mardi 25 novembre 2008

NOS PRECIEUX COUSINS DES PROFONDEURS

Jacques PICCARD, océanographe, est décédé le 1er novembre 2008 à l'âge de 86 ans. Fils du célèbre Auguste PICCARD qui avait mis au point le ballon stratosphérique et le bathyscaphe - et qui avait servi de modèle à HERGE pour son personnage du professeur Tournesol - Jacques PICCARD avait effectué une plongée dans la fosse des Mariannes à près de 11 000 mètres de fond. Emerveillé par la variété d'une vie insoupçonnée à de telles profondeurs, il obtint que les déchets nucléaires ne soient pas entreposés dans les fosses abyssales.

Jacques PICCARD au hublot d'un bathyscaphe

On évoque souvent à juste titre les risques pour la diversité des espèces en Amazonie, d'autant qu'en dépit de l'image très valorisante qu'en conserve l'intelligentsia, le président du Brésil est non seulement revenu sur ses promesses d'un meilleur respect de l'environnement, mais a au contraire donné son plein aval pour les cultures transgéniques et autorisé la déforestation avec une ampleur jamais vue. Il est vrai que que la densité d'espèces y est assez époustouflante, tant la flore luxuriante abrite des formes spécifiques, notamment parmi les Insectes, et que la lutte emblématique pour la préservation de l'environnement est particulièrement âpre dans les forêts tropicales (à l'inverse du roman de Michael CRICHTON, ETAT D'URGENCE, les victimes de la violence se comptent plutôt dans le camp des écologistes ; si on a retenu pour l'Amazonie les noms de Chico MENDES et Peter BLAKE, si l'Afrique reste empreinte du combat de Dian FOSSEY, dont la vie, à l'instar du premier, a été transcrite à l'écran, près d'une douzaine de personnes, notamment des Européens, ont perdu la vie dans un grand anonymat depuis le début des années 1990 en Asie du sud-est pour s'être opposées aux grandes compagnies).*

Cependant, toutes ces espèces, quasiment innombrables, ne sont que la déclinaison de quelques grands types végétaux et animaux. La variété est encore bien plus grande dans les océans, berceau de l'évolution animale. Certaines créatures fort discrètes et très rares représentent pratiquement à elles seules une branche entière de l'histoire de la vie sur notre planète.

C'est ainsi le cas des Ptérobranches, mystérieux petits animaux pédonculés pourvus de deux longs bras plumeux, qui vivent dans les grandes profondeurs au sein de petites colonies. Ces animaux ont parfois été rapprochés des Bryozoaires ou animaux-mousse, petites créatures coloniales qui recouvrent les algues ou les fonds rocheux, et dont les individus pourraient être assimilés aux polypes des Coraux si ceux-ci ne présentaient pas une organisation interne beaucoup plus complexe qui les fit rapprocher des Mollusques au XIXème siècle en même temps que les Brachiopodes, pseudo-Mollusques pourvus d'une coquille bivalve (et que les Ascidies, alors faussement interprétés comme des Mollusques bivalves sans coquille notamment en raison de leurs deux siphons).

Cephalodiscus représenté par les premiers naturalistes qui l'ont décrit ( sur la figure du bas, plusieurs jeunes individus ont commencé à se développer ).

Il n'existe qu'une trentaine d'espèces connues de Ptérobranches. Rhabdopleura vit dans un tube, tandis que Cephalodiscus se fixe à l'extérieur de la structure chitineuse élaborée par l'individu. Encore moins connu, le troisième genre, Atubaria, vit sans tube, fixé sur d'autres animaux marins, les Hydroïdes.

photo de deux Cephalodiscus vivants (photo d'E.Balser).

Les Ptérobranches sont classiquement rapprochés des Entéropneustes, organismes vermiformes fouisseurs surnommés "Vers à gland" en raison de la forme de leur trompe, comme celle de leur représentant le plus connu, le Balanoglosse - mais celle-ci peut-être beaucoup plus allongée comme chez le genre Saccoglossus. Les Entéropneustes ont une place tout à fait singulière dans l'évolution : leur larve ressemble beaucoup à celle des Holothuries ou Concombres de mer, parents allongés des Oursins, dont les Méditerranéens consomment une espèce sous le nom de « trépang », mais l'adulte possède de petites fentes branchiales très comparables à celles qui apparaissent provisoirement sur l' embryon humain, plan archétypal témoin des lointaines origines marines des Vertébrés auxquels nous appartenons.


Entéropneuste, vue générale et gros plan sur ses fentes branchiales (photo de l'Université de Washington). Au dessous, un embryon humain avec ses fentes branchiales analogues.

L'intérêt pratique que représentent ces obscures et méconnues créatures pour notre espèce paraît à priori peu évident. Cependant, de nouvelles substances, désignées collectivement sous le nom de « céphalostatine » d'après le nom du Cephalodiscus, s'avèrent constituer un traitement efficace contre les cellules cancéreuses humaines.

D'autres produits issus d'animaux marins plus proches encore de la lignée des Vertébrés peuvent s'avérer appropriés pour la recherche médicale. Les Tuniciers sont généralement des animaux fixés comme les Ascidies – les Méditerranéens consomment une espèce désignée sous le nom de « violet » - filtrant l'eau de mer au travers de deux siphons, et dont la larve nageuse, évoquant un têtard par sa morphologie, possède une notochorde interne, sorte d'ébauche de colonne vertébrale, comme l'a découvert à la fin du XIXème siècle le zoologiste Alexander KOWALESKY (un Tunicier appartenant à un groupe très différent, le Pyrosome, a été évoqué récemment dans l'article du 18 septembre 2008 intitulé « Le tentacule d'ABYSS existe réellement »).

Larves d'Ascidies. L'exemplaire du dessous, vu au microscope, laisse voir par transparence l'équivalent de la colonne vertébrale présent dans la queue.

Il y'a une quarantaine d'années, un autre anticancéreux, la trabectédine, issue de l'Ascidie coloniale Ecteinascidia turbinata, a été isolé. Cette substance chimique agit contre les cellules malignes de différentes formes de cancer et semble également prometteuse pour traiter les tumeurs résistant à la chimiothérapie.
l'Ascidie Ecteinascidia turbinata, en haut un individu avec ses deux siphons; en bas, une colonie.

Plus récemment, trois espèces d'Ascidies, Ascidia sydneiensis, Microcosmus goanus et Phallusia nigra, ont fourni des composés qui ralentissent le développement du Plasmodium, le Protozoaire agent du paludisme, chez l'hôte vertébré.

Les Oursins et Etoiles de mer paraissent à priori très éloignés des humains, au point que les naturalistes du début du XIX ème siècle les avaient rapprochés des Anémones de mer au sein des animaux-plantes ou Zoophytes, les formes les moins élaborées du règne animal. Cependant, ces créatures à la paroi externe rigide souvent pourvue de piquants (d'où le nom de leur embranchement, les Echinodermes, "à peau épineuse") appartiennent à une branche voisine de la nôtre, puisqu'elles ont en commun avec les humains que l'orifice apparaissant en premier au cours du développement de l'embryon n'est pas la bouche originelle, comme chez les Insectes et les Mollusques (ce qui vaut à l'ensemble d'être désigné sous le nom de Protostomiens - « première bouche »), mais l'anus, processus d'inversion qui demeure mystérieux au plan de l'évolution. Par ailleurs, au sein de ces « Deutérostomiens », les Concombres de mer ou Holothuries présentent, comme on l'a déjà évoqué plus haut, une larve assez similaire à celle des « vers à gland » ou Entéropneustes. Cette lointaine proximité peut expliquer que, là encore, certaines espèces manifestent des affinités physiologiques ou biochimiques avec les Vertébrés. L'espèce Holothuria glaberrima présente un mécanisme comparable à celui des Humains pour réparer les cellules lésées lors de blessures et qui est susceptible de fournir une solution pour accroître l'efficacité du processus de régénération. Le genre Holothuria pourrait aussi fournir un nouvel analgésique actif au niveau du thalamus.

Une Holothurie ou "concombre de mer"; suite à une consommation effrénée, les Holothuries auraient disparu de nombre de littoraux en Afrique et en Asie.

Ci-dessus, la larve d'un "concombre de mer"


La larve des "vers à gland" ( Entéropneustes ) est bâtie sur une organisation voisine

Par ailleurs, les spécificités propres à ces différents animaux peuvent augurer d'autres débouchés intéressants en matière de santé. En constituant un mélange utilisant notamment des fibres issues d'un autre Tunicier, des chercheurs d'une université de Cleveland sont parvenus à obtenir une substance dont il est possible de modifier la rigidité et qui pourraient être utilisée pour des implants dans le cas par exemple de micro-électrodes destinées au traitement de la maladie d'Alzheimer. Les Holothuries fournissent une matière comparable, des molécules permettant de durcir presque instantanément le corps de l'animal. Enfin, l' espèce Cucumaria echinata fournit une substance expérimentée dans le cadre de la lutte contre la malaria, celle-là produisant un effet délétère sur le parasite.


La diversité du monde vivant est telle qu'on peut également trouver chez des animaux sans aucune parenté avec l'homme, comme certains Mollusques ( un Gastéropode tropical célèbre, le Cône, est d'ailleurs pourvu d'un poison mortel, qui devrait conduire les touristes prudents à s'en tenir à distance respectable ) des substances prometteuses en matière de recherche d'un traitement contre le cancer.

Ces différents travaux démontrent tout l'intérêt de protéger les espèces les plus diverses, même s'il serait un peu triste que nous n'envisagions ces animaux qu'au travers de l'utilité que peuvent présenter certaines des molécules qui les composent.

* On vient d'apprendre à ce propos que le rédacteur en chef d'un journal russe, Mikhaïl BEKETOV, avait été amputé d'une jambe suite a une agression commise dans la nuit du 13 au 14 novembre 2008 ; cet acte d'une grande brutalité et les nombreuses menaces dont il continue d' être l'objet pourraient être en rapport avec sa mobilisation contre la déforestation liée au projet de construction d'une autoroute - mise à jour : il finira finalement par décéder en 2013 des suites de l'agression.


jeudi 6 novembre 2008

LA TRILOGIE JURASSIC PARK DE NOUVEAU ENDEUILLEE


Triste 4 novembre 2008 aux Etats-Unis pour les amateurs de littérature et de cinéma : après la disparition cet été du spécialiste d'effets spéciaux qui avait donné vie aux Dinosaures de la série JURASSIC PARK, Stan WINSTON, c'est l'auteur des livres dont s'inspirait la série de films, Michael CRICHTON, qui est victime à son tour du cancer à l'âge de 66 ans. Bien que n'ayant pas à proprement parler inventé de créatures imaginaires ( si l'on excepte la molécule infectante à structure cristalline de LA VARIETE ANDROMEDE ), il avait redonné brillamment vie aux géants disparus dans le célèbre roman et sa suite.

De grande taille puisqu'il dépassait les deux mètres, Michael CRICHTON connut également les hauteurs du succès de librairie, et, cas assez rares, il se fit également régulièrement metteur en scène pour le cinéma à partir de 1973 avec MONDWEST, bien qu'il n'était pas apparenté au cinéaste Charles CRICHTON ( la comédie UN POISSON NOMME WANDA et une version cinématographique d'un épisode de la série COSMOS 1999 ). Cependant, sa propension au succès ne l'empêcha pas de douter, traversant une période durant laquelle il perdit l'inspiration, et, insatisfait de sa vie privée, il fut marié cinq fois.

Contrairement à nombre d'écrivains de science-fiction plus âgés décédés ces dernières années, comme Alfred Elton VAN VOGT, Arthur C. CLARKE ou encore le génial Stanislas LEM, Michael CRICHTON n'était pas à proprement parler un auteur de science-fiction mais plutôt un écrivain généraliste. Auteur de la célèbre série télévisée URGENCES, inspirée par ses études de médecine, il abordait en effet les sujets les plus divers avec la même curiosité intellectuelle, recréant par exemple en 1975 un hold-up ferroviaire célèbre avec son film LA GRANDE ATTAQUE DU TRAIN D'OR, avec Sean CONNERY.

En raison de son intérêt pour les sciences, nombre de ses oeuvres s'apparentaient à la science-fiction. C'était le cas de THE TERMINAL MAN ( 1972 ), évoquant l'application de l'informatique à la neurologie, de LA VARIETE ANDROMEDE ( 1969 ) sur la contagion par un virus extraterrestre ou encore de MORTS SUSPECTES ( COMA ) en 1977, films qui abordaient le sujet de l'éthique médicale. Dans ce dernier, classique dont L'AMBULANCE de Larry COHEN paraît s'inspirer, une doctoresse découvre que son hôpital sacrifie certains patients pour alimenter le trafic d'organes, les dernières avancées thérapeutiques servant des objectifs purement lucratifs. Le directeur de la clinique, interprété par le squelettique et glacial Richard WIDMARK, estime qu'au regard de la médecine, "une grande force sociale", le sacrifice de quelques vies humaines est bien peu de choses. Cette plongée clinique et angoissante dans les coulisses et recoins les plus obscurs et secrets des institutions médicales suscite un malaise évident.

couverture française pour le roman LA VARIETE ANDROMEDE
Si la mise en scène de LOOKER est un peu terne, le film anticipait dès 1981 les problèmes de droit à l'image consécutif à la numérisation des modèles; on sait depuis que nombre des mannequins apparaissant dans les publicités sont retouchés par ordinateur. Un chirurgien esthétique joué par Albert FINNEY, enquêtant sur la mort de ses patientes, comprend que leur meurtre a été commandité par leur employeur, le directeur d’une société de télévision, John Reston (James COBURN), qui veut les remplacer dans les publicités par leur double informatique exempt de tout défaut. Au-delà, Reston fomente le projet plutôt paradoxal de promouvoir les vertus individualistes grâce à un procédé de conditionnement des téléspectateurs. Le scénario de LOOKER n'est pas très vraisemblable, car on ne voit pas très bien pour quelles raisons un publicitaire assassinerait ses modèles lorsqu'il peut leur acheter le droit à l'image (les vedettes de cinéma font d'ailleurs couramment appel à des doublures lorsqu'elles doivent montrer à l'écran une partie de leur anatomie qu'elles jugent insuffisamment flatteuse). Le dénouement s'achève par un combat loufoque et réjouissant au milieu des plateaux de télévision affectés à la publicité subliminale.

RUNAWAY ( 1984 ), au rythme haletant, un film sans doute un peu sous-évalué, dans lequel Michael CRICHTON dirigeait Tom SELLECK ( connu notamment pour le personnage éponyme de la série policière MAGNUM ), demeure encore quelque peu en avance sur son temps en postulant la généralisation d'appareils robotisés complètement autonomes, bien que le détournement de la technologie par des terroristes soit beaucoup plus actuel. Son roman LA PROIE donnait corps aux craintes que peuvent susciter les nanotechnologies, avec ses minuscules machines auto-réplicantes de taille moléculaire - même si le thème avait déjà été précédemment abordé dans le roman LA MUSIQUE DU SANG de Greg BEAR, puis dans l'épisode UNE NOUVELLE GENERATION de la série AU DELA DU REEL, L'AVENTURE CONTINUE ( THE OUTER LIMITS ).


les automates arachnoïdes de RUNAWAY
Son roman SPHERE, porté à l'écran par Barry LEVINSON ( LE SECRET DE LA PYRAMIDE ), invoque lointainement les extraterrestres, puisque l'artefact inconnu n'est principalement que le moyen de révéler les peurs des explorateurs, à la manière de l'océan organique de SOLARIS; contrairement au dénouement plus subtil du livre de CRICHTON, le film s'achève sur une pirouette qui pourrait sembler « tarkovskienne », si celle-ci n'apparaissait pas comme procédant d'une naïveté déplacée alors que le grand cinéaste russe fait sourdre le surgissement brusque du paranormal d'un contexte mystique omniprésent dans son STALKER, où là aussi les pouvoirs psychokinétiques sont révélés par une puissance supra-humaine.

JURASSIC PARK ( 1990 ) - et sa suite LE MONDE PERDU ( 1995 ), en hommage au roman de Conan DOYLE - est bien sûr son roman de science-fiction le plus connu, qui repose sur une idée à la fois simple et géniale, à savoir le clonage de Dinosaures à partir de gouttes de leur sang contenues dans des moustiques préservés dans l'ambre - le spécialiste d'effets spéciaux Jim DANFORTH déclare avoir cependant précédemment envisagé un projet de comédie basée sur un concept voisin. A la suite des manigances d'un employé indélicat, les Reptiles mésozoïques ressuscités parviennent bientôt à s'échapper des enclos dans lesquels on les a placés afin de les présenter au public. Le roman met encore plus que le film l'accent sur l'enthousiasme que suscite le projet de longue haleine de rendre la vie à des espèces disparues, ce qui ne l'empêche pas de comporter également des scènes très angoissantes, comme l'attaque des Compsognathus ( qui est retranscrite à l'écran dans la séquence d'ouverture du second volet, LE MONDE PERDU de Steven SPIELBERG ), la volière avec les Ptéranodons ( séquence vue dans JURASSIC PARK 3, hélas beaucoup moins effrayante pour cause de Reptiles volants en image de synthèse ), ou encore la scène nocturne très sinistre dans laquelle un tout jeune Tyrannosaure s'amuse avec une cruauté évidente avec un personnage, avant de le mettre à son menu, séquence par contre demeurée inadaptée à ce jour. En dépit d'un certain nombre d'autres différences, telles la transformation de l'avocat téméraire en un personnage assez falot rapidement gobé par un Tyrannosaure dans une posture humiliante, l'interversion des personnalités des deux enfants, ou encore la première visite du parc préhistorique qui tourne au drame alors que, dans le roman, elle se déroule normalement, la tragédie ne survenant qu'ultérieurement, le film de Steven SPIELBERG restitue l'essentiel de l'esprit du livre, Richard ATTENBOROUGH incarnant avec un enthousiasme bonhomme le milliardiaire enthousiaste à l'idée de concrétiser un rêve d'enfant.


Un rêve de gosse: le plus fabuleux des parcs zoologiques, derrière une porte d'entrée monumentale faisant référence à KING KONG


Un placide herbivore issu du film
(à la création duquel a contribué un artiste français du studio Winston)

L'écrivain cédera, non sans réticence, à la tentation de ressusciter dans LE MONDE PERDU le mathématicien Ian Malcolm, porte-parole de « la théorie du chaos » - laquelle réintroduit la notion d'aléatoire en rupture avec la causalité mécanique définie par la physique newtonienne – qui avait trouvé la mort à la fin du roman JURASSIC PARK, à l'inverse de la version scénarisée qui en avait été tirée pour le film réalisé par Steven SPIELBERG. La nouvelle vague de médiatisation des Dinosaures imputable à l'écrivain lui a valu l'honneur qu'on forme à partir de son patronyme le nom générique d'un Dinosaure végétarien cuirassé de la famille des Ankylosauridés, Crichtonsaurus.


maquette d'une famille de Ptéranodons réalisée par le Studio Winston

Le canevas de JURASSIC PARK est à peu près comparable à celui de MONDWEST ( WESTWORLD ), écrit et réalisé en 1973 par Michael CRICHTON, dans lequel les automates d'un parc d'attraction, dont un terrifiant cow-boy joué par Yul BRYNNER, se dérèglent soudain et se mettent à tirer pour de vrai sur les visiteurs qui se réjouissaient d'avance de participer à une simulation. La première partie du film décrit avec quelque ironie cet univers admirablement organisé et totalement factice, peuplé de vacanciers assez puérils ; la seconde bascule dans la terreur avec la traque impitoyable des survivants par un androïde habillé en desperado (Yul Brynner), avançant implacablement vers ses victimes, insensible aux balles. De facture classique, le film est extrêmement efficace, réglé comme une mécanique à l'instar de celles, meurtrières, qu'il met en scène; l'androïde incoercible joué par Yul BRYNNER est réellement terrifiant, et Arnold SCHWARZENEGGER a reconnu qu'il avait constitué sa référence essentielle pour l'interprétation de l'androïde meurtier de TERMINATOR. Les producteurs décidèrent de donner une suite au film, LES RESCAPES DU FUTUR ( FUTUREWORLD ), dans lequel la technologie du parc est détournée par des conspirateurs qui veulent remplacer les hommes politiques par des androïdes à leur image, afin de servir leurs intérêts malhonnêtes; les plus cyniques diront sans doute qu'il n'est pas toujours aisé de différencier les politiques des pantins....
maquettes préliminaires réalisées par les studios Stan WINSTON pour le film, lesquels ont aussi conçu les Singes agressifs de CONGO, une autre adaptation

CRICHTON n'hésitait pas à opter pour des points de vue irrévérencieux, comme dans son roman HARCELEMENT ( 1994 ), jugé anti-féministe car montrant comment les femmes peuvent être tout autant susceptibles que les hommes d'abuser du pouvoir – on se rappelle qu' il avait aussi été accusé par certains d'alimenter la xénophobie en mettant en avant l'emprise des sociétés japonaises sur l'économie américaine dans son roman SOLEIL LEVANT ( crainte déjà illustrée lors de scènes oniriques dans le célèbre classique BRAZIL de Terry GILLIAM ). A l'occasion de son roman ETAT D' URGENCE ( 2004 ) qui, à l'intar de l'excellent téléfilm BULLETIN SPECIAL d'Edward ZWICK de 1983 avec David CLENNON ( THE THING ), met en scène des éco-terroristes, il avait également récemment alerté sur les dérives potentielles de l'écologie lorsque celle-ci devenait une idéologie dogmatique - l'exemple des ampoules basse tension potentiellement dangereuses en fournit une illustration récente - même si on pourra se montrer plus réservé sur sa propension à minimiser les risques environnementaux, comme le réchauffement climatique conforté par divers relevés*, l'extinction dramatique de nombre d'espèces liée notamment à la réduction des espaces naturels ou encore les risques engendrés par l'utilisation de composés phytosanitaires chimiques potentiellement toxiques, alors que sa propre disparition illustre tristement l'augmentation constante du nombre de cas de cancers, même si l'écrivain contribuait à sa manière à rappeler que l'étude des faits ne doit jamais anticiper les conclusions.
Site officiel pour les anglophones : http://www.crichton-official.com
( *: on vient par exemple d'apprendre tout récemment qu'entre 1971 et 1993, la végétation a conquis environ 65 mètres en hauteur suite à la montée des températures, sans parler de la régression générale des glaciers, au Mont-Blanc, au Kilimanjaro ou encore en Himalaya. )

A cette occasion, rappelons qu'un autre esprit éclectique a disparu peu avant. Le Français Dominique FREMY s'est éteint le 3 octobre 2008 à l'âge de 77 ans. Né dans une famille aristocratique, cet homme discret qui ne fréquentait que peu les médias est connu comme l'inventeur du Quid, ce concentré encyclopédique en un volume qui est mis à jour chaque année, et dans lequel la science-fiction n'était pas oubliée. Très tôt, cet ancien élève plutôt moyen s'était mis à noter compulsivement toutes les informations qui lui paraissaient dignes d'intérêt, faisant de cet esprit curieux un digne héritier des polygraphes du Moyen-Age et des encyclopédistes du siècle des Lumières. On notera notamment sa liberté d'esprit en ce qui concerne le chapitre sur la zoologie, dans lequel il ne cédait pas au conformisme ambiant, en considérant avec un esprit critique salutaire les classifications récentes recueillant une quasi-unanimité en dépit de méthodes pour le moins contestables - sujet sur lequel ce site reviendra prochainement.
hommages et pages officielles du Quid :
http://www.quid.fr/zoom/index.php/2008/10/03/587-disparition-de-dominique-fremy-fondateur-du-quid