mercredi 19 janvier 2011

UNE PASSION IBÉRIQUE POUR LE FANTASTIQUE




Metteur en scène espagnol, Juan PIQUER SIMON s'est éteint le 7 janvier 2011 à 76 ans. Il était notamment connu des amateurs de films d'horreur pour avoir adapté au cinéma en 1988 sous le titre de MUTATIONS (MUERTE VISCOSA, en anglais, SLUGS) le roman gore LA MORT VISQUEUSE, dans lequel des limaces manifestent une appétence soudaine pour la chair humaine, et avait signé d'autres films gore, LE SADIQUE A LA TRONÇONNEUSE et PIÈCES, ainsi qu'une parodie des super-héros, SUPERSONIC MAN.

Il avait livré en 1976 une adaptation de VOYAGE AU CENTRE DE LA TERRE de Jules VERNE intitulée LE CONTINENT FANTASTIQUE (VIAJE AL CENTRO DE LA TIERRA), distribuée sous le titre JOURNEY TO THE CENTER OF THE EARTH. Le film comporte la transcription la plus fidèle de la scène se déroulant sur l'océan intérieur, à ceci-près que celle-ci met aux prises deux monstres marins de la même espèce, en l'occurrence deux Tylosaures rescapés du Crétacé - le roman voyait s'affronter un Plésiosaure et un Ichtyosaure. A L'homme préhistorique géant veillant sur un troupeau de Mammouths, le réalisateur a substitué un Gorille géant, le décor expressionniste constitué d'arbres morts et une utilisation adroite des effets de perspective, conférant à l'interprète une taille colossale, contribuant à donner quelque force à la séquence. Des Tortues géantes ancestrales (encore pourvues de dents) ainsi que des Reptiles préhistoriques parmi lesquels des Dimétrodons (espèce disparue à voilure dorsale déjà vue dans la version d'Henri LEVIN de 1959) complètent ce monde fantastique orné de champignons géants.


Un monde souterrain empli de périls.

L'impressionnant occupant des lieux

Un des maîtres de l'océan souterrain.

Le metteur en scène s'inspire à nouveau de Jules VERNE en 1981, adaptant L'ÉCOLE DES ROBINSONS (en anglais GODFREY MORGAN: A CALIFORNIAN MYSTÈRE), qui, comme L'ILE MYSTÉRIEUSE, est une histoire édifiante de survie sur une île dans la lignée de ROBINSON CRUSOE, devenue à l'écran LE MYSTÈRE DE L'ÎLE AUX MONSTRES (MISTERIO EN LA ISLA DE LO MONSTRUOS) - en anglais JULES VERNE'S MYSTERY ON MONSTER ISLAND. A l'instar de Ray HARRYHAUSEN qui avait transformé à sa manière L'ÎLE MYSTÉRIEUSE pour y inclure divers êtres extraordinaires, Juan PIQUER SIMON modifie l'intrigue en y rajoutant plusieurs monstres (gigantesque mille-pattes, bête bipède d'allure féroce, reptile géant, hommes-poissons...). Il s'avère en fait que les êtres menaçants sont des créations factices destinées à éloigner les indésirables qui pourraient convoiter le trésor amassé par un pirate, dénouement qui rappelle celui d'un autre roman de Jules VERNE, LE MYSTÈRE DU CHÂTEAU DES CARPATES, dans lequel les éléments fantastiques procédaient également d'une supercherie.

Bête géante, qui s'avérera factice.

Avec L'ÉCLOSION DES MONSTRES ( LOS NUEVOS EXTRATERRESTRES ) - en anglais THE POD PEOPLE - Juan PIQUER SIMON aborde la science-fiction contemporaine, avec ses visiteurs extraterrestres hostiles, des humanoïdes velus pourvus d'une courte trompe, ayant quelque ressemblance avec ALF, qui naissent dans des œufs (d'où le titre anglais faisant faussement référence à L'INVASION DES PROFANTATEURS). Le scénario orchestre une relation entre un jeune garçon et un de ces êtres fraîchement éclos qu'il recueille et baptise plaisamment "Trompette"; réalisant qu'il ne pourra indéfiniment le protéger de l'hostilité des adultes s'appliquant à traquer ses congénères, l'enfant décide finalement, au cours d'un épilogue assez déroutant et non dénué d'émotion, de l'abandonner dans la forêt en espérant qu'il parviendra à leur échapper.

Un petit invité à la maison.

L'ABÎME (LA GRIETA), de 1990, distribué sous les titres THE RIFT et ENDLESS DESCENT, participe de la vogue des films de science-fiction sous-marins initiée par ABYSS de James CAMERON. Une expédition y découvre le fruit d'expériences génétiques menées dans un laboratoire dissimulé dans les profondeurs. Le propos du film de Juan PIQUER SIMON n'est guère explicite. On ne sait d'ailleurs pas si la première créature apparue menaçant le submersible, un être informe évoquant un gigantesque Nudibranche ("Limace de mer"), n'est qu'un monstre marin de passage non encore inventorié, ou un fruit échappé des expériences interdites, pas plus qu'on ne sera renseigné sur le rôle de la curieuse créature en forme de gigantesque Etoile de mer du Pacifique aux nombreux bras rayonnants qui trône dans la salle principale du complexe secret et qui paraît revêtir une grande importance dans le dispositif d'ingénierie. Peu importe en fait, le film ne cherchant pas tant à coller à la logique d'une science-fiction adulte qu'à proposer à ceux qui ont gardé de leurs jeunes années le goût pour l'étrange et les êtres fantastiques une immersion dans une sorte de séance de train-fantôme n'ayant d'autre but que de divertir et de procurer quelques frissons.
Rencontre avec une aberration génétique qui a tout du dragon médiéval.

Si Juan PIQUER SIMON ne laissera sans doute guère de chefs-d'œuvre incontestables dans l'histoire du cinéma fantastique, il était un véritable passionné, réalisant lui-même en partie les effets spéciaux de ses films. Il se tournait vers les grands auteurs du genre, Jules VERNE, dont il prévoyait de tourner une nouvelle version de VOYAGE AU CENTRE DE LA TERRE, H.P. LOVECRAFT qui lui avait inspiré MAGIE NOIRE (LA MANSION DE LOS CTHULHU - en anglais CTHULHU MANSION) ou encore William H. HODGSON dont il avait projeté d'adapter LA MAISON AU BORD DU MONDE, roman qui devrait finalement être portée à l'écran par Stuart GORDON (lequel a lui aussi précédemment adapté LOVECRAFT, avec notamment FROM BEYOND). Il était parvenu au cours de sa carrière à obtenir le concours d'acteurs anglo-saxons célèbres, comme Peter CUSHING et Terence STAMP sur LE MYSTÈRE DE L'ÎLE AUX MONSTRES, ou Jack SCALIA, Ray WISE (ROBOCOP, TWIN PEAKS) et R.Lee ERMEY (FULL METAL JACKET, BODY SNATCHERS) pour l'ABIME. Il laissera le souvenir d'un artisan appliqué à la mise en valeur du fantastique, qu'on pourra goûter sous réserve d'avoir su garder une certaine fraîcheur d'esprit.


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Peter YATES disparu le 9 janvier 2011 à l'âge de 81 ans était un réalisateur britannique spécialisé dans les films policiers, comme DÉLIT D’INNOCENCE ( AN INNOCENT MAN ) de 1989, dans lequel Tom SELLECK incarne avec justesse un homme qui découvre un monde de violence alors qu'il a été indûment jeté en prison pour couvrir la faute de deux policiers corrompus - dont l'un est interprété par David RASCHE, parfaitement odieux, qui avait déjà livré une forte prestation dans son rôle d'activiste écologique au côté de David CLENNON (THE THING, MATINÉE) dans BULLETIN SPECIAL (SPECIAL BULLETIN ) d'Edward ZWICK de 1983. On devait aussi à Peter YATES un film d'heroïc-fantasy, KRULL, en 1983, qui narre l'épopée de Colwyn, prince héritier d'un royaume médiéval pour libérer son monde de l'emprise d'un être maléfique désigné sous le nom de "la Bête", au cours de laquelle les forces magiques s'affrontent. L'action était portée par la composition grandiloquente de James HORNER à son apogée. KRULL devait originellement s'ancrer davantage encore dans l'imagerie du Moyen-Age à l'époque à laquelle il devait s'intituler DRAGONS OF KRULL, mais la sortie du DRAGON DU LAC DE FEU décida les producteurs à éviter la redite - ce qui n'empêcha pas le film de connaître une piètre réussite commerciale, tout comme d'ailleurs son illustre devancier qui ne parvint à trouver son public. Le film comporte quelques créatures fantastiques, telles qu'un cyclope mélancolique ayant troqué son deuxième œil contre la possibilité de connaître l'avenir ( réduit en fait à l'heure de sa mort ), dont le maquillage fut créé par Nick MALEY après une première version rejetée conçue par Christopher TUCKER, les guerriers de la Bête qui semblent faits d'une cuirasse osseuse et qui, à leur trépas, libèrent une masse visqueuse et tentaculée disparaissant furtivement dans le sable ( scène ajoutée lors de la post-production ), comme si leur existence ne résultait que d'un sortilège leur ayant donné consistance à partir d'une forme de vie rudimentaire, et la Bête elle-même, enfermée dans sa forteresse volante. Celle-ci, un monstre humanoïde, n'apparaît que pauvrement, étant filmée dans un réservoir et en contre-plongée de manière à la rendre plus mystérieuse, procédé qui finit par paraître un peu artificiel. Les motivations de la créature demeurent également mystérieuses, le personnage, comme le Fantômas de l'adaptation comico-policière interprété par Jean MARAIS ( qui avait précédemment incarné une autre "Bête" célèbre sous la direction de jean COCTEAU ) semblant se complaire dans la destruction mais s'affirmant résolu à cesser de commettre le mal si une jeune fille accepte de l'épouser ( en l'occurrence la princesse destinée au héros ), le spectateur demeurant en vain dans l'attente d'une révélation qui aurait donné davantage de force à l'allégorie, la raison d'être du monstre semblant principalement de fournir au héros le prétexte pour prouver sa bravoure au travers des épreuves tel un nouveau Persée, tâche dévolue à Ken MARSHALL qui avait eu auparavant l'occasion de s'illustrer de manière plus nuancée dans le rôle-titre de la série MARCO POLO, aux côtés notamment de James HONG et David WARNER. L'être fabuleux sans doute le plus notable de KRULL est probablement une araignée géante translucide désignée pour cette raison comme l'Araignée de cristal, animée image par image par Stephen ARCHER, lequel avait précédemment participé aux effets d'animation du CHOC DES TITANS de 1982, Ray HARRYHAUSEN ayant exceptionnellement pour cette superproduction fait officiellement appel à des collaborateurs ( le jeune talent a malheureusement depuis effectué sa conversion dans le virtuel, comme Phil TIPPETT, étant employé jusque sur le contestable remake de ce classique ). La scène, qui bénéficie aussi de la collaboration de Derek MEDINGS, technicien britannique ayant notamment apporté son concours aux trucages de JAMES BOND, survient à l'occasion d'un passage particulièrement marquant voyant Ynir, le mentor du prince Colwyn qu'interprète Freddie JONES ( extraordinaire forain malsain de THE ELEPHANT MAN, entre autres ) retrouver un autre interprète shakespearien, Francesca ANNIS ( Reine-mère de DUNE ) dans le rôle d'une très vieille femme, son ancien amour délaissé conduit à l'infanticide. La résurrection éphémère d'un amour qui paraissait révolu est assez touchante, tout, comme dans une certaine mesure, la mort du cyclope Krell, contribuant à faire de ce film, qui a offert un de ses premiers rôles à Liam NEESON composant un des bandits ralliés au prince, une œuvre qui n'est pas aussi mauvaise qu'on l'écrit souvent.

L'araignée de cristal

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Après l'auteur Michael CRICHTON et le créateur d'effets spéciaux Stan WINSTON, la saga JURASSIC PARK est encore une fois endeuillée par le décès de l'un des acteurs principaux du second volet LE MONDE PERDU ( THE LOST WORLD ) de Steven SPIELBERG, Pete POSTLETHWAITE, qui s'est éteint le 2 janvier 2011 à l'âge de 65 ans des suites d'un cancer. Prêtant ses traits sévères au personnage de Roland Tembo, chasseur expérimenté commandant l'équipe envoyée par le neveu d'Hammond traquer des Dinosaures sur le "site B" pour fournir une attraction à San Diego, il était un peu l'équivalent du chef des gardes Robert Muldoon ( Bob PECK ) du premier film, soit un homme aguerri plutôt téméraire, mais dont le contact prolongé avec les Dinosaures carnivores finissait par entamer l'assurance.


Auparavant, il avait fait partie de la galerie de personnages patibulaires peuplant le pénitencier en déshérence d'ALIEN 3 de David FINCHER, aux côtés notamment de Charles DANCE ( LAST ACTION HERO, le téléfilm L'HUMANOÏDE ) et Brian GLOVER - l'effrayant joueur d'échecs du LOUP-GAROU DE LONDRES. Débutant sa carrière au cinéma en 1977 dans le premier film de Ridley SCOTT, LES DUELLISTES (THE DUELLISTS ), l'acteur de théâtre avait peu tourné pour l'écran jusqu'au début des années 1990. Le rôle qui lui avait valu la consécration fut son interprétation d'un père emprisonné abusivement par la justice anglaise dans le cadre de la répression des activistes de l'IRA, dans AU NOM DU PÈRE, pour lequel il obtint en 1993 l'Oscar du meilleur second rôle. L'autobiographie de cet acteur défenseur de l'écologie devrait être publiée au cours de l'année 2011.

Visage du pénitencier d'ALIEN 3, un monde dont tout espoir a été banni.

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Dernière minute : disparition du compositeur des musiques des films de James BOND, John BARRY, décédé d'une crise cardiaque à 77 ans, plusieurs fois cité ici pour sa partition notable et novatrice du remake de KING KONG de 1976 et à qui on devait aussi l'envoûtante partition de QUELQUE PART DANS LE TEMPS (SOMEWHERE IN TIME) en 1980, voyage romantique dans le temps.



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Si ce petit site est fréquenté par des Français, y compris jusqu'en Terre-Neuve, par des Belges, des Québécois et des Suisses comme on pouvait raisonnablement l'espérer, il semble à présent être aussi visité par des non-francophones, alors même que sa version anglophone, aboutallcreatures.blogspot.com a été arrêtée, par manque de temps, pour ne pas alourdir le volume du site ( par le doublement des images présentées dans les deux langues ), mais aussi parce que, la première année, le nombre de connectés restait bloqué sur le zéro! Depuis quelques mois, non seulement les articles en anglais commencent à être régulièrement parcourus, mais le site principal lui-même est vu par des internautes d'horizons divers. Sans doute parce qu'il se rattache à une tradition plus prospère dans le monde anglo-saxon notamment en matière d'imaginaire, les visiteurs dont le français n'est pas la langue principale, si on se réfère à leur contrée de résidence, proviennent principalement d'Amérique du Nord et de l'Europe du Nord; on note même, suivant les semaines, un certain nombre de visiteurs de langue germanique, en particulier des Allemands et des Néerlandais ( 50 connections d'Hollandais ont été enregistrées pour la dernière semaine de janvier 2011 ). Depuis peu, des internautes du Maghreb manifestent aussi dans une certaine mesure quelque intérêt. C'est la raison pour laquelle un traducteur automatique été intégré à ce site. Il suffit de cliquer sur l'icône puis, dans la barre qui apparaît en haut de la page, de sélectionner le français dans la colonne de gauche et la langue désirée dans celle de droite et de valider. Le résultat est plutôt satisfaisant, même si, évidemment, certaines expressions sont intraduisibles d'une langue à l'autre, mais au moins le sens général de l'article devrait être accessible à tous ceux qui le souhaitent et qui ne pouvaient lire directement les articles jusqu'à présent. C'est également par souci des lecteurs non francophones que l'on s'efforcera à présent de donner le titre original des œuvres évoquées, alors que jusqu'à maintenant, on se contentait souvent, pour ne pas surcharger, de ne mentionner que le titre par lequel celles-ci pouvaient être connues des lecteurs de langue française - il est vrai que parfois, il existe plusieurs titres pour un roman ou un film dans la même langue... Les sujets les plus populaires sont depuis un mois et demi toujours les quatre mêmes : l'article sur les créateurs de monstres évincés par les images de synthèse ( rendez-nous le goût authentique des produits naturels! ) évoquant notamment le découragement conjoint de Patrick TATOPOULOS, Rob BOTTIN et Steve JOHNSON, est très populaire, suivi de l'hommage consacré à Jim HENSON, créateur des Muppets et initiateur de bien des créatures fantastiques, pour le vingtième anniversaire de sa disparition. Mais l'éclectisme du site semble porter ses fruits avec deux articles de vulgarisation très souvent vus, celui passant en revue, à l'occasion de l'anniversaire de Charles DARWIN, les argumentaires s'opposant à la théorie de l'évolution, et celui qui arrive pratiquement toujours en tête des consultations, "La peoplisation du monde vivant", consacré aux tendances contemporaines en matière de dénomination des espèces ( ce qui ferait presque regretter d'avoir cédé à quelques traits d'humour en mentionnant des personnalités qui ne sont pas toutes nécessairement connues en dehors de l'hexagone ).