lundi 30 août 2010

LA REVANCHE DES PLUS HUMBLES


La controverse sur le réchauffement climatique se poursuit, en dépit de la fonte importante de glaciers observée dans le monde entier. Le dirigeant russe, à présent premier ministre, Vladimir POUTINE, qui abordait la question avec dérision en estimant que le réchauffement de la Sibérie serait favorable à la culture des céréales, a eu tout lieu de constater, sans en tirer cependant d'enseignement, les conséquences dramatiques probablement imputables au réchauffement climatique sur le climat continental, engendrant des décès causés par l'air irrespirable des grandes villes - ainsi que l'embrasement des champs de blé qui devaient selon lui être les grands bénéficiaires de cette évolution. En réalité, nier la responsabilité de l'homme dans la hausse globale des températures mise en évidence par de nombreuses études n'a guère d'intérêt, sauf à prouver que le dégagement de grandes quantités de gaz carbonique engendré par les activités humaines n'a aucune incidence sur l'environnement : en effet, même si la hausse globale des températures était imputable, comme cela peut se concevoir, à des variations dans le fonctionnement de l'astre solaire, l'effet de serre produit par les émissions humaines en amplifierait encore dramatiquement les effets.

Le célèbre glacier de la Mer de glace en France, dans les Alpes, s'est beaucoup réduit depuis quelques décennies, comme en Alaska ( voir l'article "Allegro fortissimo" de mars 2010) - photo trouvée sur le blog http://leblogphoto.blogspot.com/2007/09/la-mer-de-glace-chamonix).

CLIMAT GLACIAL A COPENHAGUE

On le constate, les instances internationales n'ont guère suivi l'avertissement du naturaliste Jean DORST, auteur de l'essai AVANT QUE NATURE NE MEURT, qui affirmait que la vie à la surface de la terre serait irrémédiablement dévastée si l'espèce humaine ne révisait pas fondamentalement son comportement avant l'an 2000. Ainsi, la conférence de Copenhague sur le climat s'est déroulée en décembre 2009 dans un climat glacial, et pas seulement pour cause de frimât hivernal: les représentants des États n'ont guère fait de concessions et le nouveau président américain, en dépit de ses engagements pris un peu vite pour argent comptant par l'opinion, n'a daigné y passer que de mauvaise grâce. L'échec flagrant de ce sommet se traduit par l'absence de toute sanction pour les pays qui refusent de respecter les objectifs désignés; c'est exactement comme si l'on condamnait la violence terroriste sans chercher à démanteler les réseaux ni à empêcher les actes d'être perpétrés.


L'été 2010 a été particulièrement chaud : des forêts et des champs qui s'embrasent, tandis que 500 personnes décèdent chaque jour à Moscou de l'air irrespirable dû à la chaleur combinée à la pollution, et celà pendant que les glaces polaires fondent; ce n'est hélas pas un film d'anticipation catastrophiste des années 1970, mais la stricte réalité. Comme dirait l'écrivain britannique Brian ADLISS, la science-fiction est rattrapée par le présent, d'ailleurs souvent plus pour le pire que pour le meilleur, malheureusement.

Pourtant, le système économique a prouvé que, passées les crises, l'innovation pouvait permettre de relancer l'économie - voir les travaux des économistes SCHUMPETER, KONDRATIEV, etc..., mais les responsables paraissent obnubilés par le court terme, cherchant à exploiter le pétrole jusqu'à la toute dernière goutte quoi qu'il puisse en coûter à la biosphère, plutôt que de relever les défis techniques qui s'offrent à notre espèce. De quoi finir par se demander si l'homme est vraiment à la hauteur de l'intelligence qui lui a permis de s'affranchir des contingences de la nature, à l'issue d'une évolution s'étalant sur des millions d'années.

ÉVOLUTION OU INVOLUTION ?


L'histoire de la vie telle qu'elle s'est écrite au travers du processus de l'évolution, et qui se révèle au travers de l'examen des fossiles relatifs aux différentes époques, peut être entendue comme le passage de formes rudimentaires à des espèces de plus en plus complexes; même parmi les Vertébrés, on assiste à une complexification d'organes comme le cœur, se dotant de compartiments supplémentaires chez les groupes plus récents, ou le cerveau, avec l'apparition chez les Mammifères supérieurs du cortex, capable d'un traitement beaucoup plus élaboré de l'information, jusqu'à l'homme, pourvu de la capacité d'élaborer des raisonnements et de se projeter - du moins en théorie - dans l'avenir.

Cette compétition qui se manifeste notamment au sommet de la chaîne alimentaire n'empêche naturellement pas des espèces moins évoluées de se maintenir lorsqu'elles sont bien adaptées à leur niche écologique. Le grand Requin blanc est un exemple remarquable de prédateur redoutable, bâti sur un modèle inchangé pour l'essentiel depuis des centaines de millions d'années, et qui est parvenu à conserver son rang en dépit de l'apparition d'animaux beaucoup plus modernes comme l'Orque épaulard. La fabuleuse diversité du monde animal provient de l'existence, dans la faune actuelle, d'espèces correspondant à des lignées issues d'époques les plus diverses et jusqu'aux plus anciennes. Les Hérissons existaient déjà au temps des derniers Dinosaures, les Scorpions n'ont guère changé depuis l'époque du carbonifère durant laquelle les animaux conquirent pour la première fois les terres émergées, et des Méduses assez semblables aux espèces actuelles peuplaient déjà les mers il y'a plus de 600 millions d'années, à l'orée de l'évolution des animaux multicellulaires dans l'océan antique.

Les transformations que l'homme fait subir à son environnement bouleversent évidemment l'équilibre constitué au cours des derniers milliers d'années. L'exemple des Algues proliférant en raison des excès de nitrates et phosphates rejetés par l'agriculture productiviste est bien connue. Mais au sein du règne animal, la compétition se traduit paradoxalement par la revanche des créatures les plus modestes, celles dont l'organisation interne est bien moins élaborée.

Avec l'accroissement de la température, les alertes sanitaires concernant la consommation de coquillages se sont multipliées. Les organismes qui sont à l'origine de ces mises en garde en raison de leur toxicité et qui prolifèrent dans ces conditions sont généralement des Dinoflagellés, des organismes unicellulaires photosynthétiques, pourvus d'un test ( enveloppe externe rigide ) ainsi que, dans la plupart des cas, de deux flagelles leur permettant de se mouvoir, dont la position systématique est souvent discutée, ceux-là étant classés tantôt à côté des Algues unicellulaires plus classiques comme les Diatomées, tantôt rangés parmi les Protozoaires flagellés comme l'agent de la maladie du sommeil, le redoutable Trypanosome véhiculé par la Mouche Tsé-Tsé; au XIX ème siècle, le grand naturaliste HAECKEL avait résolu le problème en créant l'ensemble des Protistes regroupant tous les organismes unicellulaires pourvus d'un noyau ( à l'exclusion donc des Bactéries plus rudimentaires ), y incluant ces formes un peu ambiguës. Les Dinoflagellés, aussi appelés Péridiniens, sont parfois tellement abondants qu'ils peuvent colorer les flots: le Noctiluque confère alors à la mer un reflet de lune argentée, tandis qu'on parle parfois en raison de la concentration d'autres espèces de "marées rouges". Lorsque la densité de ces organismes est maximale, les Poissons eux-mêmes périssent d'intoxication.

Marée rouge imputable aux Dinoflagellés.

Un Noctiluque, unicellulaire iridescent, pourvu d'un seul flagelle minuscule et d'un tentacule.


"SOUPE DE MÉDUSE" ET GELÉE DE GROSEILLES DE MER AU MENU

Le cas des Méduses est bien connu également, et les médias se font écho régulièrement de l'augmentation du nombre d' "années à méduses". Non seulement l'accroissement de la température semble profiter à leur cycle, mais elles bénéficient aussi de l'élimination de leurs principaux prédateurs, tels les Cétacés par le fait de la pollution et les Poissons victimes de la pêche intensive, sans parler des malheureuses Tortues marines étouffées par des sacs en plastique, qu'elles confondent avec leur mets favoris, laissés sur les plages par des inconscients. Jules VERNE avait eu une remarquable préfiguration dans son roman 20 000 LIEUES SOUS LES MERS, anticipant le jour où "les mers seront dépeuplées de baleines et de phoques", en ajoutant cette belle préfiguration: "Alors, encombrées de poulpes, de méduses, de calmars, elles deviendront de vastes foyers d'infection, puisque leurs flots ne posséderons plus ces vastes estomacs, que Dieu avait chargés d'écumer la surface des mers."

Cette illustration du roman de Jules VERNE met en valeur la profusion d'"invertébrés" pélagiques, grandes Méduses ( à droite et au centre ) et Physalies ( à gauche ), en attendant la célèbre scène d'attaque par un Céphalopode géant.

Les eaux clémentes comme celles de la Méditerranée ou la Mer du Japon ne sont pas les seules à connaître de plus en plus fréquemment une très forte densité en Méduses. En novembre 2007, une prolifération soudaine de ces animaux a entraîné la perte de plus de 100 000 saumons dans un élevage du Nord de l'Irlande, victimes des contacts répétés imputables à la promiscuité avec les cellules urticantes ( cnidoblastes ) de ces animaux.

Une espèce de grande taille hante aussi les mers du Japon, Nemopilema nomurai. En dépit de sa ressemblance avec la dangereuse Cyanée ou "crinière de lion", elle appartient à un ordre différent de Méduses, les Rhizostomes, dont le contact est rarement mortel pour l'homme. Sa prolifération est sans doute facilitée par la raréfaction des prédateurs, la hausse des températures et l'accroissement de la matière organique occasionnée par le barrage chinois sur le fleuve Yangtze qui a déjà causé l'extinction du Dauphin d'eau douce chinois peu après l'an 2000 ). Sa population est si abondante qu'elle entrave l'activité des pêcheurs. Au début du mois de novembre 2009, un chalutier, le Diasan Shinsho-maru a coulé lorsque plusieurs dizaines de ces animaux, pesant chacun aux environs de 200 kilos, se sont pris dans ses filets, les hommes ayant dû leur salut à la proximité d'un autre bâtiment...

Epilogue du naufrage du chalutier nippon; après le Radeau de la Méduse, les naufragés des Méduses...

Les grandes Méduses des côtes occidentales comme l'Aurélie et la Pélagie, bien que pourvues de cellules urticantes susceptibles de provoquer des brûlures chez le baigneur ne sont pas les plus dangereuses, mais les "Guêpes de mer" comme Chironex fleckeri, une Cuboméduse ( Méduses de forme cubique ), sont autrement redoutables en dépit de leur petite taille et causent fréquemment la mort dans les mers orientales, où elles prolifèrent depuis ces dernières années.

Une autre Cuboméduse, Carukia barnesi, dont le contact peut également s'avérer mortel, présente une ombrelle dont le diamètre peut ne pas dépasser le centimètre; devenue à son tour très abondante, elle parvient grâce à sa petite taille à franchir les filets destinés à mettre les baigneurs hors d'atteinte des Chironex.


La Guêpe de mer n'a pas usurpé son surnom.

Les Siphonophores qui ressemblent souvent à des Méduses n'en sont en fait que des parents très éloignés. Les naturalistes ont découvert progressivement que tous les représentants de ce groupe étaient en réalité des colonies flottantes constituées de différents types d'individus se multipliant en se diversifiant pour assurer différentes fonctions, alimentaires ou reproductrices, certains capturant les proies tandis que le flotteur lui-même est un individu spécialisé. Le plus connu de leurs représentants, la Physalie, surnommée "vaisseau de guerre portugais", (voir illustration de 20 000 LIEUES SOUS LES MERS, plus haut ) a été signalée comme s'échouant dorénavant assez fréquemment sur les côtes de Grande-Bretagne alors que ces animaux vivent dans les mers chaudes. La violente brûlure provoquée par les cellules urticantes des polypes prédateurs est très douloureuse et peut quelquefois entraîner la mort.

Les Cténaires, autres animaux translucides dérivants, représentent une branche très éloignée de l'embranchement rassemblant Coraux, Méduses et Siphonophores: à leur différence, ils sont dépourvus de cellules urticantes. Si ces animaux, dont les plus courants sont surnommés "groseilles de mer", ne constituent aucun danger pour l'homme, la part croissante de prédation que représente notamment l' espèce Mnemiopsis leidyi perturbe considérablement la chaîne alimentaire par un prélèvement accru sur les proies de petite taille, incluant larves de Crustacés et de Poissons dont dépendent les populations humaines - et ce bien que ces formes soient-elles même englouties par un prédateur issu de leur propre groupe, le Béroé.


Mnemiopsis leidyi illumine les flots, les mouvements de ses palettes ciliées décomposant le filtre solaire comme pour un arc-en-ciel.

Dans certaines zones, Mnemiopsis leidyi peut représenter jusqu'à 90% de la biomasse. Après s'être récemment multipliée des eaux du Massachusetts à la Mer noire, cette espèce invasive vient de faire tout récemment son apparition sur les côtes françaises. Selon le biologiste Sean COLIN, cette prolifération semble être imputable à l'accroissement de la température des eaux. Comme les Méduses, les Cténaires ont tendance à se substituer aux Poissons dans la chaîne alimentaire, concrétisant la prédiction de Jules VERNE.



Cet ouvrage est consacré à une époque fort ancienne, l'Ordovicien, dans la région de Cincinnati, mais son titre, "Une mer sans Poisson", pourrait peut-être s'appliquer aussi bien au futur proche qu'au passé lointain.

Ainsi, ces animaux ancestraux pélagiques, Méduses, Siphonophores, Cténaires, rassemblés dans le grand ensemble des Cœlentérés, constitués seulement de deux couches cellulaires et pratiquement dépourvus d'organes internes, d'où leur surnom de "gelée vivante", sont en train de devenir les nouveaux maîtres des océans, après avoir dû quitter leur position dominante pendant 600 millions d'années.

Faudra-t-il un jour, pour tenir compte de l'épuisement des ressources biologiques, se mettre à consommer un "jellyfishburger" à base de Méduse, à l'instar des extrême-orientaux qui ont depuis longtemps inclus cet animal dans leur gastronomie?

Ce restaurant israélien sous-marin a déjà, si on en juge par son mobilier, mis la Méduse à la mode.


LA GRANDE-BRETAGNE ENVAHIE PAR DES VERS GÉANTS

Les "Vers plats" ou Plathelminthes représentent l'étape suivante dans l'évolution. Regroupant les plus primitifs des animaux constitués de trois couches cellulaires ( ce qui est le cas de tous les animaux modernes ), ils ont encore une organisation interne très simple et ne possèdent comme les Méduses qu'un orifice unique servant à la fois à l'ingestion et à la digestion. Là encore, ces créatures paraissent vouées à un rôle subalterne, supplantées par des espèces plus complexes, en demeurant au bas de la chaîne alimentaire ( Turbellariés, comme les Planaires des eaux douces ) ou se spécialisant dans cette niche particulière que représente le parasitisme ( Douves et Ténias ).

Cependant, un Ver plat carnivore de Nouvelle-Zélande qui avait été rapporté accidentellement au Royaume-Uni et qui s'était maintenu dans les serres,
Arthurdendyus triangulatusa, a fini par s'acclimater et se répandre, notamment en Écosse et Irlande, ainsi que sur les îles Feröe, pourtant peu réputées pour leur climat tropical, et pourrait menacer la pérennité de certaines espèces de Vers de terre indispensables au recyclage de l'humus, bien que ces envahisseurs servent à leur tour de pitance à certaines larves de Coléoptères indigènes; nonobstant, les animaux qui se nourrissent de Lombrics pâtissent de la réduction du nombre de leurs proies.



Un Ver plat conquérant.

Il n'est pas conseillé de toucher à main nue cette Planaire terrestre qui peut atteindre 17 cm, en raison des puissantes enzymes qu'elle utilise pour digérer sa proie - autre belle photographie trouvée à la page internet suivante ( dont le titre de l'article semble faire allusion au sous-titre du film LA MOUCHE 2 ! ) :
https://cabinetofcuriosities-greenfingers.blogspot.com/2010/06/alien-alert-be-afraidbe-very-afraid.html

Bien que placées plus haut dans l' évolution, les Araignées sont parmi les animaux à pattes articulées les plus ancestraux, et ont fait partie des toutes premières lignées à investir les terres émergées. Le réchauffement climatique permet à un nombre croissant d'espèces d'Araignées exotiques, de plus grande taille que les indigènes, et généralement plus dangereuses, de s'installer en Europe et d'y étendre leur zone de diffusion, y compris des espèces agressives comme la Ségestrie florentine. En Belgique, il n'est pas rare qu'on découvre des Veuves noires et leur cocon sous le capot de voitures importées d'Afrique. Le radoucissement des hivers permet à ces espèces venues des contrées chaudes de survivre, laissant augurer leur installation définitive dans nos foyers.

L'ironie de la situation est que les organismes les plus sophistiqués sont aussi souvent les plus spécialisés; ils sont parfaitement adaptés à certains paramètres mais vulnérables lorsque ceux-ci se mettent à changer de manière trop importante. Ceux qui ont un mode de fonctionnement plus frustre peuvent souvent davantage surmonter les difficultés, ayant une plus grande propension à la survie, comme en témoignent leurs grandes capacités de régénération. Ainsi, l'espèce qui se veut la plus évoluée concoure-t-elle à donner l'avantage aux formes les plus primitives et les plus modestes... A croire que le film d'épouvante italien CALTIKI sur une forme de vie protoplasmique vorace était quelque peu prophétique, si l'on en juge par le texte de l'affiche : « Est-ce que la plus ancienne forme de vie sur Terre sera la dernière terreur de l'humanité ? "

CALTIKI, un film italien d'épouvante de 1959, inspiré par DANGER PLANETAIRE (THE BLOB, avec Steve McQUEEN ) réalisé l'année précédente.

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Vous êtes de plus en plus nombreux à consulter ces pages, ce qui vaut à ce site ayant fait le pari d'associer vulgarisation scientifique et imaginaire d'être recensé depuis décembre 2009 par le site Wikio, qui a réalisé ce tableau de la fréquentation des neuf derniers mois, progression confirmée par les 500 connexions des trois dernières semaines. Merci à vous pour cet intérêt renouvelé.

vendredi 30 juillet 2010

LA VIE ANIMALE SANS OXYGENE EST POSSIBLE

Loricifère, animal minuscule vivant dans les boues océaniques


Il arrive que les biologistes manquent d'audace, n'envisageant la vie qu'au travers de ce qu'ils en connaissent déjà. Néanmoins, sa prodigalité outrepasse fréquemment les projections des esprits les plus audacieux.

Avant l'invention du microscope, seuls des philosophes avaient envisagé l'existence d'un monde vivant infiniment petit. De la même manière, on pouvait difficilement concevoir, au XIXème siècle, qu'une vie variée pût exister dans les abysses sous-marins sous une pression considérable, avant de découvrir que des organismes, aussi bien à corps mou que d'autres frêles aux articulations fragiles, avaient pu s'adapter à ces conditions.

Imaginer que des animaux puissent vivre sans lumière solaire n'était par contre pas invraisemblable, en supputant l'existence d'une chaîne alimentaire basée sur des microorganismes déjà connus, élaborant leurs nutriments sur une autre base que la photosynthèse. Cela n'empêcha pas des scientifiques d'avouer leur surprise au moment de la découverte d'une faune dans les sources sous-marines, vivant en symbiose avec des Bactéries dégradant les composés chimiques, tels les vers vestimentifères au beau panache branchial écarlate. Sous terre, la faune de la grotte de Movile en Roumanie offre un écosystème assez analogue.

La vie ne cesse de défier les limites que l'esprit humain lui assigne, avec la découverte d'écosystèmes miniatures dans les glaciers et l'incroyable résistance de certains animaux microscopiques - Rotifères et Tardigrades - à la dessiccation.

Une nouvelle découverte peut réellement étonner tous ceux qui se passionnent pour la vie. Une équipe de chercheurs italiens conduite par Roberto DAVONARO a trouvé dans de la boue sous-marine à une profondeur de 3000 mètres, au large de la Grèce, des animaux microscopiques pluricellulaires vivant sans oxygène. L'absence d'oxygène est généralement considérée comme défavorable aux réactions chimiques nécessaires au métabolisme d'organismes un tant soit peu élaborés, et on songe alors spontanément aux Bactéries anaérobies, survivance d'espèces primordiales adaptées aux conditions de la Terre primitive, c'est à dire à des formes de vie rudimentaires, beaucoup moins complexes que ces nouvelles formes animales profitant de semblables conditions.

Ces animaux aussi extraordinaires ne sont pourtant que les espèces voisines d'animaux déjà connus, représentants d'un petit groupe récemment trouvé dans le sable (faune microscopique dite "intersticielle", évoluant entre les grains de sable), les Loricifères, décrits en 1983 par Reinhardt KRISTENSEN, découvreur de plusieurs embranchements. Ces animaux ressemblent assez à des pots de fleurs, leur corps en forme de vase recouvert de plaques (constituant la lorica, d'où leur nom) étant surmonté d'un assortiment rayonnant d'appendices tentaculaires évoquant de longues feuilles. Ils sont ainsi les seuls représentants pourvus de tentacules se rattachant au groupe des Pseudocoelomates, un vaste ensemble d'animaux ayant un schéma de développement anatomique particulier, regroupant divers groupes mineurs d'animaux vermiformes comme les Kinorhynques découverts par DUJARDIN (voir l'article « la peoplisation du monde vivant » d'octobre 2009), ainsi que les Rotifères (animaux microscopiques ciliés abondant dans les mousses humides et les eaux douces riches en matières organiques), et les Nématodes (comprenant nombre d'espèces libres comme l'Anguillule du vinaigre et certains parasites, comme l'Ascaris intestinal et l'Oxyure).

Très belle figuration d'un représentant du groupe des Loricifères, digne des illustrations scientifiques du XIXème siècle.


Spectaculaire, mais peut-être pas si inédit

Cette découverte remarquable doit cependant être quelque peu relativisée en raison de l'existence d'un certain nombre d'espèces d'animaux unicellulaires, organismes plus complexes et évolués que les Bactéries, ayant également un mode de vie anaérobie.

Certaines sont des parasites bien connus se rencontrant habituellement dans le tube digestif de l'Homme, où ils causent des diarrhées, mais sont susceptibles d'infecter d'autres organes, pouvant par exemple engendrer des maladies vénériennes. Trichomonas vaginalis est un Flagellé parasite assez typique; Giardia duodenalis appartient quant à lui à un petit ordre de Flagellés plus singulier, les Diplomonadines; enfin, Entamoeba histolyca est un genre d' Amibe. Les parasites sont susceptibles de connaître bien des modifications afin de se conformer au mieux à leurs conditions de vie spécifiques, et cette physiologie particulière pourrait en être une adaptation.

Tous les Protozoaires anaérobies ne sont pas des parasites. Certaines Amibes et certains Protozoaires ciliés (groupe auquel appartient la Paramécie), tels que Metopus et Caenomorpha, vivent sans oxygène dans des lacs, en symbiose avec des Bactéries tirant leur énergie du méthane, produit à partir du carbone extrait du gaz carbonique grâce à l'hydrogène.

Un animal unicellulaire du groupe des Ciliés, Metopus, vivant sans oxygène.


Une survivance du passé ?

Des chercheurs avaient suggéré que les Flagellés anaérobies représentaient peut-être des formes ancestrales, survivantes de l'époque à laquelle notre atmosphère ne comportait guère d'oxygène, comme c'est probablement le cas pour les Bactéries qui, de nos jours, se tiennent à l'écart de celui-ci. Cette hypothèse s'oppose à l'idée traditionnelle selon laquelle c'est la production d'oxygène liée à la photosynthèse, effectuée par des organismes rudimentaires de type bactérien comme les Stromatolithes fossiles, qui aurait permis aux premières cellules modernes à noyau ( eucaryotes ) comme les Protozoaires flagellés, de se développer. Le fait que les Protozoaires de groupes divers aient engendré des espèces anaérobies laisse plutôt à penser que celles-ci se sont modifiées secondairement, en transformant leurs mitochondries* en hydrogénosomes fonctionnant sans oxygène. Que des animaux pluricellulaires anaérobies soient eux-mêmes très proches d'espèces aérobies voisines, comme l'illustrent les Loricifères méditerranéens, conforte cette approche. Il y aurait ainsi, en dehors de microbes primordiaux issus des conditions de la Terre primitives, première étape de l'évolution du vivant, d'autres organismes plus élaborés s'étant accoutumés progressivement à des milieux sans oxygène, dans leur quête de niches écologiques vacantes, à la manière des animaux des sources hydrothermales, en lesquels on a parfois aussi voulu voir une faune résiduelle issue du magma originel.


La réédition de faits anciens ?

Franceville au Gabon, site hébergeant d'énigmatiques fossiles.

La découverte de petits animaux marins pluricellulaires vivant totalement sans oxygène éclaire par ailleurs la mise à jour, en 2008 au Gabon, d'un site de fossiles âgé de 2,1 milliards d'années. Ces formes sont antérieures d'environ un milliard et demi d'années aux fossiles d'organismes macroscopiques, comme les premiers animaux authentifiés, à tel point que nombre de spécialistes ont commencé par nier jusqu'à leur existence, et qu'un géologue qui avait mis à jour un premier exemplaire des années plus tôt, avait fini par le jeter, gagné par l'incrédulité.

Comme pour toutes les fossiles d'organismes rudimentaires d'espèce inconnue, les spécimens se prêtent à bien des interprétations. Leur taille comme leur forme induisent spontanément à les considérer comme des organismes pluricellulaires. Néanmoins, il faut là encore se rappeler de l'extrême plasticité de la vie. Kakabekia, de très petite taille, qui existe depuis 2 milliards d'années, ne ressemble guère, avec son allure tenant à la fois du champignon et du parapluie, à l'idée qu'on se fait généralement d'un microorganisme. Par ailleurs, l'algue Acetubularia, qui ressemble à un parasol, peut atteindre six centimètres de haut, ce qui est déjà fort respectable pour une simple cellule, d'ordinaire invisible à l'œil nu. Par conséquent, ni l'aspect ni la taille ne doivent conduire à discréditer à priori l'hypothèse d'Unicellulaires de taille inhabituelle.

Un des énigmatiques fossiles extrêmement anciens découverts au Gabon.

Il existe des fossiles assez énigmatiques qui se rapprochent de ceux du Gabon, trouvés notamment en Namibie et en Terre-Neuve, et qui sont interprétés comme des Pluricellulaires - lesquels furent déjà sommairement évoqués dans l'article sur DARWIN et la controverse sur l'évolution en février 2009. Il s'agit là aussi de créatures paraissant plutôt végétatives, parfois ancrées par un pédoncule, à la manière du genre de "tige" repliée visible sur certains fossiles gabonais. Certains chercheurs les interprètent comme des esquisses sans lendemain, d'autres, plus pragmatiques, dont j'aurais plutôt tendance à partager l'opinion, sont enclins à les rapprocher de formes actuelles équivalentes, Eponges et Anémones de mer. Quelles qu'elles soient, ces structures existaient il y a un peu plus de 700 millions d'années, soit bien après celles trouvées au Gabon. Si l'étude de ces formes fossiles africaines confirmait l'interprétation pluricellulaire - Chris NEDIN donne à l'inverse des exemples de structures similaires imputables à des colonies de bactéries sur son blog : http://ediacaran.blogspot.com/2010/07/21-ga-multicellular-colonial-organisms.html - tandis que le spécialiste renommé de la vie précambrienne, Adolf SEILACHER, pense quand à lui qu'il ne s'agît pas de véritables fossiles mais de concrétions - l'âge des formes animales les plus anciennes serait ainsi triplé...

Un timbre australien représentant un fossile assez mystérieux, Inaria, qui rappelle quelque peu les fossiles du Gabon, bien que celui-ci vivait beaucoup plus récemment, aux alentours de "seulement" 600 millions d'années.

L'idée que l'on se fait de la chronologie du développement de la vie sur notre planète ne serait pas la seule à être affectée. En effet, à cette époque, l'atmosphère était encore tout à fait toxique selon nos critères contemporains, même si les organismes photosynthétiques les plus rudimentaires avaient commencé à augmenter légèrement le taux ambiant (autour de 2%). Stefan BENGSTON du Muséum d'histoire naturelle de Stockholm suppose ainsi que cet événement connu des géologues sous le nom de "Grande oxydation" aurait permis l'essor, peut-être éphémère, d'une première vie animale. Il est vrai que des microorganismes comme Kakabekia qui supporte très bien les grandes concentrations d'ammoniac paraîtraient davantage appropriés à vivre dans les conditions qui régnaient il y a un peu plus de 2 milliards d'années sur notre planète, mais après tout, les Loricifères de Méditerranée démontrent que, si la vie animale prospère dans une atmosphère riche en oxygène, celui-ci ne lui est pas indispensable.

Que des animaux relativement élaborés puissent ainsi vivre sans oxygène au sein même de notre planète ne peut en tout cas que relancer les spéculations sur la possibilité d'existence d'espèces extraterrestres qui seraient susceptibles de vivre dans des milieux qui nous semblent à priori hostiles, comme la planète Venus ou même au sein d'astéroïdes ou de comètes. Démonstration est une nouvelle fois faite de l'incroyable capacité d'adaptation de la vie...

Nombre d'auteurs de science-fiction ont imaginé une vie extraterrestre se développant dans des atmosphères très différentes de la nôtre, comme Hal CLEMENT dans son roman QUESTION DE POIDS (MISSION OF GRAVITY) et sa planète Mesklin pourvue d'une atmosphère d'hydrogène et d'un océan de méthane (ci dessus, deux habitants évoquant des mille-pattes), Arthur CLARKE et ses formes de vie adaptées au mélange d'hydrogène et d'hélium de Jupiter dans la nouvelle RENDEZ-VOUS AVEC MEDUSE (A MEETING WITH MEDUSA), ou encore John CHRISTOPHER dont les envahisseurs de sa trilogie LES TRIPODES (THE TRIPODS) viennent d'un monde pourvu d'une atmosphère qui nous apparaîtrait comme toxique.


( *: corpuscule (organite) de la cellule tirant de l'énergie de réactions chimiques basées sur l'oxygène, tandis que l'hydrogénosome réalise une opération similaire avec l'hydrogène ).

dimanche 18 juillet 2010

LE FROMAGE DES SCHTROUMPFS


Les Microbes sont omniprésents dans notre environnement, mais leur taille minuscule fait que nous ne les remarquons qu'au travers de leurs effets, notamment lorsque certains d'entre eux déclenchent une infection dans notre organisme.

Si ce fromage présente cette incroyable coloration, ce n'est pas à la suite d'une facétie destinée à honorer les fameux lutins bleutés créés par le dessinateur PEYO, connus sous leur nom de Schtroumpfs, mais en raison de la prolifération d'une espèce bactérienne fluorescente bien réelle, figurée ci-dessous.

Pseudomonas florescens, la Bactérie incriminée.

Que les enfants ne s'emballent pas, ce produit a été retiré des circuits de distribution, étant jugé impropre à la consommation humaine ( article original :

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N'attendez pas d'avoir des regrets...

On s'est fait l'écho dans les notules du 18 février et du 22 mai derniers de deux expositions présentant des Dinosaures reconstitués et animés dans la capitale française. Jusqu'au 31 juillet 2010, il est encore possible de voir les deux en une seule après-midi ( d'autant qu'elles se trouvent à peu de chose près sur la même ligne de métro, la 12 ). L'occasion pour Français et Belges de voir de grands modèles réalistes à l'image de ceux que nos amis canadiens peuvent contempler dans les grands musées d'Amérique du Nord, et qui sont souvent plus impressionnants encore que les photos le laissent deviner. Une sortie dont tous ceux qui ont conservé leur faculté d'émerveillement auraient tort de se priver, et tant pis pour les plus blasés, ils ne verront sûrement cette année rien de plus existant que ces Dinosaures grandeur nature presque vivants, qui n'ont rien de virtuel...

Cette tête de Brachiosaure vue au Palais de la découverte a fait peur à une toute petite fille. Gageons que celle du Tyrannosaure dans la pièce voisine, à la puissante mâchoire de carnassier quatre fois plus forte que celle d'un Lion, ne l'aura sûrement pas rassurée...

Même si le Baryonyx ne se prend qu'aux poissons, sa proximité n'en est pas moins inquiétante, surtout lorsqu'il relève la tête et vous fixe de son œil clair...

( vidéo au Palais de la Découverte comme si vous y étiez :
http://www.youtube.com/watch?v=nuljmiaKwUQ&feature=r )

Porte de Versailles, on peut admirer la taille colossale d'un proche parent du Baryonyx, le dorénavant célèbre Spinosaure. Il serait un peu dommage de ne pas profiter de la sortie pour rendre visite aux deux cousins revenus du fond des âges.

mardi 22 juin 2010

DEJA DEUX ANS EN COMPAGNIE DES CREATURES...

Attention, la lecture assidue de ce blog peut rendre Créaturomaniaque !...

"Créatures et imagination" fête son deuxième anniversaire. Créé spontanément le 17 juin 2008 pour rendre un hommage au grand créateur de monstres Stan WINSTON, qui venait juste de disparaître, le site a rapidement élargi sa vocation de manière à présenter un large éventail de sujets susceptibles d'intéresser un public plus étendu, autour de la singularité du vivant, telle que celle-ci se manifeste tant dans la nature qu'au travers de sa célébration par les différentes formes d'imaginaire, comme le laisse entendre l'intitulé qui englobe les êtres fictifs au sein des créatures considérées dans toute leur diversité, entre nature et culture. Cette optique associant la science à l'imaginaire, mais en l'appliquant ici spécifiquement au domaine du vivant, s'inscrit en quelque sorte dans la continuité de l'ancien magazine télévisé "Temps X" des Frères BOGDANOV, des écrits de Roland LEHOUCQ et des périodiques de science-fiction américains comme Amazing Stories et Wonder Stories ainsi que dans la version française de la revue Galaxy qui faisaient alterner d'audacieux récits de fiction scientifique avec des textes de vulgarisation très approfondis décrivant le système solaire, la vie animale des abysses ou encore les espèces reliques qualifiées de fossiles vivants .

Comme l'habitué l'aura certainement déjà perçu, cette approche conduit à faire voisiner des articles relevant essentiellement de la science-fiction ou du fantastique, consacrés aux êtres imaginaires et à leurs créateurs, avec des textes de vulgarisation, ces derniers permettant notamment au lecteur non spécialiste de pouvoir être malgré tout sérieusement informé de certains sujets d'intérêt général touchant au monde vivant, comme la polémique sur l'évolution par l'intermédiaire du débat avec le créationnisme au travers de points concrets ("DARWIN et la controverse sur l'évolution") ou les enjeux environnementaux ("ALLEGRO FORTISSIMO"). D'autres encore orchestrent la rencontre des deux au point de compliquer l'indexation des articles.

Camille FLAMMARION, astronome et écrivain, un des premiers auteurs à s'intéresser conjointement à la science et à l'imaginaire, dont l'un des ouvrages a inspiré le sous-titre de ce site ( le titre quant à lui ayant résulté du choix de trouver des termes identiques en français et en anglais, à l'époque où l'option de la langue retenue n'avait pas été fixée ).

la science-fiction, continuation de la science par d'autres moyens

La logique retenue se fonde sur les recoupements entre les deux domaines, qui sont plus souvent associés qu'on n'est spontanément porté à le considérer.

Des chercheurs sont ainsi assez couramment sollicités par le cinéma, notamment pour les films mettant en scène des Dinosaures, afin que les recréations cinématographiques puissent s'appuyer sur les connaissances les plus récentes dans le domaine. Le paléontologue Dougal DIXON a pratiquement fondé la biologie spéculative et nombre de scientifiques américains - même si ceux-ci regroupent plutôt une majorité de physiciens que de biologistes (voir introduction du blog)- se sont tournés vers la science-fiction pour pouvoir pousser plus loin leurs spéculations.

De l'autre côté, reprenant en cela l'exemple des études anatomiques exécutées par Leonardo di VINCI à la Renaissance, des artistes s'inspirent partiellement de la nature, comme les techniciens d'effets spéciaux de l'équipe de Stan WINSTON ayant œuvré sur le film LEVIATHAN ou celle de Todd MASTERS sur HORRIBILIS, qui ont étudié la texture des animaux marins dans l'intention de conférer davantage de crédibilité à celle de leurs monstres.

L'éclectisme affiché n'empêche pas d'envisager chaque sujet de manière approfondie. Pour autant, on s'efforce ici de ne pas sacrifier la complexité du vivant au nom d'une simplification schématique excessive, s'attachant simplement à rendre compréhensible le sujet pour tout lecteur intéressé ou simplement curieux, sans requérir l'acquisition préalable d'une culture scientifique - malgré l'inévitable utilisation de noms scientifiques pour les espèces n'ayant pas de nom commun, sans lesquelles il n'y a pas de précision satisfaisante. L'exigence de sérieux et le désir d'être complet sont aussi une marque de considération à l'endroit des internautes qui fréquentent ces pages, en ne mésestimant pas leur capacité de compréhension.

Par ailleurs, l'indépendance de ce blog à l'égard des institutionnels, quels qu'ils soient, permet de concourir à l'expression du pluralisme des opinions sur les sujets concernés en exprimant des vues "hérétiques" à une époque ou le conformisme règne souvent en maître.

Il ne s'agit d'ailleurs pas à proprement parler d'un blog, qui consiste d'ordinaire en de courts sujets portant sur les domaines les plus divers, dont la seule raison d'être se rattache à la personnalité du créateur, alternant centres d'intérêts multiples, événements familiaux, etc... mais d'un site d'information et de réflexion autour d'un certain nombre de thèmes connexes.

Raison d'être du site

"Créatures et imagination" s'applique à proposer des angles originaux, des sujets transversaux, afin d'enrichir l'offre présentée par les autres sites; ainsi, on ne trouvait principalement qu'un seul dossier francophone sur le maquilleur Rob BOTTIN - référence qu'on avait d'ailleurs indiquée en lien internet - lorsqu'on a mis en ligne l'article sur le grand maquilleur rendant compte des derniers développements de sa carrière; il en existe depuis deux de plus. Sans vouloir prétendre avoir exercé quelque influence en la matière, on se félicite d'avoir participé à la remise au goût du jour d'un grand nom des effets spéciaux non numériques, dorénavant ignoré par les grands médias, à l'occasion d'un sujet qui mettait en perspective l'arrêt de son site avec le retrait de deux autres concepteurs de monstres du cinéma, Patrick TATOPOULOS et Steve JOHNSON. "Créatures et imagination" a sans doute été aussi le premier site francophone à rendre compte d'un investissement récent de son confrère Carlo RAMBALDI, le concepteur de E.T. L'EXTRATERRESTRE, pourtant lui aussi tombé dans un oubli général, de même qu'il a sans doute été seul à rendre hommage, avec un article détaillé, au grand compositeur Jerry GOLDSMITH pour le cinquième anniversaire de la disparition - elle-même originellement passée pratiquement inaperçue en France - dont les partitions ont servi d'écrin à tant de créatures cinématographiques. Quant au cinquième anniversaire du décès de l'acteur William BOYETT, aucun autre site n'a évoqué cet interprète étonnant qui a incarné de manière mémorable l'hôte d'un parasite extraterrestre dans le film THE HIDDEN, nécessaire évocation de la mémoire d'une personnalité tombée en désuétude, qui a elle seule justifierait la poursuite de cette entreprise, confortant le site dans sa vocation de "contre-programmation". Enfin, "Créatures et imagination, les êtres réels et les êtres imaginaires" ne s'est pas limité à signaler la disparition du producteur de cinéma Charles SCHNEER en mentionnant les titres des films bénéficiant des talents du grand créateur de monstres Ray HARRYHAUSEN qu'il avait produits, mais s'est ingénié à démontrer en quelle mesure son rôle avait été essentiel dans la carrière de ce dernier. Quant aux créatures bien réelles, le site n'entend pas se cantonner à une culture standardisée qui limiterait l'éventail des espèces jugées seules susceptibles d'intéresser le lecteur comme le pratique la muséologie moderne, n'hésitant pas, au contraire, à évoquer sans discrimination aussi bien les énormes Dinosaures si populaires que les minuscules Kinorhynques essentiellement connus des spécialistes, de manière à pouvoir intéresser le public à des espèces qui ne sont jamais montrées hors des publications scientifiques.

  Un végétal fantastique ? Un monstre lovecraftien ? Non, un simple ver annelé marin, éblouissant de beauté, loin de l'image dépréciative qu'a généralement de ces animaux le grand public. De quoi, bien loin de la virtualité abstraite, exalter l'imagination de ceux qui s'intéressent à la vie sous toutes ses formes.

"Créatures et imagination" permet aussi de conserver la disponibilité au public de documents qui ont disparu depuis d'internet, émanant par exemple de sites dorénavant fermés de créateurs, telles certaines photos de tournage du studio d'effets spéciaux de Patrick TATOPOULOS ainsi qu'un dessin de production réalisé par celui de Steve JOHNSON pour la série AU-DELÀ DU RÉEL, L'AVENTURE CONTINUE, ou bien encore les commentaires riches et variés d'internautes anglo-saxons exprimés sur un forum de discussion qui a depuis supprimé le sujet et dont l'essentiel peut toujours être lu en exclusivité dans l'article intitulé "Un hommage purement virtuel". D'autres photos rarissimes présentées par Créatures et imagination ont même, en sus des reprises par notre confrère canadien Mario GIGUÈRE, été réutilisées sur d'autres sites, comme deux photos en noir et blanc présentant des monstres de THE THING ou une photo en couleur de l'extraterrestre du fort peu connu téléfilm SHOCK INVADER que j'avais fait numériser à partir d'une cassette en location, laquelle a permis d'illustrer la page d'un site référençant l'œuvre - la source du document n'a pas été citée, mais on ne s'en offusquera pas, n'étant pas détenteur des droits du document. De la même façon, certaines espèces vivantes singulières ne font qu'un passage éphémère sur internet et méritent que leurs photos soient conservées de manière à pouvoir en faire à nouveau profiter les amateurs.

Ceux qui apprécient ce site

La fréquentation de ce site francophone ( au moins 14 000 visites en deux ans - les premiers compteurs installés ayant connu des dysfonctionnements ) témoigne d'un certain intérêt du lectorat, ce qui incite à reconduire l'entreprise pour une durée au moins égale, avec l'espoir de pouvoir proposer de nouveaux éclairages originaux voir surprenants. On pourra par contre exprimer quelque regret sur le nombre étique de commentaires, "Créatures et imagination" gagnerait sans doute à davantage d'interactivité de la part de ceux qui trouvent quelque intérêt à le fréquenter ( cela dit, après tout, une formule populaire postule que : "qui ne dit mot consent" ). Quelques lecteurs et correspondants ont cependant fait connaître spontanément leur adhésion, au moins partielle ( tous ne sont pas aussi catégoriques à l'encontre de l'imagerie virtuelle ), à cette entreprise : "articles intéressants et toujours bien écrits", Mario GIGUÈRE, créateur du site Le Club des monstres (www.clubdesmonstres.com) et de son fameux Bestiaire (http:/www.clubdesmonstres.com/bestiaire.html) tentative titanesque de recenser tout ce qui marche, court, rampe, vole ou nage dans la fiction ( vaste programme, Mon Général... ), lequel, coïncidence, fête également en ce mois de juin son dixième anniversaire d'existence. Avec les compliments de "Créatures et imagination". "Plusieurs articles évoquent ces créatures d'avant les images de synthèse avec une passion pour la vie non circonscrite à notre espèce. Original et inattendu", écrit Jacques HAMON, créateur d'un site remarquablement bien illustré, une véritable référence internationale, sur la littérature de science fiction (http://www.collectorshowcase.fr/index.htm), lequel inclut depuis peu un visuel présentant, simultanément, peut-être pour la première fois, les photographies des principaux illustrateurs de l'Age d'or de la littérature de science-fiction américaine . Il a depuis précisé fort aimablement : "Inutile de vous dire que je suis toujours avec un grand intérêt le développement de votre blog sur les créatures imaginaires. Je pense que votre blog est d'une grande originalité et ne ressemble à rien de déjà vu sur le web". "Un blog utile", Robert SOUBIE, traducteur, spécialiste de Stanley WEINBAUM (http://www.astrosurf.com/soubie/stanley_g__weinbaum.htm, dont l'éditeur se trouve à la page: http://stores.lulu.com/store.php?fAcctID=1040304) "Blog SUPER, très documenté et fort intéressant !!", Nicolas BILLIOTEL, artiste à la large palette de talents (http://nbilliotel.blogspot.com).

Qu'ils soient ici chaleureusement remerciés pour leur soutien et leur encouragement.
Ajoutons une petite pensée pour les deux personnes qui m'ont soutenu dans ma marche à reculons vers l'informatisation, sans lesquelles le blog n'aurait peut-être pas vu le jour, ainsi naturellement qu'une certaine gratitude pour l'hébergeur qui donne la liberté de présenter ces articles sans qu'il soit nécessaire de faire appel aux dons des lecteurs.

Un regret, cependant, le manque d'intérêt d'éditeurs jusqu'à ce jour, lesquels fréquentent paraît-il les blogs en quête d'inédits, alors que ce site pourrait servir de tremplin à certaines parutions. Que ceux-ci ne craignent pas de vaincre leur timidité naturelle, certains textes, consacrés à l'imaginaire, sont tout à leur disposition. Beaucoup de critiques affirment que les éditeurs publient n'importe quoi, doit-on alors se laisser aller à penser que si l'on n'est pas publié, c'est précisément qu'on n'écrit pas "n'importe quoi"?

 
Les êtres imaginaires promus ambassadeurs des créatures réelles ?

L'éclectisme de ce site peut dans une certaine mesure paraître un peu inhabituel au lecteur francophone. Il s'approche cependant d'une tradition plus répandue dans le monde anglo-saxon; cela dit, même une revue de science-fiction française comme la revue "Fiction" consacrait à une certaine époque quelques pages à de la vulgarisation scientifique en complément des nouvelles qu'elle proposait aux lecteurs. Notons d'ailleurs aussi, à l'inverse, que les auteurs scientifiques anglo-saxons rechignent moins à évoquer les œuvres de fiction pour illustrer leur réflexion - alors que les œuvres d'imagination sont souvent perçues comme un sujet indigne d'intérêt dans nos contrées par les chercheurs "sérieux" - et que la biologie spéculative est pratiquement devenue une discipline à part entière dans cet univers culturel.

Par ailleurs, même s'il n'apparaît pas d'emblée que les amateurs de fantastique et les naturalistes aient des intérêts liés, "Créatures et imagination, les êtres réels et les êtres imaginaires", continuera à illustrer les recoupements qui peuvent s'opérer entre les êtres réels et la fiction. N'y aurait-il pas, d'ailleurs, quelque paradoxe, à ce que ceux qui sont fascinés par les Loups-garous se désintéressent totalement du devenir des animaux qui ont inspiré ces êtres légendaires, ou que les passionnés de science-fiction qui portent toute leur attention sur la quête de la découverte d'une vie extraterrestre soient indifférents à la disparition de la diversité biologique qui nous entoure encore - dans les revues anglo-saxonnes consacrées à l'imaginaire, il n'est d'ailleurs pas exceptionnel que celles-ci intègrent des encarts en faveur d'associations de protection des espèces menacées, sans parler des publicités occasionnelles pour des ouvrages ou illustrations sur la vie préhistoriques. Il ne paraît en fin de compte pas complètement illogique que ceux qui se passionnent pour les représentations fantasmatiques ou conjecturelles des êtres vivants ne soient pas totalement insensibles à la disparition des créatures bien réelles, dont la beauté et la variété composent un fantastique héritage qu'il serait vraiment regrettable de laisser anéantir.
Le Gollumjapyx ( en haut ) est un Insecte primitif sans ailes ( et non un "mille-pattes" comme un spécialiste l'indiquait récemment à la télévision française en montrant un animal similaire ) vivant sous terre et capturant ses proies avec sa pince terminale. Son nom vient de la combinaison de Japyx, un genre voisin déjà connu, et du nom Gollum ( modèle en résine, au-dessous ), celui d'un personnage inventé par l'écrivain J.R.R. TOLKIEN, devenu blafard à force de vivre dans une grotte. Il symbolise ainsi la convergence d'intérêt entre histoire naturelle et fiction; pour davantage d'informations sur ce thème, lire l'article "la peoplisation du monde vivant" d'octobre 2009.

Comme on l'avait déjà proclamé dans l'introduction, les espèces animales, méprisées par les tenants anthropocentristes de la culture, sont souvent aussi belles et merveilleuses que les tableaux de la Renaissance et, bien que non créées par l'homme, méritent autant d'être protégées. Quant aux êtres imaginaires, ils sont justement une émanation de sa culture, et l'accompagnent depuis l'aube de son histoire. Par conséquent, formes vivantes comme créatures inventées par l'homme méritent d'êtres reconnues; on continuera à affirmer ici que toutes ces créatures les plus diverses font aussi partie de notre culture.

PS : Pour permettre aux lecteurs réguliers de s'y retrouver plus facilement dans l'historique, un index des principaux sujets, mis à jour régulièrement, sera dorénavant proposé, ainsi qu'un sommaire.