vendredi 26 avril 2019

UN BRILLANT CINÉASTE INDÉPENDANT



 

             Le cinéaste indépendant Larry Cohen vient de disparaître le 23 mars 2019 à l'âge de 82 ans. Né le 14 juillet 1936 à New-York dans l’Île de Manhattan, il avait débuté jeune dans le cinéma en parvenant à vendre ses premiers scénarios. Il en a d'ailleurs écrit trois ingénieux pour la fameuse série Columbo. Dans Quand le vin est tiré (Any Old port in the Storm) réalisé par Jeannot Szwarc en 1973 (Les Insectes de feu, Les dents de la mer 2), un producteur de vin, Adrian Carsini (Donald Pleasence), qui a causé dans sa cave la mort de son frère, prêt à rompre avec son exigence de qualité pour le domaine viticole, s'efforce de la maquiller en accident de plongée. Dans Candidat au crime (Candidate for Crime) de Boris Sagal, un candidat au sénat, Nelson Hayward (Jackie Cooper), assassine son conseiller, qui voulait pour son image l'obliger à rompre avec sa maîtresse, en faisant croire qu'on l'a tué à sa place par erreur en arguant des fausses menaces créées par les deux hommes pour attirer l'attention sur sa campagne électorale ; comme dans l'affaire précédente, c'est la position de véhicules qui engendrera les premiers doutes de l'inspecteur incarné par Peter Falk. Dans le dernier datant de 1974, Exercice fatal (An Exercise in Fatality), mis en scène par Bernard L. Kowalski (Attack of the Giant Leeches, Night of the Blood BeastSsssss le cobra), Milo Janus joué par Robert Conrad (la vedette de la série Les mystères de l'Ouest), un propriétaire de salles de sport, assassine un de ses associés qui a découvert ses détournements financiers en simulant un accident de musculation dans la salle de sport et en se forgeant un alibi avec une fausse conversation téléphonique utilisant une bande magnétique. L'assassinat décrit est si machiavélique qu'une Française s'en est inspirée pour éliminer avec l'aide de son amant son mari après lui avait offert quelques mois plus tôt un appareil de musculation avec les plus sinistres intentions ; les policiers chargés de l'enquête s'étant souvenus de l'épisode de Columbo ont décidé de faire autopsier le corps juste quelques minutes avant qu'il ne soit incinéré, découvrant in extremis l'odieuse manigance.

Robert Conrad, beaucoup moins sympathique que dans le rôle de James West des Mystères de l'Ouest (Wild Wild West), compose l'assassin Milo Janus dans un épisode de Columbo qui a connu une triste postérité.

      Larry Cohen est plus particulièrement connu pour avoir créé la célèbre série télévisée Les Envahisseurs dans les années 1960, même si celle-là n'a connu que deux saisons, dont tout le monde à au moins entendu parler avec le personnage récurrent de David Vincent incarné par Roy Thinnes, acteur au regard bleu pénétrant et inquiet, qui, selon la fameuse introduction servie par la terrifiante musique de Dominic Frontier, alors que, conduisant une nuit sur une route perdue, il recherchait "un raccourci que jamais il ne trouva", il aperçut une soucoupe volante et comprit que des extraterrestres avaient pris pied sur notre planète en vue de la transformer à leur avantage (l'épisode "Genèse" laisse entendre qu'il s'agit d'êtres aquatiques), et qu'ils avaient commencé à infiltrer sous leur trompeuse apparence humaine les institutions afin de mettre en œuvre leur plan. Le héros n'a de cesse de démasquer tous les Envahisseurs, les mettant localement en échec, tout en tentant désespérément tel Cassandre de "convaincre un monde incrédule que le Cauchemar déjà commencé", ce qui s'avère fort difficile étant donné qu'une fois leur manigance éventée, les extraterrestres font disparaître toute trace de leur implantation, et que lorsqu'ils sont mortellement touchés, leur corps se désintègre aussitôt, tout comme d'ailleurs les êtres humains frappé par leur arme au rayon désintégrateur.

Le jeu du chat et de la souris auquel se livrent David Vincent (Roy Thinnes) et les Envahisseurs.

    Leur contrefaçon humaine est si réussie que rien ne distingue ces faux citoyens des habitants des États-Unis autre que la raideur anormale de leur petit doigt. Contrairement à ce que l'on dit ou écrit souvent, les Envahisseurs ne ressemblent effectivement en rien à des êtres humains, mais leur véritable apparence n'est suggérée que très fugitivement dans l'épisode Genèse (Genesis) précité dans lequel un policier, le sergent Hal Corman (interprété par Phillip Pine, qui avait incarné en 1955 George Thomas, l'assistant du Professeur King créateur d'un monstre radioactif dans The Phantom from 10.000 leagues de Dan Milner), amené à contrôler le coffre d'une voiture, était sous le choc après y avoir aperçu une créature étrangère. Amené à investiguer dans un laboratoire de recherches océaniques dans lequel était conçue une forme de vie synthétique pluricellulaire primitive, à mi-chemin de l'éponge et du placozoaire Trichoplax avec ses corps réfringents (évoqué sommairement dans l'article de septembre 2014*), David Vincent découvrait que l'institut servait de couverture à la régénération dans un bassin des envahisseurs perdant leur conformation humaine. L'être à la peau rêche, ayant la silhouette d'une sirène au corps ramassé et une très large tête bilobée, était à peine entrevu en contre-jour avant de devenir une forme plasmatique retrouvant peu à peu des contours humanoïdes, jusqu'au moment où David Vincent interrompait le processus.

(*https://creatures-imagination.blogspot.com/2014/09/un-fossile-vivant-vraiment-inattendu.html )

Le Sergent Corman terrorisé par ce qu'il aperçoit dans le coffre d'un véhicule, sur le point d'être réduit provisoirement au silence au début de l'épisode Genèse.

La création d'un organisme synthétique rudimentaire dans un aquarium sert de couverture à un centre de régénération des Envahisseurs.



L'organisme extraterrestre reprend forme humaine dans le laboratoire (photos extraite de l'article en anglais détaillant le scénario de l'épisode pouvant être lu à cette adresse :   http://theinvadersincolor.blogspot.com/2017/02/episode-4-genesis-2767.html)

        Un autre épisode, Les spores (The Spores) dans lequel Gene Hackman incarne un envahisseur, rapprochait les Envahisseurs de formes plus végétatives, à la manière de L'Invasion des profanateurs de sépultures. Un petit garçon avait trouvé dans une valise des formes ovoïdes pourvues d'un pied, qui bougeaient légèrement, et David Vincent finissait par mettre le feu à une serre dans laquelle les organismes avaient poussé en pleine terre et commencé à prendre vaguement l'allure de bustes humanoïdes. Il faut bien avouer que les origines et le processus de métamorphose en humain étaient fort éloignés entre les deux épisodes, le peu d'informations délivrées laissant le reste à l'imagination des téléspectateurs.



Les formes germinatives de l'épisode Les spores, de leur stade latent dans l'attaché-case à leur croissance dans leur terreau au sein d'une serre, incendiée par David Vincent.

         Une dernière occurrence relative à l'état évolutif des Envahisseurs pouvait être trouvée dans l'épisode L'ennemi (The Enemy) qui n'apprenait cependant rien sur la manière par laquelle les créatures venues de l'espace adoptaient un aspect humain, mais qui était particulièrement intense. L'acteur Richard Anderson, qui fut l’interprète principal du petit film d'épouvante Curse of the Faceless Man en 1958 (une momie de Pompéi revient à la vie et tue) après être apparu deux ans plus tôt dans Planète interdite, et qui est surtout connu des téléspectateurs des années 1970 pour son rôle d’Oscar Goldman, le supérieur des héros bioniques de L’Homme qui valait trois milliards et de Super Jaimie, incarne avec beaucoup de présence Blake, un Envahisseur dont l'état devient instable, de telle sorte que ses traits finissent par se brouiller et la peau de son visage donner l'impression qu'elle s'apprête à fondre. Entre-temps, il sollicite l'aide d'une infirmière (Gale Frazer interprétée par Barbara Barrie) qui, ayant connu les horreurs de la Guerre du Vietnam, est devenue pacifiste comme la veuve américaine du film japonais Goke, Body snatchers from HellMme Neal (Kathy Horan), et s'empresse de se porter à son secours en dépit des avertissements de David Vincent. Trouvant ainsi une brève rémission, l'inconnu ne tarde pas à confirmer les craintes de ce dernier, mais la dégradation de son état reprend et dans un ultime moment de lucidité, constatant au fond de la grotte dans laquelle il s'est réfugié que ses congénères auxquels il n'est plus utile l'abandonnent à son triste sort, il décide in extremis de se retourner contre eux et de sauver la vie de Vincent, la tension qui n'a jamais faibli au cours de l'épisode aboutissant ainsi à ce dénouement s'autant plus marquant qu'il est plutôt inattendu.



David Vincent échoue à faire changer d'avis une infirmière pacifiste dont les idéaux mettent en danger leur vie, mais il sera finalement épargné lors d'un soudain retournement de situation à la fin de l'épisode L'ennemi.

          Au cours de son combat, David Vincent trouvera ponctuellement quelques alliés relayant son combat et côtoiera différents milieux tel qu'une communauté évangélique dans Le miracle (The Miracle) dont le climat préfigure assez celui évoqué dans un épisode d'Aux frontières du réel (X-Files) des décennies plus tard, L'église des miracles (Miracle Man) avec son évangéliste guérisseur. Comme dans les séries similaires, des acteurs reconnus apparaissent à l'occasion d'un épisode, comme Dana Wynter qui avait déjà partagé la vedette d'un classique de la science-fiction paranoïaque dans L'Invasion des profanateurs de sépultures aux côté de Kevin McCarthy, ce dernier figurant lui-même dans l'épisode Les espions (The watchers) dans lequel il est remplacé par un double.

Kent Smith aux allures de l'ancien premier ministre français et président de l'Assemblée nationale Jacques Chaban-Delmas interprète John Scoville, gagné à la cause de David Vincent, qui apparaît dans 13 des 43 épisodes, le dernier s'achevant avec la promesse du héros et de son allié de former un groupe armé pour lutter contre les Envahisseurs.

         Les Envahisseurs, qui n'ont engendré qu'un téléfilm assez décevant avec Scott Bakula dans lequel Roy Thinnes faisait une courte apparition - il est aussi à l'occasion apparu dans Aux frontières du réel (X-Files) - demeure une des séries de science-fiction les plus célèbres.

         Larry Cohen monta sa propre compagnie de production, Larco production, contraction de son prénom et de son nom, lui permettant de produire ses films de manière indépendante et plusieurs se situent dans l'univers fantastique, mettant en scène des êtres monstrueux. Il fait en 1974 une entrée fracassante dans le cinéma d'épouvante avec Le monstre est vivant (It's Alive), dans lequel un accouchement vire à l'horreur sanglante lorsque paraît un nouveau né effrayant doté de griffes et de dents pointues, créé par le maquilleur Rick Baker, qui décime l'équipe médicale avant de s'enfuir. Le réalisateur parvient à conserver tout au long du film un climat dérangeant, mettant le spectateur mal à l'aise, alors que la traque du phénomène s'organise, celui-là étant recherché par la police tandis que les représentants du groupe pharmaceutique dont le produit contraceptif pris durant sept ans par la génitrice a causé les malformations - comme le laboratoire Grünenthal qui avait laissé la thalidomide être commercialisé en dépit des alertes - aimerait bien que l'être soit trouvé et détruit pour dissimuler leur responsabilité. La créature finit par accéder au domicile de la mère, Lenora Davis (Sharon Farrell), qui prend pitié de celui auquel elle a donné la vie et qui vient néanmoins de décimer le voisinage. Le père, Frank Davis (John Ryan, qui sera l’impitoyable directeur de prison Ranken dans Runaway Train), ne fait pas preuve de la même compréhension et tire sur l'effrayant rejeton. La police retrouve finalement le monstre près d' une sortie d'égout et s'apprête à l'abattre lorsqu'en l'approchant, le père découvre qu'il est surtout terrifié et se trouve soudain pris de compassion pour sa progéniture, sans pouvoir la protéger.


Un heureux évènement qui ne tient pas se promesses dans Le monstre est vivant.


Le final du Monstre est vivant et l'acceptation trop tardive d'une paternité hors-norme.

Larry Cohen et la vedette irascible du Monstre est vivant.

        Meurtres sous contrôle (Gold told to me) réalisé deux ans plus tard débute comme un terrifiant film policier, alors que des tireurs abattent des cibles au hasard. Le policier Peter J. Nicholas (Tony Lo Bianco), un chrétien marié ayant une liaison avec une jeune maîtresse et vivant mal ses contradictions, finit à l'issue d'une enquête éprouvante par remonter jusqu'à l'instigateur des meurtres, un gourou nommé Bernard Philips (Richard Lynch) qui réclame des assassinats gratuits comme preuve d'obéissance et qui se dit né d'une femme enlevée par des extraterrestres. Il lui montre un orifice matriciel sur son ventre et, lui révélant que lui aussi a été conçu par les créatures de l'espace, expliquant par le secret de ses origines ses questionnements sur son identité, lui indique qu'il est en état de procréer avec lui et demande qu'ils conçoivent un enfant ensemble afin de fonder une nouvelle génération associant l'humain à la fraction extraterrestre. Le policier refuse et le tue non sans que le gourou ait usé de son pouvoir pour embraser l'immeuble avant de succomber. Le policier en réchappe et est curieusement mis en examen pour meurtre suite à l'incendie, avouant ironiquement qu'il a tué Philips parce que "Dieu lui a ordonné", la phrase prononcée par les séides de celui qui se prenait pour l'être suprême. A noter que par mesure d'économie, Larry Cohen a utilisé pour figurer l'enlèvement extraterrestre une courte séquence empruntée à la série Cosmos 1999.





Le policier chargé dans Meurtres sous contrôle de remonter jusqu'au commanditaire des assassinats découvre que celui-ci est son frère ennemi, qui lui adressera la demande incestueuse la plus surprenante qui soit. 

        En 1979, la même année que David Cronenberg qui met à son tour en scène des enfants monstrueux dans Chromosome 3 (The Brood), Larry Cohen donne une suite au Monstre est vivant avec Les monstres sont toujours vivants (It's Lives Again) à la hauteur de l'original. Alors qu'un nouveau couple, Eugene et Jody Scott (Frederic Forrest et Kathleen Lloyd)  s'apprête à son tour à donner la vie à une descendance monstrueuse, Frank Davis, toujours interprété par John Ryan, réapparaît et tente de le convaincre de protéger l'enfant que les autorités veulent détruire, lui assurant qu'il ne demande que de l'affection, alors qu'est évoquée la possibilité que ces altérations puissent représenter une mutation en rapport avec un environnement toujours plus pollué. Les scènes angoissantes alternent là aussi avec une interrogation éthique sur la légitimité de l'avortement, anticipant d'une certaine manière certains films de Brian Yuzna comme Progeny, l'enfant du futur.
         Les difficultés familiales, déjà évoquées dans Meurtres sous contrôle, qui surgissent face aux épreuves que génèrent les enfants effrayants du Monstre est vivant et de sa suite, sont au cœur d’Épouvante sur New York (Q the Winged Serpent), avec le personnage de Jimmy Quint (Michael Moriarty) qui maltraite sa compagne. Le metteur en scène a peut-être eu tort de faire tourner trop ostensiblement l'intrigue autour de ce personnage falot et déplaisant, qui joue au caïd colérique avec ceux qui le craignent mais se montre d'une totale lâcheté avec les membres de la pègre au service de laquelle il œuvre. De la sorte se trouve un peu reléguée au second plan l'irruption d'une énorme créature volante mythique, le dieu aztèque Quetzalcoalt (déjà mis en scène dans un petit film de 1946, The Flying Serpent de Sam Newfield avec George Zucco) et son adoration par les adeptes d'un culte effrayant transporté d'Amérique du sud jusqu'à New-York. Les apparitions de la créature sont impressionnantes, la qualité de la texture de la peau (au point que la taille du modèle à petite échelle n'est en rien révélée par l'irruption de sa tête lorsque David Carradine qui joue l'inspecteur Sheppard la traquant surgit derrière lui - le projet d'une tête grandeur nature sculptée par Steve Neill a été abandonné) et l'incrustation à l'image du modèle animé par David Allen par Peter Kuran absolument parfaite, sans la moindre trace de contour, en font le dragon le plus réaliste de toute l'histoire du cinéma avec celui du Dragon du lac de feu. Quand à l'éclosion de son rejeton sur la tour, secret qui permet à l'interlope Quint de monnayer à prix fort l'information à la police, elle annonce celle du bébé vélociraptor de Jurassic Park conçu par le studio de Stan Winston. Il est seulement un peu regrettable que le film n'ait pas été un peu plus resserré en maintenant un meilleur d'équilibre entre les scènes mettant au premier plan le malfaiteur et celles relatives à l'enquête et à la recherche de l'effrayante créature.

L'assez méprisable Quinn (Michael Moriarty) découvre par hasard l'antre du monstre, il y voit l'opportunité d'améliorer sa situation financière en monnayant l'information auprès des autorités désireuses de mettre fin au péril dans Épouvante sur New York.


La tête miniature incroyablement réaliste de Quetzalcoalt combinée avec l'image de l'acteur David Carradine, incarnant l'inspecteur Sheppard, dont la recherche de la créature touche à son but.

              C'est un monstre bien différent qui décime en 1985 les populations dans The Stuff, une créature d'un très lointain passé à laquelle la modernité assure une horrible postérité. Des industriels commercialisent une forme de vie primitive découverte sous terre sous la forme d'un dessert dont les mérites sont intensivement vantés par les publicitaires au point d'alimenter une mode à laquelle il est difficile de se soustraire. Dans cette satire acide de la société de consommation, dans laquelle un ton humoristique alterne avec des séquences d'épouvante, le consommateur se trouve à son tour consommé par l'organisme d'allure protoplasmique. Le début du film évoque quelque peu L'Invasion des profanateurs de sépultures, avec la famille qui commence par être asservie par l'accoutumance qui investit le cerveau, contraignant chacun des membres à se comporter exactement comme les autres, avant d'être totalement digérée. Certaines de ces dissolutions se produisent à l'écran, agencées par Steve Neill, tandis que la forme de vie proliférante finit par atteindre d'impressionnantes proportions, au travers des effets de David Allen, telle une sorte de "Blob" sirupeux et lacté. Quelques courageux, dont David Rutherford, espion industriel envoyé par la concurrence et ancien agent de l’État fédéral (Michael Moriarty), une journaliste (Andrea Marcovicci) et un ancien général séditieux (Paul Sorvino) tenteront de sauver leur pays du péril avant de confronter les industriels à leurs responsabilités alors qu'ils étaient prêts à commercialiser une nouvelle formule à l'issue de la catastrophe, exactement comme quelques années plus tard, les ravages de l'encéphalopathie spongiforme, épidémie ayant débuté l'année du film à l'insu du public, n'avaient pas dissuadé le lobby agro-alimentaire de songer à réutiliser les "farines bovines" dans l'alimentation du bétail en les chauffant un peu plus, alors que le président d'un groupe parlementaire, pourtant médecin, niait le danger en affirmant que "la viande française était la meilleure du monde" bien que le sort d'animaux de zoos en Angleterre avait prouvé la transmissibilité du mal entre espèces différentes (lequel récidiverait plus tard une fois devenu président de l'Assemblée nationale en influant sur ses collègues pour repousser les dispositions du Grenelle de l'environnement de sa propre majorité puis inciter son candidat à la présidentielle de 2017 à prôner l'abandon du principe de précaution pourtant insuffisamment appliqué comme en témoignent régulièrement des drames tel que la naissance de bébés avec un bras manquant probablement contaminés par des produits chimiques infiltrés dans l'eau).


Le site d'extraction de The Stuff, encadré de camions prêts à acheminer la mystérieuse substance.
 Rutherford cherche à découvrir ce qui se cache derrière l'emballement pour le "Stuff".


Un consumérisme qui impose sa pression jusqu'au sein du cadre familial.

Une victime d'un échantillon de la créature ayant atteint d'inquiétantes proportions.

Les principaux interprètes de The Stuff au complet, de gauche à droite, Andrea Marcovicci (Nicole), Scott Bloom (Jason, le garçonnet qui a vu périr sa famille amatrice du dessert à la mode), Michael Moriarty (David Rutherford), Paul Sorvino (le Colonel Malcolm Spears) et Garrett Morris (le malicieux Charlie Hobbs, qui trouvera une mort effroyable au travers des trucages de Steve Neill).

Larry Cohen et un des pots renfermant l'effroyable dessert de The Stuff.

                 En 1987, Larry Cohen donne un dernier volet à sa trilogie débutée avec Le monstre est vivant avec La Vengeance des monstres (It's Alive III : Island of the Alive). Une expédition scientifique est montée pour étudier de quelle manière ont évolué les enfants anormaux, laissés livrés à eux-mêmes sur une île isolée. Jarvis (Michael Moriarty) qui se lance dans un vibrant plaidoyer en leur faveur au nom du respect de leur différence obtient d'être du voyage. Devenus entre-temps adolescents, les monstres qui n'ont rien perdu de leur sauvagerie déciment rapidement les explorateurs, seul Jarvis parvenant à survivre. Les créatures regagnent la civilisation et commencent à massacrer des violeurs sur une plage avant d'être abattus par la police. Son épouse Ellen (Karen Black) prend soin de la progéniture de l'un d'eux, celle-ci n'étant autre que son petit-fils. Le film, correctement réalisé, n'apporte cependant rien de réellement significatif aux deux films précédents.

              Une autre communauté monstrueuse plus structurée est au centre des Enfants de Salem (A Return to Salem's Lot), suite notable donnée par le réalisateur au film original de Tobe Hooper tiré du roman de Stephen King. Une bande de vampires s'est organisée, restreignant son nombre de victimes et usant d'humains comme de drones pour leur permettre de maintenir un semblant d'activité diurne. Un anthropologue, Joe Weber (Michael Moriarty), venu avec son jeune fils, retrouve en son sein une camarade d'école qui le séduit, tandis que le responsable qui a épargné les deux visiteurs, le Juge Axel (Andrew Duggan), lui demande de contribuer à réhabiliter leur image. L'arrivée d'un chasseur de Nazis, Van Meer (Samuel Fuller, réalisateur que Cohen tenait pour un inspirateur et dont il a habité une ancienne demeure), bien décidé à user de méthodes expéditives contre les suceurs de sang, et qui apparaît immortel sans explication (c'est aussi le cas pour un soldat dans Zone Troopers) l'incite à choisir enfin son camp et à éradiquer avec lui la communauté maléfique. Les Enfants de Salem est probablement le meilleur film sur la communauté vampirique avec Aux frontières de l'aube (Near Dark) de Kathryn Bigelow. Le réalisateur rapporte le thème des vampires au communautarisme libéral américain au travers de la réalité sociale dont il gratifie ces créatures.

Joe Weber sous la coupe de l'inquiétant Juge Axel qui retient son fils dans Les Enfants de Salem.

          Le créateur de la série Les Envahisseurs avait aussi pris part à la plus fameuse série de films paranoïaques en apportant sa contribution à l'élaboration du scénario du second remake de L'invasion des profanateurs de sépultures, Body Snatchers réalisé en 1993 par Abel Ferrara qui communique directement au spectateur le climat de suspicion et d'angoisse qui s'empare d'une base militaire investie par les imposteurs extraterrestres.
          Larry Cohen a par ailleurs réalisé deux comédies fantastiques, Full Moon High en 1981, sur un joueur de rugby changé en loup-garou (son agression évoque plus une scène de La Cage aux folles que celle du Loup-garou de Londres) émoustillant les filles et Ma belle-mère est une sorcière (Wicked Stepmother) en 1989 qui ont été moins prisées par la critique.
           Le metteur en scène a également réalisé des thrillers. L'ambulance (The Ambulance) en 1990 relate la tentative d'un jeune homme, Joshua Baker (Eric Roberts), de retrouver une jeune fille qui a mystérieusement disparu, Cheryl (Janine Turner), enlevée par un médecin (Eric Braeden, acteur de soap opéra aussi apparu dans Le cerveau d'acier et Les évadés de la Planète des singes) qui fait des expériences au nom de l'éradication du diabète au détriment de la vie de ses cobayes, incarnant une médecine glaciale tel son devancier de Morts suspectes (Coma) de Michael Crichton interprété par Richard Widmark. Il fut en 2002 le scénariste du film Phone Game réalisé par Joel Schumacher. La dernière réalisation de Larry Cohen fut sa participation, à l'instar des autres réalisateurs réputés de l'épouvante, à la série anthologique Masters of horror, mettant en scène l'horrifiant épisode Pick Me Up, dépeignant l'atroce compétition à laquelle se livrent deux tueurs en série, un chauffeur routier et un auto-stoppeur.

         Certaines de ses créations ne sont pas totalement exemptes d’ambiguïté. Ainsi, Larry Cohen qui a consacré en 1977 un film à l'assez sulfureux et très anticommuniste patron du FBI J. Edgar Hoover, The Private Files of J Edgar Hoover, a déclaré que sa série Les envahisseurs exprimait son aversion du maccarthysme, mouvement de dénonciation des ennemis des États-Unis initié par un anticommuniste encore plus virulent, le sénateur Joseph McCarthy. Cependant, le personnage de David Vincent n'est jamais ridicule dans son combat, incarné par Roy Thinnes très imprégné de son rôle et il finit toujours par découvrir des traces du complot qu'il cherche à mettre en évidence, de telle sorte que la série pourrait presque illustrer métaphoriquement le contraire de ce que veut dénoncer le héros. On retrouve une autre ambiguïté, plus explicite, dans La Vengeance des monstres, le plaidoyer de Jarvis pour ces êtres incompris étant démenti par les agissements des mutants qui ne se conduisent que comme des bêtes féroces - ambivalence qu'on retrouvera dans deux épisodes d'Au-delà du réel, l'aventure continue (The New Outer Limits)Sélection pas très naturelle (Unnatural Selection) qui trouve un prolongement dans l'ultérieur Nature criminelle (Criminal Nature) et qui constituent en quelque sorte comme un approfondissement du film de Cohen. Les vampires des Enfants de Salem sont aussi présentés de manière un peu équivoque comme étant partiellement humains malgré leur monstruosité, le personnage principal faisant même un certain temps abstraction de la nature de son ancienne camarade de classe pour entreprendre avec elle une relation sentimentale et intime - même si le prologue a montré que dans le cadre de ses missions ethnologiques, il faisait preuve de peu d'état d'âme, semblant ne pas se formaliser de la pratique de sacrifices humains dans certaines tribus, annonçant celui que les vampires perpètrent sur leurs victimes. Il est vrai que de la même manière, David Cronenberg a déclaré que son film Frissons (Parasite Murders/They came from within/Shivers) était un plaidoyer pour la libération sexuelle alors même que tout le signifiant du film, images scabreuses, savant fou dépassé par ses expérimentations, le Dr Hobbes (Fred Doerderlin), tuant son cobaye, Annabelle Bataille (Cathy Graham), en tentant de restaurer sa condition initiale, et épilogue accompagné d'une musique mélancolique, suggère une tragédie en cours conduisant à la déshumanisation. Plus anecdotiquement, Irvin Kershner avait affirmé vouloir dénoncer la violence gratuite dans Robocop 2, dont il fit pourtant à cette occasion un étalage complaisant.

David Vincent, un esprit perspicace et obstiné, qui démantèle sans relâche les réseaux de comploteurs, semblant valider un péril qui renvoie le spectateur à la peur d'une conspiration communiste comme évoqué dans It conquered the world de Roger Corman et plus explicitement dans Tobor the great, en dépit des intentions affichées par le metteur en scène.

         Certaines éléments des films de Larry Cohen prennent parfois une dimension prophétique. Ainsi, Meurtres sous contrôle anticipe le mélange sulfureux entre les thèmes des extraterrestres et de la religion qu'on retrouvera dans des sectes comme Heaven's Gate et le mouvement des Raëliens, sans oublier l'obéissance totale à un gourou qui s'incarne à travers le massacre collectif de la secte Guyana du Révérend Jim Jones, puis plus récemment les crimes de masse islamistes avec la violence aveugle ordonnée par les prêcheurs. Sur le même sujet, Épouvante sur New York préfigure visuellement les attentats du 11 septembre 2001 avec ce sang et ces morceaux de corps qui tombent des gratte-ciels, puis avec ce plan montrant le corps d'un fanatique d'une religion non-européenne qui s'est sacrifié qu'un travelling associe au World Trade Center en arrière-fond. The Stuff est quant à lui une véritable prophétie sur la crise de la vache folle et la folie consumériste, dénonçant la duplicité criminelle des lobbys agro-alimentaires ; il n' y manque que la compromission des hommes politiques, ministres anglais et français de l'agriculture ainsi que commission européenne qui auront préféré privilégier l'économie à court terme sur la santé publique.


Des tueurs fanatisés perpétrant des assassinats de masse et prêts à mettre fin à leur propre vie dans Meurtres sous contrôle, annonçant une soumission totale à des imprécateurs religieux observée depuis la fin des années 1970.

 
      Un des principaux responsables de la production du "Stuff" admirant son produit si rentable, Fletcher (Patrick O'Neal, qui incarnait le directeur du programme d'élimination des épouses insoumises remplacées par de dociles androïdes à leur image dans Les Femmes de Stepford). Dans l'épilogue, le petit Jason contraindra les industriels à goûter leur propre produit puisqu'ils prétendent qu'il n'est pas dangereux, ce qu'ils s'efforcent de refuser, comme les salariés de Monsanto ayant obtenu qu'on ne serve pas de produits transgénique dans leur cantine.

                 On peut relever que certains éléments des films de Larry Cohen annoncent des films de Cronenberg. On retrouve ainsi le thèmes d'enfants anormaux terrifiants, terrorisant une famille et s'introduisant à l'occasion dans une école, dans Le monstre est vivant et Chromosome 3, la violence dans le cadre familial entre conjoints dans Épouvante sur New-York et entre mère et fille dans Chromosome 3, l'affrontement entre frères dotés de pouvoirs extraordinaires dans Meurtres sous contrôle et Scanners, la matrice abdominale présente sur le ventre d'un homme, procréatif dans Meurtres sous contrôle et plus symbolique dans Vidéodrome, sans oublier l'utérus externe qui s'est développé sur le corps de la génitrice de Chromosome 3, ou encore l'infiltration d'organismes dans le corps humain engendrant un comportement social normatif dans Frissons, puis The Stuff. A la différence de Cronenberg qui confiait à des interprètes différents le soin d'interpréter ses personnages principaux (alors que dans des rôles secondaires, il a mis en scène cinq fois Robert A. Silverman et deux fois Joe Silver), Larry Cohen a fait de Michael Moriarty son acteur récurrent dans Épouvante sur New-YorkThe StuffLa Vengeance des monstres et Les Enfants de Salem.

Larry Cohen entouré de bébés monstrueux terrorisant les familles dans Le monstre est vivant et sa suite, et au premier plan, un autre nouveau nouveau né, celui procréé par une créature mythique qui tente de s'extraire de son œuf à la fin d' Épouvante sur New York

         La disparition du réalisateur ne lui aura pas permis de mener à bien son projet de nouvelle version de sa série Les Envahisseurs, laquelle aurait sans doute été meilleure que le téléfilm avec Scott Bakula s'en inspirant, Le retour des envahisseurs de Paul Shapiro en 1995, dans lequel Roy Thinnes faisait une petite apparition. Il aurait été fort appréciable de pouvoir obtenir des approfondissements sur certains points de son oeuvre auprès de Larry Cohen, mais celui-ci n'a jamais donné suite aux différentes demandes souhaitant sa participation à différentes évocations de ses films, de ce fait réalisées sans son aide tel le présent aperçu de sa carrière. Il demeurera néanmoins comme un brillant réalisateur indépendant ayant apporté sa touche personnelle au cinéma fantastique.

Larry Cohen entouré des figures cauchemardesques d’Épouvante sur New York, en haut à gauche, d'une victime phagocytée sur l'affiche de The Stuff, et à droite le nouveau né monstrueux du Monstre est vivant.


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                Deux visages connus du grand et petit écran ont quitté récemment la scène. L'actrice Lisa Sheridan, à l'allure de brune piquante mais à l'expression souvent empreinte de douceur, qui n'était pas apparentée à l'actrice Margaret Sheridan qui avait partagé avec Kenneth Tobey l'affiche de La Chose d'un autre monde (The Thing from another world) en 1951, s'est éteinte le 25 février 2019 à l'âge de 44 ans de complications dues à l'alcoolisme. Habituée de séries policières comme Les experts, elle était connue des amateurs de science-fiction pour son rôle de Chloe Tanner dans l'éphémère série Freakylinks en 2000-2001 dans laquelle des jeunes utilisaient la technologie moderne pour résoudre des mystères empreints de surnaturel dans la lignée du pseudo-reportage du Projet Blair Witch, avait en 2007 fait partie à l'occasion d'un épisode de l'importante distribution, comme Michael Moriarty, du feuilleton Les 4400 (The 4400) sur les enlèvements extraterrestres et celui de Larkin Groves dans la trop courte série Invasion de Shaun Cassidy en 2005-2006, dans laquelle des extraterrestres planifiaient d'envahir les États-Unis. Les personnages de premier plan de cette dernière étaient son compagnon le garde-forestier Russell Varon (Eddie Cibrian) qui tentait de comprendre pourquoi on retrouvait des cadavres identiques à des personnes toujours vivantes comme celui de son ex-femme Mariel Underlay (Kari Matchett) qui avait oublié qu'elle n'était que son duplicata extraterrestre, et l'imposteur qui avait remplacé le mari de cette dernière, le shérif Tom Underlay (William Fichtner), profitant de son poste pour dissimuler la vérité, bien que moins désireux d'exterminer l'humanité que son congénère Eli Szura (James Frain, l'acteur qui incarne le cryptozoologue écossais de Loch Ness). Même si le personnage de Larkin Groves participait aussi activement à la résolution du mystère par sa propre enquête, il incarnait moins une fonction, comme les deux précédents, Varon et Underlay amenés à se combattre, qu'un témoin de la situation portant le point de vue du spectateur par sa normalité foncière, notamment lorsque son frère Dave Groves (Tyler Labine) découvrait dans la remise son double à demi-formé qui finissait d'ailleurs par apitoyer son modèle. La grande crédibilité que Lisa Sheridan conféra à son personnage contribuait notablement à rendre réelle l'extraordinaire situation. En dépit de critiques positives et de la demande des fans, les quatre autres saisons envisagées par Shaun Cassidy ne furent pas produites. Dans les épisodes suivants, Larkin Groves aurait été à son tour remplacée par un duplicata et Dave aurait alors traqué frénétiquement à la tête d'un groupe armé sa simili-sœur, une "hybride" évoluée, ces nouveaux développements promettant de nous dévoiler une nouvelle facette de l'interprétation de l'actrice, vraisemblablement plus inquiétante, dont les velléités de la chaîne ABC insuffisamment confiante dans le potentiel de la série nous a ainsi privés. Lisa Sheridan aura à nouveau honoré la science-fiction lors de son ultime apparition en incarnant le rôle principal de Strange Nature de Jim Ojala, une production indépendante convoquant le péril écologique dans laquelle elle interprète une mère de famille découvrant les horribles mutations affectant animaux et humains qu'engendre la pollution, notamment sur les batraciens plus sensibles en raison de leur respiration partiellement cutanée, comme l'avait étudié il y a déjà des années le naturaliste Jean Rostand dans ses "étangs à monstres". Ce projet reposant sur un financement participatif avait été annoncé en ces pages dans l'article de novembre 2014 intitulé "Le futur de l'animation, hors d'Hollywood?" (https://creatures-imagination.blogspot.com/2014/11/le-futur-de-lanimation-hors-dhollywood.html).

L'équipe de Freakylinks, série à la lisière du fantastique et de la parodie.

Les deux couples d'Invasion et les deux enfants très expressifs (Alexis Dziena et Ariel Gade) avec lesquels ils partagent l'affiche.

Lisa Sheridan dans le rôle de Larkin Groves dans Invasion.

Larkin et son compagnon le garde forestier s'alertent de la situation dans Invasion.

La réalité n'est pas toujours belle à voir même dans les oeuvres d'imagination comme dans Invasion.

L'intrigant shérif d'Invasion, interprété par William Fichtner, également policier dans la série Prison Break, et un des principaux interprètes du film Contact de Robert Zemeckis.

Lisa Sheridan incarne Kim Sweet dans Strange Nature qui demande des comptes au maire Paulson (Stephen Tobolowsky, l'ami assureur insistant d'Un jour sans fin d'Harold Ramis).

Kim Sweet fait feu sur un loup à deux têtes dans Strange Nature.

Une pauvre créature mutante de Strange Nature.

Jim Ojala, maquilleur et créateur d'effets spéciaux mécaniques au travail sur son film Strange Nature.

Un bel hommage à l'actrice pour les anglophones :
https://www.nickiswift.com/146864/the-untold-truth-of-csi-actress-lisa-sheridan/



Richard dit Dick Miller a disparu à 90 ans le 30 janvier 2019, après plus de 60 ans à être présent sur les écrans. Il était surtout connu des amateurs de science-fiction pour son rôle de Murray Futterman dans Gremlins, un Américain chauvin et râleur, réapparaissant dans la suite Gremlins 2 : a New Batch dans laquelle, plus aguerri, il attrape un Gremlin pourvu d'ailes de chauve-souris créé par un généticien fou, le Docteur Catheter interprété par Christopher Lee, qu'il jette dans du béton humide, la créature allant mourir au sommet d'une église en devenant une gargouille de pierre supplémentaire, préfigurant une scène du film à sketchs Darkside, les contes de la nuit noire (Tales of the Darkside : the movie). Il avait auparavant tourné dans différents films de science-fiction de Roger Corman, It conquered the world en 1956, Not of this Earth en 1957, La petite boutique des horreurs en 1960 et L'horrible cas du Docteur X en 1962. Outre Gremlins et Gremlins 2, Joe Dante l'avait notamment fait figurer brièvement à l'écran dans Piranhas en 1978, Hurlements en 1981, La Quatrième Dimension (sketch That's a good life) en 1983, Explorers en 1985, L'Aventure intérieure (Innerpace) en 1987, Panic sur Florida Beach (Matinee) en 1993 et Small Soldiers en 1998. Il était également apparu dans la série VTerminatorExtra sangsues (Night of Creeps) et Attack of the 5 ft 2 Woman.


D'un Gremlins à l'autre, Monsieur Futterman a appris à ne plus se laisser impressionner par les petits démons même au travers de leurs nouvelles capacités.

Dick Miller interprète l'armurier de Terminator, la rencontre avec le cyborg venu du futur écourtant rapidement son rôle.

             Le visage de Peter Mayhew, décédé le jeudi 2 mai 2019 à l'âge de 74 ans, était beaucoup moins connu du grand public. Choisi pour sa grande taille pour incarner l'automate à allure de Minotaure, Minoton, dans Le Voyage fantastique de Sinbad en 1976 avant d'endosser de manière récurrente le costume de Chewbacca, le Wookie velu de La Guerre des étoiles, compagnon de Han Solo (Harrison Ford) dont lui seul comprenait le langage, quand David Prowse pressenti pour le rôle préféra enfiler celui de Dark Vador. S'inspirant de la gestuelle de grands animaux comme les ours et les singes anthropoïdes, il avait conféré sa personnalité tapageuse à un des personnages créés par le maquilleur Stuart Freeborn à qui on avait rendu hommage suite à sa disparition (voir le paragraphe consacré à cet artiste dans l'article de février 2013*) pour son rôle muet, ses cris étant ajoutés par les techniciens. Présent dans toute la trilogie originelle; ainsi que dans la version Star Wars Holidays Special, il avait repris son rôle dans le troisième épisode de la seconde trilogie, puis deux de la suivante avant que des problèmes de santé ne le conduisent à transmettre son expérience à son remplaçant.



              En songeant à la disparition le 24 avril 2019 de l'acteur français Jean-Pierre Marielle, excellant aussi bien dans les rôles comiques que dans d'autres davantage empreints de gravité, on pourra regretter en dépit de sa brillante carrière que le cinéma français ne lui ait pas proposé l'opportunité de tourner dans des films fantastiques. Il n'est pas interdit d'imaginer qu'avec Jean Rochefort, qui incarna le savant fou imaginé par Mary Shelley dans la parodie Frankenstein 90 d'Alain Jessua (Paradis pour tous) en 1984, Jean-Pierre Marielle aurait pu constituer un brillant duo susceptible de conférer ses lettres de noblesse à un hypothétique cinéma fantastique français à la manière du célèbre tandem britannique de la société Hammer représenté par Peter Cushing, retenu et stylé comme Jean Rochefort, et Christopher Lee, à la présence plus physique comme Jean-Pierre Marielle, qui aurait pu incarner un scientifique encore plus sombre et exalté à la manière du Docteur Polidori de La Fiancée de Frankenstein de James Whale.


dimanche 30 décembre 2018

LE PLUS HUMAIN DES NON-HUMAINS


          L'année s'achève tristement avec l'annonce de la disparition d'un acteur au physique reconnaissable, même si Donald Moffat était probablement beaucoup moins connu en France qu’aux Etats-Unis, où, après avoir perdu son accent, ce Britannique d’origine, né le 26 décembre 1930 à Plymouth d'un père écossais, incarnait de parfaits citoyens américains, un pays qu’il appréciait davantage que la Grande-Bretagne car il préférait son idéal démocratique à une société dans laquelle s’exprimait plus ouvertement la distance entre les classes sociales. Décédé le 20 décembre 2018 à l’âge de 87 ans, il était plutôt coutumier des seconds rôles. Avec son visage allongé et ses sourcils très blonds tranchant sur sa chevelure plus sombre, il présentait un visage assez singulier, empreint d’une certaine dignité, qui se prêtait bien à incarner des personnages de juges, médecins, prêtres, hommes politiques et militaires. Les sourcils teints, il endossa même le rôle d’un ancien président de son pays d’adoption, Lyndon B. Johnson, dans le film L’étoffe des héros (The Right Stuff) réalisé en 1983 par Philip Kaufman, qui retrace l’épopée des vols en haute altitude, prélude à la conquête spatiale – un film dans lequel apparaît également brièvement un acteur qu’il côtoiera dans The Thing, David Clennon (Palmer).

                Après quelques expériences sur les planches, il suivit à l’âge de 26 ans sa première épouse, la comédienne Anne Ellsperman dite Murray, aux Etats-Unis (dont il divorcera en 1970 pour se remarier avec une autre actrice, Gwen Arner, avec laquelle il aura également deux enfants) et, après s’être essayé provisoirement à quelques autres activités comme barman, bûcheron et menuisier, renoua avec sa vocation, apparaissant dans diverses pièces, dont Le droit d’après Pirandello et Titus Andronicus d’après Shakespeare dont il interprétait le personnage éponyme, et ponctuellement dans des séries télévisées comme Night Gallery (épisode Pickman’s model), Mission impossible, Columbo, Mannix, L’Homme de fer, La petite maison dans la prairie, Dallas, Arabesque, La cinquième dimension (épisode The Star basé sur une nouvelle d’Arthur C. Clarke, dans lequel il interprète un scientifique barbu) ou encore La Loi de Los Angeles dont l’un des acteurs récurrents est Richard Dysart, avec lequel il avait tourné dans L’Homme terminal, et auquel il donnera entre-temps la répartie dans une scène mémorable de The Thing.

Donald Moffat en 1965 sur les planches de Broadway aux côtés de l'actrice Rosemary Harris pour une adaptation théâtrale du roman Guerre et Paix.

              Un personnage particulièrement marquant qu’incarna Donald Moffat à la télévision est l’Androïde Rem dans la série L’Age de cristal (Logan’s Run) qui fut produite en 1977 et 1978, postérieurement au film de Michael Anderson basé sur le roman de William Nolan réalisé en 1976, celle-là se substituant au projet d’adaptation initialement envisagé de la suite du roman, Logan's world, qui devait permettre de retrouver les héros dans le Sanctuaire, une ancienne base établie sur Mars, avant qu'une épidémie ne les conduisent à revenir sur une Terre plongée dans le chaos. De nouveaux acteurs y incarnent le couple vedette, Gregory Harrison (futur héros de Razorback de Russell Mulcahy), le limier qui s’enfuit avec Jessica (Heather Cameron Menzies, fille du savant fou de Ssssss le cobra ! de Bernard Kowalski en 1973) qu’il devait abattre, celle-là ayant atteint l’âge auquel la loi de la Cité des Dômes condamne à mourir en raison de la limitation des ressources. Poursuivi par un autre limier plus inflexible (Randy Powell), le couple fuit à travers les paysages désertiques dans sa voiture à énergie solaire, et se trouve bientôt un allié dans une cité où l’on fabrique des androïdes. L’un d’eux, Rem, ne tarde pas à leur prêter son concours, se révélant d’une loyauté indéfectible. Cependant, le personnage auquel Donald Moffat prête son visage reflétant la bonhomie s’obstinera tel le Monsieur Spock de la série Star Trek à nier éprouver le moindre sentiment humain, affirmant avec constance qu’il ne fait que mettre en œuvre le programme pour lequel il a été conçu. L’androïde participe parfaitement du trio, suscitant naturellement une sympathie pour la destinée de ces fugitifs dans un futur déshumanisé et désertifié.











En haut, l'androïde Rem interprété par Donald Moffat ne tarde pas à rejoindre les deux fugitifs vedettes de la série à la fin du premier épisode. En dessous, leur véhicule à énergie solaire, et des extraterrestres dont les masques ont été créés par le Studio de Don Post (le créateur le plus célèbre de masques d'Hollywood, décédé peu après la série) apparaissant dans l'épisode Les collecteurs (The Collectors) venus chercher des spécimens pour leur zoo de l'espace - d'autres envahisseurs de l'espace sévissaient dans le dernier épisode Installation interstellaire (Stargate).
            
           Si l’apparition en 1974 de Donald Moffat et de Richard Dysart* dans l’assez fastidieux L’Homme terminal (The Terminal Man) de Mick Hodges d’après le roman de Michael Crichton, les deux hommes interprétant des scientifiques amenés à converser alors qu’une expérience tente de guérir le cerveau d’un homme, qui se trouve ironiquement être informaticien, en y implantant des circuits électroniques, c’est le face à face des deux acteurs dans The Thing de John Carpenter en 1982 qui marque la mémoire. Donald Moffat est investi du rôle de chef d’une station de recherches scientifiques en Antarctique, l’Avant poste 31, qui ne se départit curieusement jamais de son pistolet à sa ceinture. Il est brusquement amené à abattre un Norvégien forcené qui essaie de tuer un chien échappé de sa base. Les membres de l’expédition découvriront trop tard que l’apparence de l’animal n’est qu’un subterfuge employé par une forme de vie extraterrestre mimétique découverte dans la glace par l’autre équipe, qui a eu le temps d’infiltrer le campement de telle sorte que la suspicion et la terreur s’installent. Lorsqu’un test sanguin est proposé par le Docteur Copper qu’incarne Richard Dysart, les hommes s’aperçoivent avec effroi que les échantillons sains de leur sang devant permettre un examen comparatif ont été détruits. Chacun se tourne alors vers Garry à qui on demande qui avait accès au congélateur scellé. «Personne, répond l’intéressé. c’est moi qui ait l’unique clé, et je ne la confie qu’à Copper si le besoin s’en fait sentir». On demande alors au médecin si on aurait pu la lui voler, et sa réponse est sans appel : «Je ne vois pas comment, dès que j’en ai fini avec elle, je la redonne à Garry ». L’échange des regards est lourd de sens, et l’atmosphère devient encore plus tendue lorsque le responsable en titre suggère qu’on aurait pu la voler à lui aussi : « Tu parles !! Votre porte-clé ne quitte jamais votre ceinturon !» lui est-il aussitôt répondu sans ménagement, et la séquence se termine avec le chef de la station remettant sa démission faute de pouvoir affronter plus longtemps la suspicion généralisée. Les acteurs réunis par John Carpenter sont tous excellents, chacun exprimant sa personnalité de manière crédible au sein de ce groupe confronté à un ennemi aussi terrifiant qu’insaisissable. A l’annonce de la disparition de Donald Moffat, le réalisateur John Carpenter a salué le talent de son ancien acteur, disant qu’il avait grandement contribué à son film. Il rendit en effet fort bien la personnalité de celui dont la fonction est d’assurer une certaine autorité mais est dépassé par des circonstances exceptionnelles, au travers de moues expressives sans être surjouées, traduisant souvent la perplexité tout comme le désabusement, comme après avoir interrompu définitivement l’attaque du tireur norvégien et à l’arrivée dans la station d’un curieux corps carbonisé ramené du camp norvégien pour être autopsié, et qui ne présente plus extérieurement que de lointaines ressemblances avec le corps humain. Nombre d’admirateurs du film se souviennent de la fameuse réplique par laquelle il laisse soudain éclater sa colère lorsqu’à la fin du test sanguin improvisé par MacReady (Kurt Russell) inspiré par la totipotence cellulaire que la chose a manifestée dans la séquence impliquant le personnage de Norris, alors que son identité humaine vient d’être confirmée, il commande qu’on le détache enfin de ses liens. On pourra cependant être plus marqué, à la fin du film, pas sa résignation désespérée à sacrifier sa propre vie de manière à ce qu’avec les derniers survivants, la menace pour l’humanité puisse être éradiquée.

Richard Dysart (le Docteur John Ellis) et Donald Moffat (le Docteur Arthur McPherson) discutent à la cafétéria de l'université dans L'Homme terminal/Homicides incontrôlés (The Terminal Man) : on pourrait presque les imaginer en train de se dire que si l'expérience sur le cerveau tourne mal, ils pourront toujours se faire oublier en se faisant affecter dans une tranquille station de recherche en Antarctique, puisqu'on les retrouve dans l'Avant poste 31 de The Thing huit ans plus tard.


Donald Moffat dans le rôle de Garry, le chef de la station de The Thing en 1982 (de profil à gauche sur la photo du haut) effaré par l'étrange cadavre rapporté de la base norvégienne.


Garry se retrouve suspecté par ses hommes d'avoir été remplacé par son clone extraterrestre, après la découverte de la destruction des échantillons de sang de référence, et le Docteur Copper (Richard Dysart) ne se gêne pas pour lui faire porter la responsabilité de celle-ci (en bas).




Garry doit endurer la suspicion généralisée et est réduit à l'impuissance jusqu'à ce que sa nature humaine lui soit enfin reconnue (en haut). Il accepte de perdre la vie pour défaire l'ennemi (au milieu), mais est piégé par le monstre qui s'est emparé de Blair et dissout la chair de son visage grâce aux effets spéciaux de Rob Bottin, dont c'est en fait la main qui apparaît à l'écran - la conception initiale était encore beaucoup plus macabre, puisque le storyboard montrait la main s'introduisant jusqu'au crâne.

 A côté de cette œuvre sombre et mémorable, Monster in the closet de Bob Dahlin en 1986 produit par la Société Troma paraît bien léger, avec son monstre féroce qui se cache dans les placards et que s’efforce de vaincre le Général Turnbull qu’incarne Donald Moffat en lui conférant les atours d’un militaire autoritaire suscitant relativement peu la sympathie dans cette comédie loufoque.




Donald Moffat incarne le Général Trumbull dans Monster of the Closet (en haut), au côté d'Henry Gibson incarnant le Docteur Pennyworth qui est persuadé qu'à la manière du final de Rencontres du 3ème type, il va pouvoir communique avec l'être inconnu au travers de la musique grâce à son xylophone (en dessous), mais l'intéressé considère moins les humains comme des interlocuteurs potentiels que comme des réserves de protéines ambulantes qu'il attaque avec sa mâchoire protractile qui à la différence de celle de l'Alien n'est autre qu'une réplique de sa propre tête.

Donald Moffat inhabituellement barbu dans le rôle du Docteur Chandler dans le treizième épisode de la première saison de La Cinquième Dimension, reprise de la série The Twilight Zone en 1985, L'étoile du berger (The Star) basé sur une courte nouvelle homonyme du célèbre écrivain de science-fiction Arthur C. Clarke. Il y dialogue avec le Père Matthew Karsighan interprété par Fritz Weaver dont la foi est mise à l'épreuve par le surgissement du tragique dans la lignée du prêtre de Candide de Voltaire ébranlé par le véritable tremblement de terre meurtrier de Lisbonne et du Père Victor de La Guerre des mondes d'H.G. Wells anéanti par l'invasion martienne, représenté en l'occurence par le triste destin d'une civilisation détruite par l'explosion d'une supernova, d'autant plus déstablisante qu'elle s'avère avoir constitué l'étoile ayant annoncé la naissance du Christ. La conversation est sûrement d'une teneur assez voisine des échanges entre le concepteur de la théorie de l'évolution Charles Darwin et le capitaine Robert FitzRoy durant le voyage d'exploration à bord du Beagle évoqué dans l'article de février 2009.

          Même si au cours de cette longue carrière, Donald Moffat ayant pris sa retraite en 2005, l’acteur n’a été que peu au premier plan, ses sourcils blonds proéminents continueront d’être associés à deux personnages de la science-fiction, celui qui est sans doute le plus humain des êtres robotisés, auquel il était parvenu à conférer une tranquille chaleur humaine dans L’Age de cristal, et sur un registre fort différent, le responsable de l’Avant-poste 31 de The Thing qui voyait la normalité d’une existence routinière basculer dans le sommet de l’épouvante, auquel il avait donné toute sa crédibilité de manière à ce que le spectateur ne doute pas un instant de la réalité de la situation dans laquelle il était plongé à la manière d’un effrayant documentaire tournant en un huis-clos sans échappatoire. Même s’il détestait les différences sociales, nous avons envie de le saluer d’un « Sir, nous avons été honorés d’avoir fait votre connaissance. »


Un bien beau portrait en hommage à Donald Moffat réalisé en 2019 par Yann Le Bastard.


* un hommage à l'acteur Richard Dysart lui a aussi été rendu en ces pages lors de sa disparition :
http://creatures-imagination.blogspot.com/2015/04/mon-danemark-pour-un-royaume-martien.html


mardi 13 novembre 2018

UN AMOUR SILICONÉ : LE BLOB PERD SON PÈRE ADOPTIF



Wes Shank avec à sa gauche la vedette de Danger planétaire (The Blob), la masse gélatineuse dont ce collectionneur passionné avait fait l'acquisition, ainsi qu'une portion de décor miniature qu'utilisa le créateur d'effets spéciaux Bart Sloane pour le film, utilisant la gravité naturelle pour faire descendre les escaliers par le monstre miniature.

L’admirateur numéro 1 de Danger Planétaire (The Blob) s’est éteint durant la nuit du vendredi 10 août 2018 suite à une chute, à l’âge de 72 ans, non sans avoir célébré à l’occasion de la "Blobfest" le soixantième anniversaire de la sortie du film américain sur les écrans.

Wes Shank, né Walter E. Shank à Bryn Mawr dans l’État de Pennsylvanie, assista en 1965 à une projection de ce film de 1958 produit par Jack Harris, habituellement producteur de films religieux et lui-même ministre du culte baptiste mais qui avait besoin d’une œuvre grand public pour engranger des rentrées d’argent, et il découvrit que celui-là avait été tourné non loin de chez lui. Il obtint alors de rencontrer dans le Studio Valley Forge le réalisateur qui avait été capable de convaincre le producteur de la viabilité de son projet, Irvin S. Yeaworth, et il se vit même offrir un échantillon de la masse en silicone qui avait été utilisée dans plusieurs scènes pour figurer dans des décors miniatures la forme de vie informe extraterrestre amenée sur Terre par une météorite et qui ne cesse de grossir au fur et à mesure qu’elle engloutit les habitants des petites villes de Downingtown et de Phoenixville dans l’État de Pennsylvanie. Enthousiaste, Wes supplia ses parents qu’ils lui donnent suffisamment d’argent pour pouvoir acheter la totalité de l’accessoire qui représentait la menace extraterrestre afin de pouvoir le préserver, anticipant qu’il finirait tôt ou tard à la poubelle.

Le jeune homme ne se contenta pas d’en prendre le plus grand soin, il le présenta dans les manifestations de science-fiction telles celles qu’organisait le fameux collectionneur Forrest J. Ackerman  ̶ à la Convention duquel il participa la même année à New-York, et devint un des principaux collectionneurs d’objets issus de films de science-fiction avec ce dernier et Bob Burns. Wes donna aussi nombre de conférences sur le sujet à l’occasion de la "BlobFest" qui se tient chaque année depuis 2000 à Phoenixville, commune où certains plans du film furent réalisés, et il écrivit un ouvrage dédié au film en 2009, From Silicone to the Silver Screen-Memoirs of the Blob (1958).



Photo récente de Wes avec son livre et son fameux seau, que certains des visiteurs hésitaient parfois à toucher comme si la menace extraterrestre qu'il présentait n'était pas totalement fictive.

Ce n'est pas un sorbet mais une distinction remise à la Blobfest, qui paraît un peu plus vivante que les statuettes stylisées habituellement remises aux lauréats des cérémonies.


Il avait fondé un atelier de restauration destinés aux films en 16 mm et 32 mm des bibliothèques et studios de télévision, ce qui lui avait valu de recevoir quatre bobines de scènes coupées du King Kong de 1933, qu’il avait sauvegardées en les dupliquant dans les deux formats ; il avait pris sa retraite en 2016. Laissant derrière lui son épouse bien aimée Judith, son fils David et ses deux petites-filles, ce passionné de fantastique dont tout le monde s’accordait à reconnaître la gentillesse était aussi très croyant ; il fut ainsi proposé aux participants à la cérémonie funéraire qu’au lieu d’offrir des fleurs, leurs dons soient au choix remis à l’Église baptiste de la ville de Lower Merion, ou bien versés en son nom au centre de préservation des films de l’institut Historic Yellow Springs à Chester Springs.



Wes Shank et un modèle de la Machine à explorer le temps du film de George Pal.

Danger planétaire avait eu aussi une certaine importance pour l’acteur Steve MacQueen qui y eut son premier rôle principal sur grand écran, lequel ne renia jamais le film initiant sa carrière cinématographique, contrairement à l’actrice Demi Moore et au maquilleur Stan Winston qui ne firent quant à eux jamais figurer dans la filmographie de leurs débuts leur contribution au film Parasite. Il ne tournera cependant jamais dans un autre film de science-fiction.



Steve McQueen incarnant Steve Andrews, un adolescent qui peine à convaincre la police de la réalité d'un péril extraterrestre sous la forme d'une masse phagocytant les habitants.

Chaque année à la Blobfest de Phoenixville, les participants rejouent avec bonne humeur la scène du film dans laquelle les spectateurs d'un cinéma fuient le monstre informe qui a investi la salle (ci-dessus) ; les figurants figurants d’origine affichaient déjà une franche hilarité, peut-être après avoir appris le montant de leur rétribution.

Le film connaîtra un curieux remake semi-parodique en 1972 sous le titre Attention au Blob ! (Beware the Blob!), seule réalisation de Larry Hagman mondialement connu pour son rôle de J.R. Ewing dans la série Dallas, dans lequel un échantillon de la créature est ramené du Pôle Nord où on l’avait enfouie pour que la glace la paralyse définitivement, puis d’un second plus sérieux en 1988, The Blob de Chuck Russell, avec un monstre polymorphe créé par Lyle Conway (Dreamchild, le remake de La petite boutique des horreurs) et d’époustouflants maquillages de Tony Gardner. Dans celui-là, la créature est moins une forme de vie venue de l’espace qu’une arme biologique développée par l’armée, relâchée accidentellement sur Terre après l’accident du satellite dans lequel elle était placée, prémisse identique à celle de L’invasion des cocons (Deep Space) de Fred Olen Ray sorti quelques mois plus tôt.

La dévotion de Wes Shank à l’égard de Danger Planétaire et de sa vraie "vedette" n’a jamais faibli. Il avait déclaré que la chose la plus effrayante au sujet de celle-là était qu’elle lui survivrait. Pour nous, le souvenir du "Gardien du Blob" lui restera à jamais associé.