mardi 16 décembre 2008

LES MONSTRES INVESTISSENT LES PLANCHES

Ces derniers temps, les êtres imaginaires paraissent investir les scènes, et notamment l'opéra, dont l'univers culturel et les codes sont pourtant généralement fort différents de ceux du fantastique ou de la science-fiction. Certes, le personnage du comte DRACULA a été popularisé sur les planches par Bela LUGOSI avant que celui-ci ne l'interprète pour le grand écran, et, plus classiquement, les opéras comme ceux conçus par le grand compositeur Richard WAGNER mettent quelquefois en scène des êtres mythiques.

opéra sur SIEGRFRID avec son dragon, singulier réveil-matin médiéval...

On évoquait sur ce site le 31 octobre dernier la contribution récente de Carlo RAMBALDI, le célèbre créateur de E.T. L'EXTRATERRESTRE, à l'opéra italien LA DIVINE COMEDIE basée sur l'oeuvre de Dante ALIEGHERI, en collaboration avec Sergio STIVALETTI, notamment la création d'un griffon.

Récemment, on a fait quelque écho à l'adaptation sous forme d'opéra par David CRONENBERG de son propre film LA MOUCHE, remake de LA MOUCHE NOIRE - lequel comportait, il est vrai, une scène se déroulant à l'opéra. Le metteur en scène a demandé au compositeur Howard SHORE d'assurer l'adaptation de la partition qu'il avait créée à l'époque, et les effets spéciaux ont été confiés au Canadien Stephen DUPUIS qui avait assisté Chris WALAS sur le film, avant d'être chargé des effets spéciaux de la suite très honorable que WALAS dirigea -laquelle combinait la thématique des deux suites de LA MOUCHE NOIRE. Les créatures, réalisées en d'autres matériaux plus légers, sont assez réussies, notamment une réplique du Babouin téléporté par le chercheur audacieux, et l'horrifiant et éprouvant résultat produit par ce premier essai malencontreux.

Daniel OKULITCH, nouvel interprète du personnage de Brundle

préparation du maquillage du savant dont l'A.D.N. a fusionné avec les gènes d'une mouche indésirable à la suite d'un essai de transmission de matière

Un final horrifiant réminiscent de celui du modèle cinématographique

Un autre chef-d'oeuvre du cinéma de science-fiction des années 1980 pourrait être porté sur les planches, puisque le cinéaste italien Dario ARGENTO - d'ailleurs réalisateur d'un film appelé OPERA - a fait part de son intention d'adapter au théâtre le chef-d'oeuvre de John CARPENTER, THE THING, en utilisant une salle réfrigérée pour que les acteurs comme l'auditoire se trouvent plongés dans les mêmes conditions climatiques que les personnages de l'histoire affrontant une redoutable entité extraterrestre. Souhaitons à ceux-là que le spectacle ne se tienne pas au plus chaud de l'été : le tournage du film qui avait eu lieu pour l'essentiel en août 1981 avait occasionné des problèmes de santé à la plupart des membres de l'équipe, par le contraste entre le froid rigoureux maintenu dans le studio et la canicule qui régnait à l'extérieur...

la base norvégienne dévastée élaborée dans les studios réfrigérés d'Universal lors du tournage de THE THING

La chaîne de télévision franco-allemande Arte avait diffusé il y'a quelques années un opéra de Michael OBST adaptant SOLARIS, probablement le plus grand roman de science-fiction, écrit par l'auteur polonais Stanislas LEM, décédé il y'a quelques années. On peut rendre crédit au maître d'oeuvre du respect qu'il témoigne à l'égard du texte original, même s' il peut être un peu déconcertant d'entendre un chanteur lyrique déclamer des phrases comme: "il faut que nous étudions ces mystérieux neutrinos entrant dans la composition des répliques des êtres chers produites par l'Océan, qui nous tourmentent en révélant nos pensées les plus intimes".

D'autres personnages fantastiques pourraient encore enrichir les rangs des théâtres et opéras, à la suite de cette récente pièce inspirée d'EDWARD AUX MAINS D'ARGENT de Tim BURTON.

Signalons par ailleurs la disparition récentes de deux personnalités du monde culturel. En premier lieu, celle de Francis LACASSIN; éditeur de bien des ouvrages, il avait notamment initié les hommages à deux créateurs de monstres célèbres, avec un numéro des Cahiers de Lerne consacré à Howard Philip LOVECRAFT, à la suite de Jacques BERGIER qui l'avait fait connaître en France, et avec d'autre part la réédition chez Bouquins des œuvres de Gustave LE ROUGE , recueil qui, outre diverses histoires d'aventures, comportait les deux volets de LA GUERRE DES VAMPIRES avec son étonnant écosystème martien, volume pour lequel il a écrit une introduction conséquente qui rappelait notamment la proximité de l'auteur avec l'écrivain bien connu Blaise CENDRARS.

Francis LACASSIN, un éditeur passionné qui ne dédaignait pas les créateurs de monstres, alors qu'en France beaucoup de spécialistes de la littérature et d'émissions télévisées tiennent en piètre estime la science-fiction

Le producteur Christian FECHNER, quant à lui, avait produit des films très divers, mais le grand public a surtout retenu les divertissements populaires et notamment des comédies avec l'inimitable Louis de FUNES. Ce dernier n'était certes pas un "monstre", mais seulement un "monstre sacré"( auquel nos amis canadiens du Club des monstres ont consacré un sujet ). Même si le producteur a produit une comédie sur un extraterrestre mettant en scène ce dernier, LA SOUPE AUX CHOUX, chronique nostalgique de la France rurale des années 1950 au travers de la farce, c'est une autre raison qui amène à l'évoquer ici. FECHNER a expliqué qu'il avait été le seul producteur à avoir engagé Louis de FUNES à l'époque où ses ennuis de santé l'avaient fait écarter du métier par défection des assurances. FECHNER prit des risques financiers pour que le célèbre comédien puisse entamer une seconde partie de carrière fructueuse. On aimerait donc que, suivant son exemple, des producteurs américains, voire des hommes d'affaires ou de riches héritiers, attristés par le fait que les plus grands noms des effets spéciaux comme ROB BOTTIN ou Chris WALAS se sont vus interdire de créer de nouveaux monstres en raison de la préférence actuelle des producteurs pour la facilité des trucages par ordinateur ( le premier ayant même été pratiquement congédié, en dépit de sa notoriété, par le metteur en scène de DEEP RISING qui le jugeait trop perfectionniste ) mettent fin à ce gâchis en finançant des films dans lesquels les créateurs évincés pourraient donner libre cours à leur talent et être assurés que le montage conserverait cette fois en l'état, sans retouches numériques, les prodiges qu'ils réaliseraient.

On recherche producteurs courageux ou cinéphiles généreux susceptibles de permettre le retour de grands créateurs dont on est sans nouvelles...