lundi 8 août 2022

UNE PRESTANCE INQUIETANTE

Le dernier article de "Créatures et imagination" rapportait la disparition de l’interprète du personnage inspiré du célèbre auteur Howard Philip Lovecraft dans le film Détective Philippe Lovecraft (Cast a Deadly Spell), Fred Ward – lequel affronta aussi les vers géants dans les deux premiers Tremors, et c’est maintenant l’autre acteur principal de cette petite comédie d’épouvante qui nous quitte, emporté par un cancer du poumon à 80 ans le 27 juillet 2022.

Comme Kevin McCarthy auquel avait été consacré à l’époque un hommage consistant, David Warner - qui avait d'ailleurs incarné un professeur nommé McCarthy dans la comédie My Best Friend is a Vampire - avait été l’un de ces très grands seconds rôles composant des personnages patibulaires, qui apportaient beaucoup de force en particulier à certains films fantastiques, et comme lui, il a exercé son métier aussi longtemps que possible, même si à la fin de son existence, sa participation se cantonnait généralement à prêter sa voix à des personnages de dessins animés et de jeux vidéos. Il mérite à l’image du précédent qu’on souligne au travers d’une évocation, également forcément très partielle, sa contribution au genre imaginaire, afin de faire valoir de quelle manière il a apporté sa marque à la fiction audiovisuelle.


David Warner, un acteur au visage souvent sévère, bien différent de l'homme que dépeignent sa famille et ses proches.

Malheureusement, pour le grand public, il restera principalement l’homme de main brutal du Titanic de James Cameron, un petit rôle dans lequel il use de la force physique, ne lui permettant pas d’exercer son jeu habituellement plus subtil, celui d’un personnage présentant plutôt bien mais capable des plus noirs desseins. Pour reprendre la formule qu’avait forgée à fins publicitaires un autre acteur, Eric Von Stroheim, David Warner incarnait à l’écran « l’homme qu’on aimait haïr », avec ses personnages antipathiques, cassants, intransigeants, laissant transparaître toute la dureté d’êtres sans scrupules, ce genre d’hommes pour lesquels « la fin justifie les moyens », peut-être sans la distance ironique qu’ajoutait parfois Kevin MacCarthy.

Moment de consécration pour David Warner à la sortie du film Titanic pour son rôle de Spicer Lovejoy. 

Issu d’une famille désunie, et amené à vivre de petits emplois, David Warner, né le 29 juillet 1941 à Manchester, se passionne très tôt pour le théâtre grâce aux encouragements d’un enseignant d’art dramatique. Diplômé à 21 ans de la Royal Academy of Dramatic Arts, il joue durant les années 1960 dans nombre de pièces classiques et incarne en 1965 le Roi Henri VI dans La Guerre des roses (War of the Roses), rôle qu’il est amené à reprendre en 1965 pour l’adaptation télévisée sous forme de série produite par la chaîne BBC. 



David Warner à droite aux côtés d'autres acteurs de théâtre en septembre 1963, Ian Holm, à gauche, et Ian Richardson au milieu.

Ian Holm (à gauche) et David Warner figurent sur l'affiche de l'adaptation cinématographique de Songes d'une nuit d'été (A Midsummer Night's Dream) d'après William Shakespeare réalisée par par Peter Hall en 1968.

David Warner (à gauche) n'est pas insensible au charme d'une jeune fille brune (Diana Rigg, au sortir de la série Chapeau melon et bottes de cuir, en anglais The Avengers) dans Songes d'une nuit d'été.

Désireux de diversifier ses engagements, il candidate pour des productions audiovisuelles et apparaît pour la première fois à l’écran en 1962 dans We joined the Navy puis l’année suivante dans le film d’aventures d’Albert Finney Tom Jones, de l’alcôve à la potence, et les metteurs en scène renommés l’engagent volontiers. C’est ainsi le cas pour Sam Peckinpah qui, après lui avoir confié en 1971 le rôle d’un personnage frustre dans Les chiens de paille (Straw Dogs), en fait un capitaine allemand désabusé par la violence impitoyable des combats au cœur de la Seconde guerre mondiale dans Croix de fer (Iron Cross) en 1977, aux côtés d’autres vedettes américaines, James Mason, James Coburn et Maximilian Schell et de vrais acteurs allemands – dont pas moins de trois apparus ponctuellement dans la série Inspecteur Derrick (Derrick), Dieter Schidor, Vadim Glowna et Buckhard Driest



David Warner dans le rôle du Capitaine Kiesel (en haut face à James Mason) dans La Croix de fer (Iron Cross) composant un militaire désabusé au milieu du déluge de feu et de sang auquel il est censé prendre une part active.

Il figure dans d’autres œuvres d’inspiration historique, notamment dans la mini-série télévisée Masada en 1981, une version romanesque d’un épisode historique véritable, le siège d’une forteresse dont la trace architecturale subsiste de nos jours, dans laquelle se sont réfugiés des Juifs refusant l’autorité romaine sur la Judée. Les scénaristes imaginent une liaison entre le véritable consul Silva (Peter O’Toole) et une Juive (Barbara Carrera) qui l’aurait amené à faire montre d’une certaine compréhension envers les récalcitrants, situation qui persuade le Sénat romain de le faire remplacer par un militaire plus intransigeant, Falco, convaincu d’obtenir la reddition et l’obéissance des reclus à l’Empire ou à défaut de mener l’affrontement jusqu’à la défaite voire à l’anéantissement des Zélotes insoumis - un clivage qui rappelle celui ayant existé face à l'Egypte de Ptolémée entre les gouvernants romains Marc-Antoine épris de Cléopâtre et de l'Orient et le plus intransigeant Octave rejetant tout accommodement de l'Empire.

David Warner y compose un personnage assez prompt à étouffer sa conscience pour faire avancer sa carrière qui, sans jouir particulièrement de la cruauté – à la différence du Général joué précédemment par Peter O’Toole dans La nuit des généraux – ne fixe effectivement aucune limite aux procédés qu’il juge nécessaires pour mener à terme sa mission jusqu’à finalement catapulter des vieillards contre les murs de la fortification dans l’intention de fléchir les assiégés. David Warner apporte son charisme froid à ce personnage impitoyable, l’intensité de l’œuvre ne faiblissant nullement lorsqu’il est amené à se substituer à l’interprète consacré qu’est Peter O’Toole, des acteurs qui, avec le renfort de la partition de Jerry Goldsmith, confèrent toute sa force à cette tragédie historique inspirée du véritable destin de la population juive de Masada ayant préféré se suicider que de se rendre à l’occupant romain, préfigurant le sort des Cathares de Monségur des siècles plus tard. David Warner obtient pour sa prestation l'Emmy Award (récompense dans le domaine télévisuel) du meilleur second rôle, qui sera étonnamment le seul prix qui lui a été décerné, de la même manière que le compositeur Jerry Goldsmith n'a eu qu'un Oscar dans toute sa carrière, tel qu'évoqué dans son hommage. En l’an 2000, David Warner retrouvera le contexte biblique au côté de Martin Landau et Jacqueline Bisset dans la mini-série In the Beginning réalisée par Kevin Connor – auteur de divers films d’aventures fantastiques dans les années 1970.

Le sénateur Falco mandaté par le Sénat (David Warner, à gauche) ne compte pas consacrer son séjour à la farniente dans la série Masada.

Un impressionnant engin de destruction construit pour enfoncer les défenses de la forteresse de Massada, avant que les producteurs se contentent de simulations informatique ; pas de doute, l’intrigant Falco appartient à la "famille bélier"...

Malgré son ascendance juive paternelle, son physique non typé de blond élancé assez proche de celui du jeune Gérard Depardieu de l’époque permet à David Warner d’interpréter un autre très grand persécuteur de Juifs, le chef nazi Reinhard Heydrich, bras droit d’Himmler, dans la mini-série Holocauste en 1978, dans laquelle son collègue de théâtre Ian Holm joue son supérieur Heinrich Himmmler, puis dans le téléfilm de 1985 Hitlers’ SS : Portrait in Evil. En 1988, il incarne encore dans un registre similaire un officier de l'Armée royale hongroise œuvrant avec les fascistes locaux dont un tortionnaire joué par David Pleasance dans La guerre d'Hanna (Hanna's War), inspiré de l'histoire vraie d'Hanna Szenes, une jeune poétesse juive ayant accepté de retourner en Hongrie afin d'accomplir une mission pour l'armée britannique, également dans l'espoir de pouvoir également sauver sa famille de l'extermination, et qui finit fusillée.


David Warner redonne vie à l'impitoyable chef SS Heidrich dans la série Holocaust (en haut) et dans le téléfilm de 1985 Hitlers’ SS : Portrait in Evil (à droite sur la photo du bas).

Le gendarme hongrois Julian Simon interprété par Warner aux côtés de Donald Pleasance dans La guerre d'Hanna (Hanna's War), autre évocation des atrocités de la 2de guerre mondiale.

C’est une autre figure historique bien plus placide qu’il incarne en 1982-83 dans la série Marco Polo, Rustichello de Pise, celle du compagnon de cellule du célèbre voyageur (interprété par Ken Marshall, vedette de Krull) amené à recueillir ses récits dans une atmosphère mélancolique portée par la musique d’Ennio Morricone et à laquelle participe aussi l’interprétation inspirée de James Hong en chargé de pouvoir du Grand Kahn lucide sur la vanité des choses humaines.

Rustichello de Pise, confident passionné de Marco Polo.

La mini-série Signs and Wonders offre une autre occasion à David Warner de composer un personnage sympathique, empreint d’humanité et d’humilité, un pasteur saisi par le doute et amené à assumer ses responsabilités lors d’un accident dans une mine à l’occasion duquel son soutien moral est requis. D’autres récits contés en parallèle mettent en scène Donald Pleasance, jouant un ancien tortionnaire fasciste devenu un professeur d’université sulfureux, gourou intellectuel dans la lignée de Nietzsche, Bataille, Derrida, Foucault, Jean Genet et Paul de Man qui inspira plus directement le personnage) voulant prôner l’abolition de la frontière entre le vrai et le faux, et déconstruire les repères traditionnels de la morale, cherchant à cette occasion à relativiser ses responsabilités passées, tandis que James Earl Jones campe un homme déterminé chargé par sa mère de réhabiliter malgré elle une victime de conditionnement arrachée à une secte. Les trois acteurs inspirés font de cette curieuse évocation thématique s’intéressant aux différents aspects du phénomène de croyance un programme digne d’intérêt au travers duquel le scénariste Michael Eaton veut illustrer que la Foi et la recherche de la vérité sont des buts louables tant que la manipulation et le pouvoir ne les corrompent pas.


David Warner incarne le Révérend Timothy Palmore, un pasteur quelque peu désabusé dans la série télévisée Signs and Wonders.

Le fils du Révérend qui admire le Professeur Cornelius van Damm (Donald Pleasance dans son ultime rôle) est ébranlé lorsqu'il réalise que ce penseur iconoclaste est vraisemblablement l'homme qui l'a torturé en Amérique du Sud alors qu'il avait les yeux bandés dans une geôle d'une dictature paramilitaire.

James Earl Jones dans le rôle de Diamond (à droite) est engagé par la femme du Révérend pour qu'il lui ramène de force sa fille embrigadée dans une secte. 

Les lecteurs anglophones peuvent lire une petite étude analytique sur le téléfilm Signs and Wondershttp://www.cesnur.org/2016/daejin_cusack.pdf

Dans le domaine du cinéma de l’Imaginaire, David Warner se signale d’abord à l’attention des cinéphiles avec son personnage de journaliste, Keith Jennings, dans La malédiction (The Omen) en 1976, lequel tente d’alerter l’ambassadeur des États-Unis en Angleterre interprété par Gregory Peck qu’il y a eu substitution de son fils à la naissance et que celui qu’il prend pour tel n’est autre que l’enfant du Démon, comme il tente de lui démontrer lors d’une visite inquiétante d’un cimetière italien. Comme tous ceux qui tentent de s’opposer au plan diabolique, il décédera prématurément de mort violente, jusqu’à ce le père laissé seul à lui-même soit contraint de faire face à ses terribles responsabilités une fois que le doute n’est plus permis, au travers d’une mise en scène conventionnelle mais angoissante de Richard Donner.




Un journaliste découvrant une vérité terrifiante dans La malédiction, celle de l'avènement de l'Antéchrist, dont il tente de convaincre le père ignorant de la nature de son enfant au travers de ses photos et d'une visite nocturne dans un cimetière qui tourne au cauchemar avec l'irruption de deux chiens diaboliques.

En 1979, David Warner joue à nouveau un personnage effrayant, celui du célèbre Jack L’Éventreur, qui échappe à la police en utilisant la machine à explorer le temps censée dans le film avoir été réellement inventée par l’auteur de science-fiction Herbert George Wells, qui parvient à le poursuivre dans le XXème siècle dans C’était demain (Time After Time) de Nicholas Meyer adapté du roman de Karl Alexander paru la même année. Il crédibilise un Jack l’Éventreur cynique, presqu’une concrétisation du Mal à l’état pur mais s’incarnant dans les atours d’une relative banalité, un peu comme quelques années plus tôt Malcolm McDowell dans Orange mécanique (Clockwork Orange) – lequel interprète plaisamment le posé H G Wells de C’était demain, une sauvagerie qu’il exprime cependant avec davantage de retenue dans l’expression que le précédent, traduisant le maintien britannique du gentleman du XIXème siècle qu’il feignait d’être, allure trompeuse d’un gentleman devenu tueur par un atavisme non réprimé, un être amoral qui s’autorise à commettre le pire simplement parce qu’il en est capable. Le criminel prétend avoir trouvé en notre temps une période qui correspond mieux à sa nature, alors que les principes moraux se sont estompés et que la violence banalisée s’étale à la Une des médias. Pour l’anecdote, l’écrivain catapulté à sa suite dans notre époque y tombe sous le charme d’une vendeuse interprétée par Mary Steenburger, qui interprétera une jeune femme cette fois séduite par un visiteur du futur dans le Far-West du XIXème siècle, le Dr Emmett Brown incarné par Christopher Lloyd dans Retour vers le futur 3 (Back to the Future 3).


H.G. Wells (Malcolm McDowell, à droite sur la photo) va regretter d'avoir montré à son ami Stevenson la clé permettant de faire fonctionner sa machine à voyager dans le temps dans C'était demain


Des retrouvailles exemptes de toute nostalgie chaleureuse pour les deux exilés du XIXème siècle. 
Jack L'Eventreur montre son vrai visage avec Amy Robbins (Mary Steenburger) à laquelle Wells s'est attaché.

David Warner incarne le Diable en personne que défient des nains dans Time Bandits de Terry Gilliam, aventures fantaisistes et loufoques dans lesquelles son collègue de théâtre Ian Holm joue un Napoléon Bonaparte ridicule. Son omniprésence maléfique est sans doute plus impressionnante dans l’univers glacial de Tron, dans lequel il joue le responsable inquiétant et mégalomane d’une société de création de jeux vidéos, incarnant l’autorité naturelle de l’homme puissant, dont l’emprise se fait ressentir au travers de l’univers de jeu vidéo dans lequel est propulsé le personnage principal (Jeff Bridges) au travers de son avatar informatisé maléfique et de l’ordinateur programmé pour servir ses dessins.


Ed Dillinger (David Warner), un chef d'entreprise ambitieux qui a réalisé la puissance que peut lui conférer la maitrise de l'univers électronique. 

Le double virtuel de Dillinger dans l'univers informatisé impitoyable.

Tout comme Martin Landau aurait pu être Mr Spock, comme on l’a indiqué dans l’hommage à l’acteur, David Warner aurait pu incarner le terrible Freddy Krueger, le tueur au gant muni de lames d’acier tuant les adolescents dans leurs cauchemars dans la saga cinématographique débutée avec Les Griffes de la nuit (Nightmare on Elm Street) de Wes Craven, mais bien que celui-ci ait même fait un essai avec le maquillage sinistre, un autre engagement ne lui a finalement pas permis de signer le contrat pour incarner le célèbre croquemitaine des songes.



Essais de maquillage sur David Warner grimé en Freddy Krueger.

À défaut de devenir le célèbre Freddy Krueger, David Warner aura prêté en 1984 à la télévision ses traits à un autre personnage fantastique iconique, la Créature dans l’une des nombreuses adaptations de Frankenstein. réalisée par James Ormerod au côté de Carrie Fisher (sur la photo), célèbre pour son rôle dans La Guerre des Etoiles (Star Wars : a New Hope), de Robert Powell (Jésus de Nazareth chez Franco Zeffirelli) dans le rôle du Baron Frankenstein et de John Gieguld.


Carrie Fisher dans le rôle d'Elizabeth est effrayée par la Créature conçue par son époux qu'incarne David Warner en 1984 dans le téléfilm Frankenstein.

L’acteur britannique n’avait pas postulé pour Star Trek 5 : L'ultime frontière (Star Trek 5 : The Final Frontier) en 1989, mais s’est montré intéressé lorsqu’on lui a laissé auguré un rôle récurrent dans la saga. Il reviendra en fait dans un autre rôle dans le film suivant, passant du chef de la Fédération John Talbot à un dignitaire klingon. Le sujet initial de Star Trek 5 était très audacieux puisque l’équipage de l’Enterprise devait y être confronté à pas moins qu’à Dieu lui-même. Devant la possible controverse, les amateurs de la série pouvant reprocher l’ajout soudain d’une dimension religieuse dans une série qui se voulait plutôt positiviste tandis que des chrétiens rigoureux auraient pu estimer d’un goût discutable de faire du Créateur un personnage de fiction, la production a finalement opté pour une entité se faisant fallacieusement passer pour Dieu. Ce film que David Warner honore brièvement de sa présence n’est en rien déshonorant, bien qu’il soit le plus sous-estimé de la saga cinématographique. L’œuvre est très psychologique, notamment au travers de deForrest Kelley qui est pour la seule fois au tout premier plan, jouant avec beaucoup d’humanité le Docteur McCoy tenaillé de manière lancinante par l’impossibilité qu’il eut de soigner son père mourant au début de sa carrière. La musique délicate de Jerry Goldsmith participe de cette atmosphère subtile dans laquelle les personnages se confrontent à leur vérité intime, bien que les spectateurs aient nettement préféré Star Trek 2 : la colère de Kahn (Star Trek 2 : The Warth of Kahn) et Star trek 3 : à la recherche de Spock (Star Trek 3 : The Search of Spock) qui privilégiaient l’action et les combats spatiaux.


Passage prestigieux de David Warner dans Star Trek 5 : L'ultime frontière, celui du chef de la puissante Fédération. 

Star Trek 6 : Terre inconnue (Star Trek VI : The Undiscovered Country) s’inspire fortement des évènements ayant accompagné la chute de l’URSS, lorsque des membres de l’ancien régime refusant les évolutions démocratiques auxquelles s’était résolu le Premier Secrétaire Michael Gorbatchev se sont rebellés, le prenant en otage. Dans le film, le Chancelier Gorkon incarné par David Warner est décidé à conclure la paix au nom des Klingons avec la Fédération, mais des hiérarques belliqueux parviennent non seulement à l’assassiner mais à en rendre responsable le Capitaine Kirk, le commandant de l’Enterprise qui aura fort à faire pour se disculper de ce traquenard et rétablir la vérité susceptible d’augurer de nouveau d’une paix universelle dans l’espace intersidéral.


David Warner interprète un Klingon inhabituellement pacifique dans Star Trek 6  : Terre inconnue.

Si le maquillage en Klingon ne modifie pas trop la physionomie de David Warner, celui de son personnage d’orang-outan vénérable dans le remake de La planète des singes (Planet of Apes) de Tim Burton en 2001 est plus consistant, même si ses traits demeurent reconnaissables sous l’apparence conçue par Rick Baker, à la différence de ses homologues à la face gonflée comme celle que présentent les mâles de cette espèce. Dans ce rôle de sénateur Sandar, David Warner incarne un personnage simiesque à la fois sévère et sage.


Le célèbre maquilleur Rick Baker vérifie l'application du maquillage changeant David Warner en vénérable orang-outan humanisé dans je remake de La Planète des singes.

David Warner a aussi tourné dans nombre de films d’épouvante, comme La Compagnie des loups (Company of Wolves), y compris dans des productions modestes comme Créatures des ténèbres (The Unnammable II : The Statment of Randolph Carter) de Jean-Paul Ouellette en 1993 et L’emprise de la peur (Inner Sanctum II) de Fred Olen Ray l’année suivante. On le trouve aussi au côté de John Hurt et des acteurs français Didier Bourdon et Daniel Prévost dans L’Oeil qui ment du cinéaste espagnol Raoul Ruiz.



Fantastique psychologique : La Compagnie des loups (Company of Wolves) en haut et  L’Œil qui ment en dessous

Dans Waxwork d’Anthony Hickocks en 1988, il est le directeur d’un bien curieux musée de cire interdimensionnel, David Lincoln, dans lequel les visiteurs sont catapultés dans les scénettes d’épouvante représentées, à la manière des tableaux piégeants du Docteur Loveless dans l’épisode La nuit des tireurs d’élite (The Night of the surreal McCoy) de la série des Mystères de l’Ouest (Wild Wild West). Si les scènes deviennent un peu répétitives, la participation de David Warner comme celles de Patrick McNee et de John Rhys-Davies apportent une certaine intensité au film.




Une invitation à entrer dans le musée de cire de Monsieur Lincoln qu'il est plus prudent de décliner.                                   

Dans Détective Philippe Lovecraft (Cast a deadly Spell), en 1991, il incarne un homme d’affaire déplaisant, assoiffé de pouvoir et prêt pour y parvenir jusqu’à sacrifier sa propre fille, qui attire une puissance chthonienne mais en devient simplement la victime, depuis Conan le Destructeur (Conan the Destructor), les vierges authentiques étant devenues rares.






Amos Hackshaw veut récupérer la clé contenu dans l'ouvrage "Le Necronomicon" afin d'ouvrir un passage à Yog Sothoth, une monstrueuse créature d'un autre monde, construite par le Studio de Tony Gardner pour Détective Philippe Lovecraft (Cast a deadly Spell).

En 1993, il retrouve l’univers de Lovecraft avec le film à sketchs Necronomicon (H P Lovecraft’s Necronomicon). Il apparaît dans la seule séquence dépourvue de créatures, l'épisode The Cold, mais il est lui-même soumis à une effrayante et fatale transformation dans le rôle du Docteur Madden, glacial dans tous les sens du terme, qui croit avoir trouvé un moyen bien peu éthique de prolonger sa vie, même si un sentiment amoureux naissant le mènera à sa perte. Sa présence, en dépit des difficultés de communication avec un metteur en scène japonais ne parlant pas anglais et ayant quitté le tournage en cours, rend l’épisode tout aussi intense et passionnant que ceux révélant des êtres d’un autre monde qui l’encadrent.



Privé de son macabre adjuvant, le Docteur Madden voit sa peau commencer à se liquéfier, puis tombe en lambeaux comme dans l'hallucination devant le miroir de Poltergeist ;  comme le personnage incarné par Kevin McCarthy dans l'épisode de La Quatrième Dimension (The Twilight Zone), Longue vie Walter Jameson, évoqué dans l'hommage à l'acteur, à la longévité obtenue artificiellement succède un trépas brutal au travers d'une effrayante métamorphose.

En 1991, l’acteur livre dans l'épisode Hair du téléfilm à sketchs Petits cauchemars avant la nuit (Body Bags) de John Carpenter une merveilleuse prestation en hâbleur promoteur d’une lotion miracle, à la chevelure assez exubérante, le Docteur Lock, face à Stacy Keach habitant physiquement son rôle d’homme obnubilé par la perte de ses cheveux, les deux acteurs composant un superbe duo emportant totalement l’adhésion du spectateur à cette histoire fantasque, le remède allégué consistant en réalité en l’implantation de milliers de petits vers extraterrestres venus coloniser les habitants de notre planète.




                 

Le Docteur Lock assure à ses patients une repousse spectaculaire des cheveux et Richard Coberts (Stacy Keach) est d'abord époustouflé par le résultat avant de s'apercevoir que certains paraissent se développer dans les endroits les plus inattendus, avant que l'effrayante vérité lui soit révélée.

John Carpenter fait de nouveau appel à lui pour L’Antre de la folie (In the Mouth of Madness), interprétant le personnage un peu caustique du Docteur Wrenn de l’hôpital psychiatrique face au détective privé interné joué par Sam Neill qui semble avoir perdu la raison à la suite de sa dernière enquête sur la disparition de l’écrivain d’épouvante à succès Sutter Cane (Jurgen Prochnow) que lui a confiée son éditeur (Charlton Heston), mais il découvre finalement avec inquiétude que les assertions de son patient annoncent peut-être réellement un basculement de la réalité communément admise.




Le Professeur Wrenn est plus que sceptique devant les dires de son patient John Trent dans L'Antre de la Folie (In the Mouth of Madness) comme ce dernier l'était lui-même au début de son enquête qui l'a conduit à découvrir une réalité proprement monstrueuse, mais quelques signes indiquent que le monde est peut-être réellement prêt à basculer dans l'horreur.

David Warner a aussi tourné dans nombre de séries ressortissant de l’imaginaire comme Twin Peaks, Star Trek : the Next Generation, Babylon V, Les Contes de la crypte (Tales of the Crypt, épisode The New Arrival), Lois and Clark : the New Adventures of Superman, Total Recall 2070 ou encore plusieurs saisons de Dr Who

Après avoir joué le responsable de la Fédération humaine dans le cinquième volet cinématographique de la saga Star Trek, puis un dignitaire klingon dans le suivant, David Warner interprète un Cardassien, Madred, dans la série Star Trek : la Nouvelle Génération (Star Trek : the Next Génération) dans laquelle il retrouve dans le rôle du nouveau capitaine du vaisseau Enterprise Patrick Stewart, avec lequel il avait joué sur les planches en 1966 le rôle-titre d'Hamlet tandis que ce dernier interprétait le Roi, et avait conçu la plus grande admiration pour l'acteur.

Il a aussi figuré au générique de quelques épisodes de la série Au-delà du réel : l’Aventure continue (The New Outer Limits). Dans l’épisode Ripper, il est un policier, l’inspecteur Harold Langford, qui enquête sur les méfaits de Jack L’Éventreur, qui s’avère en fait être comme dans l’épisode de la série Star Trek écrit par Robert Bloch Le loup dans la bergerie (Wolf in the Fold) une entité extraterrestre immatérielle possédant les êtres humains pour les pousser à commettre des crimes effroyables, et l’épilogue laisse penser que l’arrestation d’un coupable ne va pas mettre fin à ce cycle infernal. Dans l’épisode Virtual Future, l’intensité soudainement accrue de du regard de l’acteur traduit avec subtilité mais de manière indubitable pour le spectateur les pensées machiavéliques qui viennent à l’ambitieux financier Bill Trenton en entrevoyant la manière dont il va pouvoir utiliser la machine temporelle pour assouvir ses ambitions politiques.


A la poursuite de Jack l'éventreur dans l'épisode Ripper d'Au-delà du réel (The New Outer Limits).



David Warner dans Virtual Future, un épisode d'Au-delà du réel (The New Outer Limits).

David Warner demeurera une figure reconnaissable de la fiction, qui, sans avoir peut-être atteint au statut de célébrité en raison des seconds rôles dans lesquels il excellait mais qui ne l’amenaient que rarement au premier plan, aura néanmoins pu vivre de sa passion tout au long de son existence et restera partie prenante d’un grand nombre d’œuvres qu’on visionnera toujours avec plaisir.  


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Il avait incarné le Gepetto moderne pour Ridley Scott

Blade Runner cumule aussi les disparitions récentes. En quelques années, le concepteur visuel Syd Mead, le créateur des effets spéciaux Douglas Trumbull, puis il y a peu le compositeur Vangelis, soit ceux qui avaient fait de ce film de Ridley Scott une œuvre tout à fait marquante comme H R. Giger, Ron Cobb et Jerry Goldsmith pour son chef-d'œuvre précédent Alien, sont de la même manière décédés. Il faut y ajouter la mort de l’acteur Joe Turkel à l’âge de 94 ans le 27 juin 2022, qui interprétait le concepteur des humains artificiels, Eldon Tyrell – personnage qui était lui-même un androïde conçu en remplacement de son créateur défunt lors la phase de préproduction du film, exactement comme le savant interprété par Klaus Kinski dans Android.

Eldon Tyrell est fier de sa dernière création, Rachel (Sean Young), à l'arrière-plan, une femme artificielle qui ignore ses vraies origines, dotée de souvenirs implantés artificiellement.

Dessin de production de Syd Mead représentant le sarcophage dans lequel était conservé le corps de Tyrell dans une version abandonnée du scénario de Blade Runner.

Dans une scène-clé, le chef des répliquants rebelles, Batty (Rutger Hauer), venait lui demander des comptes, s’indignant qu’il n’ait alloué à ses créations qu’une durée de vie fixée à quatre ans – afin d’éviter qu’ils s’émancipent – telle la Créature de Frankenstein insatisfaite de son sort et réclamant que celui qui l’avait fait naître en usant des capacités de la science lui alloue une existence plus digne. Devant l’impossibilité de repousser l’échéance programmée, le révolté assassinait son créateur dans un geste parricide en lui broyant les yeux (scène très édulcorée dans la version d’origine), une vengeance à l’encontre d’un démiurge indifférent au ressenti de ses créations, lequel pourrait aussi symboliser tous ceux comme les professeurs d’université ou les employeurs qui détiennent entre leurs mains le destin d’individus tributaires de leurs décisions, un pouvoir qu’il peut leur arriver d’exercer sans équité au détriment de ces derniers.

Tyrell essaie de persuader Batty que sa vie valait la peine d'être vécue même s'il lui a attribué une longévité très réduite ("Père, je veux plus de vie" supplie le visiteur à son créateur), mais l'intéressé n'est pas convaincu par sa démonstration et décide qu'il doit lui rejoindre incessamment le "Paradis des Dieux de la biomécanique".

Tournage de la scène avec le réalisateur Ridley Scott (à droite sur la photo).

La participation à un film dont Joe Turkel était le plus fier était son rôle du soldat Pierre Arnaud dans Les sentiers de la gloire (Paths of Glory) de Stanley Kubrick, cette dénonciation du sacrifice imposé aux soldats de la Première Guerre mondiale – une production à laquelle fut associé le futur producteur de la série Derrick, Helmut Ringelmann. Turkel fut l’un des deux seuls acteurs à apparaître au générique de trois films de Kubrick, l’un d’eux étant l’adaptation du roman de Stephen King Shining (The Shining). L’acteur y jouait un barman fantôme, interlocuteur fantasmatique ou surnaturel du père de famille engagé pour garder un hôtel de montagne durant l’hiver, Jack Torrance (Jack Nicholson). Joe Turkel était aussi apparu dans d’autres films comportant des personnages fantastiques, à l’occasion de deux petits budgets de Bert I. Gordon, Tormented dans lequel il faisait chanter un homme (Richard Carlson) ayant laissé sa maîtresse se noyer et que celle-ci tourmentait sous forme de fantôme et Le Village des Géants (Village of The Giants) au ton plus léger dans lequel il exerçait la difficile fonction de shérif d’une bourgade tombée sous la coupe d’adolescents ayant ingéré un produit les ayant fait devenir gigantesques, leur permettant d’imposer leurs exigences pré-soixante-huitardes. Au début des années 1990, il était apparu dans Dark Side of the Moon, un film de série B dans lequel les occupants d’une colonie lunaire étaient en butte à des manifestations diaboliques, et qui fut distribué en France en vidéo sous le titre Parasite, risque de confusion potentiel avec le film homonyme réalisé par Charles Band dix ans plus tôt.


Le soldat français Pierre Arnaud (Joe Turkel à gauche) n'est pas enthousiaste à l'idée de faire partie des fusillés pour l'exemple au nom de ses supérieurs qui prétendent servir le pays dans Les sentiers de la gloire (Paths of Glory) en 1957.

       Joe Turkel, capitaine et maître-chanteur dans Tormented de Bert I. Gordon en 1960.



Joe Turkel filmé avec un grand angle par Bert I. Gordon, jouant un génie en petit format dans The Boy and the pirates en 1960 (photo du haut) et le shérif dans The Village of the giants en 1965 dans lequel il est de taille normale mais vu du point de vue d'adolescents devenus gigantesques et hors de contrôle, qu'il s'efforce en vain de raisonner (photo du bas).


Jack Torrance (Jack Nicholson), à gauche, bascule dans la folie dans l'hôtel de Shining (The Shining).

Tournage de Shining avec le réalisateur Stanley Kubrick entre Joe Turkel et Jack Nicholson.


Rutger Hauer et Joel Turkel posent devant le poster du film Blade Runner qui leur a offert une scène mémorable.

Maffieux et créatures dangereuses

Décédé le 25 juillet 2022, à l'âge de 83 ans suite à une lente détérioration de sa santé, l’acteur américain d’origine napolitaine Paul Sorvino qui était apparu en même temps que David Warner dans le téléfilm Houdini en 1988, avait surtout prêté son visage à des personnages de gangsters. Son rôle le plus célèbre était celui de Paul Cicero dans Les affranchis (Goodfellas) de Martin Scorcese aux côtés de Robert de Niro et de Ray Liotta disparu un peu plus tôt, fonction représentative qu’il avait acceptée avec réticence en raison de l’image négative qu’elle pouvait accoler à son milieu d’origine, ce qui ne le dissuada pas d’interpréter ensuite le mafieux Frank Costello dans la série Godfather of Harlem depuis 2018, et il joua également un gangster dans le film Rockeeter et un autre aux lèvres surdimensionnées, Lips Manlip surnommé Face d’huître, parmi la galerie de malfrats aux traits caricaturaux de l’adaptation cinématographique de la bande dessinée Dick Tracy. Il avait à l’occasion interprété quelques personnages plus officiels, un shérif dans American impekable (American Perfekt) et un révérend dans Terreur froide (Chiller) de Wes Craven, téléfilm dans lequel un jeune homme qui a été cryogénisé s’avère avoir perdu toute valeur morale – l’expérience récente a tristement démontré que le simple effet de l’angoisse diffuse depuis la pandémie virale du Covid avait induit le même effet chez beaucoup dont on pensait le psychisme plus équilibré. D’autres rôles étaient davantage interlopes, comme celui de Mahoney dans Le jour du dauphin (Day of the Dolphin) de Mike Nichols, un faux journaliste qui s’avère en fait un agent du FBI prévoyant d’utiliser des cétacés dressés pour assassiner le président des États-Unis, voulant profiter de manière cynique des travaux sur la communication avec ces animaux très intelligents du Dr Terrell (George C. Scott). Il incarne aussi le célèbre secrétaire d’État à la défense Henry Kissinger au côté d’Anthony Hopkins dans le rôle-titre de Nixon d’Oliver Stone, mais son personnage assez controversé y est présenté comme ignorant des manigances de l’homme d’État, et ce dernier qui fut contraint à la démission est lui-même rendu d’une manière un peu nuancée – de la même manière d’ailleurs qu’Hopkins avait incarné dans le second remake des Révoltés du Bounty un Capitaine Bligh échappant quelque peu à une vision trop manichéenne de la célèbre mutinerie. L’acteur apparaissait aussi ponctuellement dans nombre de séries policières comme Clair de Lune et Arabesque.

Un journaliste joué par Paul Sorvino qui s'intéresse un peu trop près aux recherches sur l'intelligence des dauphins, s'avérant en réalité un agent du FBI dans Le jour du dauphin (Day of the Dolphin) de Mike Nichols.

Paul Sorvino incarne dans Dick Tracy un rôle de mafieux dont il est coutumier, mais cette fois avec un maquillage outré qui lui vaut le surnom de "Face d'huître".

Dans le film Nixon dans lequel Anthony Hopkins (à l'arrière-plan) incarne le président controversé des Etats-Unis, Paul Sorvino interprète le secrétaire d'Etat Henry Kissinger.

On retiendra ici particulièrement Paul Sorvino pour son interprétation gouailleuse du militaire sécessionniste de The Stuff de Larry Cohen, celui du Colonel Malcom Spears auquel font appel un agent du FBI (Michael Moriarty) et une journaliste (Lea Marcovicci) pour endiguer un terrible fléau engendré par un groupe d’industriels peu scrupuleux qui commercialisent sous la forme de dessert une forme de vie primordiale, un protoplasme, détruisant les consommateurs, en une terrible préfiguration des scandales de la "vache folle" (film évoqué récemment dans l’hommage à Larry Cohen). Le Colonel Spears semble préfigurer les chefs des milices qui contestent l'autorité de l'Etat fédéral américain et sont prompts à dénoncer des conspirations en tous domaines, avec sa remise en cause des institutions qui trahiraient le pays et l'infiltration généralisée par les communistes.

On peut déceler au travers de ce personnage le souhait de Larry Cohen de porter un regard critique sur le maccarthisme qui l'animait lorsqu'il a conçu dans les années 1960 la série Les envahisseurs (The Invaders), cependant cette dénonciation est toujours un peu ambigüe, puisque de la même manière que David Vincent qu'incarnait Roy Thinnes dans la série n'était nullement un illuminé mais un citoyen combattant héroïquement une véritable entreprise ennemie qu'il s'efforçait de démasquer, le truculent militaire et ses hommes participent à une campagne salvatrice pour mettre fin à l'empoisonnement général des consommateurs américains par des dirigeants sans scrupules d'une société commerciale. Il est  vrai que déjà, à l'époque de la première adaptation du roman de Jack Finney en 1956, L'invasion des profanateurs de sépultures (Invasion of the Body Snatchers), les critiques étaient partagés quant à la lecture symbolique qu'il convenait de donner du film. Certains analystes, confortés par la réputation de conservateur du réalisateur Don Siegel, y décelèrent comme dans d'autres films de la période une allusion au danger de subversion communiste prégnant de la Guerre froide, le "Péril rouge", avec ces individus "convertis", sans individualité, planifiant l'infiltration de la société. Quelques autres critiques, au contraire, confortés par le positionnement nettement à gauche du scénariste Daniel Mainwaring, estimèrent que cette vision de réseaux innervant toute la société et traquant ceux qui ne voulaient pas les rejoindre pouvait renvoyer à la "chasse aux sorcières" prônée par Joseph McCarthy. Le metteur en scène a pour sa part récusé toute interprétation politique, assurant comme l'acteur principal que la métaphore ne visait à l'inverse que l'indifférence croissante qu'éprouvaient les individus vis-à-vis des enjeux collectifs.



Lorsque le pire advient, le militaire Malcolm Spears accepte de prêter son concours à l'agent du FBI interprété par Michael Moriarty, l'assurant qu'il prend les choses en main (en haut) et avec ses subordonnées et la journaliste (Andrea Marcovicci) qui a découvert le scandale, entreprend d'arrêter les convois de livraison du dangereux "Stuff".

Eruptions de la forme protoplasmique avec en arrière-plan, un camion prêt à acheminer la substance jusqu'aux usines de conditionnement.

Les deux dirigeants de la société commercialisant le "Stuff" (Alexander Scourby dans son dernier rôle - qui a pour l'anecdote brièvement tourné dans Le Gendarme à New-York - et Patrick O'Neal au second plan) contraints sous la menace par le petit groupe de justiciers de gôuter leur produit après avoir assuré qu'il n'était pas dangereux.

Paul Sorvino se définissait aussi comme un peintre, un sculpteur et un écrivain. Sa fille Mira Sorvino - qui apparaîtrait comme figurante en tant qu'employée de l'usine dans The Stuff - notamment tourné dans le film Mimic. Victime de l’inconduite du producteur Harvey Weinstein, son père avait promis de s’en prendre à lui si la justice ne le condamnait pas sévèrement, la réalité rejoignant une fois de plus la fiction.



Marino Masé en 1965 dans le film Les poings dans les poches.

Acteur italien décédé le 28 mai 2022 à l’âge de 83 ans, Marino Masé avait joué dans nombre de films italiens parfois célèbres, comme en 1963 dans Le Guépard et dans Les monstres, et il avait tourné plus récemment dans le troisième volet du Parrain (The Godfather III). Il était aussi apparu dans la comédie Le gendarme à New-York mettant en vedette Louis de Funès dans le rôle du Sergent Cruchot, au sein de l’équipe des gendarmes italiens qui comptaient aussi des habitués des films autour de la vedette, Jean Droze et Dominique Zardi, et un journaliste américain en quête d’histoires pour ses lecteurs y mettait en scène une romance entre l’Italien et la fille de Cruchot (Geneviève Grad) venue incognito en Amérique. Les amateurs de films de monstres se rappellent qu’il tenait le premier rôle du film Contamination (Alien Contamination) de Luigi Cozzi, s’efforçant de contrer l’envoi d’une arme bactériologique destinée à détruire l’humanité conçue par un cyclope martien, lequel finissait par l’avaler vivant à la grande satisfaction du cosmonaute Hamilton soumis à l’influence de la créature et qui était joué par Siegfried Rauth – que les spectateurs français ont pu voir notamment dans plusieurs épisodes de la série Inspecteur Derrick. Il réalisait aussi des adaptations des dialogues pour des doublages.


Marino Masé dans le rôle d'un engagé sans scrupules dans le film pacifiste de 1963 réalisé par Jean-Luc Godard Les Carabiniers, dont l'image pieuse ne le détournera nullement de la commission d'actes odieux.


Marino Masé revêt à nouveau un uniforme dans un cadre beaucoup plus sympathique et léger dans la comédie populaire française Le Gendarme à New-York de Jean Girault dans lequel il interprète un gendarme italien : en haut, partie de bowling entre gendarmes italiens avec Marino Massé jouant à côté de son concitoyen interprété par Dominique Zardi à sa droite, acteur récurrent des films avec Louis de Funès, et l'équipe française avec Christian Marin, Jean Lefebvre, Michel Modo et Guy Grosso ; en dessous, il s'essaie au football américain avec l'acteur principal, Louis de Funès.

Ce n'est pas Marino Masé en toge dans L'enlèvement des Sabines, dans lequel il a tourné en 1961, mais en voie de décontamination dans Contamination.






Livré par le cosmonaute Hamilton (Siegfried Rauch) totalement soumis à l'influence extraterrestre, le Lieutenant Tony Aris (Marino Masé) connaît une triste fin dans Contamination, aspiré et ingéré tout comme le personnage joué par David Warner dans Détective Philippe Lovecraft par une des bouches préhensiles du cyclope martien.

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