mardi 20 mars 2012

C'ETAIT LE MAITRE D'OEUVRE DE ROB BOTTIN

Le mois de mars 2012 a vu la disparition de trois artistes renommés ayant oeuvré dans le domaine de l'imaginaire, et occasionnellement créé des créatures. Deux étaient des illustrateurs célèbres, Ralph McQUARRIE et Jean GIRAUD dit MOEBIUS, qui seront évoqués incessamment. Le troisième, Henry ALVAREZ, a collaboré à nombre de films fantastiques et de science-fiction célèbres des années 1980.

L'HOMME AUX MASQUES DE CIRE


Henry Jesus ALVAREZ a disparu le 3 mars 2012 à l’âge de 67 ans. Comme beaucoup d’artistes, il fut notamment marqué dans sa jeunesse par l’influence de l’univers conçu par Walt Disney, et plus particulièrement par les sculptures du parc d’attraction de Disneyworld, avant de découvrir les photos de monstres de cinéma dans la revue « Famous Monsters » de Forrest J. ACKERMAN. Son attrait pour les animaux lui donnait aussi une base pour appliquer à ses créatures le plus grand réalisme. Il réalise successivement ses premières sculptures en bois, en papier mâché, puis en glaise naturelle. Sitôt son service militaire accompli, il se fit embaucher par les studios Stubergh en Californie où, sous la direction du sculpteur Katherine Marie STUBERGH, il avait durant trois années et demi appris à créer des figures de cire réalistes. En 1970, après le départ en retraite de Katherine Marie STUBERGH, l’entreprise est rachetée et transférée à New-York, devenant les studios Stuberh-Keller, dont Henry ALVAREZ est nommé responsable de production et participe à la création de nombreuses figures de cire pour des musées.

En 1976, il retourne en Californie avec sa famille, où il fonde sa propre société, Alvarez Wax Productions. Son succès l’amène à réaliser des figures de cire pour des collectionneurs et des musées du monde entier ainsi que des figurines en bronze, des sculptures pour des parcs d’attraction et des monuments, des modèles pour la fabrication de masques industriels en latex, et il contribue également à la création d’effets spéciaux pour la télévision et le cinéma. A partir de 1981, il est engagé comme sculpteur conceptuel par le célèbre maquilleur Rob BOTTIN, pour le compte duquel il travailla plus particulièrement durant 13 années, tout en formant des artistes avec une grande disponibilité. Il œuvre ainsi sur THE THING, travaillant notamment sur le buste de la dernière incarnation du monstre, le « Blairmonster », sur LEGEND, dont une tête maléfique non achevée faute de moyen pour la princesse interprétée par Mia SARA, EXPLORERS, LA QUATRIEME DIMENSION ( THE TWILIGHT ZONE-THE-MOVIE ), LES SORCIERES D’EASTWICK ( WITCHES OF EASTWICK ) avec la version géante et démoniaque du personnage interprété par Jack NICHOLSON, PREDATOR, la trilogie ROBOCOP, TOTAL RECALL, LES MAÎTRES DE L'UNIVERS ( MASTERS OF THE UNIVERSE ) et SUPER MARIO BROS. Il était notamment apparu en 2004 dans un documentaire sur l’histoire des monstres en cire au cinéma, MONSTERAMA, HISTORY OF WAX MONSTERS.

Henry Alvarez recréant pour la presse la tête du personnage de Norris de THE THING s'enfuyant en se pourvoyant de pattes d'araignée.


Tête de la dernière incarnation monstrueuse de THE THING.

Le grotesque et pittoresque père extraterrestre, sorte de préfiguration des créatures tout aussi baroques conçues par Rick BAKER pour MEN IN BLACK et sa suite, apparaissant à la fin du film EXPLORERS, personnage imaginé par Rob BOTTIN et sculpté par Henry ALVAREZ.

Recréation de la tête du Démon d'Halloween du film PUMPKINHEAD.

L'impressionnant mutant Kuato du film TOTAL RECALL, auquel l'équipe d'animation de Rob BOTTIN conféra une vraie personnalité.

Henry ALVAREZ s’appliqua à perfectionner la formule du latex afin d’obtenir les meilleurs résultats. Il était secondé dans son travail par son fils, et par sa femme qui peignait ses créations, excellant dans l’art d’appliquer plusieurs couches de couleur en partant du ton le plus foncé afin de donner une impression de profondeur factice à la cire, de manière à lui donner l’apparence d’un véritable épiderme recouvrant des veines.

Une des répliques si réalistes de la tête de l’acteur Barry CORBIN pour une série que celui-ci ne pouvait la regarder sans déplaisir, ce qui arrivait souvent puisqu'elle avait été facétieusement disposée à l'entrée du studio dans lequel se tournait la série NORTHERN EXPOSURE.

Collectionneur, il avait notamment acquis des outils utilisés pour la création du costume de L’ÉTRANGE CRÉATURE DU LAC NOIR (CREATURE FROM THE BLACK LAGOON), ceux-ci étant si inhabituels qu’il n’est pas parvenu à déterminer leur usage exact, bien qu’ayant souvent créé lui-même ses propres instruments…

Henry ALVAREZ était considéré comme un maître de la sculpture dans la profession, à la manière de Gunnar FERDINANSEN ( à droite ), la référence pour le démoulage de masques, seul capable de retirer une pièce d'un moule à un seul tenant.

La disparition de sa fille en raison d’un cancer des os, et l’éradication croissante des créateurs d’effets spéciaux concrets en raison de l’hégémonie des images virtuelles qui a également découragé nombre d’artistes talentueux, à commencer par Rob BOTTIN, amènent le sculpteur à s’éloigner de l’effervescence et de l’investissement à temps plein du cinéma, et à s’installer dans l’Orégon. Il y retouche des sculptures en cire destinées à être revendues. D’origine mexicaine et amérindienne, notamment apache, il entreprend également la création de bronzes de grande taille figurant des chefs indiens, dont il s’attache à faire ressentir l’intériorité.

La maladie dont il était atteint depuis plusieurs années s’étant récemment aggravée, Henry ALVAREZ a finalement succombé au mésothéliome, forme de cancer rare du poumon, vraisemblablement causé par l’exposition répétée avec les particules d’amiante des moules utilisés pour la réalisation des statues de cire. Un nouvel exemple d’investissement complet qui aura probablement été fatal à cet artiste renommé.

Sources principales de l'article :

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lundi 5 mars 2012

Petites victimes méconnues de Fukushima


Un spécimen de "poisson Napoléon" - surnommé ainsi à cause de sa bosse qui évoque un peu le bicorne de l'Empereur des Français; élevé pour assurer sa protection dans l'aquarium de la région de Fukushima, il a été frappé par la catastrophe qui a mis à mal l'établissement.

Il y'a un an, à la date du 11 mars 2011, un tremblement de terre frappait le Japon, engendrant un raz-de-marée terrifiant ( tsunami ) qui ravageait la côte de la région de Fukushima et des environs, causant des dégâts considérables, la mort de milliers de personnes et un accident nucléaire majeur, contraignant les populations limitrophes à évacuer durablement la zone, condamnée comme celle de Tchernobyl en Ukraine depuis 1986.

Des fonds considérables durent être mobilisés pour la reconstruction. Une polémique est d'ailleurs soulevée par le célèbre défenseur des Cétacés, Paul WATSON, relayée par Brigitte BARDOT au titre de sa Fondation - laquelle remarque au passage que les animaux familiers n'ont quant à eux pas été évacués des zones désertées - sur l'utilisation d'une partie des dons collectés, partiellement affectés au soutien de la campagne de chasse à la baleine, au motif qu'un des ports dévastés se consacrait à cette activité, plutôt qu'au profit des survivants de la catastrophe auxquels ils étaient principalement destinés - le Japon étant l'un des rares pays avec la Norvège à poursuivre cette pratique en dépit du moratoire sur la chasse commerciale, même si, théoriquement, celle-ci ne cible plus que les espèces de Rorquals n'étant pas en danger immédiat d'extinction  :

Le sort tragique des habitants a également occulté celui d'autres victimes indirectes. La région de Fukushima comporte notamment un important complexe d'aquariums inauguré en juillet 2000, L'Aquamarine Fukushima à Iwaki, dont la majorité des pensionnaires ont péri des suites de la catastrophe. A la différence des bassins extérieurs affectés à la reproduction des Poissons, qui furent ravagés par le tsunami, la structure résistante du bâtiment a bien préservé l'intégrité des aquariums, mais néanmoins la coupure d'électricité imputable à l'arrêt automatique des quatre centrales nucléaires les plus proches et à la capacité limitée en réserve de carburant du groupe de secours, a occasionné la mort des Poissons, Crustacés, Mollusques et de l'immense majorité des pensionnaires - Les Mammifères marins ( Loutres et Pinnipèdes ) et les Oiseaux de mer, dont la respiration et la température ne sont pas strictement dépendantes des infrastructures, furent quant à eux évacués temporairement, incluant un phoque femelle qui donna naissance dans ces circonstances à un petit, baptisé "Espoir" en japonais (Kibo). A l'issue de travaux de restauration, l'aquarium d'Iwaki, qui se trouve dans une zone non directement exposée à la radioactivité de la centrale sinistrée, a été rouvert en juillet 2011, le jour de son onzième anniversaire, bénéficiant du don de pensionnaires venus d'une vingtaine d'aquariums et zoos du Japon, et même du monde entier.

Le bassin des Morses a toujours captivé les jeunes visiteurs de l'Aquamarine.

Belle reconstitution de Dunkleosteus ( aussi appelé Dinichthys ), un très grand Placoderme ("poisson cuirassé") qui vivait dans les océans au Dévonien, il y'a plus de 360 millions d'années, suspendue au plafond de la salle du rez-de-chaussée présentant des reconstitutions des animaux marins des temps anciens.

Autre animal disparu assez inquiétant surgissant de l'obscurité, un Euryptéride prêt à fondre sur sa proie et à la saisir avec ses pinces effilées; surnommés "scorpions de mer", ces prédateurs marins étaient relativement plus proches de la Limule, un "fossile vivant", que des Arachnides au sein desquels se rangent les Scorpions terrestres.

Pensionnaires de l'Aquamarine, ces spécimens de Nautiles, animal considéré comme un "fossile vivant", Céphalopode à coquille enroulée comparable à ceux qui servaient de proies à de grands Reptiles marins contemporains des Dinosaures, n'ont pas survécu à la catastrophe de Fukushima.

L'équipe de l'aquarium de Fukushima s'est notamment distinguée par sa participation à l'expédition qui a pris les premières photographies d'une espèce asiatique de Coelacanthe dans son milieu naturel en mai 2006, rééditant plusieurs fois l'expérience par la suite. Ce Poisson appartient à un groupe qui fut considéré comme éteint en même temps que les Dinosaures, jusqu'à l'identification en 1938 d'un spécimen ramené par des pêcheurs au large des côtes d'Afrique du sud, et dont l'articulation des nageoires annonce celle des membres des Vertébrés terrestres de même qu'une poche d'air dans l'estomac préfigure le futur poumon - il existe cependant des Poissons actuels paraissant plus engagés sur la voie qui mène à la sortie des eaux, les Polyptères et les Dipneustes, possédant aussi bien des branchies que des poumons. Certains créationnistes ont cherché à tirer partie de la découverte du premier Cœlacanthe vivant pour arguer que, l'animal n'ayant en apparence guère évolué - même si ses nageoires sont devenues plus symétriques au fil du temps - alors qu'il est vu comme un "chaînon manquant", cette immuabilité contredisait la théorie de l'évolution; la polémique est assez absurde, puisque, les derniers représentants fossiles connus datant de la fin du Crétacé, la paléontologie avait déjà établi que l'animal s'était perpétué plus de 300 millions d'années après que des formes voisines avaient engendré les Vertébrés terrestres, sa survie dans les derniers 65 millions d'années n'apportant rien de nouveau sur le fond(*)... L'hypothèse qu'une seconde espèce de Cœlacanthe ait pu se maintenir en Indonésie parut à beaucoup très improbable, celle-ci se basant principalement sur une sculpture traditionnelle récupérée par un antiquaire, jusqu'à ce qu'en 1997, l'animal quitte le domaine de la cryptozoologie pour constituer officiellement une seconde espèce à côté de son parent comorien.

Autre "fossile vivant", le Cœlacanthe indonésien, découvert en 1997 - bien que l'hypothèse de son existence se heurta à l'incrédulité, la preuve de son existence eut moins d'écho médiatique que celle de son parent africain, un demi-siècle plus tôt.

(*) Rappelons que l'évolution des espèces, déjà évoquée ici à l'occasion de l'article sur DARWIN et le créationnisme, n'implique pas que la transformation affecte nécessairement l'intégralité d'une population : tandis que certains représentants des poissons à nageoires lobés - probablement du genre Tiktaalik -s'aventuraient sur la terre ferme, donnant naissance à nos lointains ancêtres, d'autres rameaux du groupe comme le Cœlacanthe demeuraient dans les eaux, se maintenant tant bien que mal jusqu'à notre époque.

PS : Comme pour l'explosion de la centrale de Tchernobyl, le précédent nucléaire majeur, des hommes ont sacrifié leur vie pour empêcher que la catastrophe ne soit pas pire encore. Les territoires demeurent radioactifs durant une très longue période. Beaucoup d'enfants, plus particulièrement, résidant dans la région de Tchernobyl connaissent toujours de très graves problèmes de santé, des associations internationales récoltent des dons pour leur venir en aide, en Ukraine : http://www.chernobyl-international.comet en Biélorussie : http://enfants-tchernobyl-belarus.org/