Le dernier article de "Créatures et imagination" rapportait la disparition de l’interprète du personnage inspiré du célèbre auteur Howard Philip Lovecraft dans le film Détective Philippe Lovecraft (Cast a Deadly Spell), Fred Ward – lequel affronta aussi les vers géants dans les deux premiers Tremors, et c’est maintenant l’autre acteur principal de cette petite comédie d’épouvante qui nous quitte, emporté par un cancer du poumon à 80 ans le 27 juillet 2022.
Comme Kevin McCarthy auquel avait été consacré à l’époque un hommage consistant, David Warner - qui avait d'ailleurs incarné un professeur nommé McCarthy dans la comédie My Best Friend is a Vampire - avait été l’un de ces très grands seconds rôles composant des personnages patibulaires, qui apportaient beaucoup de force en particulier à certains films fantastiques, et comme lui, il a exercé son métier aussi longtemps que possible, même si à la fin de son existence, sa participation se cantonnait généralement à prêter sa voix à des personnages de dessins animés et de jeux vidéos. Il mérite à l’image du précédent qu’on souligne au travers d’une évocation, également forcément très partielle, sa contribution au genre imaginaire, afin de faire valoir de quelle manière il a apporté sa marque à la fiction audiovisuelle.
Malheureusement, pour le grand public, il restera principalement l’homme de main brutal du Titanic de James Cameron, un petit rôle dans lequel il use de la force physique, ne lui permettant pas d’exercer son jeu habituellement plus subtil, celui d’un personnage présentant plutôt bien mais capable des plus noirs desseins. Pour reprendre la formule qu’avait forgée à fins publicitaires un autre acteur, Eric Von Stroheim, David Warner incarnait à l’écran « l’homme qu’on aimait haïr », avec ses personnages antipathiques, cassants, intransigeants, laissant transparaître toute la dureté d’êtres sans scrupules, ce genre d’hommes pour lesquels « la fin justifie les moyens », peut-être sans la distance ironique qu’ajoutait parfois Kevin MacCarthy.
Issu d’une famille désunie, et amené à vivre de petits emplois, David Warner, né le 29 juillet 1941 à Manchester, se passionne très tôt pour le théâtre grâce aux encouragements d’un enseignant d’art dramatique. Diplômé à 21 ans de la Royal Academy of Dramatic Arts, il joue durant les années 1960 dans nombre de pièces classiques et incarne en 1965 le Roi Henri VI dans La Guerre des roses (War of the Roses), rôle qu’il est amené à reprendre en 1965 pour l’adaptation télévisée sous forme de série produite par la chaîne BBC.
Désireux de diversifier ses engagements, il candidate pour des productions audiovisuelles et apparaît pour la première fois à l’écran en 1962 dans We joined the Navy puis l’année suivante dans le film d’aventures d’Albert Finney Tom Jones, de l’alcôve à la potence, et les metteurs en scène renommés l’engagent volontiers. C’est ainsi le cas pour Sam Peckinpah qui, après lui avoir confié en 1971 le rôle d’un personnage frustre dans Les chiens de paille (Straw Dogs), en fait un capitaine allemand désabusé par la violence impitoyable des combats au cœur de la Seconde guerre mondiale dans Croix de fer (Iron Cross) en 1977, aux côtés d’autres vedettes américaines, James Mason, James Coburn et Maximilian Schell et de vrais acteurs allemands – dont pas moins de trois apparus ponctuellement dans la série Inspecteur Derrick (Derrick), Dieter Schidor, Vadim Glowna et Buckhard Driest
Il figure dans d’autres œuvres d’inspiration historique, notamment dans la mini-série télévisée Masada en 1981, une version romanesque d’un épisode historique véritable, le siège d’une forteresse dont la trace architecturale subsiste de nos jours, dans laquelle se sont réfugiés des Juifs refusant l’autorité romaine sur la Judée. Les scénaristes imaginent une liaison entre le véritable consul Silva (Peter O’Toole) et une Juive (Barbara Carrera) qui l’aurait amené à faire montre d’une certaine compréhension envers les récalcitrants, situation qui persuade le Sénat romain de le faire remplacer par un militaire plus intransigeant, Falco, convaincu d’obtenir la reddition et l’obéissance des reclus à l’Empire ou à défaut de mener l’affrontement jusqu’à la défaite voire à l’anéantissement des Zélotes insoumis - un clivage qui rappelle celui ayant existé face à l'Egypte de Ptolémée entre les gouvernants romains Marc-Antoine épris de Cléopâtre et de l'Orient et le plus intransigeant Octave rejetant tout accommodement de l'Empire.
David Warner y compose un personnage assez prompt à étouffer sa conscience pour faire avancer sa carrière qui, sans jouir particulièrement de la cruauté – à la différence du Général joué précédemment par Peter O’Toole dans La nuit des généraux – ne fixe effectivement aucune limite aux procédés qu’il juge nécessaires pour mener à terme sa mission jusqu’à finalement catapulter des vieillards contre les murs de la fortification dans l’intention de fléchir les assiégés. David Warner apporte son charisme froid à ce personnage impitoyable, l’intensité de l’œuvre ne faiblissant nullement lorsqu’il est amené à se substituer à l’interprète consacré qu’est Peter O’Toole, des acteurs qui, avec le renfort de la partition de Jerry Goldsmith, confèrent toute sa force à cette tragédie historique inspirée du véritable destin de la population juive de Masada ayant préféré se suicider que de se rendre à l’occupant romain, préfigurant le sort des Cathares de Monségur des siècles plus tard. David Warner obtient pour sa prestation l'Emmy Award (récompense dans le domaine télévisuel) du meilleur second rôle, qui sera étonnamment le seul prix qui lui a été décerné, de la même manière que le compositeur Jerry Goldsmith n'a eu qu'un Oscar dans toute sa carrière, tel qu'évoqué dans son hommage. En l’an 2000, David Warner retrouvera le contexte biblique au côté de Martin Landau et Jacqueline Bisset dans la mini-série In the Beginning réalisée par Kevin Connor – auteur de divers films d’aventures fantastiques dans les années 1970.
Malgré son ascendance juive paternelle, son physique non typé de blond élancé assez proche de celui du jeune Gérard Depardieu de l’époque permet à David Warner d’interpréter un autre très grand persécuteur de Juifs, le chef nazi Reinhard Heydrich, bras droit d’Himmler, dans la mini-série Holocauste en 1978, dans laquelle son collègue de théâtre Ian Holm joue son supérieur Heinrich Himmmler, puis dans le téléfilm de 1985 Hitlers’ SS : Portrait in Evil. En 1988, il incarne encore dans un registre similaire un officier de l'Armée royale hongroise œuvrant avec les fascistes locaux dont un tortionnaire joué par David Pleasance dans La guerre d'Hanna (Hanna's War), inspiré de l'histoire vraie d'Hanna Szenes, une jeune poétesse juive ayant accepté de retourner en Hongrie afin d'accomplir une mission pour l'armée britannique, également dans l'espoir de pouvoir également sauver sa famille de l'extermination, et qui finit fusillée.
La mini-série Signs and Wonders offre une autre occasion à David Warner de composer un personnage sympathique, empreint d’humanité et d’humilité, un pasteur saisi par le doute et amené à assumer ses responsabilités lors d’un accident dans une mine à l’occasion duquel son soutien moral est requis. D’autres récits contés en parallèle mettent en scène Donald Pleasance, jouant un ancien tortionnaire fasciste devenu un professeur d’université sulfureux, gourou intellectuel dans la lignée de Nietzsche, Bataille, Derrida, Foucault, Jean Genet et Paul de Man qui inspira plus directement le personnage) voulant prôner l’abolition de la frontière entre le vrai et le faux, et déconstruire les repères traditionnels de la morale, cherchant à cette occasion à relativiser ses responsabilités passées, tandis que James Earl Jones campe un homme déterminé chargé par sa mère de réhabiliter malgré elle une victime de conditionnement arrachée à une secte. Les trois acteurs inspirés font de cette curieuse évocation thématique s’intéressant aux différents aspects du phénomène de croyance un programme digne d’intérêt au travers duquel le scénariste Michael Eaton veut illustrer que la Foi et la recherche de la vérité sont des buts louables tant que la manipulation et le pouvoir ne les corrompent pas.
Dans le domaine du cinéma de l’Imaginaire, David Warner se signale d’abord à l’attention des cinéphiles avec son personnage de journaliste, Keith Jennings, dans La malédiction (The Omen) en 1976, lequel tente d’alerter l’ambassadeur des États-Unis en Angleterre interprété par Gregory Peck qu’il y a eu substitution de son fils à la naissance et que celui qu’il prend pour tel n’est autre que l’enfant du Démon, comme il tente de lui démontrer lors d’une visite inquiétante d’un cimetière italien. Comme tous ceux qui tentent de s’opposer au plan diabolique, il décédera prématurément de mort violente, jusqu’à ce le père laissé seul à lui-même soit contraint de faire face à ses terribles responsabilités une fois que le doute n’est plus permis, au travers d’une mise en scène conventionnelle mais angoissante de Richard Donner.
En 1979, David Warner joue à nouveau un personnage effrayant, celui du célèbre Jack L’Éventreur, qui échappe à la police en utilisant la machine à explorer le temps censée dans le film avoir été réellement inventée par l’auteur de science-fiction Herbert George Wells, qui parvient à le poursuivre dans le XXème siècle dans C’était demain (Time After Time) de Nicholas Meyer adapté du roman de Karl Alexander paru la même année. Il crédibilise un Jack l’Éventreur cynique, presqu’une concrétisation du Mal à l’état pur mais s’incarnant dans les atours d’une relative banalité, un peu comme quelques années plus tôt Malcolm McDowell dans Orange mécanique (Clockwork Orange) – lequel interprète plaisamment le posé H G Wells de C’était demain, une sauvagerie qu’il exprime cependant avec davantage de retenue dans l’expression que le précédent, traduisant le maintien britannique du gentleman du XIXème siècle qu’il feignait d’être, allure trompeuse d’un gentleman devenu tueur par un atavisme non réprimé, un être amoral qui s’autorise à commettre le pire simplement parce qu’il en est capable. Le criminel prétend avoir trouvé en notre temps une période qui correspond mieux à sa nature, alors que les principes moraux se sont estompés et que la violence banalisée s’étale à la Une des médias. Pour l’anecdote, l’écrivain catapulté à sa suite dans notre époque y tombe sous le charme d’une vendeuse interprétée par Mary Steenburger, qui interprétera une jeune femme cette fois séduite par un visiteur du futur dans le Far-West du XIXème siècle, le Dr Emmett Brown incarné par Christopher Lloyd dans Retour vers le futur 3 (Back to the Future 3).
David Warner incarne le Diable en personne que défient des nains dans Time Bandits de Terry Gilliam, aventures fantaisistes et loufoques dans lesquelles son collègue de théâtre Ian Holm joue un Napoléon Bonaparte ridicule. Son omniprésence maléfique est sans doute plus impressionnante dans l’univers glacial de Tron, dans lequel il joue le responsable inquiétant et mégalomane d’une société de création de jeux vidéos, incarnant l’autorité naturelle de l’homme puissant, dont l’emprise se fait ressentir au travers de l’univers de jeu vidéo dans lequel est propulsé le personnage principal (Jeff Bridges) au travers de son avatar informatisé maléfique et de l’ordinateur programmé pour servir ses dessins.
Tout comme Martin Landau aurait pu être Mr Spock, comme on l’a indiqué dans l’hommage à l’acteur, David Warner aurait pu incarner le terrible Freddy Krueger, le tueur au gant muni de lames d’acier tuant les adolescents dans leurs cauchemars dans la saga cinématographique débutée avec Les Griffes de la nuit (Nightmare on Elm Street) de Wes Craven, mais bien que celui-ci ait même fait un essai avec le maquillage sinistre, un autre engagement ne lui a finalement pas permis de signer le contrat pour incarner le célèbre croquemitaine des songes.
L’acteur britannique n’avait pas postulé pour Star Trek 5 : L'ultime frontière (Star Trek 5 : The Final Frontier) en 1989, mais s’est montré intéressé lorsqu’on lui a laissé auguré un rôle récurrent dans la saga. Il reviendra en fait dans un autre rôle dans le film suivant, passant du chef de la Fédération John Talbot à un dignitaire klingon. Le sujet initial de Star Trek 5 était très audacieux puisque l’équipage de l’Enterprise devait y être confronté à pas moins qu’à Dieu lui-même. Devant la possible controverse, les amateurs de la série pouvant reprocher l’ajout soudain d’une dimension religieuse dans une série qui se voulait plutôt positiviste tandis que des chrétiens rigoureux auraient pu estimer d’un goût discutable de faire du Créateur un personnage de fiction, la production a finalement opté pour une entité se faisant fallacieusement passer pour Dieu. Ce film que David Warner honore brièvement de sa présence n’est en rien déshonorant, bien qu’il soit le plus sous-estimé de la saga cinématographique. L’œuvre est très psychologique, notamment au travers de deForrest Kelley qui est pour la seule fois au tout premier plan, jouant avec beaucoup d’humanité le Docteur McCoy tenaillé de manière lancinante par l’impossibilité qu’il eut de soigner son père mourant au début de sa carrière. La musique délicate de Jerry Goldsmith participe de cette atmosphère subtile dans laquelle les personnages se confrontent à leur vérité intime, bien que les spectateurs aient nettement préféré Star Trek 2 : la colère de Kahn (Star Trek 2 : The Warth of Kahn) et Star trek 3 : à la recherche de Spock (Star Trek 3 : The Search of Spock) qui privilégiaient l’action et les combats spatiaux.
Passage prestigieux de David Warner dans Star Trek 5 : L'ultime frontière, celui du chef de la puissante Fédération.
Star Trek 6 : Terre inconnue (Star Trek VI : The Undiscovered Country) s’inspire fortement des évènements ayant accompagné la chute de l’URSS, lorsque des membres de l’ancien régime refusant les évolutions démocratiques auxquelles s’était résolu le Premier Secrétaire Michael Gorbatchev se sont rebellés, le prenant en otage. Dans le film, le Chancelier Gorkon incarné par David Warner est décidé à conclure la paix au nom des Klingons avec la Fédération, mais des hiérarques belliqueux parviennent non seulement à l’assassiner mais à en rendre responsable le Capitaine Kirk, le commandant de l’Enterprise qui aura fort à faire pour se disculper de ce traquenard et rétablir la vérité susceptible d’augurer de nouveau d’une paix universelle dans l’espace intersidéral.
Si le maquillage en Klingon ne modifie pas trop la physionomie de David Warner, celui de son personnage d’orang-outan vénérable dans le remake de La planète des singes (Planet of Apes) de Tim Burton en 2001 est plus consistant, même si ses traits demeurent reconnaissables sous l’apparence conçue par Rick Baker, à la différence de ses homologues à la face gonflée comme celle que présentent les mâles de cette espèce. Dans ce rôle de sénateur Sandar, David Warner incarne un personnage simiesque à la fois sévère et sage.
David Warner a aussi tourné dans nombre de films d’épouvante, comme La Compagnie des loups (Company of Wolves), y compris dans des productions modestes comme Créatures des ténèbres (The Unnammable II : The Statment of Randolph Carter) de Jean-Paul Ouellette en 1993 et L’emprise de la peur (Inner Sanctum II) de Fred Olen Ray l’année suivante. On le trouve aussi au côté de John Hurt et des acteurs français Didier Bourdon et Daniel Prévost dans L’Oeil qui ment du cinéaste espagnol Raoul Ruiz.
Dans Waxwork d’Anthony Hickocks en 1988, il est le directeur d’un bien curieux musée de cire interdimensionnel, David Lincoln, dans lequel les visiteurs sont catapultés dans les scénettes d’épouvante représentées, à la manière des tableaux piégeants du Docteur Loveless dans l’épisode La nuit des tireurs d’élite (The Night of the surreal McCoy) de la série des Mystères de l’Ouest (Wild Wild West). Si les scènes deviennent un peu répétitives, la participation de David Warner comme celles de Patrick McNee et de John Rhys-Davies apportent une certaine intensité au film.
Dans Détective Philippe Lovecraft (Cast a deadly Spell), en 1991, il incarne un homme d’affaire déplaisant, assoiffé de pouvoir et prêt pour y parvenir jusqu’à sacrifier sa propre fille, qui attire une puissance chthonienne mais en devient simplement la victime, depuis Conan le Destructeur (Conan the Destructor), les vierges authentiques étant devenues rares.
En 1993, il retrouve l’univers de Lovecraft avec le film à sketchs Necronomicon (H P Lovecraft’s Necronomicon). Il apparaît dans la seule séquence dépourvue de créatures, l'épisode The Cold, mais il est lui-même soumis à une effrayante et fatale transformation dans le rôle du Docteur Madden, glacial dans tous les sens du terme, qui croit avoir trouvé un moyen bien peu éthique de prolonger sa vie, même si un sentiment amoureux naissant le mènera à sa perte. Sa présence, en dépit des difficultés de communication avec un metteur en scène japonais ne parlant pas anglais et ayant quitté le tournage en cours, rend l’épisode tout aussi intense et passionnant que ceux révélant des êtres d’un autre monde qui l’encadrent.
En 1991, l’acteur livre dans l'épisode Hair du téléfilm à sketchs Petits cauchemars avant la nuit (Body Bags) de John Carpenter une merveilleuse prestation en hâbleur promoteur d’une lotion miracle, à la chevelure assez exubérante, le Docteur Lock, face à Stacy Keach habitant physiquement son rôle d’homme obnubilé par la perte de ses cheveux, les deux acteurs composant un superbe duo emportant totalement l’adhésion du spectateur à cette histoire fantasque, le remède allégué consistant en réalité en l’implantation de milliers de petits vers extraterrestres venus coloniser les habitants de notre planète.
John Carpenter fait de nouveau appel à lui pour L’Antre de la folie (In the Mouth of Madness), interprétant le personnage un peu caustique du Docteur Wrenn de l’hôpital psychiatrique face au détective privé interné joué par Sam Neill qui semble avoir perdu la raison à la suite de sa dernière enquête sur la disparition de l’écrivain d’épouvante à succès Sutter Cane (Jurgen Prochnow) que lui a confiée son éditeur (Charlton Heston), mais il découvre finalement avec inquiétude que les assertions de son patient annoncent peut-être réellement un basculement de la réalité communément admise.
David Warner a aussi tourné dans nombre de séries ressortissant de l’imaginaire comme Twin Peaks, Star Trek : the Next Generation, Babylon V, Les Contes de la crypte (Tales of the Crypt, épisode The New Arrival), Lois and Clark : the New Adventures of Superman, Total Recall 2070 ou encore plusieurs saisons de Dr Who.
Il a aussi figuré au générique de quelques épisodes de la série Au-delà du réel : l’Aventure continue (The New Outer Limits). Dans l’épisode Ripper, il est un policier, l’inspecteur Harold Langford, qui enquête sur les méfaits de Jack L’Éventreur, qui s’avère en fait être comme dans l’épisode de la série Star Trek écrit par Robert Bloch Le loup dans la bergerie (Wolf in the Fold) une entité extraterrestre immatérielle possédant les êtres humains pour les pousser à commettre des crimes effroyables, et l’épilogue laisse penser que l’arrestation d’un coupable ne va pas mettre fin à ce cycle infernal. Dans l’épisode Virtual Future, l’intensité soudainement accrue de du regard de l’acteur traduit avec subtilité mais de manière indubitable pour le spectateur les pensées machiavéliques qui viennent à l’ambitieux financier Bill Trenton en entrevoyant la manière dont il va pouvoir utiliser la machine temporelle pour assouvir ses ambitions politiques. En 2013, il était apparu dans un épisode de la série britannique Dr Who, Destruction mutuelle assurée (Cold War) dans le rôle du Professeur Grisenko qui ramène sur un navire un bloc de glace qu'il croit contenir le corps d'un mammouth mais qui abrite en réalité un guerrier martien humanoïde - le scientifique s'avère aussi accessoirement grand amateur de musiques de variétés britanniques ; on peut relever que trois ans plus tôt, l'acteur avait prêté sa voix à un autre professeur dans un feuilleton radiophonique inspiré de la série qui évoquait déjà ces créatures reptiliennes.
David Warner demeurera une figure reconnaissable de la fiction, qui, sans avoir peut-être atteint au statut de célébrité en raison des seconds rôles dans lesquels il excellait mais qui ne l’amenaient que rarement au premier plan, aura néanmoins pu vivre de sa passion tout au long de son existence et restera partie prenante d’un grand nombre d’œuvres qu’on visionnera toujours avec plaisir.
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Il avait incarné le Gepetto moderne pour Ridley Scott
Blade Runner cumule aussi les disparitions récentes. En quelques années, le concepteur visuel Syd Mead, le créateur des effets spéciaux Douglas Trumbull, puis il y a peu le compositeur Vangelis, soit ceux qui avaient fait de ce film de Ridley Scott une œuvre tout à fait marquante comme H R. Giger, Ron Cobb et Jerry Goldsmith pour son chef-d'œuvre précédent Alien, sont de la même manière décédés. Il faut y ajouter la mort de l’acteur Joe Turkel à l’âge de 94 ans le 27 juin 2022, qui interprétait le concepteur des humains artificiels, Eldon Tyrell – personnage qui était lui-même un androïde conçu en remplacement de son créateur défunt lors la phase de préproduction du film, exactement comme le savant interprété par Klaus Kinski dans Android.
Dans une scène-clé, le chef des répliquants rebelles, Batty (Rutger Hauer), venait lui demander des comptes, s’indignant qu’il n’ait alloué à ses créations qu’une durée de vie fixée à quatre ans – afin d’éviter qu’ils s’émancipent – telle la Créature de Frankenstein insatisfaite de son sort et réclamant que celui qui l’avait fait naître en usant des capacités de la science lui alloue une existence plus digne. Devant l’impossibilité de repousser l’échéance programmée, le révolté assassinait son créateur dans un geste parricide en lui broyant les yeux (scène très édulcorée dans la version d’origine), une vengeance à l’encontre d’un démiurge indifférent au ressenti de ses créations, lequel pourrait aussi symboliser tous ceux comme les professeurs d’université ou les employeurs qui détiennent entre leurs mains le destin d’individus tributaires de leurs décisions, un pouvoir qu’il peut leur arriver d’exercer sans équité au détriment de ces derniers.
La participation à un film dont Joe Turkel était le plus fier était son rôle du soldat Pierre Arnaud dans Les sentiers de la gloire (Paths of Glory) de Stanley Kubrick, cette dénonciation du sacrifice imposé aux soldats de la Première Guerre mondiale – une production à laquelle fut associé le futur producteur de la série Derrick, Helmut Ringelmann. Turkel fut l’un des deux seuls acteurs à apparaître au générique de trois films de Kubrick, l’un d’eux étant l’adaptation du roman de Stephen King Shining (The Shining). L’acteur y jouait un barman fantôme, interlocuteur fantasmatique ou surnaturel du père de famille engagé pour garder un hôtel de montagne durant l’hiver, Jack Torrance (Jack Nicholson). Joe Turkel était aussi apparu dans d’autres films comportant des personnages fantastiques, à l’occasion de deux petits budgets de Bert I. Gordon, Tormented dans lequel il faisait chanter un homme (Richard Carlson) ayant laissé sa maîtresse se noyer et que celle-ci tourmentait sous forme de fantôme et Le Village des Géants (Village of The Giants) au ton plus léger dans lequel il exerçait la difficile fonction de shérif d’une bourgade tombée sous la coupe d’adolescents ayant ingéré un produit les ayant fait devenir gigantesques, leur permettant d’imposer leurs exigences pré-soixante-huitardes. Au début des années 1990, il était apparu dans Dark Side of the Moon, un film de série B dans lequel les occupants d’une colonie lunaire étaient en butte à des manifestations diaboliques, et qui fut distribué en France en vidéo sous le titre Parasite, risque de confusion potentiel avec le film homonyme réalisé par Charles Band dix ans plus tôt.
Rutger Hauer et Joel Turkel posent devant le poster du film Blade Runner qui leur a offert une scène mémorable.
Maffieux et créatures dangereuses
Décédé le 25 juillet 2022, à l'âge de 83 ans suite à une lente détérioration de sa santé, l’acteur américain d’origine napolitaine Paul Sorvino qui était apparu en même temps que David Warner dans le téléfilm Houdini en 1988, avait surtout prêté son visage à des personnages de gangsters. Son rôle le plus célèbre était celui de Paul Cicero dans Les affranchis (Goodfellas) de Martin Scorcese aux côtés de Robert de Niro et de Ray Liotta disparu un peu plus tôt, fonction représentative qu’il avait acceptée avec réticence en raison de l’image négative qu’elle pouvait accoler à son milieu d’origine, ce qui ne le dissuada pas d’interpréter ensuite le mafieux Frank Costello dans la série Godfather of Harlem depuis 2018, et il joua également un gangster dans le film Rockeeter et un autre aux lèvres surdimensionnées, Lips Manlip surnommé Face d’huître, parmi la galerie de malfrats aux traits caricaturaux de l’adaptation cinématographique de la bande dessinée Dick Tracy. Il avait à l’occasion interprété quelques personnages plus officiels, un shérif dans American impekable (American Perfekt) et un révérend dans Terreur froide (Chiller) de Wes Craven, téléfilm dans lequel un jeune homme qui a été cryogénisé s’avère avoir perdu toute valeur morale – l’expérience récente a tristement démontré que le simple effet de l’angoisse diffuse depuis la pandémie virale du Covid avait induit le même effet chez beaucoup dont on pensait le psychisme plus équilibré. D’autres rôles étaient davantage interlopes, comme celui de Mahoney dans Le jour du dauphin (Day of the Dolphin) de Mike Nichols, un faux journaliste qui s’avère en fait un agent du FBI prévoyant d’utiliser des cétacés dressés pour assassiner le président des États-Unis, voulant profiter de manière cynique des travaux sur la communication avec ces animaux très intelligents du Dr Terrell (George C. Scott). Il incarne aussi le célèbre secrétaire d’État à la défense Henry Kissinger au côté d’Anthony Hopkins dans le rôle-titre de Nixon d’Oliver Stone, mais son personnage assez controversé y est présenté comme ignorant des manigances de l’homme d’État, et ce dernier qui fut contraint à la démission est lui-même rendu d’une manière un peu nuancée – de la même manière d’ailleurs qu’Hopkins avait incarné dans le second remake des Révoltés du Bounty un Capitaine Bligh échappant quelque peu à une vision trop manichéenne de la célèbre mutinerie. L’acteur apparaissait aussi ponctuellement dans nombre de séries policières comme Clair de Lune et Arabesque.
Un journaliste joué par Paul Sorvino qui s'intéresse un peu trop près aux recherches sur l'intelligence des dauphins, s'avérant en réalité un agent du FBI dans Le jour du dauphin (Day of the Dolphin) de Mike Nichols.Les deux dirigeants de la société commercialisant le "Stuff" (Alexander Scourby dans son dernier rôle - qui a pour l'anecdote brièvement tourné dans Le Gendarme à New-York - et Patrick O'Neal au second plan) contraints sous la menace par le petit groupe de justiciers de gôuter leur produit après avoir assuré qu'il n'était pas dangereux.
Acteur italien décédé le 28 mai 2022 à l’âge de 83 ans, Marino Masé avait joué dans nombre de films italiens parfois célèbres, comme en 1963 dans Le Guépard et dans Les monstres, et il avait tourné plus récemment dans le troisième volet du Parrain (The Godfather III). Il était aussi apparu dans la comédie Le gendarme à New-York mettant en vedette Louis de Funès dans le rôle du Sergent Cruchot, au sein de l’équipe des gendarmes italiens qui comptaient aussi des habitués des films autour de la vedette, Jean Droze et Dominique Zardi, et un journaliste américain en quête d’histoires pour ses lecteurs y mettait en scène une romance entre l’Italien et la fille de Cruchot (Geneviève Grad) venue incognito en Amérique. Les amateurs de films de monstres se rappellent qu’il tenait le premier rôle du film Contamination (Alien Contamination) de Luigi Cozzi, s’efforçant de contrer l’envoi d’une arme bactériologique destinée à détruire l’humanité conçue par un cyclope martien, lequel finissait par l’avaler vivant à la grande satisfaction du cosmonaute Hamilton soumis à l’influence de la créature et qui était joué par Siegfried Rauth – que les spectateurs français ont pu voir notamment dans plusieurs épisodes de la série Inspecteur Derrick. Il réalisait aussi des adaptations des dialogues pour des doublages.