lundi 2 juillet 2012

RAY BRADBURY, ENTRE POÉSIE ET SCIENCE-FICTION


L'écrivain Ray BRADBURY, né le 22 août 1920 à Waukegan, dans l'Illinois, s'est éteint le à l'âge de 91 ans le 5 juin 2012. Bien que son nom soit généralement associé à la science-fiction, il faisait partie de ces quelques auteurs comme Kurt VONNEGUT qui étaient davantage considérés comme de grands écrivains dignes de la "grande littérature", avec la reconnaissance qui s'y attache, que comme de stricts auteurs de science-fiction, désignation réputée moins prestigieuse, eux-mêmes s'attachant généralement à se dissocier du genre dans leurs déclarations et à professer leur peu d'intérêt pour la matière scientifique. Il est vrai que Ray BRADBURY s'était vu refuser ses textes par le directeur de la célèbre revue "Astounding stories", John CAMPBELL, grand découvreur de talents, qui estimait que ce qu'il écrivait "n'était pas de la science-fiction", et de manière générale son style était jugé "trop poétique" par les rédacteurs des magazines.

Après l'obtention de son diplôme dans un lycée de Los Angeles, il devient vendeur de journaux de rue pour gagner sa vie, et se cultive en fréquentant la bibliothèque. Même si il a lu dans sa jeunesse Edgar POE, Jules VERNE, H.G. WELLS et Edgar Rice BURROUGHS dont il avait à onze ans pastiché en écrivant une aventure de John Carter sur Mars, ses intérêts de lecteur adulte le portent à opter pour les œuvres des poètes et des écrivains "classiques" de la littérature anglo-américaine. Et cependant, c'est la revue "Super science stories" qui publiera son premier texte, PENDULUM, écrit en collaboration avec Henry HASSE - écrivain inconnu en France et à présent presque oublié, mais qui fut l'auteur d'un cycle futuriste volumineux, CHRONICLES OF THE SIX WORLDS ainsi que de nouvelles publiées par les pulps, dont l'une avait été choisie par Isaac ASIMOV pour figurer dans une anthologie. Selon les témoins de la scène, le jeune BRADBURY a été tellement enchanté de voir imprimé son texte qu'il aurait fini par embrasser fougueusement le magazine.

L'auteur dans son jeune temps

Certaines des œuvres de Ray BRADBURY ont acquis une immense notoriété, comme le roman FAHRENHEIT 451 (1953), dépeignant un futur proche dans lequel les livres ont été bannis, préfigurant l'épisode L'HOMME OBSOLÈTE ( THE OBSOLETE MAN ) écrit par Rod SERLING pour la série LA QUATRIÈME DIMENSION ( THE TWILIGHT ZONE ), et auquel François TRUFFAUT donna vie au cinéma en 1966 avec l'aide de la musique mélancolique de Bernard HERRMANN. Le récit n'a rien perdu de son actualité, avec le personnage de l'épouse, conditionnée par des émissions télévisées débilitantes dont elle ne s'abstrait que pour critiquer avec ses amies son mari féru de lecture, et l'omniprésence d'un discours médiatique se voulant consensuel dispensant le spectateur de tout raisonnement en lui imposant des formules préformatées expurgées de tout sens profond. On lira avec intérêt un résumé analytique réalisé par un auteur québécois qui révèle que le livre lui-même a été légèrement retouché au cours des rééditions pour éviter de choquer certaines catégories de lecteurs: http://www.erudit.org/culture/el1057873/el1060798/10684ac.pdf. BRADUBRY a aussi connu la consécration pour la série de nouvelles publiées en volume en 1950 sous le titre des CHRONIQUES MARTIENNES ( THE MARTIAN CHRONICLES ), adaptées sous forme de série télévisée avec Rock HUDSON en 1980, les fantomatiques habitants de Mars, qu'on suppose repoussés au loin par la colonisation de la planète par les Terriens, apparaissant en toile de fond d'histoires au ton nostalgique tournant principalement autour de la psychologie des nouveaux occupants, préfigurant quelque peu l'esprit de divers épisodes de LA QUATRIÈME DIMENSION dans lesquels le sens du merveilleux ne va pas sans une certaine causticité et un désenchantement quant à la nature humaine. Sa publication en français inaugura la célèbre collection "Présence du futur" chez l'éditeur Denoël. LA FOIRE DES TÉNÈBRES a aussi été transcrite à l'écran par Jack CLAYTON en 1983, après une première adaptation en 1972; son atmosphère provinciale, empreinte de nostalgie, sur l'enfance confrontée à de terrifiants secrets, annonce fortement les histoires de Stephen KING ; l'idée d'un cirque itinérant abritant un personnage maléfique aux pouvoirs surnaturels rappelle aussi les romans de Theodore STURGEON CRISTAL QUI SONGE et LE CIRQUE DU DR LAO de Charles FINNEY, adapté au cinéma; ce second récit avait d'ailleurs été choisi comme tête d'affiche d'une anthologie constituée par Ray BRADBURY, "The circus of Dr. Lao and other improbable stories".

Ray BRADBURY s'est lui-même impliqué directement dans l'univers audio-visuel, en transformant en scénario certaines de ses histoires, comme LA FÉE ÉLECTRIQUE ( I SING THE ELECTRIC BODY ) sous forme d''un épisode de la série LA QUATRIÈME DIMENSION (THE TWILIGHT ZONE) - devenu également un téléfilm en 1982, THE ELECTRIC GRANDMOTHER, en concevant la série RAY BRADBURY PRÉSENTE (RAY BRADBURY THEATRE), et a collaboré à divers films, écrivant notamment le scénario de l'adaptation cinématographique de MOBY DICK réalisé par John HUSTON, avec lequel il eut une relation difficile.

L'adaptation en bande dessinée des CHRONIQUES MARTIENNES ne comporte pas les monstres spectaculaires que la couverture promet, pas plus que l'œuvre originale, mais fait seulement apparaître fugacement une forme de vie indigène vivant dans les canaux, le "poisson-anneau", d'après la description de BRADBURY : "Un poisson-anneau argenté flottait près d’eux, ondulait et se refermait comme un iris, instantanément, autour de parcelles de nourriture, pour les assimiler".n poisson-anneau argenté flottait près d’eux, ondulait et se refermait comme un iris, instantanément, autour de parcelles de nourriture, pour les assimiler".
A l'instar d'Isaac ASIMOV, Ray BRADBURY recourait peu aux créatures dans ses histoires, préférant opter pour un fantastique plus éthéré, dont la qualité poétique ne manquait d'être soulignée. Sa courte nouvelle LA LONGUE ATTENTE (THE ONE WHO WAITS), intégrée dans LES CHRONIQUES MARTIENNES, évoque une entité encore plus évanescente que les fantomatiques martiens, une force immatérielle attendant au fond d'un gouffre l'explorateur par trop téméraire.
La forme vaporeuse pourvue de conscience, de LA LONGUE ATTENTE, représentée en bande dessinée par Al WILLIAMSON.

Ray BRADBURY est cependant l'auteur du script "Atomic creatures" sur lequel, comme le relevait John CARPENTER lui-même, est basé le premier film de science-fiction comportant une forme de vie non humanoïde (suite à la volte-face des producteurs de LA CHOSE D'UN AUTRE MONDE déjà évoquée, sur laquelle on reviendra en août). Mis en scène par le célèbre réalisateur Jack ARNOLD, LE MÉTÉORE DE LA NUIT (IT CAME FROM OUTER SPACE), tourné pour être projeté en relief, est un des rares films de l'époque mettant en scène des extraterrestres qui s'avèrent finalement peu hostiles. Le film joue pourtant avec le climat d'inquiétude de la guerre froide entre Américains et Soviétiques, mais les simulacres extraterrestres apparaissant lors de scènes très inquiétantes filmées dans le désert jalonnés de cactus aux formes psychédéliques parfaitement mises en valeur, ne sont, contrairement à ceux de L'INVASION DES PROFANATEURS DE SÉPULTURES trois ans plus tard, que des naufragés désireux d'utiliser des compétences humaines sans attirer l'attention, ayant remplacé les humains servant de main-d'œuvre, provisoirement ravis à leur famille, par des simulacres tandis que les originaux s'attellent à la réparation du vaisseau spatial.

L'antre des visiteurs, dissimulé dans un flanc de montagne.

Gros plan sur un des extraterrestres, enfin révélé.


Sa nouvelle LA SIRÈNE est portée en 1953 au cinéma sous le titre LE MONSTRE DES TEMPS PERDUS (THE BEAST FROM 20000 FATHOMS), avec sa créature dinosaurienne (une espèce inventée surnommée Rhedosaurus) rendue à la vie, qu'animait son ami Ray HARRYHAUSEN, prenant le son d'une sirène d'un phare pour l'appel d'une femelle de son espèce. Cet espoir déçu condamnant à la solitude le protagoniste renvoie sans doute à d'anciennes expériences de l'auteur qui confiait dans sa jeunesse avoir éprouvé durement l'échec amoureux, comme dans les classiques LE BOSSU DE NOTRE DAME et LE FANTÔME DE L'OPÉRA qu'il avait vus enfant.


Un autre reptile géant des temps reculés évoqué par l'écrivain est le Tyrannosaure que chassent pour le plaisir des voyageurs du temps dans la courte nouvelle COUP DE TONNERRE (AS OUND OF THUNDER). L'intrigue est connue, un papillon écrasé par inadvertance suffisant à changer le futur, illustrant la théorie du "battement d'ailes de papillon à l'autre bout du monde qui crée un cataclysme", comme détaillé par le "physicien du chaos" interprété par Jeff GOLDBLUM dans JURASSIC PARK, autre film démontrant le danger d'employer des dinosaures dans un sens ludique. Adaptée tardivement au cinéma, en 29005, l'histoire a été compliquée par divers aller-retours temporels, l'un deux voyant la cité du futur envahie par des mauvaises herbes et investie par un groupe de babouins mutants anthropophages imaginés par le sculpteur Brian WADE ( mais réalisés numériquement ).

Adaptation d'UN COUP DE TONNERRE par Al WILLIAMSON

Autre adaptation en bande dessinée par un autre dessinateur célèbre, Richard CORBEN.

Tout récemment, CHRYSALIS, qui avait déjà eu l'honneur d'une dadaptation à la télévision italienne en 1979 (LA CRISALIDE, dans la série RACCONTI DI FANTASCIENZA) transférait au cinéma une nouvelle futuriste de l'écrivain, huis-clos à la manière de THE TERROR WITHIN, montrant des survivants essayant de recréer la vie végétale qui voyait l'un d'eux progressivement recouvert d'un étrange cocon verdâtre, l'œuvre permettant d'aborder le thème des rapports antre la science et la religion.


LA CRISALIDE

La singularité de Ray BRADBURY ne se limite pas à son rapport un peu atypique aux genres de l'imaginaire, si on en juge par les tentatives des critiques de le situer politiquement, comme cela avait déjà été le cas pour un autre célèbre écrivain de science-fiction Robert HEINLEIN. Certains en font un auteur d'une gauche non marxiste, critiquant les dérives d'un monde productiviste, de l'appât du gain de la société moderne et de la déculturation qui l'accompagne toujours davantage, viscéralement attaché au pacifisme, dénonçant explicitement le racisme, et décèlent même au travers des Martiens évanescents des CHRONIQUES MARTIENNES le souvenir des Amérindiens acculés aux réserves par les colons anglo-saxons venus s'établir et asservir la nature, ce qui en ferait presque un précurseur des mouvements de contestation de la société de consommation des années 1970. D'autres au contraire décèlent dans l'attachement au mode de vie traditionnel une forme de nostalgie pour une société plus provinciale et rurale, qui serait davantage harmonieuse conformément à la thèse du sociologue TÖNNIES, et l'écrivain confesse d'ailleurs son peu d'attirance pour le progrès et la science, ce qui pousse certains à en faire un conservateur, ce qui pourrait encore être étayé par sa dénonciation prémonitoire du discours "politiquement correct" dans FAHRENHEIT 451 visant à éradiquer, comme dans nombre d'universités américaines actuelles, l'étude de toute œuvre et toute considération qui pourrait pousser même indirectement une minorité à se sentir offensée. La décoration de l'écrivain par la médaille nationale des arts en 2004 des mains du président George BUSH junior, qui a décidé de l'invasion de l'Irak en présentant de fausses preuves de l'implication du dictateur Saddam HUSSEIN dans des actes terroristes internationaux, est quelque peu ironique quand on pense à la préparation de l'opinion à une "guerre propre", sans morts, dans FAHRENHEIT 451, préfigurant les attaques ciblées censées épargner les civils et l'interdiction de publier des photos des corps de soldats américains tués au combat notamment lors de la seconde guerre du Golfe - l'écrivain avait d'ailleurs initialement exprimé son insatisfaction de voir une allusion au titre de ce roman dans celui d'un documentaire de Michael MOORE présentant un réquisitoire à ce sujet. D'autres font encore valoir que, finalement, Ray BRADBURY pourrait être apolitique, et ses considérations n'émaner que de la réflexion d'un poète - après tout, un écrivain exprime avant toute chose un regard individuel au travers de ses élaborations artistiques et il est souvent réducteur de vouloir l'assigner à une catégorisation partisane.

Ayons une petite pensée pour le créateur de monstres Ray HARRYHAUSEN, qui après le rédacteur du magasine "Famous monsters", Forrest ACKERMAN, perd avec le volubile Ray BRADBURY un second ami très cher. Suite à un accident cérébral, Ray BRADBURY passa les dernières années de sa vie dans un fauteuil roulant, mais s'efforça de conserver son apparente légèreté. En 2012 encore, il contribuait à l'adaptation au cinéma en tant que court-métrage sous le titre RAY BRADBURY'S KALEIDOSCOPE de sa nouvelle KALÉIDOSCOPE, dont le romantisme désabusé se concrétise par la pensée d'un astronaute en chute libre qui se réconforte en se disant qu'au moins sa mort participera du renouvellement du cycle de l'écosystème de sa planète. Auteur en marge des genres, assez inclassable politiquement, reconnu par une élite à laquelle il s'est toujours attaché à ne pas appartenir, c'est un personnage singulier empreint de bonhomie et de charme qui disparaît après avoir conquis une place non discutée dans l'imaginaire du XXème siècle, paradoxalement tout particulièrement auprès de ceux qui sont plutôt réticents au fantastique. Une étoile sur le boulevard d'Hollywood des célébrités en 2002 et un astéroïde portant son nom consacrent définitivement son succès.



Astronaute changé en étoile filante dans une bande dessinée de Wally WOOD inspirée officieusement de l'œuvre de Ray BRADBURY, les nouvelles KALEIDOSCOPE et ROCKET MAN. BRADBURY a écrit une lettre ironique expliquant qu'il n'avait pas encore reçu le versement des droits d'adaptation et qu'il espérait que l'éditeur William GAINES y remédierait. Ce dernier prit bien la chose, lui envoya les 50 dollars requis, et une série de nouvelles adaptations en bandes dessinées, cette fois officielles, débuta...

Réticent devant l'emprise croissante de la technologie, Ray BRADBURY a toujours refusé que soit proposée une version numérisée de ses livres, mais il avait néanmoins son site internet officiel : http://www.raybradbury.com/

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Signalons en passant la disparition d'un acteur qui s'est notamment illustré dans les séries télévisées en incarnant des personnages patibulaires. Richard LYNCH, acteur américain d'origine irlandaise ( il avait la double nationalité ), a été découvert sans vie à son domicile le 19 juin 2012, à l'âge de 76 ans. Son visage particulier provient d'un accident survenu alors que, sous l'effet de la dogue, il s'était immolé; il apporta son expérience à un documentaire contre l'usage des drogues. On l'a vu dans des épisodes de BUCK ROGERS AU XXVème SIECLE, GALACTICA, MANIMAL - y incarnant un agent de l'est inquiétant, STAR TREK-THE NEXT GENERATION,...

Richard LYNCH ne se remet pas de la mort de sa famille dans NECRONOMICON et, comme le Comte Dracula mis en scène par COPPOLA, renie Dieu dans son ire.

Au cinéma, on l'avait vu notamment interpréter le souverain maléfique de L'ÉPÉE ENCHANTÉE ( THE SWORD AND THE SORCERER ), un film d'heroic-fantasy d'Albert PUYN, ainsi qu'un homme bouleversé dont la courte apparition est assez inoubliable dans NECRONOMICON, s'adonnant à l'occultisme dans le fol espoir de faire revivre les siens, et l'avènement de puissances monstrueuses ne dissuadera pas pour autant un autre désespéré de tenter la même funeste expérience.

Richard LYNCH disparaît après 40 ans de carrière. Son fils unique, né d'un premier mariage, Christopher LYNCH, qui avait suivi les traces de son père, l'avait précédé dans la tombe, victime en 2005 d'une pneumonie.


dimanche 17 juin 2012

QUAND STAN WINSTON CROISAIT E.T. L'EXTRATERRESTRE




DOUBLE ANNIVERSAIRE

Il y'a quatre ans, le 15 juin 2008, disparaissait un des plus fameux créateurs de monstres du cinéma, Stan WINSTON, ce qui m'incitait à mettre en ligne un petit hommage écrit spontanément, et accessoirement à créer ce blog, dont c'est donc également le quatrième anniversaire.

Malgré l'importance de sa disparition, la grande époque de son studio était cependant malheureusement déjà passée, puisque son équipe avait du se contenter de la conception artistique sur un film comme AVATAR, tous les éléments fantastiques étant virtuels. Le studio Stan WINSTON n'avait par ailleurs pas survécu au décès de son fondateur, celui-ci ayant été fermé pour permettre de régler la question de l'héritage, les proches collaborateurs du disparu créant une nouvelle compagnie, Legacy Fx ( littéralement "héritage effets spéciaux" ), ainsi nommée pour évoquer la filiation avec le grand créateur.

Un internaute bulgare incollable sur les créateurs d'effets spéciaux contemporains d'Hollywood, Dimitar DIMITROV, a d'ailleurs récemment, avec le concours de son ami hongrois Balasz FOLDESI, créé sur le fameux réseau Facebook une page d'hommage contribuant à faire vivre son souvenir et comportant une revue très complète de ses états de service, où l'on apprend même que cet artisan ayant accédé à la plus haute consécration au sein du cinéma américain, à la fois grâce à son enthousiasme, son inventivité et aussi aux liens privilégiés qu'il avait su entretenir avec les personnalités les plus influentes du show-business tels qu' Arnold SCHWARZENEGGER, James CAMERON et Steven SPIELBERG, soutenait aussi beaucoup plus discrètement la cause des enfants maltraités:


Mais 2012 représente par ailleurs le trentième anniversaire d'une des plus fastueuses années du cinéma fantastique. En 1982 sortaient sur les écrans nombre de grands films fantastiques de qualité, comme THE THING, POLTERGEIST, LA FELINE (CAT PEOPLE ), BLADE RUNNER ou encore le plus fameux d'entre eux, mis en scène par Steven SPIELBERG, E.T. L'EXTRATERRESTRE ( E.T. THE EXTRATERRESTRIAL ). Le très bon accueil du film ne l'empêcha pas cependant d'être interdit au jeune public dans les pays scandinaves, où une scène difficile, comme la mort apparente de l'extraterrestre, et plus encore la vision quelque peu désenchantée du monde des adultes, avaient semblé ne pas convenir aux enfants.

A priori, il n'existe guère de rapport entre Stan WINSTON et E.T, même si ce dernier a ressenti aussi les conséquences de la vague hégémonique des images créées par ordinateur, avec une ressortie de l'oeuvre additionnée de quelques plans assez désolants avec un E.T. virtuel, choix que SPIELBERG avouera finalement regretter par l'atteinte qu'il portait au film tel que les spectateurs l'avaient apprécié. Cependant, les trajectoires du créateur de monstres renommé et de l'extraterrestre de cinéma semblent s'être quelque peu croisées.

A l'origine, Steven SPIELBERG avait à l'esprit les récits supposés d'enlèvements extraterrestres ( ce qui lui fournira l'idée d'une série, DISPARITION (TAKEN) en 2002 ) et voulait faire de son projet une sorte de version plus sombre et inquiétante de RENCONTRES DU TROISIÈME TYPE ( CLOSE ENCOUNTERS OF THE THIRD KIND ) qu'il avait réalisé en 1978. Le célèbre maquilleur Rick BAKER avait été engagé pour concevoir les humanoïdes extraterrestres au faciès peu accueillant. Puis le projet n'aboutit pas, SPIELBERG s'orientant finalement vers une histoire amicale entre deux enfants ( dont l'adorable Drew BARRYMORE encore toute empreinte de naïveté enfantine ) et un visiteur de l'espace, et Rick BAKER finit par abandonner la partie suite à une incompréhension avec le réalisateur, à l'instar de Michael McCRACKEN Sr. sur RENCONTRES DU TROISIÈME TYPE ( comme évoqué dans l'hommage à ce dernier en août 2011 ) .

Si le concept du personnage éponyme de E.T. L'EXTATERRESTRE doit beaucoup à la tortue, avec son long cou et sa peau plissée, ses grands yeux de batracien le rapproche soudainement aux yeux des spectateurs des grenouilles objets d'un exercice de vivisection à l'école, contre lequel s'insurge son ami humain, le jeune Elliott ( Henry THOMAS ), en empathie avec le visiteur venu de l'espace qui ressent de la compassion pour toutes les formes de vie.


SPIELBERG renoue avec Carlo RAMBALDI, qui avait conçu la tête mécanique pour le gros plan de RENCONTRES DU TROISIÈME TYPE, et lui demande de concevoir l'extraterrestre. Toujours hésitant au vu de la création de l'artiste italien, il s'adresse au studio de Stan WINSTON afin qu'il lui propose sa propre version. Le principal sculpteur attitré du studio, James KAGEL, réalise un modèle en glaise, dont la spécificité est sans doute représentée par ce qui s'apparente à deux longues oreilles, lui conférant un air de parenté avec le Yoda de L'EMPIRE CONTRE-ATTAQUE. SPIELBERG préférera en définitive la vision de RAMBALDI, en tenant à avoir une boîte crânienne très allongée - à l'instar d'ailleurs d'un autre célèbre extraterrestre également d'allure quelque peu reptilienne, ALIEN, déjà créé par Carlo RAMBALDI - lointaine similarité qui n'est cependant pas imputable au créateur d'effets spéciaux commun aux deux films, l'idée du crâne du monstre du film de Ridley SCOTT venant directement des peintures du peintre suisse H.R. GIGER, et pour ce qui concerne E.T., c'est bien SPIELBERG en personne qui a souhaité que soit conférée à l'arrière de la tête l'allure d'un sac de golf. Quant à Stan WINSTON lui-même, il déclina l'offre de travailler sur le film pour ne pas avoir à composer avec un autre spécialiste d'effets spéciaux et conserver la maîtrise de son travail - et peut-être aussi afin d'éviter la relative déconvenue qu'avait éprouvée le maquilleur Rick BAKER lorsqu'il avait eu lui-même affaire avec Carlo RAMBALDI sur le remake de KING KONG.

La version en glaise d' E.T. aux allures de lutin, proposée par James KAGEL, révélée par la page Facebook de l'artiste.

L'histoire ne s'arrête cependant pas là. On fit de nouveau appel en 1999 aux talents du studio de Stan WINSTON pour qu'il réalise une réplique du personnage animée par servo-moteur et tiges actionnées par plusieurs marionnettistes, destinée au tournage de plusieurs réclames commerciales utilisant le personnage comme le spot "Together" pour British Telecom, réalisées en Grande-Bretagne (et qui, pour cette raison, devait être facilement transportable). Rob BURMAN, fils du célèbre maquilleur Rob BURMAN et un des techniciens de THE THING, qui a participé à la recréation de E.T., a précisé qu'il n'avait alors pu disposer que de photos de très petite dimension pour tout matériel de référence. Cette version de l'extraterrestre était constituée de métal et d'aluminium, et recouverte d'une peau en résine et silicone. Deux bras supplémentaires furent aussi fabriqués.


La recréation du célèbre personnage par le studio de Stan WINSTON.

E.T. a tellement envie de "retourner à la maison" qu'il s'est mis lui-même dans la valise pour être sûr de partir...

Stan WINSTON et E.T. L'extraterrestre, deux grandes figures du cinéma de science-fiction, étaient donc appelées à se rencontrer, même si cette rencontre est demeurée ponctuelle.




jeudi 31 mai 2012

ÇA DEVRAIT VOUS DIRE QUELQUE CHOSE...


Découvrant une photo de l'étrange poisson Psychrolutes, le réalisateur de MEN IN BLACK III, Barry SONNENFELD, a demandé au maquilleur Rick BAKER d'en réaliser une effigie pour une séquence se déroulant dans un restaurant chinois, laquelle fut réalisée en silicone. Les lecteurs les plus fidèles de "Créatures et imagination" l'auront sans doute reconnu et auront au cinéma une impression de "déjà vu", puisqu'il fut l'invité de la seconde "photo-mystère": http://creatures-imagination.blogspot.fr/2011/05/photo-mystere-n-2.html.

Ce Poisson inhabituel illustre parfaitement la vocation de ce site, avec ses allers-retours entre les représentants du monde vivant et leur figuration au travers de l'imaginaire: apparu sous son identité originelle de spécimen zoologique pittoresque au travers de la photo-mystère numéro 2, il reparaît à présent en ces pages en tant que créature figurant dans un film de science-fiction, retranscrivant la manière dont le fantastique se saisit des êtres existants pour se les réapproprier sous diverses formes. Psychrolutes mériterait de devenir l'emblème de "Créatures et imagination, les êtres réels et les êtres imaginaires".


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Encore une disparition d'un compositeur de science-fiction

Huit ans seulement après son célèbre père, le compositeur Joël GOLDSMITH a été à son tour emporté le 29 avril 2012 à l'âge de 54 ans par un cancer ( mal qui avait déjà écourté les carrières de Michael KAMEN et Basil POLEDOURIS ), situé au niveau des poumons, ainsi que par une maldie musculaire. On avait évoqué brièvement cette personnalité dans l'article qui fut consacré à l'hommage à Jerry GOLDSMITH pour honorer sa mémoire à l'occasion du cinquième anniversaire de la disparition de ce dernier (http://creatures-imagination.blogspot.fr/2009/07/lhomme-qui-faisait-chanter-les-mogwai.html ).

Né le 19 novembre 1957, Joël GOLDSMITH fit ses débuts professionnels en collaborant sur la bande musicale du film de science-fiction à petit budget LASERBLAST avec Richard BAND, frère de Richard BAND, producteur et réalisateur du film PARASITE. Il s'était particulièrement fait connaître dans le domaine des séries télévisées, notamment en illustrant plusieurs centaines d'épisodes des différentes sagas dérivées du film STARGATE, ce qui lui valut d'être honoré à plusieurs occasions par des Emmy awards sanctionnant la réussite en matière de télévision, et notamment pour sa création du thème héroïque de STARGATE ATLANTIS récompensé en 2005. Sur un mode musical plus singulier, il avait aussi signé la musique de certains épisodes de la série d'AU- DELÀ DU RÉEL, L'AVENTURE CONTINUE ( THE NEW OUTER LIMITS ), sa partition y privilégiant, plutôt que des mélodies reconnaissables, d'étranges assonances constituant une atmosphère mystérieuse et envoûtante s'harmonisant parfaitement avec celles des compositeurs comme J. Peter ROBINSON et John VON TONGEREN ayant également travaillé sur la série, l'ensemble étant tout à fait approprié au climat des histoires extraordinaires de cette série marquante des années 1990 riche en créatures étranges.


Joël GOLDSMITH a illustré un certain nombre d'épisodes d'AU-DELÀ DU RÉEL, L'AVENTURE CONTINUE.


Dans l'épisode LES DÉPROGRAMMEURS (THE DEPROGRAMMERS), l'humanité est sous la coupe d'extraterrestres reptiliens, contre lesquels seuls quelques individus isolés paraissent s'élever. On trouvera en suivant ce lien la liste des titres originaux des épisodes d'AU-DELÀ DU RÉEL auxquels il a contribué: http://tvscoring.150m.com/Outer.html

Le père et le fils avaient à l'occasion oeuvré ensemble, notamment en 1984 sur la partition électronique de RUNAWAY réalisé par Michael CRICHTON et en 1996 sur le film STAR TREK FIRST CONTACT.


Le Maître et son fils au temps de leur collaboration sur STAR TREK FIRST CONTACT.

hommage sur le principal site américain consacré à son père: http://www.jerrygoldsmithonline.com/spotlight_joel_goldsmith.htm

Signalons par ailleurs le décès de cause inconnue, à l'âge de 43 ans, survenu le 21 avril 2012 de Samara KATZ née HAGOPIAN, technicienne d'effets spéciaux, qui avait notamment débuté sur CHÉRI, J'AI RÉTRÉCI LES GOSSES ( HONEY, I SHRUNK THE KIDS ), travaillé pour Kevin YAGHER, avait collaboré sur certains films de Roland EMMERICH au sein du département mécanique, STARGATE, GODZILLA ainsi qu' INDEPENDANCE DAY en tant que membre du studio Character Shop de Rick LAZZARINI ( avec lequel elle avait aussi notamment œuvré sur les insectes monstrueux de MIMIC et sur l'éléphant incroyablement réaliste de OPERATION DUMBO DROP ). En compagnie de ses deux chiens, elle occupait ses loisirs en s'adonnant à la joaillerie artisanale et aux bouturage des cactus, deux domaines dans laquelle sa compétence était également reconnue.


Une biographie plus complète en anglais peut être lue sur le site de Rick LAZZARINI :
http://ricklazzarini.tumblr.com/post/23388490585/obituary-samara-hagopian-katz-we-loved-you-so-sam

Un autre spécialiste d'effets spéciaux bien connu a disparu le 28 mai 2012. Frère de Richard YURICICH, directeur de la photographie sur les séquences d'effets spéciaux visuels de classiques de la science-fiction, Matthew YURICICH concevait des peintures sur verre incorporées aux films (matte-paintings), permettant de créer des trompe-l'oeil à l'époque où les arrières-plans n'étaient pas créés par infographie.


Matthew YURICICH, avec deux peintures combinées avec les plans tournés avec les acteurs, pour LA BATAILLE DE LA PLANÈTE DES SINGES (BATTLE FOR THE PLANET OF APES) de 1974 en haut, et une scène de STAR TREK-LE-FILM à la perfection technique digne de Ralph McQUARRIE évoqué récemment, laquelle a marqué les cinéphiles de la même manière que ses décors de PLANÈTE INTERDITE, la ville futuriste de SOLEIL VERT ou encore nombre d'arrières plans de la cité noyée dans des tons bleutés de BLADE RUNNER.

Né le 19 janvier 1923 dans l'Ohio de parents croates, il s'engage dans l'armée durant la seconde guerre mondiale, puis entame sa carrière dans les studios d'Hollywood, contribuant à l'aspect visuel de nombreux films comme BEN-HUR, LE SYNDROME CHINOIS (THE CHINESE SYNDROM), SOLEIL VERT (SOLEYNT GREEN), L'ÂGE DE CRISTAL (LOGAN's RUN), LES RESCAPES DU FUTUR (FUTUREWORLD), DAMNATION ALLEY, STAR TREK LE FILM (STAR TREK-THE-MOVIE), BLADE RUNNER, BRAINSTORM et 2010. Il avait aussi collaboré à certains films comportant des créatures fantastiques, PLANÈTE INTERDITE (FORBIDDEN PLANET), RENCONTRES DU TROISIÈME TYPE (CLOSE ENCOUNTERS OF THE THIRD KIND), la série V, S.O.S. FANTÔMES (GHOSTBUSTERS), POLTERGEIST 2 (le décor rocheux du prologue), VAMPIRE, VOUS AVEZ DIT VAMPIRE? (FRIGHT NIGHT) et THE MONSTER SQUAD.
Après son divorce en 1976, ce père de cinq enfants occupa sa retraite en pratiquant sa passion pour les compétitions de tir à l'arc et continua à peindre pour son plaisir.

On trouvera un éventail très complet de ses contributions à cette page :
http://nzpetesmatteshot.blogspot.fr/2010/10/matts-mattes-photo-tribute-to-career-of.html



lundi 2 avril 2012

IL A AGENCE L'UNIVERS DE LA GUERRE DES ETOILES


Ralph McQUARRIE s'amusant en compagnie d'un comparse ayant revêtu le costume de Dark Vador, le personnage qu'il était le plus fier d'avoir façonné.

Un illustrateur de science-fiction de premier plan a disparu le 3 mars 2012 à l'âge de 82 ans. Né le 13 juin 1929 dans l'Indiana, Ralph McQUARRIE se rend en Californie et débute une carrière de dessinateur industriel chez Boeing. Sa notoriété ne cesse de croître, réalisant des illustrations à l'attention du public, telles que des animations accompagnant la couverture du programme spatial Apollo pour la chaîne CBS.

C'est sa passion pour la technologie qui amène finalement cet illustrateur à s'investir dans le domaine de la science-fiction, genre auquel il avoue ne pas s'intéresser spontanément en tant que lecteur. Après avoir réalisé des couvertures de livres de science-fiction, qu'il s'attache à lire pour en tirer l'idée qui lui paraît visuellement la plus intéressante, ainsi que des posters de films, c'est sa contribution à un projet inabouti de film de science-fiction, STAR DANCING initié par les futurs auteurs du DRAGON DU LAC DE FEU (DRAGONSLAYER), qui attire l'attention du jeune réalisateur George LUCAS, lequel l'engage en novembre 1974 en tant qu'artiste conceptuel pour concrétiser son script de LA GUERRE DES ÉTOILES ( STAR WARS : A NEW HOPE ). Sa participation fut déterminante, puisque LUCAS parvint enfin à intéresser les producteurs à son entreprise grâce à la beauté plastique et à la puissance visuelle émanant des créations de l'artiste. Il conçoit notamment l'apparence du robot 2D2, l'armure des troupes de l'Empire ainsi que la figure la plus iconique de la trilogie, le casque de Dark Vader ( Darth Vador en V.O. ), que George LUCAS trouve si réussi qu'il décide d'en revêtir en permanence le personnage - qui dissimule ainsi son visage brûlé sous de mystérieux atours. Ralph McQUARRIE se réjouissait de voir cette création célèbre au point de la voir reprise dans des publicités.

Il travaille aussi pour Steven SPIELBERG, concevant le concept du majestueux vaisseau-mère de RENCONTRES DU TROISIEME TYPE ( CLOSE ENCOUNTERS OF THE THIRD KIND ), d'après un rêve fait quelques années plus tôt - nonobstant l'injonction extraterrestre de son songe de ne pas évoquer leur présence. Sa contribution au premier projet d'adaptation au cinéma de la série STAR TREK, STAR-TREK-LE FILM ( STAR TREK-THE MOVIE PICTURE ), ne survit guère au rejet par le producteur Gene RODDENBERRY, créateur de la série originelle, du script que Philip KAUFMAN - réalisateur du remake de 1978 de L'INVASION DES PROFANATEURS DE SEPULTURES (INVASION OF THE BODY SNATCHERS ) - devait initialement porter à l'écran; McQUARRIE étant par la suite retenu par son engagement sur L'EMPIRE CONTRE-ATTAQUE lorsque le projet se concrétise, il ne subsiste de son travail dans le film finalement dirigé par Robert WISE qu'une station spatiale.


L'envol de L'Enterprise vu par McQUARRIE.

Une créature dessinée pour STAR TREK.

Il est à nouveau à l'œuvre sur le second volet de la saga de LUCAS, L'EMPIRE CONTRE-ATTAQUE ( THE EMPIRE SRIKES BACK ), puis sur le troisième volet, LE RETOUR DU JEDI ( RETURN OF THE JEDI ), qu'il quitte au bout de deux ans, ayant la sensation d'avoir accompli la majeure part du travail. S'il a conçu la Forteresse de Jabba the Hut, sa version du personnage du monstre lui-même n'est pas retenu, l'illustrateur ayant envisagé un personnage malfaisant plus agile que la créature sardonique au corps de limace qui est retenue. Certaines de ses plus belles illustrations pour LE RETOUR DU JEDI ne sont pas des œuvres conceptuelles mais des réalisations effectuées postérieurement à la sortie du film pour ses portfolios dédiés à la trilogie.


Ralph McQUARRIE avait pour L'EMPIRE CONTRE-ATTAQUE doté le monde de Dagobah d'un grand nombre de créatures étranges, mi-animales mi-végétales, comme ce spécimen à mi-chemin de la pieuvre et de la souche d'arbre, qui pourrait évoquer un zoomorphe de ROSNY Aîné. Malheureusement, LUCAS a finalement opté pour un paysage de marécage plus classique, le plateau étant finalement décoré par des végétaux qui ne dépareraient pas celui des Everglades terrestres, et hébergeant même quelques reptiles véritables...

Une créature inquiétante de Dagobah qui ne verra pas davantage le jour à l'écran.

Monstre aquatique évoquant une limace, habitant les marais de la planète Dagobah, dont on trouvera aucune trace dans le film.

Le concept final de l'énorme monstre de l'astéroïde dont s'échappe le Millenium Falcon d'Han Solo représenté par l'artiste ( la photo de la créature a été publiée dans l'article hommage à Irvin KERSHNER en novembre 2010 ).

Cette petite créature dessinée par McQUARRIE devait vivre en commensal du Sarlacc, le monstre du désert vu dans LE RETOUR DU JEDI. Seule sa tête survivra, sous forme d'un hôte de Jabba fugitivement apperçu.

Antérieurement, l'artiste avait aussi élaboré l'univers d'un autre space-opéra cinématographique, celui de BATTLESTAR GALACTICA, mais il décida par la suite de ne pas renouveler sa participation à ce genre de film par respect pour Georges LUCAS, afin de ne pas galvauder l'univers qu'il avait largement contribué à façonner.

Les Oviones insectoïdes de GALACTICA : une neutralité pas nécessairement bienveillante.

Il conçoit néanmoins le vaisseau des visiteurs de COCOON pour lequel il reçoit un Oscar, œuvre pour SPIELBERG sur E.T. en imaginant l'engin spatial inspiré l'esthétique de l'époque de Jules VERNE, LES AVENTURIERS DE L'ARCHE PERDUE ( RAIDERS OF THE LOST ARK ), sa production BATTERIES NON INCLUDED et JURASSIC PARK. Il contribue aussi à STAR TREK IV: THE VOYAGE HOME, LES MAÎTRES DU MONDE (et effectue un peu de travail sur CABAL ( NIGHTBREED ) de David CRONENBERG et une version non retenue du projet d'adaptation de TOTAL RECALL.

L'artiste au travail sur une peinture sur verre de Bespin, la cité des nuages de L'EMPIRE CONTRE-ATTAQUE.

Ralph McQUARRIE s'était initialement déclaré intéressé par le projet de nouvelle trilogie STAR WARS ( les "préquelles" ), envisageant avec intérêt la perspective de renouveler ses concepts, mais, lorsque le projet vint à se concrétiser des années plus tard, George LUCAS engagea Doug CHIANG, et le vétéran voyant alors que celui-ci avait déjà largement défini l'esthétique de la nouvelle trilogie estima qu'il n'avait plus grand chose à ajouter à son travail et déclina l'offre de s'associer à la nouvelle saga.

Apparition fugitive à l'écran de l'artiste sous l'identité du "Général McQuarrie" ( ça tombe bien ) dans L'EMPIRE CONTRE-ATTAQUE, témoignant de la reconnaissance de l'auteur de la saga à son égard.

Souffrant depuis plusieurs années de la maladie de Parkinson l'empêchant de pratiquer son art et même de signer des autographes, Ralph McQUARRIE disparaît en laissant derrière lui un riche héritage artistique. Il fait incontestablement parti des visionnaires qui auront contribué à façonner la science-fiction contemporaine.


MOEBIUS, une influence plus indirecte sur le cinéma


Le 10 mars 2012 s'est éteint à Paris dans sa 73 ème année le dessinateur Jean GIRAUD. Connu notamment pour les aventures du LIEUTENANT BLUEBERRY, principale concrétisation de sa passion juvénile pour les cowboys et les Indiens dessinée dans un style proche de celui d'Hugo PRATT ( porté à l'écran par Jan KOUNEN ), il avait aussi mené une carrière dans le genre fantastique sous le nom de MOEBIUS ( pseudonyme forgé d'après le concept de ruban pourvu d'une seule face par MÖBIUS ). Sa participation à la saga du SURFEUR D'ARGENT ( SILVER SURFER ), un des super-héros dont les aventures sont publiées par les fameuses éditions Marvel, lui avait plus particulièrement valu une renommée mondiale. Né à Nogent-sur-Marne le 8 mai 1938, ayant grandi à Fontenay-sous-bois avec son père, il travaille sur des bandes dessinées pour la jeunesse comme "Fripounet et Marisette" et "Coeurs vaillants". Co-créateur des Humanoïdes associés, une maison d'édition fondée par des dessinateurs, il avait participé à l'aventure des deux plus célèbres magazines de bandes dessinées pour adultes français, "Pilote", pour lequel BLUEBERRY est créé, puis "Métal hurlant" dont il est un des initiateurs, lequel lui offre un nouveau débouché pour ses œuvres fantastiques, souvent ésotériques, comme ARZACH, puis L'INCAL basé sur une histoire d'Alejandro JODOROWSKY, cinéaste chilien dont il avait fait la connaissance à l'occasion de son projet d'adaptation à l'écran du roman DUNE de Frank HERBERT, dont il devait assurer la conception visuelle. Il mêle encore ésotérisme et univers science-fictionnel dans LE GARAGE HERMÉTIQUE.


Vue extérieure et intérieure d'une méduse géante de la série L'INCAL, aussi connue sous le nom des "aventures de John Difool".



Encore une femme qui se change en créature terrifiante, en fait un métamorphe arcturien, dans THE LONG TOMORROW, d'après un scénario de Dan O'BANNON, rencontré sur le projet inabouti de transcription de DUNE sous l'égide de JODOROWSKI.

Cette étrange créature érotique semble surgir du cambrien.

Dans son petit fascicule LA FAUNE DE MARS, MOEBIUS a imaginé des créatures fantasmagoriques et burlesques, mais quelques-unes, notamment les trois figurées ci-dessus, se rapprochent davantage des extraterrestres imaginés par Edd CARTIER (voir l'article consacré en ces pages à la disparition de celui-ci en janvier 2009).

Cette expérience va initier une suite de rendez-vous manqués avec le cinéma. Le projet d'adaptation très onirique de DUNE par JODOROWSKY s'avère un gouffre financier et n'aboutit pas. MOEBIUS avait imaginé les costumes des personnages et travaillé sur le storyboard, concrétisant les fantasmagories du cinéaste chilien avec ses hommes chiens et son robot crucifié. Dan O'BANNON, qui avait créé les décors et les effets spéciaux de DARK STAR, comédie de science-fiction de John CARPENTER, et qui devait superviser les effets spéciaux du projet avorté, écrit le scénario d'ALIEN, et MOEBIUS se retrouve ainsi engagé à sa suite sur un des plus grands classiques de cinéma de science-fiction. Il dessine les scaphandres des infortunés explorateurs du film de Ridley SCOTT, mais sa contribution passe relativement inaperçue auprès du public, l'essentiel de la conception visuelle du film étant imputable à Chris FOSS (conception du navire spatial), Ron COBB (décors intérieurs) et surtout H.R.GIGER (créatures, épave extraterrestre et paysage extraterrestre).

Illustration de Moebius pour l'épave extraterrestre d'ALIEN.

En 1988, Jean GIRAUD/MOEBIUS s'installe à Los Angeles. Georges LUCAS embauche le dessinateur français comme concepteur pour le film WILLOW dirigé par Ron HOWARD, mais ses contributions ne sont pas retenues. Il n'a pas davantage de chance pour ABYSS. Il propose divers concepts brillants pour les extraterrestres sous-marins, tenant du papillon, de la méduse et du poisson, mais le réalisateur James CAMERON n'en retient aucun, optant finalement pour une version davantage humanoïde, sorte de croisement entre une raie et les visiteurs graciles de RENCONTRES DU TROISIÈME TYPE, visiblement soucieux que les spectateurs puissent s'identifier plus facilement aux créatures extraterrestres. Sur LE CINQUIÈME ÉLÉMENT de Luc BESSON, la presse fait passer au second plan son travail, derrière celui de son collègue, l'auteur des aventures de VALERIAN ET LAURELINE, Jean-Claude MEZIERES, concepteur notamment des taxis volants. Par contre, les décors futuristes de sa bande dessinée THE LONG TOMORROW n'auraient pas été sans influencer fortement la conception visuelle de BLADE RUNNER. Il avait aussi été approché pour un projet d'adaptation du roman RENDEZ-VOUS AVEC RAMA (RENDEZ VOUS WITH RAMA) d'Arthur C. CLARKE que devait réaliser David FINCHER (ALIEN 3), mais le projet ne s'est pas concrétisé.

Une version proposée par MOEBIUS pour ABYSS, avec un extraterrestre gracieux tenant du papillon aussi bien que de la méduse et du gastéropode planctonique.

Autre version, à l'étrangeté manifeste.

Cette version plus anthropomorphe n'a pas davantage séduit James CAMERON.



Illustrations conceptuelles de Moebius pour WILLOW, incluant une sorte de Salamandre géante, aux proportions titanesques, qui n'a pas été retenue.

Il n'y ainsi réellement que dans l'univers du dessin animé que l'écran portera la marque incontestable de MOEBIUS, concepteur de l'univers de TRON, une production Disney qui propulse des humains dont Jeff BRIDGES dans l'univers virtuel créé par l'électronique, de celui des MAÎTRES DU TEMPS, dessin animé de René LALOUX tiré du roman L'ORPHELIN DE PERDIDE de Stefan WUL, ou encore de la série télévisée en 14 épisodes ARZAK RHAPSODY ( son projet de long-métrage créé en trois dimensions par ordinateur, STARWATCHER, n'a par contre pas abouti. Curieusement pourtant, ses bandes dessinées auront influencé indirectement le cinéma, Ridley SCOTT qui l'a croisé sur DUNE, après avoir été engagé par de LAURENTIIS suite à l'échec de l'équipe JODOROWSKI, s'inspira notamment de l'esthétique de certains décors de THE LONG TOMORROW pour esquisser la ville futuriste aux voitures de police volantes de BLADE RUNNER.

Cette vignette de THE LONG TOMORROW semble annoncer aussi bien la ville basse de BLADE RUNNER que les quartiers chauds de TOTAL RECALL.

L'homme aura finalement cessé de dessiner inlassablement sur ses petits carnets qu'il ne quittait jamais, mais il a su obtenir une reconnaissance qui lui vaut de plus en plus d'être considéré comme une référence de la bande dessinée.

Hommage dessiné rendu à MOEBIUS, dans le plus pur style d'ARZAKH.


L'acteur Georges STOVER miraculé.

Agent de l'Etat fédéral actuellement en retraite, Georges STOVER a mené en parallèle une carrière d'acteur dans des productions cinématographiques quelque peu marginales, des films sulfureux de John WATERS à ceux de Don DOHLER, films au budget très modestesdans lesquels, tel un "David Vincent" du pauvre, il est régulièrement confronté à divers envahisseurs extraterrestres.

George STOVER fait face à un géant extraterrestre dans THE ALIEN FACTOR réalisé en 1978 par Don DOHLER; pas le genre d'invité auquel on a envie de dire :"merci d'être velu.. euh venu!..."

A la fin du mois du février, il a été braqué à son domicile par un cambrioleur qui, après lui avoir demandé de descendre l'escalier de sa cave, lui a tiré une balle dans la nuque, laquelle est ressortie par le visage. Après une tentative infructueuse de voler le véhicule de sa victime, l'auteur de cet acte odieux a été arrêté par la police alors qu'il essayait de dérober une autre automobile. L'acteur a évité le pire, et quelques jours plus tard, rassurait ses admirateurs sur internet. Il expliqua qu'il avait supporté l'épreuve en songeant au type de personnage incarné par John WAYNE dans les westerns qui "ne pleurait pas ou n'allait pas voir un psychologue quand on lui avait tiré dessus". On ne peut que lui souhaiter un prompt rétablissement au sortir de cette épreuve qui démontre une nouvelle fois que, dans la réalité, les êtres les plus effroyables appartiennent bien à l'espèce humaine...

(un entretien sur la carrière de l'acteur en anglais peut être lu sur ce site :
http://smashortrashindiefilmmaking.com/?page_id=248)