jeudi 31 juillet 2025

QUAND L'HISTOIRE NATURELLE SE PIQUE DE FANTAISIE, 2ème partie


Les fossiles ont longtemps défié les interprétations des érudits.

         En février 2023 a été présenté ici le début d'une série d'articles retraçant comment, au travers des époques, l'Histoire naturelle a pu être mêlée à des interprétations fantastiques, un sujet qui s'impose naturellement sur ce site qui orchestre fréquemment au travers du thème des créatures l'évocation croisée et même la rencontre entre les aspects les plus étonnants du monde vivant et son prolongement au travers de l'imaginaire, depuis les anciens mythes et légendes jusqu'à la science-fiction. Cette série de sept articles a été rapidement interrompue par diverses actualités, notamment suite à des découvertes scientifiques et à des disparitions de personnalités en rapport avec les créatures imaginaires.

        Il est donc temps à présent de reprendre le fil de cette saga historique. La première partie a évoqué comment de l'Antiquité romaine à la Renaissance, les naturalistes soucieux d'être exhaustifs ont compilé dans leurs traités des erreurs d'observation et même des affabulations des voyageurs, jusqu'à parfois y inclure des êtres mythiques, et comment certains ont profité de la crédulité de ces auteurs pour concevoir délibérément des faux jusqu'à faire douter de l'existence d'un animal réel. Dans cette deuxième partie, on va délaisser les créatures vivantes autant que les êtres légendaires pour s'intéresser aux restes d'organismes conservés dans les couches géologiques et à l'énigme que cela a représenté au cours des âges pour certains de nos ancêtres.


      Des prototypes du vivant dans la pierre ?

L'effrayant Maître des gnomes dans le film Oz, un monde extraordinaire (Return to Oz), une production Disney librement inspirée de l'œuvre de Frank L. Baum ; si ce personnage sous forme de rocher humanoïde dont on peut trouver quelque équivalent dans les péplums appartient incontestablement au domaine du Merveilleux, il n'aurait peut-être pas été estimé si fantaisiste dans les temps anciens lorsque nombre d'érudits étaient persuadés qu'au travers de processus géochimiques ou thermodynamiques la vie animale pouvait se former au sein du monde minéral, comme le déplorait le naturaliste suisse Johann Jakob Scheuchzer : "On adjuge au règne minéral ce qui appartient au règne végétal, ou à l'animal, de sorte qu'il étend ses limites plus loin qu'il n'est équitable."

        Pour le lecteur contemporain, il n’est pas douteux que les formes minéralisées tels que les coquillages et oursins qu’on trouve dans la pierre sont des restes d’animaux d’époques reculées. Au cours de l’Histoire, bien des esprits brillants se sont interrogés devant ce qui nous apparaît de nos jours comme une évidence, jusqu’à ce que la notion de fossile s’impose tardivement. Dans ce deuxième volet de la série d’articles consacrée à l’Histoire naturelle fantaisiste qui correspond particulièrement bien à la thématique de ce site qui fait se rencontrer la nature réelle dans toute son étrangeté et son accaparement par l’imaginaire, on se propose de retracer pour le lecteur ce cheminement laborieux au travers des croyances jusqu’à l’orée de la science paléontologique.

        Dans l’Antiquité, des présocratiques comme le savant Thalès, le philosophe Xénophane de Colophon, le conteur Hérodote, puis un peu plus tard l’historien Xanthos de Lydie, le savant Eratosthène ou encore le géographe Strabon envisageaient les fossiles inclus dans les roches en tant que vestiges d’animaux marins portant témoignage de l’existence d’une mer depuis longtemps asséchée ; au XII ème siècle, le Chinois Chu Hsi inclinait aussi à penser qu’il s’agissait d’animaux qui s’étaient solidifiés après avoir été remontés des profondeurs. Cependant, l’opinion longtemps la plus répandue, qui perdurait encore au temps de la Renaissance, avançait des explications plus insolites, postulant que ces pierres singulières étaient tombées du ciel, avaient été créées par la foudre ou bien avaient été formées spontanément dans le sous-sol ou dans les mers par un phénomène que Théophraste nommait "vis plastica", lequel reproduisait partiellement la forme d’êtres vivants par le jeu du hasard.

       Ces derniers pouvaient d’ailleurs eux-mêmes être générés dans certaines conditions à partir de matière inerte selon la théorie de la génération spontanée s’enracinant dans la philosophie grecque la plus ancienne depuis Anaximandre et reprise par le médecin et philosophe des X-XIèmes siècles Avicenne, toujours présente dans les esprits au XIXème siècle – la pérennité de cette représentation sera évoquée à de futures occasions. Même Aristote, auquel on a fait une allusion élogieuse dans la première partie de cette série d’articles, rejetait ce qui nous paraît dorénavant une évidence, en assurant que ces manifestations géologiques procèdent principalement de l’action de la chaleur et du froid s’exerçant dans le substrat, ou dans certains cas que des graines à l’origine d’animaux marins pouvaient tomber du ciel et se perdre dans le sol en donnant ces formes similaires à des organismes latents attendant de prendre vie – il avait vu plus juste en supputant que la Terre était autrefois entièrement recouverte par un océan. Ces conceptions peuvent aujourd’hui nous paraître de nature magique, mais il est vrai que la théorie de l’évolution avait alors été à peine pressentie par quelques présocratiques, et qu’aussi incongrue que semble être à présent la conception d’organismes complexes se formant spontanément sous certaines conditions, elle procède pour le naturaliste grec du souhait de trouver des causes naturelles susceptibles d’expliquer la génération d’organismes dans les cas les plus énigmatiques.

Buste à l'effigie d'Aristote, génie antique de la zoologie, mais qui a eu tendance à rendre copie blanche sur le sujet discuté des fossiles.

       Au XIIIème siècle, un des premiers grands naturalistes et également théologien, Albert le Grand, conciliait les deux explications antagonistes ; dans De Mineralibus, il explique que les fossiles peuvent représenter de vrais animaux dont les composants naturels ont été minéralisés, entraînant leur pétrification, mais précise aussi que lors de la formation d’une roche, le mouvement giratoire d’une vapeur demeurant captive en son sein serait susceptible de créer une forme similaire à celle d’un coquillage en attente d’un esprit vital pour l’animer selon le principe vitaliste d’Aristote, et en accord avec la théorie de la génération spontanée de la vie de son inspirateur Avicenne – lequel considérait par contre à la différence du savant grec de l’Antiquité que les fossiles se formaient par un fluide pétrifiant plutôt que par l’exhalaison de vapeurs, même s’il semble par ailleurs avoir établi une corrélation entre des fossiles d’animaux marins et la présence d’anciennes mers à l’endroit où on les a découverts, autre indication que ces différentes conceptions étaient alors estimées compatibles.

      Au XVI siècle, l’archéologue allemand Georg Bauer dit Agricola porta également son attention sur les restes préservés d’animaux avec son ouvrage de géologie De Natura fossilium paru en 1456 qui propose une typologie des matériaux extraits du sol (les fossiles dans l’acception large de l’époque), incluant les traces de la vie passée. L’auteur envisage la nature animale originelle de certains de ces objets tels les corps de petits animaux préservés dans la résine de même que des coquillages et des coquilles d’ammonite, un type de céphalopode éteint à la fin de l’ère mésozoïque en même temps que les derniers dinosaures, sans pour autant exclure qu’ils soient façonnés au sein du substrat ; quant aux fossiles d’oursins, il considère conformément à la vision de l’époque qu’il s’agit de pierres tombées du ciel.


Portrait de Georg Bauer dit Agricola et une édition de son ouvrage minéralogique.

Oursins fossiles dans l'ouvrage de Conrad Gesner, souvent considérés à l'époque comme des "pierres stellaires".

        Le célèbre naturaliste suisse Conrad Gesner fait à son tour paraître juste avant de décéder en 1516 un livre sur le sujet en complément de ses autres publications traitant d’histoire naturelle, De rerum fossilium, lapidum et gemmarum maximé. L’ouvrage présente avec une grande exactitude des illustrations de nombre de fossiles d’animaux, coquilles de bivalves, de gastéropodes, d’ammonites et de bélemnites (d’autres céphalopodes éteints apparentés aux seiches dont subsiste l’os interne), de crabe, d’oursins, de sections étoilées de tiges de crinoïdes qu’avait déjà évoquées Agricola et de dents de requins. L’interprétation que propose le savant de certaines de ces découvertes peut parfois sembler quelque peu approximative. Une dent de requin est identifiée comme étant le bec d’un merle alors même qu’il relève que sa partie inférieure évoque les racines d’une dent. Quant aux ammonites, s’il en rapproche des escargots certaines auxquels on pouvait effectivement les assimiler par analogie tant qu’on ne disposait pas d’informations sur l’animal qui occupait la coquille, une autre avec un long enroulement au diamètre plus constant est comparée à un serpent lové sur lui-même dont il prétend voir une tête bien inexistante. En dépit des nombreuses corrélations établies dans son traité par Conrad Gesner entre ces fossiles et des espèces animales, le naturaliste demeure assez évasif quant à la nature et à la formation de ces pièces remarquables.

"Etoiles tombées du ciel" : il s'agit en réalité d'encrines, des tronçons détachés du pédoncule de crinoïdes fossiles, des animaux fixés des profondeurs qu'on surnomme "lys de mer", dont on peut voir au second plan un tronçon plus complet.


Le naturaliste Conrad Gessner, une illustration représentant des coquilles fossiles et un extrait de son ouvrage De reum fossilium

En dépit de la qualité scientifique de ces dessins de fossiles, le célèbre botaniste italien du XVIème Ulisse Aldrovandi (évoqué dans le premier article de cette série en février 2023) n'est pas enclin à les considérer comme d'origine organique, estimant au contraire, par exemple, que le coquillage figuré en haut à gauche dans sa gangue n'a pas été pris dans la roche mais à l'inverse qu'il est en train de se former à l'intérieur du minéral.

Représentation partiellement zoomorphe de la bufonite, pierre censée être trouvée dans la tête des crapauds, présentée en 1648 dans un ouvrage d'Ulisse Aldrovandi.

       L’impossibilité générale de considérer les "pierres figuratives" en tant que restes de plantes ou d’animaux était si fortement ancrée dans les esprits en ces temps-là qu’un marchand ambulant de Westphalie qui contre quelques pièces montraient des spécimens de poissons pris dans des grès de la période crétacée fut en 1550 brièvement incarcéré dans la ville de Kampen aux Pays-Bas en tant que faussaire présumé, personne ne voulant croire que la roche puisse naturellement contenir de telles pièces rappelant autant de véritables poissons, avant qu’un juge plus conciliant ne le fasse libérer et expulser avec la boîte renfermant sa collection.

Un très beau fossile de brochet trouvé à Oehningen - aujourd'hui dans le Bade-Wurtemberg, que présente le naturaliste Johann Jakob Scheuchzer dans son opuscule de 1708 Les Doléances et revendications des poissons, dans lequel il défend l'idée que de tels restes trouvés dans la roche ne peuvent être que des fossiles de poissons d'avant le Déluge, mais il ne convainquit pas le malacologue anglais Martin Lister estimant que la nature des fossiles ne pouvait être rapportée à de vrais coquillages, méconnaissant ainsi le processus de minéralisation constitutif de la fossilisation, tout comme ses compatriotes Robert Plot et Edward Lhwyd persuadés de la "plasticité des roches" respectivement sous l'effet de "principes salins" dans l'esprit de l'alchimiste Paracelse et par imprégnation des roches par des semences d'animaux marins au travers de l'infiltration par des vapeurs originaires de l'océan.

Dans les temps anciens, les fossiles faisaient objet de nombre d'interprétations souvent extravagantes, même chez les savants ; au Moyen-âge, des fossiles comme celui de ce coquillage (Proschizophoria, un bivalve n'appartenant pas aux mollusques mais au groupe de Brachiopodes procédant d'une évolution convergente) ont pu être interprétés par les croyances populaires comme la marque dans des rocs de montagne de l'empreinte d'un sabot du Diable, classiquement représenté dans la lignée du Dieu Pan avec des pieds de bouc.

            L'émergence d'une meilleure compréhension des fossiles

       Ce sont deux artistes qui vont le plus clairement postuler que ces ressemblances ne sont en rien fortuites et qu’elles procèdent bien de la conservation de restes d’organismes réels. En 1590, Bernard Palissy écrit dans son Livre des pierres que les coquillages trouvés dans les sites fossilifères sont ce qu’il subsiste d’êtres aquatiques qui ont été pétrifiés au cours d’un processus naturel, retrouvant la logique de présocratiques cités au début de l’article. Léonard de Vinci évoque même dans ses carnets personnels les dépôts de boue charriée par les courants, emprisonnant des animaux et se changeant en pierre en gardant ainsi la trace de ces organismes ; c’est très exactement la façon par laquelle les gisements appelés "laggerstatten" ont préservé des créatures dépourvues de parties dures jusqu’à des méduses et à leurs tentacules si délicats, permettant notamment de découvrir nombre de formes anciennes qui seraient autrement demeurées à jamais inconnues comme la faune édiacarienne du Précambrien terminal appelé Protérozoïque et celle du début du Cambrien dite faune de Burgess Shale, au-delà des trilobites bien connus recouverts d’une carapace qui commençaient déjà à prospérer à l’époque. L’artiste italien de la Renaissance établit avec d’autant plus de certitude le lien entre de véritables animaux et leur préservation minéralisée qu’il note sur les fossiles les mêmes marques de développement que chez les premiers : « D’autres personnes non instruites déclarent que la Nature, ou le Ciel, les ont créées sur place par des influences célestes, comme si en ces mêmes lieux on n’avait pas également trouvé des os de Poissons ayant mis longtemps à croître, et comme si nous n’étions à même de mesurer sur les coquilles des clovisses [palourdes] et des escargots leurs périodes de croissance, comme on le fait sur les cornes des taureaux et des bœufs ».

Leonard de Vinci, un de ses croquis de fossiles (la flèche pointant une apparente colonie de bryozoaires) et en dessous Bernard Palissy. 

        L’idée de la vraie nature des fossiles commence à leur suite à se frayer un chemin chez les scientifiques. En 1616, le botaniste italien Fabio Colonna établit dans son ouvrage De glossopteris dissertatio que les glossoptères, ces "pierres de langue" trouvés dans les roches, que Pline l’Ancien croyait tombées du ciel ou de la Lune ou qu’on disait aussi parfois se former spontanément dans les roches, sont véritablement des dents de requin. L’évêque, anatomiste et géologue danois Niels Stensen approuva cette interprétation en précisant en 1667 qu’il existait une substitution au niveau de la composition, postulant ainsi le processus de minéralisation. Le savant anglais Robert Hooke, un des premiers à fabriquer des microscopes, et à ce titre requis pour valider la découverte pour la première fois d’organismes invisibles à l’œil nu par Anton Leeuwenhoeck, a observé en 1665 des coupes de bois pétrifié et en a conclu qu’il s’agissait bien d’authentiques fragments d’arbres anciens, en déduisant que les fossiles consistaient en les restes d’organismes vivants, tels les coquilles d’espèces marines trouvées en altitude suite aux soulèvements de terrains, incluant des formes depuis éteintes.

Pierres tombées du ciel figurées en 1845 dans l'ouvrage Hortus sanitatis du médecin allemand Jean de Cuba, qui se sont la plupart du temps avérées être des dents fossilisées de squales.

Les dents fossilisées de requin ont été l'objet de bien des interprétations les plus fantaisistes jusqu'à être enfin reconnues pour ce qu'elles sont.

     Pourtant, au XVIIème, un naturaliste réputé tel que John Ray, connu notamment en zoologie pour ses traités sur les poissons comme pour les reptiles, et qui admettait la transformation des espèces au nom d’un créationnisme continu, ne parvenait toujours pas à admettre que des fossiles comme les Ammonites puissent représenter les reliques de formes animales, car selon la Bible alors prise pour rigoureusement exacte dans son intégralité, le Créateur n’avait ajouté aucune nouvelle espèce postérieurement à la Genèse, pas plus qu’il n’en avait fait disparaître, donc ces coquilles sans comparaison avec la faune actuelle ne pouvaient émaner d’êtres ayant véritablement existé, leur allure ne rappelant ainsi selon lui que fortuitement celles d’authentiques formes vivantes. Au même siècle, le spécialiste britannique des fossiles Robert Plot continue également de considérer que la majeure partie d’entre eux ne procède que de la cristallisation de sels minéraux qui aboutit parfois fortuitement à évoquer des formes biologiques.

     Adam Beringer, médecin de Würzburg dans l’actuelle Bavière affecté au service du Prince de Würzburg et du Duc de Franconie ainsi que doyen de l’université de Würzburg, passionné par l’histoire naturelle, considérait encore au XVIIIème siècle les fossiles comme des œuvres divines plutôt que comme des traces d’organismes vivants, les assignant à des prototypes façonnés dans la glaise par le Créateur. Il les collectionnait dans son cabinet de curiosité personnel tels que des bélemnites, des ammonites et des dents de requins, et il avait engagé trois jeunes hommes pour qu’ils lui en ramènent depuis un gisement proche. Ses employés lui apportaient régulièrement une prolifique collecte, comportant nombre d’animaux en relief enchâssés dans des pierres dont le naturaliste s’étonnait lui-même que celles-là soient juste de la bonne dimension pour les avoir préservés dans leur totalité. Quelques-uns étaient assez fantastiques comme une sorte de larve ou de limace semblant pourvue d’une tête de mammifère à chaque extrémité ainsi qu’une créature à queue de poisson ou de homard, dotée de deux tentacules céphaliques au-dessus de ses yeux ronds et pourvue de deux petits bras humains, lui conférant une allure proche de certains extraterrestres qui seront figurés dans les magazines populaires de science-fiction des années 1930.

Représentation des "fossiles" de Beringer, dont deux spécimens particulièrement pittoresques.

        Beringer publia en 1726 son ouvrage Lithographiae Wirceburgensis incluant la reproduction de 204 spécimens sur 21 planches, faisant suite à une illustration tirée des Métamorphoses d’Ovide qui dans son esprit souligne vraisemblablement le caractère surnaturel de ses trouvailles. Il faut reconnaître qu’à l’époque, la discipline que de Blainville dénommera à la fin du XIXème siècle la paléontologie (Beringer parle de lithologie, étude des pierres) n’en était qu’à ses débuts, sans parler de la taphonomie, la science qui étudie les processus de fossilisation ; les seuls restes fossiles qui apparaissent en relief sont les parties dures qui ont été minéralisées comme le bois, les squelettes et les carapaces, tandis que lorsque les contours de l’organisme sont conservés comme pour les supposés lézards et grenouilles de Beringer, ceux-ci ne se présentent que sous la forme d’une empreinte plate – l’exemple du pangolin Eomanis du site éocène de Messel en fournit une illustration remarquable, combinant le squelette intact avec la silhouette foncée qui l’entoure comme un décalque du profil de l’animal tel qu’il était à sa mort. Néanmoins, Beringer fit aussi représenter encore plus audacieusement des corps célestes qui arboraient un visage à la manière de la Lune et du Soleil dans les films volontairement naïfs de Méliès du début du Xème siècle, ainsi que des écritures hébraïques censées avoir été gravées par Dieu à la manière des Tables de la Loi remises à Moïse selon l’Ancien Testament. 

Les planches de l'ouvrage de Beringer recèlent un authentique mystère : celle présentant de supposés fossiles d'escargots, limaces et vers montre ce qui fait irrésistiblement penser à un "ver à gland", représentant des Entéropneustes, lointains parents des vertébrés (voir article de novembre 2008), à une époque à laquelle ces animaux n'avaient vraisemblablement pas été encore découverts.

Des modèles d'astres fossilisés dans l'ouvrage de Beringer, lunes, étoiles filantes et un soleil présentant une physiologie humaine.

        C’est seulement postérieurement à la parution de l’ouvrage qu’il réalisa qu’il avait été effectivement induit en erreur par des artefacts et tout en s’efforçant de racheter les exemplaires de son ouvrage, il n’en entama pas moins une action officielle à l’encontre des trois découvreurs, lesquels indiquèrent que les faux fossiles avaient été sculptés à l’initiative de deux collègues qui voulaient punir l’intéressé de « son arrogance et du mépris qu’il témoignait envers ses collègues », J. Ignatz Roderick et Georg von Eckhart. La carrière du naturaliste en pâtit, de même que ceux de ses deux malicieux et malveillants confrères, le premier dut quitter Würzburg et le second n’acheva pas son parcours universitaire.

Quelques-unes des sculptures qu'on a fait passer pour des fossiles auprès du Professeur Adam Beringer. 

        Contrairement à John Ray et malgré son christianisme sans faille, le médecin et naturaliste britannique John Woodward écrivit dans son Essay toward a Natural History of the Earth paru en 1695 qu’il ne faisait pour lui pas de doute que ce qu’on appelait des "pierres figurées" étaient bien d’authentiques coquillages qui vivaient autrefois dans l’eau et dont la forme avait servi de moule ou de matrice pour le sable ou d’autres matières minérales qui en ont ainsi conservé la trace, animaux qui, pour ce qui concerne les espèces dont on ne trouve pas d’équivalents actuels, ont été remontés des profondeurs à l’occasion du Déluge, ce qui explique qu’on ne les voit pas ordinairement. Son ouvrage, traduit en latin par le Suisse Johann Jakob Scheuchzer, sera diffusé dans toute la communauté scientifique. Au XIXème siècle, même si un professeur pouvait encore déclarer en 1800 que les fossiles étaient une farce divine pour tester la foi, les controverses ne mettront finalement plus en cause l’origine biologique des fossiles mais porteront toujours sur la raison pour laquelle certaines espèces étaient notablement différentes des actuelles, les créationnistes imprégnés par la Bible comme Cuvier cherchant au fur et à mesure des découvertes à établir le nombre de déluges divins qui avaient pu amener à des renouvellements radicaux de la flore et de la faune, et les évolutionnistes invoquant la transformation graduelle d’espèces au fil du temps et l’extinction de certaines d’entre elles imputables à la compétition et à des catastrophes naturelles.

Sculpture anthropomorphe moderne de Jane Vaskevich à partir de fragment de roche, qui peut nous évoquer les anciennes croyances qui n'établissaient pas de coupure radicale entre le monde minéral et les êtres vivants. 

        Le débat enfin tranché, refermant une parenthèse de plusieurs milliers d’années durant laquelle on avait, par d’antiques croyances quelque peu exubérantes ou au nom de la religion, notamment au temps de la Renaissance sous l’égide d’un protestantisme attaché à une vision littérale de la Bible, dénié que les fossiles conservent les traits d’animaux ayant vécu dans les temps anciens, n’allait pas mettre un terme aux interprétations fantaisistes des traces animales fixées dans la pierre, comme on aura l’occasion de le constater non sans amusement dans les prochains chapitres de cette évocation.

Cette belle illustration de l'artiste Una Woodruff représentant des "pierres figurées" évoque vraisemblablement l'opportunité qu'offrent les restes conservés dans les roches pour permettre de reconstituer les êtres du passé au travers de la paléontologie, mais nombre d'érudits des époques passés y auraient vu une représentation de la formation au sein de la matière minérale d'ébauches constituant finalement des animaux parfaitement vivants.

        A SUIVRE : Le prochain chapitre de cette série portera sur les "cadavres exquis de la paléontologie", avec d'autres anecdotes et créatures extravagantes.

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    Évoquons pour mémoire la disparition de quelques personnalités associées aux créatures imaginaires. L'acteur américain Michael Madsen est décédé d’un arrêt cardiaque à l'âge de 67 ans. Apparu dans de nombreux films d'action notamment de Quentin Tarantino, même s'il avait décliné le rôle de tueur à gage de son Pulp Fiction, il avait aussi interprété le héros des deux premiers films de la saga La Mutante (Species) dans le rôle de Preston Lennox, en 1995 sous la direction de Roger Donaldson, puis en 1998 dans la première suite réalisée par Peter Medak, y affrontant de terrifiants hybrides constitués d'un mélange d'ADN humain ainsi que de gènes extraterrestres, dont l'apparence avait été imaginée par le peintre suisse Hans Giger reprenant sa vision dite biomécanique qui l'avait rendu célèbre à l'occasion d'Alien, et que le studio de Steve Johnson s'était attaché à concrétiser pour l'écran. Sa sœur Virginia et aussi actrice (Electric Dreams, le prologue de DuneCandyman).

Michael Madsen joue dans La Mutante 2 (Species 2) un mercenaire engagé pour contrer la menace extraterrestre, ici face au monstre "Patrick", construit par le studio d'effets spéciaux de Steve Johnson.

        Le célèbre catcheur Terry Eugene Bollea dit Hulk Hogan est décédé le 24 juillet 2025 en Floride à l'âge de 71 ans. Célèbre pour sa moustache blonde en fer à cheval qui lui donnait une allure de viking, il était apparu dans un certain nombre de fictions comme Rocky III : l'oeil du tigreGremlins 2 : la nouvelle génération (Gremlins 2 : the new Batch), et avait obtenu le rôle principal dans le film de science-fiction Space commando en compagnie de Christopher Lloyd, Shelley Duval et d'un autre catcheur dit The Undertaker, dans lequel apparaissait un mutant créé par Bill Corso pour le studio Steve Johnson Fx, une figure de série B assez reconnue pour qu'une figurine en kit de la créature soit proposée aux amateurs. Sur la scène de la lutte, Hulk Hogan avait détrôné André le Géant, alors invaincu depuis quinze ans, qui avait quant à lui figuré dans le film Princess Bride et endossé dans certains plans le costume du monstre Dagoth dans Conan le destructeur (Conan the Destructor). Ce site avait évoqué en août 2015  la disparition d'un troisième catcheur, Roddy Pipper.

Appelé à la rescousse par le directeur du cinéma (incarné par Paul Bartel), Hulk Hogan menace les Gremlins qui perturbent une projection en faisant des ombres chinoises sur l'écran dans Gremlins 2 : Une nouvelle génération (Gremlins 2 : The New Batch). en 1990

Hulk Hogan en 1991 dans le film Suburban Commando.

Le mutant du film Suburban Commando


Jean-Pierre Putters, à droite, faisait découvrir en 1982 sa revue Mad Movies au réalisateur d'Evil Dead Sam Raimi, lequel se montre visiblement enthousiaste.

      Le journaliste français Jean-Pierre Putters s'est lui éteint à 69 ans, le 10 mai 2025, soit le lendemain du décès du maquilleur Greg Cannom quatre fois oscarisé auquel l'article précédent a consacré un assez long hommage, mais on ne l'a appris que dans la seconde partie du mois de juillet, car il avait demandé à son épouse que sa disparition ne soit pas rendue publique, à l'image de l'humilité qu'il avait toujours manifestée. Débutant dans la vie professionnelle comme mitron, il consacrait le temps où il ne travaillait pas en boulangerie à lire, notamment les écrits de philosophes célèbres, ce qui contribua à structurer sa pensée pour ses analyses sur les films, sa passion du cinéma l'ayant conduit à créer un fanzine qui deviendra un magazine national réputé, Mad Movies. Les créatures monstrueuses n'étaient pas rares dans la publication - il sortira même une série de livres qui leur était dédiée, "The Craignos Monsters", et il obtint des entretiens avec de grands créateurs d'effets spéciaux, à l'exception de Rob Bottin qui répondait très rarement à la presse. Il avait en 2013 délaissé sa revue pour en créer une autre plus généraliste, "Metaluna", et semblait avoir progressivement perdu son intérêt pour le cinéma - même s'il prêtait son concours à de petits films d'horreur parodiques, pour s'adonner principalement au plaisir de jouer de la guitare et de composer des chansons. 

Jean-Pierre Putters tenant fièrement un des ses ouvrages consacrés aux créatures du cinéma fantastique.

    Probablement que les films récents standardisés, à la photographie souvent sombre et laide, et rendus abstraits par leur profusion d'imagerie virtuelle avaient fini par l'éloigner de la production actuelle, et ce n'est pas le présent site qui lui donnera tort. Même si son long compagnonnage avec le cinéma de l'imaginaire avait depuis longtemps pris fin, il demeurera assurément durant encore une longue période un modèle d'autodidacte et une figure marquante et cultivée ayant défendu le cinéma fantastique de la grande époque, et il nous appartient avec des moyens certes plus modestes*, au Club des monstres de notre ami québécois Mario Giguère, qui partage avec le disparu une dilection pour l'humour au second degré (on se rappelle de la chronique de Jean-Pierre Putters qui non sans ironie relevait le détournement d'affiches pour commercialiser jaquettes ou DVD d’œuvres souvent plus obscures et sans grand rapport) ainsi qu'au blog Créatures et imagination, de poursuivre l'entreprise de ce héraut de l'imaginaire en défendant les films qui nous ont fait rêver, leurs créatures fascinantes et leurs créateurs.

Jean-Pierre Putters tenant son ouvrage autobiographique Mad... ma vie.

*d'autant qu'après plusieurs faux espoirs, l'Histoire de l'imaginaire à l'écran proposée par l'auteur de ce blog, qui suppléerait en un volume très complet aux tomes des "Craignos Monsters" depuis longtemps épuisés, n'est toujours pas publiée - avis aux éditeurs courageux qui pourraient au moins déjà dans un premier temps le proposer en ligne aux amateurs intéressés.

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dimanche 18 mai 2025

IL TIRAIT LES FICELLES DES MAÎTRES DU MONDE

 

    Alors que l’infographie commençait à supplanter les véritables effets spéciaux, il avait agencé certains des derniers extraterrestres originaux concrets encore proposés sur grand écran pour Les maîtres du monde (Robert Heinlein’s Puppet Masters), un film qui était parfois resté longtemps en salles et qui était presque entièrement préservé des trucages virtuels. Bien que son nom demeure sans doute inconnu d’un très grand nombre de spectateurs, Greg Cannom, dont on savait qu’il était gravement malade, vient de s’éteindre le 9 mai 2025 à l’âge de 73 ans, comme annoncé par son collègue Rick Baker. Il était devenu une véritable sommité dans le métier et il mérite tout naturellement qu’on évoque sa carrière afin de lui rendre hommage sur ce site notamment dévolu aux concepteurs de créatures.


    Une impressionnante progression dans le métier

    Greg Cannom a découvert les maquillages spéciaux au travers de la revue "Famous Monsters" créée par Forrest J. Ackerman. Il était particulièrement admiratif de Jack Pierce, créateur du maquillage porté par Boris Karloff dans Frankenstein, de William B. Tuttle et des maquillages que celui-ci avait conçus pour les Morlocks de La Machine à explorer le temps (The Time Machine) ainsi que pour les différentes incarnations de Tony Randall dans Le cirque du Dr Lao (The Seven Faces of Dr Lao), de même que de John Chambers pour la transformation en mutant du futur au crâne hypertrophié de l’acteur David McCallum pour l’épisode L’Homme au sixième doigt (The Sixth Finger) de la série originelle Au-delà du réel (The Outer Limits) – il eut d’ailleurs la possibilité de visiter le second et de voir l’Oscar qui lui avait été attribué pour les maquillages de La planète des singes (Planet of the Apes), la deuxième distinction jamais décernée pour cette catégorie quatre ans après Le cirque du Dr Lao précité.

John Chambers tenant l'Oscar obtenu pour les maquillages des acteurs en nos parents velus de l'Avenir dans La planète des singes (Planet of Apes), un des modèles des aspirants maquilleurs de la fin des années 1970.

    Le jeune passionné a commencé par apprendre par lui-même le maquillage au département théâtre du Cypress College de Buena Park en Californie en 1971, concevant des vieillissements et des prothèses, pour créer notamment le personnage d’Einstein et pour changer un acteur en Barbara Streisand. Ayant pu obtenir le numéro de téléphone de Rick Baker, il s’est permis d’appeler celui qui a également été le mentor de son collègue Rob Bottin. Le maquilleur le reçut et à la vue de son portfolio, il l’engagea peu après sur le film Fury de Brian de Palma. Il l’assiste ensuite sur la création de la famille de Wookies velus et revêtit un des costumes pour le téléfilm Au temps de la guerre des étoiles (Star Wars Holiday Special), ainsi que sur l’effrayante liquéfaction progressive de l’astronaute du Monstre qui vient de l’espace (The Incredible Melting Man) dont le réalisateur est récemment décédé (comme évoqué dans l’article de novembre 2024) de même que sur Le monstre est toujours vivant (It’s alive II) de Larry Cohen dans lequel il est amené à endosser à l’instar de l’épouse de Rick Baker le masque du bébé monstrueux pour des gros plans.

Han Solo (Harrison Ford) rencontre la famille de Chewbacca dans Au temps de la guerre des étoiles (Star Wars Holiday Special), une participation à la création des costumes en coopération avec Stan Winston et Rick Baker.

    En 1981, il assiste Rick Baker pour la création du masque du chasseur de Terreur extraterrestre (Without Warning) réalisé en 1980 par Greydon Clark, mais le maquilleur réputé fait retirer son nom du générique après que son concept a été modifié, et son collaborateur se charge aussi des maquillages horrifiques du film – les parasites volants étant quant à eux agencés par le technicien John Quinlivan III. Suite à une infection sévère à la gorge, il doit renoncer à assister Dick Smith sur les effets de Scanners de David Cronenberg, ce qui ne l’empêchera pas d’obtenir ses conseils au vu de son travail sur La sentinelle des maudits (The Sentinel) pour réaliser un effet d’œil fendu sur le film Blind Date.

Le chasseur de Terreur extraterrestre (Without Warning) venu sur Terre chasser les humains en s'aidant d'une bien étrange fauconnerie, de petits organismes sous forme de disques volants tentaculaires créés par un talentueux accessoiriste.    


Un des parasites volants que Greg Cannom devait lancer sur le tournage avant de créer les maquillages des victimes.

Recréation pour le plaisir de la tête du chasseur d'outre espace, précurseur du Predator, dans Terreur extraterrestre (Without Warning), autour de ses créateurs, les maquilleurs Rick Baker, Ve Neill et Greg Cannom (de gauche à droite).

    Il œuvre de nouveau au côté de Rick Baker sur la comédie La femme qui rétrécit (The Incredible Shrinking Woman) puis ultérieurement sur le clip Thriller de Michael Jackson, interprétant lui-même un des morts vivants. En 1981 toujours, il travaille durant neuf mois sous l’autorité du maquilleur en pleine ascension Rob Bottin, en contribuant à la création des loups-garous de Hurlements (The Howling), plus particulièrement à l’application de poches gonflables pour concrétiser la déformation de visages exprimant la métamorphose lycanthropique. Sur L'Epée sauvage (The Sword and the Sorcerer), le premier film dont il a la responsabilité principale des effets spéciaux, il se charge de maquillages présentant les stigmates de la peste sur des visages victimes d’une malédiction ainsi que de la transformation d’un homme en démon.



Greg Cannom maquille le personnage d'Eddie Quist interprété par l'acteur Robert Picardo dans Hurlements (The Howling) ; en dessous, il est préparé pour incarner un loup-garou en pleine transformation, le visage teint en noir pour rendre invisible le raccord avec les prothèse et le torse pourvu de poches gonflables dans la grande tradition de Dick Smith et de Joe Blasco (Frissons/Shivers), permettant de figurer le début de la métamorphose corporelle.

Un jeune Greg Cannom devant le poster de L'Epée sauvage


Le visage démoniaque du démon de L'Epée sauvage (The Sword and the Sorcerer) interprété par le monumental acteur Richard Moll et au dessous, un effet réminiscent de son travail sur Hurlements (The Howling), dans le même film.

    Greg Cannom semble avoir exprimé quelque regret que son supérieur Rob Bottin aspirant à la reconnaissance l’ait laissé dans l’ombre quant aux qualités dont il avait fait preuve sur Hurlements, mais il est vrai qu’on retient toujours principalement le responsable principal d’un travail, et il n’eut pas longtemps à attendre avant de se voir créditer d’une certaine notoriété. Il assiste Rick Baker sur la création des singes de Greystoke et, sous la direction de Craig Reardon qui a fait appel à lui pour une séquence, crée à l'occasion d'une scène onirique la transformation de la tête du héros interprété par Dennis Quaid qui s'ouvre en deux pour révéler celle d’un cauchemardesque cobra humanoïde pour Dreamscape


Greg Cannom en train de sculpter un double de l'acteur Dennis Quaid pour Dreamscape.

La tête s'ouvrant en deux dans le combat final de Dreamscape au sein du monde des songes dans lequel une expérience scientifique permet de s'introduire, révélant une masse sombre et spongieuse.

Les producteurs qui se sont d'après Greg Cannom montrés très désagréables avec lui n'ont pas du tout apprécié son idée de masse mystérieuse lovée dans le crâne et ont exigé, avec il est vrai davantage de cohérence avec le film, que le maquilleur sculpte à la place une tête complète de cobra humanoïde surmontant un long cou surgissant à la place du visage du héros pour terrifier son adversaire.

    Sur Cocoon de Ron Howard, dont le concepteur visuel est le brillant Ralph McQuarrie (voir hommage d'avril 2012) et Rick Baker est consultant - les producteurs auraient souhaité l'engager à temps plein et ne cachèrent pas leur déception de devoir engager Greg Cannom à la place, il est chargé de conférer leur véritable apparence aux extraterrestres humanoïdes enveloppés d’un halo lumineux venus récupérer le corps de congénères en état de dormance dans une coque immergée, dirigés par leur chef interprété par Brian Dennehy (Rambo/First Blood). Il a notamment sous sa supervision Tony Gardner, Kevin Yagher et Alec Gillis, qui créeront chacun leur propre compagnie, ce dernier en s’associant à Tom Woodruff pour former Amalgamated Dynamics (ADI). Pour la suite Cocoon II, il aura d’autres talents dans son équipe comme John Vulich qui créera aussi sa société, Optic Nerve (voir hommage d'octobre 2016), son spécialiste attitré des effets mécaniques Larry Odien, la maquilleuse Ve Neill et le sculpteur James Kagel, mais en raison d’un budget plus réduit, le résultat des effets spéciaux au travers des trucages visuels est généralement considéré comme moins convaincant que dans le premier opus. Il crée également les lentilles de contact, celles-là étant à l'époque assimilées à des prothèses.


Greg Cannom créant les extraterrestres humanoïdes de Cocoon.

Un des visiteurs sous sa véritable apparence et son déguisement en jeune fille (auquel l'actrice Tahnee Welch prête ses traits) qui fait tourner la tête du héros joué par Steve Gutenberg, ignorant de sa véritable identité.

Cocoon donne l’occasion comme souvent dans la carrière de Greg Cannom de contribuer à un vieillissement d’un personnage, sauf qu’il s’agit cette fois d’un genre de marionnette, des retraités s’étant baignés clandestinement pour se ressourcer dans la piscine où sont secrètement stockés les cocons des Atlantes ayant épuisé le principe vital de l’eau et causé la dégénérescence des êtres en animation suspendue. La séquence est particulièrement émouvante alors qu'on assiste aux derniers instants d'un extraterrestre mourant au corps desséché, victime de l'invasion de la piscine par la foule des pensionnaires de la maison de retraite voisine.

    On retrouve ensuite le maquilleur au générique de nombre de films d’épouvante, même s’il admet ne pas être lui-même passionné par les maquillages sanglants – ce qui ne l’a pas empêché au début de sa carrière de visiter une morgue pour s’assurer du réalisme de son travail. Se succèdent ainsi les vampires de Vamp, Génération perdue (The Lost Boys), Vampire, vous avez dit vampire 2 (Fright Night Part 2) avec John Vulich, Bart Mixon et Brian Wade, Blade, ainsi que des maquillages pour Les Griffes de la nuit 3 : les guerriers du rêve (Nightmare on Elm Street Part 3), L’Exorciste 3 : Legion (The Exorcist Part 3), Highlander 2, Alien 3, la série Les contes de la crypte (Tales from the Crypt) ou encore Star Trek VI. Il arrive cependant qu’il ne soit pas crédité au générique comme en 1990 pour L’expérience interdite (Flatliners) et Dick Tracy avec sa galerie de malfrats patibulaires et grotesques.


Greg Cannom a créé l'apparence lycanthropique du personnage de Louie dans Vampire, vous avez dit vampire ? 2 (Fright Night Part 2).


Le maquilleur prépare une scène particulièrement horrifiante du film Les Griffes de la nuit 3 : les guerriers du rêve (Nightmare on Elm Street Part 3) au cours de laquelle le Croquemitaine dénommé Freddy arrache les veines d'un adolescent qu'il utilise comme les fils d'une marionnette.


L’époque de la consécration

    En 1991, il revient dans la lumière avec les maquillages de Hook, adaptation de Peter Pan par Steven Spielberg pour laquelle il vieillit Maggie Smith pour lui faire incarner Wendy en grand-mère - récemment disparue, qui lui vaut pour la première fois de se voir proposer aux Oscars. L’année suivante, il obtient une grande visibilité avec les maquillages de l’adaptation du roman Dracula de Bram Stoker. Contrairement à nombre de ses homologues actuels qui s’appuient sur le virtuel, le producteur et réalisateur Francis Ford Coppola, ainsi que la directrice artistique chargée des costumes, ont fait totalement confiance au maquilleur, lui laissant imaginer le maquillage du vieux comte vampirique interprété par Gary Oldman ainsi que ses incarnations monstrueuses en loup-garou et chauve-souris géante. Le résultat est spectaculaire, en particulier le chiroptère glabre qui se dresse devant ses adversaires en déployant ses ailes membraneuses. Il s’applique à créer un maquillage translucide pour l’apparence du vieillard démoniaque.


Gary Oldman est recouvert de couches de silicone afin de lui conférer l'apparence d'un Comte vampirique très âgé pour le Dracula de Coppola, sous la supervision très attentive du concepteur du maquillage, Greg Cannom (à droite).

Le Comte Dracula dans une de ses monstrueuses transformations bestiale destinée à effrayer les chasseurs de vampires conduit par Van Helsing qu'interprète Anthony Hopkins., 

Greg Cannom est fier de poser à côté de la tête de l'incarnation de Dracula en chauve-souris humanoïde, sa contribution au film de Coppola qui lui a valu le premier de ses quatre Oscars pour le meilleur maquillage.

    Greg Cannom maquille Mel Gibson pour L’homme sans visage (The Man without a Face), un homme qu'un accident qui l'a laissé défiguré a rendu solitaire, ainsi que pour Forever Young, fiction émouvante sur un militaire à qui on a volé sa vie dans le cadre d’une expérience et qui se réveille des décennies plus tard dans son caisson cryogénique, se mettant à vieillir en accéléré alors qu’il retrouve sa fiancée de l’époque devenue au fil du temps une femme très âgée, sur fond d’une musique lyrique de Jerry Goldsmith. Il conçoit aussi le maquillage porté par Jack Nicholson pour incarner le célèbre syndicaliste Jimmy Hoffa pour le film consacré au personnage.


Un vieillissement très réaliste pour Mel Gibson dans Forever Young, prélude à un épilogue particulièrement touchant. 

    En concurrence avec d’autres studios comme XFX de Steve Johnson, c’est celui de Greg Cannom, Cannom Creations, qui au vu de son projet est retenu par la compagnie Walt Disney pour la production d’une adaptation officielle d’un roman allégorique de la Guerre froide et de la menace communiste, Marionnettes humaines (Puppet Masters) de Robert Heinlein – une première version modeste dans laquelle apparaissait Leonard Nimoy avait été réalisée illégalement en 1956 par Bruno VeSota, un proche de Roger Corman, The Brain Eaters. Si le studio décide par mesure d’économie de se passer de décors futuristes pour situer l’intrigue dans un cadre contemporain – et de bannir la nudité générale de la fin du roman destinée à démasquer l’infiltration par les envahisseurs contrôlant l’esprit, la création des parasites fait l’objet d’une attention toute particulière. Différents concepts tournant autour d’animaux aplatis à l’allure de raies sont élaborés et combinés, aboutissant à des créatures très organiques créées à partir de silicone, radiocommandées et animées par câbles, pourvues de mécanismes conçus par son collaborateur régulier Larry Odien. On dispose de peu de photos de la création de ces formes de vie extraterrestres très réussies ; ayant questionné à ce sujet Greg Cannom il y a quelques années, celui-ci m’avait répondu qu’elles avaient été volées – ce qui comme rapporté dans l’hommage à Carlo Rambaldi avait aussi été le cas d’après son fils pour ses concepts alternatifs de la créature de Possession.



Les maîtres du monde (Robert Heinlein's Puppet Masters) de Stuart Orme et ses parasites extraterrestre contrôlant l'esprit des humains à fin d'envahit la Terre, tels que les a créés le studio Cannom Creations ; en haut, le modèle du prototype final, en dessous, un technicien applique un parasite sur le dos d'un acteur jouant un personnage infecté dont la nuque duquel est investi par les vrilles de l('envahisseur, et en dessous, le héros joué par Eric Thal qui découvre un des organismes étrangers collé à une vitre dans une scène d'ouverture étonnante.

    Son expérience des vieillissements – outre le masque de vieille femme porté par Robin Williams dans Mrs Doubtfire, il a notamment vieilli Kate Winslett pour incarner Rose dans l’épilogue de Titanic, lui vaut de concevoir et d’appliquer les maquillages requis par L’incroyable histoire de Benjamin Button (Strange Case of Benjamin Button) dans lequel le personnage interprété par Brad Pitt naît avec un visage de vieillard et rajeunit ensuite toute sa vie jusqu’au stade de bébé. Il a par ailleurs aussi contribué au film The Mask prêtant des traits sardoniques à un Jim Carrey possédé, mais il a la déconvenue de voir nombre de ses maquillages remplacés par des trucages numériques, et à La passion du Christ (The Passion of the Christ) en 2004 sur lequel il est de nouveau amené à travailler avec Mel Gibson qui se trouve cette fois au poste de réalisateur.

    Un des maquillages les plus saisissants et malaisants réalisés par Greg Cannom est celui de l’antagoniste défiguré du tueur en série personnifié par Anthony Hopkins et duquel il veut se venger dans Hannibal, suite du Silence des agneaux (Silence of the Lambs). Grâce à une pince à paupière, Greg Cannom parvient en complément à lui conférer des yeux vitreux grands ouverts, touche morbide supplémentaire achevant de rendre ce maquillage particulièrement dérangeant à l’instar du film dans son ensemble, qui est à déconseiller aux publics sensibles. Avec sa société Cannom Creations, il réalise sous la supervision de Vincent Guastini les maquillages spéciaux de l'adaptation du roman de Stephen King La peau sur les os (Thinner).

    Avec son collègue Wesley Wofford, Greg Cannom avait perfectionné l’utilisation de la silicone pour les maquillages, obtenant un prix d’innovation en 2025. Il avait mis au point un procédé de superposition de différentes couches de silicone sur le visage, permettant avec une coloration appropriée d’obtenir les tons les plus naturels. Il a utilisé cette technique pour transformer Robin Williams en robot humanoïde doré pour L'Homme bicentenaire (Bicentennial Man), pour L’incroyable histoire de Benjamin Button et il l’a encore perfectionnée pour permettre à l’acteur Christian Bale d’incarner avec un grand réalisme l’homme politique Dick Cheney coresponsable de l’invasion américaine de l’Irak dans Vice (titre à la double signification, au premier degré pour vice-président).

    


Après avoir changé en vieille femme l'acteur Robin Williams afin de permettre à son personnage de pouvoir rester en contact avec ses enfants dont la séparation avec sa compagne le prive dans la célèbre comédie Mrs Doubtfire, Greg Cannom le transforme de nouveau pour le film de science-fiction L'homme bicentenaire (Bicentennial Man).

L'acteur Christian Bale changé en un très ressemblant Dick Cheney.

Une triste fin accompagnée d’un véritable élan de solidarité

    Le jeune maquilleur prodige est donc devenu un professionnel très reconnu avec l’obtention de quatre Oscars pour Dracula, Mrs Doubtfire, L’incroyable histoire de Benjamin Button et Vice, ainsi qu’une récompense en 2019 pour l’ensemble de sa carrière par la Guilde des maquilleurs et perruquiers, et l’estime de l’ensemble de la profession. Malheureusement, la fin de son existence fut gâchée par d’innombrables problèmes de santé. Souffrant du diabète et de complications rénales et cardiaques, il avait aussi une vue très dégradée et une infection par des staphylocoques a nécessité l’amputation partielle d’une jambe. De plus, en dépit de sa brillante réussite, l’artiste était devenu impécunieux, incapable de disposer des sommes nécessitées par ses soins. Attristés par sa tragédie, nombre de ses collègues se sont mobilisés pour lui venir en aide en 2023 au travers d’une collecte organisée sur le site GoFundMe, répercutée par le magazine "Variety" et ont recueilli plus de 100 000 dollars, au-delà de la somme espérée de 75 000. Le maquilleur espérait qu’à l’issue des opérations, il pourrait intégrer la maison de retraite des artistes nécessiteux d’Hollywood. Dans ces terribles épreuves, Greg Cannom a au moins pu constater qu’il n’était pas oublié et que toute la profession s’était unie autour de lui. Ses nombreuses contributions au cinéma demeureront.



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Ajout : disparition de deux acteurs

        Ajoutons quelques lignes pour signaler la disparition durant son sommeil le 20 mai 2025 de l’acteur américain George Wendt à l’âge de 76 ans d’une crise cardiaque et de diverses complications, qui avait joué dans des séries populaires et figuré dans diverses émissions, et était suffisamment reconnu pour que ses apparitions récurrentes dans le rôle de Norm avec un comparse, John Ratzenberger dans le rôle de Cliff, dans un bar de la série comique Cheers, valent au duo d’être reproduit au travers de personnages robotisés imitant leur allure dans les bars d’aéroport par la compagnie Host international, ce qui entraîna une action en justice de l’acteur, remportée en seconde instance – on peut relever pour l'anecdote qu'à l'instar de l'inspecteur Columbo dans la série éponyme, on ne voit jamais la femme du personnage, Vera, mais qu'on l'entend parfois en voix off, laquelle est celle de sa véritable épouse, l’actrice Bernadette Birkett.

Automate censé être à l'effigie de George Wendt et de son confrère dans un bar d'Host international.

        George Wendt devait apparaître dans le rôle d’un étudiant dans le film Quelque part dans le temps (Somewhere in Time), évoqué dans la publication précédente à propos de la disparition du réalisateur Jeannot Zwarc à la suite de l’hommage à David Lynch, mais la scène avait été coupée. On le vit dans d’autres films fantastiques, notamment comme écrivain dans Dreamscape et responsable d'un programme de cryogénie ayant sacrifié la vie d'un sujet se prêtant à l'expérience dans Forever Young (deux films évoqués ci-dessus dans l’hommage à Greg Cannom), mais son rôle le plus marquant en la matière est probablement celui d’Harold Golton, le débonnaire voisin dans le film horrifico-comique House de Steve Miner, appelé à prêter main-forte à un écrivain hanté par la guerre du Vietnam ainsi que par la disparition inexplicable de son jeune fils, Roger Cobb (William Katt) et dont la demeure fait l’objet de manifestations surnaturelles monstrueuses. 

George Wendt dans le rôle du romancier Charle Prince qui révèle au héros de Dreamscape joué par Dennis Quaid que le projet secret d'une instance gouvernementale permettant de visualiser les rêves va être utilisé par un agent gouvernemental, Bob Blair (Christopher Plummer) pour assassiner le président des États-Unis (Eddie Albert) dont il craint la politique de désarment.




C'est à une drôle de pêche qu'est convié le voisin bienveillant de House de Steve Miner, interprété par George Wendt, et il ne s'agit même pas de l'espadon naturalisé dans le salon qui s'agite soudainement, mais d'une monstruosité constituée de visages de victimes de la Guerre du Vietnam, le Démon de la guerre, créé par le maquilleur James Cummins (voir hommage de décembre 2010).

        Pour le téléspectateur français, George Wendt avait aussi été la vedette d’un épisode de la série policière ColumboUne étrange association, dans lequel son personnage assassine son frère, joué par Jeff Yagher (un des interprètes de la seconde saison de la série V, et comme l’indique sa ressemblance, frère du célèbre maquilleur Kevin Yagher) qui dilapidait sa fortune dans des paris hippiques – l’épisode est mémorable dans la mesure où le policier semble s’affranchir des règles déontologiques, extorquant les aveux du coupable en faisant mine de ne pas s’opposer à son exécution par un chef maffieux joué par Rod Steiger, lequel est décidé à venger la mort de son associé, créancier du parieur qui a été également abattu en venant réclamer son argent.

Graham McVeigh (à gauche) ne supporte plus que son frère Teddy (Jeff Yagher) dilapide l'argent au point de mettre en danger leur ferme et élabore un plan radical pour mettre un terme à la situation dans l'épisode Une étrange association (Strange Bedfellows) de la série Columbo.


Le froid assassin se fait piéger, se retrouvant à la merci des proches du créancier de son frère qu'il a été aussi été amené à éliminer.

Le lieutenant Columbo n'a pas hésité à s'allier avec un maffieux pour extorquer les aveux de l'assassin - quoique son obtention du mandat de perquisition lui aurait permis plus simplement de fouiller la propriété de Graham McVeigh et de trouver l'arme du crime dissimulée sous les galets au pied de la fontaine. L'inquiétant personnage est joué par Rod Steiger (Ponce Pilate dans le Jésus de Nazareth de Zeffirelli, personnage tatoué de L'Homme illustré (The illustrated Man) d'après Ray Bardbury, prêtre victime de Satan dans Amityville la maison du diable ou encore cruel expérimentateur cynique et faussement paternaliste dans Kindred (The Kindred) préfigurant Marlon Brando dans le second remake du Docteur Moreau (Island of Dr Moreau). L'épisode de Columbo est brillamment exécuté par ses interprètes qui ont quasiment tous joué dans des films fantastiques - on peut y ajouter plus anecdotiquement le barman joué par Don Calfa, inoubliable protagoniste du Retour des morts-vivants (The Return of the Living Dead) et inquiétant personnage extraterrestre à l'aspect faussement humain dans Necronomicon).

        Autre visage que le public pouvait reconnaître sans toujours identifier l’acteur, Harris Bart Goldberg, d'après le patronyme du père adoptif de cet orphelin, et qui était connu sous l'identité d'artiste d'Harris Yulin est décédé le 10 juin 2025 à l’âge de 87 ans. Après un an d'engagement dans l'armée américaine puis avoir vécu en Israël à Tel-Aviv, il retourne aux Etats-Unis où le professeur d'art dramatique et acteur Jeff Corey, ami de son père dentiste, l'oriente vers l'art théâtral. Il s’est tout au long de sa carrière partagé entre le théâtre, la télévision et le cinéma. Il avait interprété aussi bien un policier corrompu dans Scarface que le directeur de la galerie d’art de la comédie Bean, le film le plus catastrophe et avait incarné le célèbre hors-la-loi du Far West Jesse James dans la production télévisée La dernière chevauchée des Dalton (The Last Ride of the Dalton Gang) en 1979. En matière de comédie fantastique, il avait prêté ses traits sévères au juge de S.O.S. Fantômes 2 (Ghostbusters 2) et joué un savant dans Ma femme, mes doubles et moi (Multiplicity), film dans lequel le personnage crée des copies de lui-même pour leur déléguer les tâches fastidieuses. 

Harris Yulin dans le rôle du sévère juge Stephen Wexler dans S.O.S. Fantômes 2 (Ghostbusters 2) condamne l'équipe d'intervention contre les phénomènes surnaturels, inflieant lourde amende, peine de prison ferme et regrette l'abolition du bûcher pour les charlatans.


Les spectres des deux frères Scolari exécutés sur la chaise électrique se manifestent soudain dans la Cour de justice, réinjectant du surnaturel à la procédure.


Le Juge Wexler est sidéré par l'irruption des deux ectoplasmes et se trouve sans répartie devant un Docteur Stantz (Dan Aykryod) revanchard.

        Il interprétait aussi le Docteur Mercer persuadé de l’existence d’une espèce inconnue dans Loch Ness. Il était apparu dans diverses séries télévisées de La petite maison dans la prairie (Little House on the Prairieà Dynasty, y compris fantastiques à l’occasion du 19ème épisode de la première saison de Star Trek Deep Space Nine, Duel (Duet), avait joué un cardinal dans un épisode parodique d’Aux frontières du réel (The X-Files), Hollywood, et dans la série Buffy contre les vampires (Buffy the Vampire Slayer), il avait incarné à l’occasion de trois épisodes le personnage de Quentin Travers, dirigeant le conseil des Observateurs, des parapsychologues en lutte contre les manifestations démoniaques, s’attachant à conseiller le personnage éponyme, "L’élue" (Sarah Michelle Gellar), chargée de traquer les vampires.

Le Docteur Mercer envoie son collègue le Docteur Dempsey (Ted Danson) enquêter sur la créature mystérieuse du Loch Ness en remplacement de son collègue décédé accidentellement, un ordre auquel l'intéressé sceptique se plie sans enthousiasme.

Le Docteur Dempsey parvient finalement à obtenir des photos de l'animal mythique, suscitant l'enthousiasme du Docteur Mercer et de son assistant Adrian Foote (James Frain).

Le gardien du Loch (Ian Holm, voir hommage d'août 2020), tout en suppliant le Docteur Dempsey de ne pas divulguer l'existence de la créature afin de préserver sa quiétude, parvient à substituer aux précieuses photos des dessins d'enfant, mais il semble l'avoir finalement convaincu puisque le zoologiste décide de revenir sur ses déclarations, trahissant son collègue, humilié devant la société zoologique de Londres - un dénouement rappelant celui du film The abominable Snowman consacré au Yéti, dont l'épilogue rappelait lui-même celui de la bande dessinée Tintin au Tibet, conservant le secret sur l'existence d'une espèce de grand primate dans l'Himalaya.

filmographie : http://www.lefilmdujour.fr/2025/06/harris-yulin-1937-2025.html