lundi 27 septembre 2021

MONSIEUR SCOTT ET SON ETUDE DE PLEIN CHAMP


Scott Mardis posant devant un panneau indiquant les observations de l'insaisissable Champ. 

        Un cryptozoologue passionné nous a récemment quittés, Le 28 juillet 2021, Scott Mardis a succombé a une infection contractée lors d’un voyage dans le Vermont qui avait atteint sa jambe et lui causait de sérieuses douleurs. Il négligea de contacter un médecin comme si mère le lui avait conseillé – un attentisme qui causa également la fin prématurée de Jim Henson suite à une grave forme de pneumonie, comme on l’a évoqué dans l’article « Le maître des marionnettes » et de l’écrivain Manly Wade Wellmann avec une tragédie fort voisine ; les lecteurs se souviennent peut-être par ailleurs de la disparition de James Cummins évoquée en décembre 2010 des suites d'une scarlatine contractée elle aussi lors d'un tournage dans la nature. Lorsque la souffrance fut trop forte, Scott Mardis quitta vers deux heures du matin la chambre qu’il partageait avec sa femme à laquelle il était très attaché, en prétextant une ballade nocturne afin de ne pas l’inquiéter, et eut le courage de se rendre jusqu’à un parc où il demanda que quelqu’un le conduise à l’hôpital. Sa condition était si sérieuse qu’il fut nécessaire de l’amputer. Scott parut apparemment se remettre des suites de l’opération, mais au bout d’une semaine, son épouse Sandy constata qu’il avait sombré dans l’inconscience et il décéda peu après. Sa mère le fit incinérer dans l’Alabama.

        Scott était né le 28 décembre 1963 à Gadsden dans l’Alabama. Il s'était très jeune intéressé aux phénomènes mystérieux comme les soucoupes volantes et les hommes sauvages comme le Bigfoot ou "yéti américain", mais il finit par se focaliser principalement sur les monstres lacustres. Ayant étudié l’électronique au collège de Dotham, il s’installa à Philadelphie pour être employé par la Société Towers Records de 1988 à 1991. Après avoir emprunté à la bibliothèque municipale le livre Champ : Beyond the Legend de Joseph Zarzinsky, il partit s'établir dans le Vermont, trouvant à s'employer dans une épicerie, afin de se rapprocher du Lac Champlain dont il scrutait inlassablement la surface aux jumelles.

        Passionné par les créatures mystérieuses, il avait accumulé des masses de notes et de croquis, mais il en connaissait par cœur le contenu. Il avait étudié les cas fameux comme l’épave découverte dans les eaux de Nouvelle-Zélande par le chalutier japonais Zuiyo-Maru, vraisemblablement les restes d’un requin-pèlerin décomposé mais qui fut interprété par les plus imaginatifs comme le cadavre d’un plésiosaure disparu depuis l’époque des dinosaures, ainsi, en digne descendant d’Écossais, que le célèbre "Monstre du Loch Ness" – lui aussi popularisé comme un plésiosaure, plus rarement comme une version géante de l’étrange et fascinant "invertébré" disparu depuis le Carbonifère, Tullimonstrum, Scott Mardis m’indiquant les sources dans lesquelles cette audacieuse hypothèse était retenue, bien que les cryptozoologues qui croient en son existence l’interprètent plutôt comme un esturgeon de grande taille, voire une espèce inconnue de phoque géant qui aurait développé un long cou. Scott était persuadé qu’une créature inconnue vivait réellement dans le Lac Champlain, surnommée "Champ", après y avoir observé le 9 juillet 1994 un mystérieux objet mouvant de la taille d'un bateau. Il réfutait vigoureusement l’interprétation de certains de ses pairs l'identifiant en tant que Tanystropheus survivant du Trias, un reptile primitif très ancien caractérisé par son cou d’une longueur extraordinaire, inclinant davantage pour sa part pour l'hypothèse des plésiosaures. Bien que s’étant finalement établi en Floride pour y rejoindre celle qui devint sa femme, il se rendait sur le site au moins une fois par an, en dépit de difficultés financières dues à la perte de son emploi et de celui de son épouse, faisant appel aux dons pour financer ses expéditions et il avait réalisé un film sur son dernier déplacement, que ses amis proches sont en train de monter pour pouvoir le diffuser.


Le croquis que Scott Mardis a effectué à la suite de son observation d'un gros animal dans le Lac Champlain en juillet 1994.

En haut, une page d'un ouvrage que Scott Mardis m'avait obligeamment scannée, interprétant l'hypothétique Monstre du Loch Ness à partir de la curieuse photographie prise en 1933 par Hugh Gray en tant que version géante de l'énigmatique animal aquatique à corps mou de l'époque carbonifère représenté au-dessous, Tullimonstrum, avec de supposés points de recoupement ; ci-dessus, photo publiée par Scott Mardis pour illustrer cette prétendue analogie avec une sculpture de l'animal par l'artiste Patrick May (http://www.etsy.com/shop/Paleocasts) qui est établi dans l'Illinois où a été découvert le fossile et qui lui est propre, lequel figure comme emblême sur l'écusson des pompiers de  l'Etat 

        Scott Mardis était apparu dans un certain nombre de documentaires en tant qu’investigateur pour parler de cryptozoologie, comme dans America’s Loch Ness Monster en 2007, Cryptid Hunt en 2008, Doomsday at Yellostone et Return of the Ice Monster en 2018 ainsi que dans les séries Monsterquest en 2007, On the Trail of Champ et Strange Evidence en 2018, Bizarre Base Broadcast et Monsters Across America en 2020. il intervenait sur le sujet dans des émissions de radio et de télévision. Il était également cité dans des ouvrages tels que Monsters Hunters de Tea Krulos et Cryptid Creatures : A Field Guide par Kelly Milner Halls.  



Scott Mardis à l'honneur dans un numéro de mars 1997 d'un quotidien du Vermont en tant que chercheur étudiant la mystérieuse créature du Lac Champlain, quatre mois seulement avant qu'il n'aperçoive le monstre au centre de ses intérêts – on peut voir affichée à l'extrême gauche en haut un schéma figurant la carcasse putréfiée découverte par le chalutier japonais Zuiyo-Maru ; en dessous, photo plus récente de Scott intervenant dans un documentaire.

Exposé de Scott (les sous-titrages automatiques en anglais peuvent être sélectionnés dans les paramètres) :

        Scott Mardis était loin d’être un sympathique excentrique, sa connaissance des reptiles marins était très étayée, se comptant parmi les brillants autodidactes férus de paléontologie comme Stephen Czerkas auquel il a été rendu hommage en ces pages suite à sa disparition, et il avait œuvré comme volontaire dans le département de paléontologie des Vertébrés à l'Académie des sciences naturelles de Philadelphie. Le chercheur indépendant avait fait paraître sur le site scientifique Academia un article examinant avec sérieux l’hypothèse fort controversée de la survie de plésiosaures jusqu’à notre époque, Perspectives on the Living Plesiosaur Controversy (http://www.academia.edu/7557849), en fournissant des éléments susceptibles de conforter cette interprétation, comme la découverte récente de fossiles de ces animaux permettant de penser que certains d’entre eux étaient, à rebours de ce qu’on pensait, susceptibles de vivre en eau douce – quant au fait que les témoignages décrivent rarement la supposée créature à terre, ce site a rendu compte en son temps de la mise en évidence récente qu’à l’instar des ichtyosaures totalement profilés pour la vie océanique, tous les reptiles marins éteints étaient vivipares, à la différence des tortues qui reviennent chaque année enfouir leurs œufs sur les plages, ce qui peut expliquer qu’aucun "Monstre du Loch Ness" ne soit jamais venu pondre sur les berges du Loch, si ce dernier existe naturellement.


Scott Mardis dans le musée de la ville de Charlotte dans le Vermont, devant les restes d'un béluga découverts sur les rives du Lac Champlain, sujet sur lequel il avait rassemblé de la documentation en vue d'éclaircir le mystère de la provenance du squelette de ce cétacé marin (http://www.academia.edu/9546771/Marine_Animal_Access_To_Lake_Champlain).

Une illustration montrant un béluga, qu'un artiste a retouchée pour y inclure anachroniquement un plésiosaure à l'arrière-plan ; Scott affectionnait cette image laissant imaginer qu'un petit nombre de ces reptiles de l'Ere mésozoïque avait survécu à l'extinction du Crétacé jusqu'à nos jours, seulement vus de manière furtive par des témoins.

     Scott tenant une figurine de plésiosaure devant les berges du Lac Champlain.

        Scott au centre des visiteurs de la ville de Darien en Georgie, devant une sculpture de Rick Spears figurant une créature légendaire qui aurait été observée de nombreuses fois dans la région, ressemblant à un plésiosaure à deux nageoires, dénommée Altamaha-ha, en abrégé Altie (page du sculpteur : http://www.rickspearsart.com/altie.html).

        Scott était également un féru de cinéma d’épouvante et de science-fiction, ayant visionné un nombre considérable d’œuvres. En dehors de sa page Facebook consacrée aux monstres lacustres, The Zombie Plesiosaur Society, également titre d’un documentaire de 2020 dans lequel il figurait, il avait créé sur le célèbre réseau social une page mettant en lien bandes-annonces, films et téléfilms à visionner en ligne ressortissant de l’horreur et de l’imaginaire, That's All He Watches Are Those Goddamned Horror Movies !!, et il portait un regard sans condescendance et même enthousiaste sur les productions les plus modestes, parfois au-delà de ma propre compréhension pourtant grande pour les films à petit budget qui satisfont à une rigueur minimale. Il était expert pour dénicher les liens permettant de visionner dans le monde entier ces œuvres parfois très méconnues. Il avait aussi fondé un groupe de rock, "The Black Tryangul".

            Il n’est guère de ceux qui furent en contact avec Scott qui ne soient profondément attristés par sa disparition subite et n’en demeurent toujours chagrinés. Son affabilité et sa disponibilité rendaient les échanges plaisants et passionnants, et comme beaucoup, j’ai moi-même durant plusieurs années échangé avec lui aussi bien en ce qui concernait les créatures mystérieuses que la paléontologie et le cinéma de l’imaginaire. Il était si accessible que j’avais même rêvé que je me rendais pour un court séjour aux États-Unis et qu’il m’accordait l’hospitalité pour quelques nuits en mettant à ma disposition le divan de son salon, comme j’avais eu l’occasion de lui écrire, ce qu’il avait juste commenté par ce mot « étrange » – peut-être sous-estimait-il la sympathie qu’il suscitait et le rendait accessible, sa bonhommie qui transparaissait au travers d’échanges passionnants, donnant l'impression d’être un proche par-delà les distances. Scott demeurera notre ami dans nos souvenirs.



Hommage à Scott Mardis sur un site de cryptozoologie pour les anglophones : http://www.cryptozoonews.com/mardis-obit/


1 commentaire:

JackSummers a dit…

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