray BRADBURY sous forme d'une courte série télévisée en 1980. Richard MATHESON avait également écrit le scénario du premier film à succès de Steven SPIELBERG, DUEL, qui confronte un automobiliste (Dennis WEAVER) à un routier psychotique, et avait co-écrit LES DENTS DE LA MER 3 (JAWS 3) qui transpose la terreur suscitée par les squales anthropophages dans le cadre d'un parc d'attraction maritime. Des quatre enfants de Richard MATHESON, trois ont déjà repris le flambeau en devenant écrivains.


Monstres imaginés par Richard MATHESON : le Gremlin de CAUCHEMAR A 20000 PIEDS de LA QUATRIÈME DIMENSION dans l'adaptation cinématographique de 1984 (en haut) et un dessin de production réalisé par le studio XFX pour la créature se faisant passer pour l'épouse dans l'épisode ANNIVERSAIRE DE MARIAGE de la série AU-DELÀ DU RÉEL, L'AVENTURE CONTINUE.


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5 ANS, UN ANNIVERSAIRE TRÈS SYMBOLIQUE : 
ce site sur les créatures a été initialement créé pour rendre hommage à un grand créateur contemporain de monstres disparu prématurément suite à la maladie, Stan WINSTON; exactement cinq ans plus tard, il rend hommage à un des plus grands maîtres des effets spéciaux, Ray HARRYHAUSEN qui nous a quittés quelques semaines plus tôt; initié par le maquilleur qui a poussé à son apogée l'animatronique pour les créatures mécaniques, il se penche à présent sur le plus glorieux animateur de monstres de  l'histoire du cinéma. Mais au-delà de ce rapprochement entre deux noms essentiels de la conception des créatures pour le cinéma, les deux dates sont aussi emblématiques de leur défense : en juin 2008, la disparition physique de Stan WINSTON faisait un bien triste écho à la mise à l'écart des artistes chargés de construire des monstres pour le cinéma comme Rob BOTTIN, Chris WALAS, Patrick TATOPOULOS, Steve JOHNSON, Lyle CONWAY et d'autres qui estimaient n'avoir plus leur place dans ce domaine à cause de la substitution d'images créées par ordinateur à leur époustouflant travail. Or, pour le cinquième anniversaire du blog, nous recevons en cadeau l'espoir que les monstres concrets ont encore un avenir, en dépit des propos condescendants et souvent insultants de nombre des "suprématistes" de l'imagerie numérique, grâce à la production d'HARBINGER DOWN agencée par l'un des derniers grands studios d'effets spéciaux, Amalgamated Dynamics, pour laquelle les amateurs ont su se mobiliser afin de rendre possible le financement du film. De la nostalgie à la perspective d'une renaissance, "Créatures et imagination, les êtres réels et les êtres imaginaires" se félicite d'avoir à rebours de la pensée dominante entretenu jusqu'à cette embellie la défense de la création réaliste d'êtres imaginaires.

 
Ray HARRYHAUSEN lors de la cérémonie lui consacrant une étoile sur le boulevard des célébrités, aux côtés de Stan WINSTON (à droite) ainsi que du célèbre maquilleur Rick BAKER à gauche et du scénariste Frank DARABONT. Stan WINSTON lui avait écrit qu'il était son plus grand admirateur.