mercredi 19 janvier 2022

TEMPS X FUGIT



Les Frères jumeaux Igor et Grichka Bogdanov présentant l'émission "Tempx X" dans leur costume argenté, à l'époque où certains estimaient leur allure androgyne, avant qu'ils ne modifient leur apparence de manière radicale.


Une émission légendaire

Personne n’ignore la disparition des Frères Bogdanov, le 28 janvier 2021 pour Grichka, le 3 janvier 2022 pour Igor. Ils avaient créé à la fin des années 1970 avec la collaboration de Jean-Yves Casgha, rédacteur en chef et chroniqueur, une célèbre émission télévisée consacrée à la science-fiction et à la vulgarisation scientifique sur la Chaîne TF1, « Temps X », après avoir présenté le genre dans une chronique grâce au présentateur du journal télévisé Yves Mourousi, à la suite d'un premier passage dans l'émission de divertissement pour la jeunesse "Un sur Cinq" de Patrice Laffont. Les deux jumeaux contribuèrent à rendre populaire le genre en France à la suite d’Henry-Georges Gallet qui avait importé les auteurs américains dans l’après-guerre avec sa collection « Le rayon fantastique », Jacques Bergier qui avait fait connaître H.P. Lovecraft dans l’Hexagone, Gérard Klein qui avait créé la collection « Ailleurs et Demain » ou encore Jacques Goimard et sa « Grande Anthologie de la Science-Fiction » et Jacques Sadoul qui a aussi fait beaucoup dans le domaine et auquel un hommage a été consacré ici suite à sa disparition en janvier 2013. L’émission dura d’avril 1979 à juin 1987. Habillés en cosmonautes dans un vaisseau spatial dans lequel un certain Frank Dubosc promis à une carrière comique faisait de la figuration, les deux frères présentaient des extraits de films comme La Mouche noire, La Marque et Eraserhead, des reportages d’Alain Carrazé tournés en Angleterre et aux États-Unis sur les films du genre qui sortaient tels Alien et Dark Crystal, et sur des créateurs d'effets spéciaux comme Richard Edlund et Carlo Rambaldi, consacraient des entretiens à des grands écrivains de science-fiction comme Arthur C. Clarke, Philippe Curval et Gérard Klein, et diffusaient des épisodes de séries renommées comme La Quatrième dimension (The Twilight Zone), Au-delà du réel (The Outer Limits) et Le prisonnier. A des millions d'années lumière de la télévision actuelle - même s'il a pu récemment leur arriver d'apparaître à l'écran au côté de l'animateur Cyril Hanouna, chaque numéro de « Temps X » se concluait par une question philosophique portant le téléspectateur à réfléchir et lui faisant prendre conscience de la place modeste qu'il représentait du point de vue de l'infini du temps et de la vastitude de l'espace cosmique. Habituellement diffusé le samedi après-midi, le magazine avait fini par être relégué à des horaires variables, en soirée et à heure pas très régulière, ce qui avait constitué une première entrave fâcheuse à l’assiduité du public. Certaines émissions pouvaient en revanche être quelquefois surprenantes voire décevantes comme celle prometteuse sur la vie extraterrestre qui était principalement articulée autour d'un dessin animé destiné à la jeunesse, Le Secret des Sélénites de Jean Image. Les Bogdanov avaient aussi annoncé dans la presse un certain nombre d'épisodes de la série britannique Dr Who qui avaient été doublés en français, mais ils seront finalement diffusés dans le plus grand anonymat à 6 heures le dimanche après l'arrêt de l'émission, relegués à une case vacante de la grille des programmes pour la jeunesse pour un hypothétique public matinal. 

Le vaisseau spatial miniature du générique de l'émission "Temps X".

Pascal Pinteau a créé le navire, qui a été filmé par Jean-Manuel Costa.

                             

Etant également maquilleur, Pascal Pinteau a conçu à l'occasion quelques maquillages notamment pour une fiction diffusée dans le magazine, dont celui-ci appelé "bacille métalorphe", un masque en latex avec un système diffusant un liquide gluant, et qui était muni d'une pompe afin de permettre à l'interprète de respirer.

La minisérie Astrolab 22 qui avait été produite par TF1 en 1985 et qui bénéficiait de trucages de Jean-Manuel Costa, diffusée dans le magazine, avec Pierre Londiche dans le rôle du Professeur Necker, était conçue comme une évocation pédagogique de la perspective des voyages spatiaux dans notre système solaire.

Jean-Yves Cashga, collaborateur des Bogdanov, présidant en 1994 à Cavaillon le Festival Science Frontière consacré aux témoignages de signes de vie après la mort, qui réunissait notamment le psychiâtre Raymond Moody ayant écrit un ouvrage célèbre sur le sujet et Rémy Chauvin, biologiste et scientifique atypique.

La privatisation de la Première chaîne semble avoir sonné indirectement le glas de l’émission. Dans une perspective de rentabilité, la direction décida de faire sponsoriser les programmes. Les Frères Bogdanov recentrèrent alors davantage l’émission sur la technologie de manière à intéresser de grandes sociétés industrielles, suscitant notamment l'ire du spécialiste scientifique de la chaîne, Michel Chevalet, qui commentait tous les lancements de fusées et s’estimait dès lors menacé sur son créneau. Il se pourrait qu'il ait eu quelque influence dans la décision d’arrêter l’émission qu’il voyait comme une menace pour ses attributions alors que la nouvelle direction n'estimait de toute façon visiblement pas qu'un magazine consacré à la science-fiction était suffisamment fédérateur pour une chaîne ambitionnant de devenir la première télévision du réseau européen de télédiffusion.

Alain Carrazé (à droite) pendant un reportage consacré au créateur d'effets spéciaux Richard Edlund, derrière lequel on peut apercevoir la tête d'un "chien de l'Enfer" du film S.O.S. Fantômes (Ghostbusters) à côté de l'affiche du film.


Tournage du film Dark Crystal, auquel un numéro de "Temps X" avait été consacré, mais nous fûmes probablement nombreux, particulièrement parmi les jeunes télespectateurs, à ne pas avoir eu l'occasion de le visionner, suite à la programmation chaotique du magazine, renvoyé en seconde partie de soirée à heure variable, et jamais rediffusé, une grande frustration concernant une oeuvre cinématographique aussi singulière et dont la réalisation fut un véritable tour de force, employant un nombre important de manipulateurs sous des plateaux surélevés. Il semble que ni la chaîne ni les auteurs ne désirent particulièrement la diffusion des reportages du magazine sur les films fantastiques et de science-fiction. Il aura fallu pour beaucoup d'entre nous attendre que l'éditeur propose un documentaire sur l'histoire de la production de Dark Crystal en complément du film pour découvrir enfin les extraordinaires coulisses et l'énergie déployée par l'équipe de Jim Henson pour concevoir cette oeuvre (le lecteur intéressé par ce grand créateur peut se reporter à l'hommage consacré en ces pages pour le vingtième anniversaire de sa disparition en mai 2010).







Diffusion de scènes finales terrifiantes de films mettant en scène des créatures monstrueuses dans le magazine "Temps X" : de haut en bas, La Marque / Quatermass II (les deux photos du haut), classique de 1957 produit par la société britannique Hammer, avec les extraterrestres démasqués tentant d'asphyxier les ouvriers de l'usine en bouchant les conduits d'aération avec le corps de leurs collègues, la découverte du savant téléporté et accidentellement fusionné avec le corps d'un insecte, sur le point d'être dévoré par une araignée en sa toile dans La Mouche noire The Fly en 1958 et l'enfant monstrueux et souffreteux d'Earserhead Labyrinth Man, film expérimental de David Lynch en 1977 (les deux photos du bas).












L'émission des Bogdanov a permis aux téléspectateurs de découvrir des séries célèbres mais demeurées invisibles en France, à commencer par un grand nombre d'épisodes de La Quatrième dimension (The Twilight Zone) dans lesquels le Fantastique s'enracine principalement dans la psychologie des personnages. Ces épisodes à la conclusion souvent assorties d'une morale étaient introduits par le créateur Rod Serling (photo du haut). Sont présentées ici quelques images renvoyant à certains des épisodes les plus marquants diffusés : L'abri (The Shelter) dans lequel une fausse alerte nucléaire amène des voisins à s'entredéchirer, une situation qui renvoie à l'actuelle pandémie qui a suscité bien des changements psychologiques aussi inattendus que détestables ; deux épisodes empreints de nostalgie avec un homme quelque peu désabusé qui se retrouve face à lui-même enfant dans Souvenir d'enfance (Walking Distance) et son homologue qui aspire à une vie moins stressante en rêvant d'un petit village idyllique qui n'existe peut-être que dans son imagination dans Arrêt à Willoughby (Stop to Willoughby), en dessous, Barry Morse (l'interprète du scientifique Victor dans la première saison de la série Cosmos 1999 (Space 1999) de Gerry Anderson) joue le détenteur cynique d'un piano magique capable de faire surgir le vrai visage de chacun (les deux photos suivantes) dans Un piano dans la maison (A Piano in the House) ; en dessous, Burgess Meredith dans un épisode cruel, Question de temps (Time Enough at Last), incarne un homme opprimé qui voit la fin du monde comme une opportunité pour lire enfin tranquillement jusqu'à ce que ses lunettes se brisent, puis compose un bibliothécaire harassé par une société totalitaire et utilitariste face à un procureur impitoyable incarné par Fritz Weaver qui décide que sa vie est inutile et doit être abrégée par l'Etat dans L'Homme obsolète (The Obsolete Man) anticipant de deux ans le roman Fahrenheit 451 de Ray Bradbury sur un sujet voisin ; les trois dernières photos mettent en scène un autre acteur réputé, Kevin McCarthy (voir l'hommage qui lui fut consacré ici en octobre 2010) dans Longue vie, Walter Jameson (Long Live, Mister Jameson), interprétant un historien qui connaît bien le passé pour l'avoir vécu grâce à sa très longue longévité avant que son âge réel le rattrappe subitement lorsqu'une ancien compagne délaissée après être devenue vieille vient l'empêcher de causer la désillusion d'une autre femme, un thème évoqué ultérieurement dans le film Highlander.






Parmi les autres séries proposées figuraient la vingtaine d'épisodes alors traduits d'Au-delà du réel (The Outer Limits), série contemporaine de La Quatrième dimension créée par Leslie Stevens et Joseph Stefano qui représentait pour la Science-fiction ce que cette dernière était pour le Fantastique, un programme inventif au budget modeste, comportant aussi bien des histoires originales que des adaptations d'oeuvres littéraires et s'achevant sur une fin souvent surprenante. Elle se caractérisait en outre par la présence fréquente de créatures monstrueuses. En haut, Donald Pleasance dans L'Homme qui détenait la puissance (The Man with a Power) interprète un homme effacé, malmené par son employeur et son épouse, qui obtient un pouvoir télékinésique. Les deux photos suivantes montrent la mésaventure d'un savant interprété par David McCallum qui a accéléré l'évolution des gènes de l'espèce humaine sur son organisme, se retrouvant avec un cerveau très développé mais le processus s'emballe en suscitant la vive et bien compréhensible inquiétude de sa fiancée, au cours de cet épisode qui est sans doute le plus connu de la série. Les photos suivantes montrent quelques créatures d'autres épisodes diffusés par les Bogdanov, les extraterrestres pacifiques fuyant le régime totalitaire de leur planète dans La pierre de lune (Moonstone), la pousse de fougère transformée par une entité extraterrestre dans Contrepoids (Counterweight) qui prévient les astronautes d'un centre d'entraînement que toute tentative de conquête de l'espace sera durement réprimée, et le microbe géant découvert dans un engin d'exploration interplanétaire dans Enquête sur un mystère (The Probe) dans lequel apparaissait brièvement sans être crédité l'acteur William Boyett évoqué dans l'article de décembre 2009.

 



Les épisodes de la série créée et interprétée par Patrick McGoohan Le Prisonnier (The Prisoner) dans le rôle-titre du "Numéro 6", remontant également aux années 1960 mais tournée en couleur, dans lequel un ancien agent secret est détenu dans un village (la série est tournée à Portmeirion, village du Pays de Galles au style architectural particulier) dont les dirigeants occultes tiennent apparemment à lui extorquer des secrets, furent aussi diffusés dans l'émission. Ils s'achevaient inévitablement par le commentaire d'un des Jumeaux "ainsi, les grilles du village se referment une nouvelle fois sur ce malheureux prisonnier", jusqu'à l'épilogue (photo du bas) dans lequel il est révélé que cette mise en scène n'avait finalement pour dessein que de tester la fiabilité de l'intéressé avant de lui proposer d'adhérer à leur organisation secrète alors même que son dernier tourmenteur, le Numéro 2 joué par Leo McKern (à gauche sur la photo) tombait en disgrâce pour avoir échoué dans sa mission.





Temps X a aussi diffusé deux courts-métrages de Jean-Manuel Costa, La tendresse du maudit, sur une gargouille de pierre qui s'anime, dans une atmosphère évoquant quelque peu Notre-Dame de Paris et son bossu solitaire,(les trois photos du haut) et Le Voyage d'Orphée, célèbre légende mythologique, dont la restitution est l'occasion d'un bel hommage aux films agencés par Ray Harryhausen, dans lequel le célèbre poète de l'Antiquité incapable de ramener sa bien-aimée Eurydice du monde des morts sans se retourner comme il s'y était engagé déchaîne la puissance infernale (quatrième photo), une scène tragique orchestrée par Jean-Manuel Costa (photo du bas) qui a aussi réalisé le générique de "Temps X" (lien vers son site officiel : https://www.jeanmanuelcosta.com/)  

Les Frères Bogdanov reviendront cependant brièvement avec un magazine de vulgarisation scientifique « Futurs » sur TF1 en 1989 et 1990 avant de céder la place à leurs doubles virtuels dans un court programme similaire, Rayons X, diffusé sur la deuxième chaîne française, mais ils ne retrouveront jamais une émission traitant de science-fiction qui aurait pu avoir sa place sur le service public. Ils avaient écrit divers ouvrages scientifiques dont l’un en collaboration avec le philosophe chrétien Jean Guitton, ainsi notamment que « L’effet science-fiction » dans lequel ils s’interrogeaient sur la réticence des décideurs, et notamment des politiques qu’ils avaient interrogés.


Après Clefs pour la science-fiction, les Bogdanov avaient signé, à l'époque en orthographiant leur nom Bogdanoff, leur fameux essai L'effet science-fiction, qui révélait notamment que les hommes politiques français n'éprouvaient guère d'attrait pour le genre parce que tout ce qui se rapportait au futur, à une époque à laquelle ils auront disparu comme leur a déclaré Simone Veil, leur faisait peur - en contrepartie, leur manque de vision à long terme est souvent très problématique.


Les Bogdanov avaient occasionnellement écrit eux-mêmes de la fiction avec leur roman La mémoire double en 1985 qui jouait sur le titre en faisant apparaître l'image des Jumeaux sur la couverture. L'histoire préfigurait quelque peu le film Matrix avec sa réalité virtuelle dans laquelle est plongé son protagoniste, même si le sujet de la manipulation mentale d'un agent secret, cette fois au travers du conditionnement et de décors artificiellement recréés, constituait l'intrigue du film Project X de William Castle en 1968.



Les Jumeaux avaient reporté leur aspiration à la vulgarisation sur des parutions illustrées d'images infographiques, un ouvrage sur les extraterrestres dans la lignée de Jack Cohen, un autre sur les derniers jours des dinosaures et un troisième sur le temps, mais ils privilégieront le thème de l'origine de l'univers qu'ils ont tenté d'approcher au travers de leurs travaux universitaires.


Les Bogdanov ont écrit un certain nombre d'ouvrages scientifiques donnant corps à la vision de Descartes selon laquelle l'univers était d'abord une abstraction mathématique élaborée par le Créateur, une vision quasi-mystique qui fut accueillie fraîchement pas leurs confrères ; en bas à droite, l'essai Avant le Big Bang préfacé par leur ami Luc Ferry, philosophe et ancien ministre de l'Education nationale. Certains ont aussi considéré qu'au travers des différents titres, les auteurs empressés de diffuser leur thèse refaisaient toujours plus ou moins le même livre.


Des profils intrigants

Les Bogdanov étaient parvenus à demeurer extrêmement populaires, en dépit des nombreuses controverses qui s’attachaient à eux, la mise en cause de la rigueur de leurs travaux de recherche universitaire portant notamment sur l’origine de l’univers, des accusations de plagiat par des confrères, de voies de faits commises par Igor à la suite de sa séparation avec une compagne, et d’escroquerie à l’encontre d’une personne qui s’est donnée la mort, qu'il voulaient associer à divers projets ambitieux et coûteux dont la relance de l'émission "Temps X" sur la chaîne You Tube. Ceux-là accusèrent à leur tour l'entourage de la victime de manipulation ayant amené à son geste fatal. Il apaprtient à la justice d'établir la vérité, l'enquête se poursuivant en questionnant les proches impliqués indirectement. L’évolution spectaculaire du physique des Jumeaux était aussi un sujet de discussion, l’épaississement de leur menton et le développement impressionnant des pommettes notamment chez Grichka, ayant fait penser à un dysfonctionnement physiologique connu sous le nom d’acromégalie. Les intéressés avaient un temps évoqué leurs origines mêlées, notamment un père afro-américain, dont l'expression des gènes s'affirmait davantage au fil du temps, pour justifier ces caractéristiques de plus en plus marquées, puis avaient laissé entendre qu’ils expérimentaient un traitement novateur qui devait leur permettre de vivre bien au-delà de la longévité humaine ordinaire, peut-être plusieurs siècles, mais leur ami le philosophe et ancien ministre Luc Ferry a finalement révélé qu’ils avaient eu recours à l’implantation d’une prothèse pour accroître un menton jugé pas assez prononcé et concrétiser une ressemblance avec un ancêtre slave, puis à l’injection de botox pour amoindrir les effets du vieillissement. Le triste paradoxe est qu’ils s’étaient ainsi prêtés à ces interventions chirurgicales et esthétiques mais qu'ils n'accordaient par contre pas suffisamment de confiance en la médecine pour se faire vacciner contre le COVID, estimant dans la lignée du controversé Professeur Raoult de Marseille qu’un bon état de santé suffirait à les prémunir contre les effets graves d’une contagion par le virus ravageur.


Les Frères Bogdanov au début de leur incroyable évolution physique

Tout en conservant une maison dans le Gers, les Frères Bogdanov étaient très implantés dans le milieu parisien et nombre de célébrités se pressèrent lors des funérailles. Ils étaient cependant moins présents sur les réseaux sociaux, ce qui n’a pas permis d’obtenir un entretien pour le blog. Demeure cependant le souvenir notable de « Temps X », et ce site continuera dans son sillage à proposer ici, autour de la thématique des créatures, ce mélange entre imaginaire et vulgarisation scientifique à la fois exigeante et critique, dans un éclectisme aspirant à réunir un riche lectorat.

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Parmi les invités de l'émission « Temps X » figura notamment le dessinateur Jean-Claude Mezières qui vient de disparaître le 22 janvier 2022 à l'âge de 83 ans, lequel avait reçu les encouragements et le soutien d'Hergé à l'âge de 15 ans. Il était particulièrement connu pour ses bandes dessinées de science-fiction ayant quelque imprégnation humoristique, Valérian et Laureline, fruit d'une collaboration prolongée avec le scénariste Pierre Christin, également associé de longue date avec Enki Bilal. Les personnages avaient été portés à l'écran en 2017 sous le titre Valérian et la Cité des 1000 planètes par le cinéaste Luc Besson, recourant comme son habitude à des trucages essentiellement infographiques. 


Une collaboration à long terme entre Jean-Claude Mezières (à droite sur les photos) et Pierre Christin (à gauche), et entre eux sur la photo du haut, Evelyne Tranlé, soeur de l'artiste et coloriste des albums.

                                   Les principaux protagonistes des aventures de Valérian.

Jean-Claude Mezières avait publié un album recensant un certain nombre des créatures imaginées pour la saga, Les Habitants du Ciel, dont voici un florilège des plus originales : 







Créatures de la saga Valérian : de haut en bas, un Glampum'tien, un Shalafut de Bromm, un Shalafut dédoubleur, un Marcyam, une autre créature aquatique, un Zypanon et un Tüm Tüm de Lüm.

entretien dans « Temps X »: https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/video/i11073479/jean-claude-mezieres-a-propos-de-valerian-et-des-empires-galactiques

site officiel : https://www.noosfere.org/mezieres/

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L'actrice Yvette Mimieux est décédée dans la nuit du 17 janvier 2022 à l'âge de 80 ans. Elle était surtout connue des amateurs de cinéma de science-fiction pour son rôle de Weena, une femme du lointain futur dans l'adaptation cinématographique par George Pal en 1960 de La machine à explorer le temps (Time Machine) d'après le roman d'Herbert George Wells. Elle renoua avec le genre en interprétant le Docteur Kate McKrae en 1979 dans Le Trou noir (The Black Hole) de Gary Nelson, dans lequel elle était encore une femme attirante.





Yvette Mimieux dans le rôle de Weena que vient secourir le voyageur du temps interprété par Rod Taylor, et qui lui montre grâce à un anneau précurseur des DVD des images des époques passées. En dessous, la belle et la bête, Weena menacée par un Morlock, issu d'une autre lignée future de l'humanité, descendants effrayants des classes laborieuses, dont le maquillage a été créé par William Tuttle.



Le Dr McKrae s'efforce de percer la personnalité du Dr Hans Reinhardt (Maximilien Schell), un explorateur forcéné de l'espace dont les robots dissimulent un terrible secret.


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samedi 4 décembre 2021

UN ACTEUR SOURCILLEUX

L’acteur américain Dean Stockwell, décédé le 7 novembre 2021 à l’âge de 85 ans, était reconnaissable à ses sourcils broussailleux qui lui conféraient une expression sentencieuse. Il avait débuté au cinéma dès l’âge de 7 ans sous l‘impulsion de son père, l’acteur Harry Stockwell. Il fut notamment l’interprète principal du Garçon aux cheveux verts (The Boy with the Green Hair) de Joseph Losey en 1948, une fable sur la différence qui sera par la suite perçue comme une préfiguration de la dénonciation du maccarthysme. Comme nombre d’enfants dont la jeunesse fut happée par le cinéma, Dean Stockwell éprouva une certaine lassitude des plateaux de tournage, qui l’incita à voyager dans le pays durant plusieurs années avant de retrouver le chemin des studios et de faire à nouveau nombre d’apparitions sur les écrans.


Un enfant singularisé par la couleur peu commune de sa chevelure.

En 1959, il est distingué pour sa participation au Génie du mal d’Orson Welles. En 1970, il incarne Wilbur Whateley, célèbre personnage imaginé par H P Lovecraft, dans Horreur à volonté (The Dunwich Horror) réalisé par Daniel Haller, un proche de Roger Corman, d’après la novella L’Abomination de Dunwich (The Dunwich Horror). Contrairement au texte originel, il n’est pas un hybride doté de parties monstrueuses procréé par sa génitrice s’étant livrée à un rite surnaturel, et jumeau de la créature gigantesque abritée dans la grange, mais un simple fanatique sacrifiant des jeunes filles à l'être effroyable grâce à l’atmosphère hippie propice à faire venir à la ferme familiale des étudiantes trop confiantes. Les séquences suggérant la présence de l’être invisible sont malheureusement montées de manière assez répétitive, sans l’efficacité de son équivalent dans Planète interdite (Forbidden Planet) ; quant au monstre lui-même, il s’avère assez décevant lorsqu’il se matérialise, consistant en réalité en la tête de l’acteur couverte par une barbe d’allure factice et harnachée par des excroissances l’encadrant figurant des têtes de serpent comme celles de la gorgone et des prolongements tentaculaires s’achevant par des griffes.



Wilbur Whatekey vient consulter à la bibliothèque de Miskatonic l'ouvrage ésotérique dénommé Nécronomicon afin de s'en inspirer pour ses rites, mimant les cornes du bouc satanique au moment du sacrifice.


Le  Monstre de Dunwich promis par l'affiche est incarné par l'acteur pourvu d'un postiche.

Dean Stockwell s’illustre ensuite dans une œuvre à l’inspiration cette fois implicitement anti-communiste avec Le loup-garou de Washington (The Werewolf of Washington) en 1973 qui s’apparente à une fable politique, dans lequel son personnage, Jack Whittier, un proche du Président des États-Unis et fiancé à sa fille, est attaqué par un loup-garou lors d’un séjour en Union soviétique et en revient contaminé par la lycanthropie qui le fait devenir à son tour un monstre s’attaquant au chef de l’exécutif.

                                       La métamorphose du Loup-garou de Washington.

Par la suite Dean Stockwell n’aura plus guère de rôle de premier plan sur le grand écran, même si son physique le rend aisément identifiable pour les spectateurs. David Lynch lui attribue le rôle du Docteur Wellington Yueh dans l’adaptation du roman Dune de Frank Herbert, conduit à une sombre manipulation pour se venger  de l'odieux chantage du Baron Harkonnen. Le réalisateur le reprend pour son fameux thriller Blue Velvet deux ans plus tard. En 1988, Dean Stockwell prête ses traits au célèbre milliardaire et producteur de cinéma Howard Hugues dans Tucker de Francis Ford Coppola.



Le  Docteur Yueh de Dune.

Dean Stockwell se distingue davantage sur le petit écran. En 1961, il joue un impitoyable Lieutenant Katell durant la guerre du Vietnam dans un épisode de La Quatrième Dimension (The Twilight Zone), La grandeur du pardon (A quality of Mercy). Il apparaît à l’occasion dans des épisodes de séries célèbre comme Arabesque (Murder, She Wrote), L’amour du risque (Hart to Hart), L’agence tous risques (The A-Team), Columbo (épisode Eaux troubles avec Patrick McNee, Robert Vaughn et Peter Maloney), ou encore Loïs et Clark : les nouvelles aventures de Superman (Loïs et Clark : The New Adventures of Superman). Il incarne en 1995 Bob Jenkins dans l’adaptation télévisée sous forme de deux épisodes des Langoliers (The Langoliers) de Stephen King par Tom Holland. Il y compose un personnage à l’esprit particulièrement analytique servi par un sang-froid sur lequel se reposent les autres protagonistes, constituant un excellent contre-point à l’atmosphère de mystère de ce récit intrigant transportant les passagers d’un avion hors du temps ; il est seulement dommage que les créatures voraces qui les menacent qu’avait réalisées l’équipe de Vincent Guastini aient été conformément à la bêtise habituelle des producteurs modernes remplacées par des animations virtuelles qui semblent tout droit échappées du jeu électronique Pac Man.


Les passagers du vol Los Angeles-Boston dans Les Langoliers sont confrontés à l'Inconnu, se laissant guider par Nick Hopewell (Mark Lindsay Chapman) qui s'efforce de garder son calme et fait bon accueil aux hypothèses élaborées par le romancier Bob Jenkins s'efforçant d'interpréter les phénomènes incroyables auxquels ils sont confrontés.



Bob Jenkins joué par Dean Stockwell est très attentif au moindre élément susceptible d'expliquer l'étrange aventure dans laquelle est plongé un petit nombre de passagers.


Le romancier Stephen King auteur des Langoliers (en haut) et le réalisateur Tom Holland (Vampire vous avez dit vampire, en version originale Fright Night) font une brève apparition à l'écran.

Un montage des créatures conçues par le studio de Vincent Guastini avant qu'il n'y soit substitués de pauvres erzats numériques.

L’acteur avait obtenu en 2006 un rôle récurrent dans la nouvelle mouture de la série Battlestar Galactica. Mais c’est au travers de la série Code Quantum (Quantum Leap) que Dean Stockwell a accédé à la reconnaissance du public. Dans cette série tournée entre 1989 et 1993, il interprète Al Qualvicci, présent sous forme d’hologramme, qui avec son air à la fois un peu sévère mais aussi sarcastique, tente de venir en aide au personnage principal joué par Scott Bakula dont l’esprit, à la suite d’une expérience scientifique devenue incontrôlable, habite provisoirement le corps de différentes personnes dans le passé, à un moment décisif de leur vie, s’efforçant d’agir dans leur intérêt et dans un sens toujours impeccablement "politiquement correct" pour l'édification du spectateur. Il n’est cependant pas interdit de préférer sur le même thème de l’homme amené à intervenir pour tenter d’éviter des drames la série Demain à la Une (Early Edition) dans lequel Gary Hobson (Kyle Chandler) reçoit tous les jours son quotidien avec un jour d’avance, lequel présage des tragédies qui doivent survenir le lendemain et qu’il tente d’éviter, avec une subtilité psychologique appréciable différant du ton un peu trop ouvertement moralisateur de la précédente. Néanmoins, Code Quantum avait consacré Dean Stockwell, puisque la série lui avait valu d’être honoré pour son rôle pas moins de neuf fois.

Les deux héros de Code Quantum, l'Amiral  Al Qualvicci (Dean Stockwell, à gauche) et le Docteur Sam Beckett (Scott Bakula), ballotté au fil du XXème siècle.

Dean Stockwell dans la nouvelle mouture de la série Battlestar Galactica.


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Le réalisateur américain Michael S. Laughlin décédé le 20 octobre à l’âge de 82 ans des suites de la contamination par la COV-ID était une personnalité respectée du monde du cinéma, producteur, scénariste et réalisateur, même si sa notoriété auprès du grand public était plus modeste. Il est surtout connu des amateurs de science-fiction pour son film de série B, Strange Invaders, qu’il avait écrit et dirigé en 1983, racontant l’invasion d’un petit bourg des États-Unis par des extraterrestres prenant apparence humaine, dans lequel figurait notamment Kenneth Tobey, héros dans les années 1950 des films La Chose d’un autre monde (The Thing from another world) et Le monstre vient de la mer (It came from beneath the Sea). Les envahisseurs y sont défaits par un petit groupe d’habitants déterminés et l’histoire aboutit à ce dénouement plutôt improbable voyant les résidents qui avaient été transformés en boules d’énergie bleutée recouvrer miraculeusement leur vraie forme. Les effets spéciaux de maquillage avaient été assurés par James Cummins auquel il a été rendu hommage en ces pages au moment de sa disparition en décembre 2010*. Le réalisateur avait déjà abordé en 1981 le thème de la suspicion au sein d’une petite communauté dans Strange Behaviour.


                                                    Le "cigare volant" des Envahisseurs.

              La suspicion grandit dans la petite communauté témoin d'étranges évènements.

Un petit village occupé par des extraterrestres dont des résidents (incarnés par Diana Scarwid et Kenneth Tobey sur la photo) se rebellent.


Un extraterrestre se défait de son déguisement humain pour dévoiler sa vraie face plutôt rébarbative.

 http://creatures-imagination.blogspot.fr/2010/12/james-cummins.html

lundi 27 septembre 2021

MONSIEUR SCOTT ET SON ETUDE DE PLEIN CHAMP


Scott Mardis posant devant un panneau indiquant les observations de l'insaisissable Champ. 

        Un cryptozoologue passionné nous a récemment quittés, Le 28 juillet 2021, Scott Mardis a succombé a une infection contractée lors d’un voyage dans le Vermont qui avait atteint sa jambe et lui causait de sérieuses douleurs. Il négligea de contacter un médecin comme si mère le lui avait conseillé – un attentisme qui causa également la fin prématurée de Jim Henson suite à une grave forme de pneumonie, comme on l’a évoqué dans l’article « Le maître des marionnettes » et de l’écrivain Manly Wade Wellmann avec une tragédie fort voisine ; les lecteurs se souviennent peut-être par ailleurs de la disparition de James Cummins évoquée en décembre 2010 des suites d'une scarlatine contractée elle aussi lors d'un tournage dans la nature. Lorsque la souffrance fut trop forte, Scott Mardis quitta vers deux heures du matin la chambre qu’il partageait avec sa femme à laquelle il était très attaché, en prétextant une ballade nocturne afin de ne pas l’inquiéter, et eut le courage de se rendre jusqu’à un parc où il demanda que quelqu’un le conduise à l’hôpital. Sa condition était si sérieuse qu’il fut nécessaire de l’amputer. Scott parut apparemment se remettre des suites de l’opération, mais au bout d’une semaine, son épouse Sandy constata qu’il avait sombré dans l’inconscience et il décéda peu après. Sa mère le fit incinérer dans l’Alabama.

        Scott était né le 28 décembre 1963 à Gadsden dans l’Alabama. Il s'était très jeune intéressé aux phénomènes mystérieux comme les soucoupes volantes et les hommes sauvages comme le Bigfoot ou "yéti américain", mais il finit par se focaliser principalement sur les monstres lacustres. Ayant étudié l’électronique au collège de Dotham, il s’installa à Philadelphie pour être employé par la Société Towers Records de 1988 à 1991. Après avoir emprunté à la bibliothèque municipale le livre Champ : Beyond the Legend de Joseph Zarzinsky, il partit s'établir dans le Vermont, trouvant à s'employer dans une épicerie, afin de se rapprocher du Lac Champlain dont il scrutait inlassablement la surface aux jumelles.

        Passionné par les créatures mystérieuses, il avait accumulé des masses de notes et de croquis, mais il en connaissait par cœur le contenu. Il avait étudié les cas fameux comme l’épave découverte dans les eaux de Nouvelle-Zélande par le chalutier japonais Zuiyo-Maru, vraisemblablement les restes d’un requin-pèlerin décomposé mais qui fut interprété par les plus imaginatifs comme le cadavre d’un plésiosaure disparu depuis l’époque des dinosaures, ainsi, en digne descendant d’Écossais, que le célèbre "Monstre du Loch Ness" – lui aussi popularisé comme un plésiosaure, plus rarement comme une version géante de l’étrange et fascinant "invertébré" disparu depuis le Carbonifère, Tullimonstrum, Scott Mardis m’indiquant les sources dans lesquelles cette audacieuse hypothèse était retenue, bien que les cryptozoologues qui croient en son existence l’interprètent plutôt comme un esturgeon de grande taille, voire une espèce inconnue de phoque géant qui aurait développé un long cou. Scott était persuadé qu’une créature inconnue vivait réellement dans le Lac Champlain, surnommée "Champ", après y avoir observé le 9 juillet 1994 un mystérieux objet mouvant de la taille d'un bateau. Il réfutait vigoureusement l’interprétation de certains de ses pairs l'identifiant en tant que Tanystropheus survivant du Trias, un reptile primitif très ancien caractérisé par son cou d’une longueur extraordinaire, inclinant davantage pour sa part pour l'hypothèse des plésiosaures. Bien que s’étant finalement établi en Floride pour y rejoindre celle qui devint sa femme, il se rendait sur le site au moins une fois par an, en dépit de difficultés financières dues à la perte de son emploi et de celui de son épouse, faisant appel aux dons pour financer ses expéditions et il avait réalisé un film sur son dernier déplacement, que ses amis proches sont en train de monter pour pouvoir le diffuser.


Le croquis que Scott Mardis a effectué à la suite de son observation d'un gros animal dans le Lac Champlain en juillet 1994.

En haut, une page d'un ouvrage que Scott Mardis m'avait obligeamment scannée, interprétant l'hypothétique Monstre du Loch Ness à partir de la curieuse photographie prise en 1933 par Hugh Gray en tant que version géante de l'énigmatique animal aquatique à corps mou de l'époque carbonifère représenté au-dessous, Tullimonstrum, avec de supposés points de recoupement ; ci-dessus, photo publiée par Scott Mardis pour illustrer cette prétendue analogie avec une sculpture de l'animal par l'artiste Patrick May (http://www.etsy.com/shop/Paleocasts) qui est établi dans l'Illinois où a été découvert le fossile et qui lui est propre, lequel figure comme emblême sur l'écusson des pompiers de  l'Etat 

        Scott Mardis était apparu dans un certain nombre de documentaires en tant qu’investigateur pour parler de cryptozoologie, comme dans America’s Loch Ness Monster en 2007, Cryptid Hunt en 2008, Doomsday at Yellostone et Return of the Ice Monster en 2018 ainsi que dans les séries Monsterquest en 2007, On the Trail of Champ et Strange Evidence en 2018, Bizarre Base Broadcast et Monsters Across America en 2020. il intervenait sur le sujet dans des émissions de radio et de télévision. Il était également cité dans des ouvrages tels que Monsters Hunters de Tea Krulos et Cryptid Creatures : A Field Guide par Kelly Milner Halls.  



Scott Mardis à l'honneur dans un numéro de mars 1997 d'un quotidien du Vermont en tant que chercheur étudiant la mystérieuse créature du Lac Champlain, quatre mois seulement avant qu'il n'aperçoive le monstre au centre de ses intérêts – on peut voir affichée à l'extrême gauche en haut un schéma figurant la carcasse putréfiée découverte par le chalutier japonais Zuiyo-Maru ; en dessous, photo plus récente de Scott intervenant dans un documentaire.

Exposé de Scott (les sous-titrages automatiques en anglais peuvent être sélectionnés dans les paramètres) :

        Scott Mardis était loin d’être un sympathique excentrique, sa connaissance des reptiles marins était très étayée, se comptant parmi les brillants autodidactes férus de paléontologie comme Stephen Czerkas auquel il a été rendu hommage en ces pages suite à sa disparition, et il avait œuvré comme volontaire dans le département de paléontologie des Vertébrés à l'Académie des sciences naturelles de Philadelphie. Le chercheur indépendant avait fait paraître sur le site scientifique Academia un article examinant avec sérieux l’hypothèse fort controversée de la survie de plésiosaures jusqu’à notre époque, Perspectives on the Living Plesiosaur Controversy (http://www.academia.edu/7557849), en fournissant des éléments susceptibles de conforter cette interprétation, comme la découverte récente de fossiles de ces animaux permettant de penser que certains d’entre eux étaient, à rebours de ce qu’on pensait, susceptibles de vivre en eau douce – quant au fait que les témoignages décrivent rarement la supposée créature à terre, ce site a rendu compte en son temps de la mise en évidence récente qu’à l’instar des ichtyosaures totalement profilés pour la vie océanique, tous les reptiles marins éteints étaient vivipares, à la différence des tortues qui reviennent chaque année enfouir leurs œufs sur les plages, ce qui peut expliquer qu’aucun "Monstre du Loch Ness" ne soit jamais venu pondre sur les berges du Loch, si ce dernier existe naturellement.


Scott Mardis dans le musée de la ville de Charlotte dans le Vermont, devant les restes d'un béluga découverts sur les rives du Lac Champlain, sujet sur lequel il avait rassemblé de la documentation en vue d'éclaircir le mystère de la provenance du squelette de ce cétacé marin (http://www.academia.edu/9546771/Marine_Animal_Access_To_Lake_Champlain).

Une illustration montrant un béluga, qu'un artiste a retouchée pour y inclure anachroniquement un plésiosaure à l'arrière-plan ; Scott affectionnait cette image laissant imaginer qu'un petit nombre de ces reptiles de l'Ere mésozoïque avait survécu à l'extinction du Crétacé jusqu'à nos jours, seulement vus de manière furtive par des témoins.

     Scott tenant une figurine de plésiosaure devant les berges du Lac Champlain.

        Scott au centre des visiteurs de la ville de Darien en Georgie, devant une sculpture de Rick Spears figurant une créature légendaire qui aurait été observée de nombreuses fois dans la région, ressemblant à un plésiosaure à deux nageoires, dénommée Altamaha-ha, en abrégé Altie (page du sculpteur : http://www.rickspearsart.com/altie.html).

        Scott était également un féru de cinéma d’épouvante et de science-fiction, ayant visionné un nombre considérable d’œuvres. En dehors de sa page Facebook consacrée aux monstres lacustres, The Zombie Plesiosaur Society, également titre d’un documentaire de 2020 dans lequel il figurait, il avait créé sur le célèbre réseau social une page mettant en lien bandes-annonces, films et téléfilms à visionner en ligne ressortissant de l’horreur et de l’imaginaire, That's All He Watches Are Those Goddamned Horror Movies !!, et il portait un regard sans condescendance et même enthousiaste sur les productions les plus modestes, parfois au-delà de ma propre compréhension pourtant grande pour les films à petit budget qui satisfont à une rigueur minimale. Il était expert pour dénicher les liens permettant de visionner dans le monde entier ces œuvres parfois très méconnues. Il avait aussi fondé un groupe de rock, "The Black Tryangul".

            Il n’est guère de ceux qui furent en contact avec Scott qui ne soient profondément attristés par sa disparition subite et n’en demeurent toujours chagrinés. Son affabilité et sa disponibilité rendaient les échanges plaisants et passionnants, et comme beaucoup, j’ai moi-même durant plusieurs années échangé avec lui aussi bien en ce qui concernait les créatures mystérieuses que la paléontologie et le cinéma de l’imaginaire. Il était si accessible que j’avais même rêvé que je me rendais pour un court séjour aux États-Unis et qu’il m’accordait l’hospitalité pour quelques nuits en mettant à ma disposition le divan de son salon, comme j’avais eu l’occasion de lui écrire, ce qu’il avait juste commenté par ce mot « étrange » – peut-être sous-estimait-il la sympathie qu’il suscitait et le rendait accessible, sa bonhommie qui transparaissait au travers d’échanges passionnants, donnant l'impression d’être un proche par-delà les distances. Scott demeurera notre ami dans nos souvenirs.



Hommage à Scott Mardis sur un site de cryptozoologie pour les anglophones : http://www.cryptozoonews.com/mardis-obit/

Note aux lecteurs anglosaxons : le titre a un double sens puisque "Champ" est à la fois le diminutif de la créature supposée du Lac Champlain, mais est aussi un mot français qui veut dire "field", soit aussi bien une culture agricole qu'un domaine d'étude en l'occurrence.