mardi 22 novembre 2022

IL NOUS LAISSE SON HERITAGE


Avertissement : le lecteur qui prévoirait de lire le roman Héritage est avisé qu’il est fait ici état d’une évocation assez précise du livre au cinquième paragraphe de ce petit hommage, à charge pour lui de se dispenser provisoirement d’en prendre connaissance préalablement à cette lecture s’il désire que les points principaux du dénouement ne lui soient pas dévoilés précocement


    L’écrivain américain bien connu de science-fiction Greg Bear est décédé le 19 novembre 2022 à l’âge de 71 ans, de complications à la suite d’une opération du cœur. Il était un des principaux représentants de la "hard science fiction", courant privilégiant une certaine scientificité, popularisé aux États-Unis par des auteurs comme Hal Clement, Robert Forward, Gregory Benford ou David Brin, mais moins apprécié en France où, jusqu’à preuve du contraire, celui qui s’inscrit dans cette filiation n’a pratiquement pas de chance d’intéresser un éditeur. Le prestige de l’auteur américain lui avait cependant valu de voir 17 de ses romans traduit en français.

    Ayant commencé à écrire dès son adolescence, il doit mentir sur son âge pour obtenir la publication en 1967 de sa nouvelle Destroyers dans le magazine "Famous Science Fiction". Il devient jusqu’en 1982 chroniqueur littéraire pour un journal de San Diego, ville où il est né bien qu’ayant ensuite passé un certain temps au Japon, aux Philippines et en Alaska pour suivre les affectations de son père, un Marine. Il publie en 1979 son premier roman, Hegira,

    En 1983, année de son remariage avec la fille de l’auteur de science-fiction Poul Anderson, il obtient des récompenses majeures dans son domaine, deux prix Hugo et un prix Nebula pour ses nouvelles de 1983 Hardfought et Le chant des leucocytes (Blood Music). En 1985, il tire de cette dernière un roman, La musique du sang (Blood Music), qui lui vaudra d’être également reconnu en France. Cette œuvre engendrée par sa passion pour la science et ses innovations représente très certainement la première fiction à traiter des nanobiotechnologies. Dans ce roman, des machines intelligentes de taille infinitésimale sont injectées dans le corps humain pour soigner ses affections, mais elles deviennent rapidement hors de contrôle, appliquant leur propre programme, et finissant par contrôler le monde au point d'agir sur l'espace-temps pour contrer toute parade. On retrouvera une histoire très similaire aux dans un épisode particulièrement marquant de la série télévisée Au-delà du réel : l’Aventure continue (The New Outer Limits), Une nouvelle génération (The New Breed) réalisé en 1995 par Grant Rosenberg, dans lequel un malade du cancer guéri par les minuscules robots moléculaires voit avec terreur ceux-ci devenir incontrôlables, ne cessant jamais d'améliorer son organisme jusqu'à lui faire pousser une paire d'yeux supplémentaires derrière la tête, puis lui interdisant même de mettre fin à ses jours. Michael Crichton se saisira à son tour de la menace potentielle de la nanotechnologie s’émancipant de ses créateurs avec sa nuée menaçante et intelligente dans La proie (The Prey).


Couvertures américaines pour La musique du sang (Blood Music) ; celle de l'édition figurée en bas comporte un éloge par Poul Anderson devenu le beau-père de l'auteur.


Couverture française pour le roman et sa réédition en collection de poche en dessous.

Comme dans La musique du sang (Blood Music), l'épisode Une nouvelle génération (The New Breed) de la série télévisée Au-delà du réel : l’Aventure continue (The New Outer Limits) montre un personnage dont la peau se couvre de fins tentacules agencés par les "microchips" injectés dans l'organisme humain.

    1985 voit aussi la sortie de son roman Éon (Eon) qui rencontre un succès immédiat, contant la découverte d’un astéroïde comportant en son sein un passage intersidéral, la Voie, un dispositif créé par les humains du futur qui l’ont utilisé pour s’établir sur d’autres planètes, formant le réseau de l’Hexamone. Dans la suite parue en 1988, Eternité (Eternity), l’humanité est confrontée à des envahisseurs ayant fait irruption par un des passages ouverts, qui visent à s’accaparer toutes les connaissances de l’univers afin de créer une conscience ultime de nature divine à la manière de la vision de Teilhard de Chardin, et dont l’un s’empare quelque temps de l’esprit du personnage principal Olmy Ap Senon. Pour dépeindre physiquement les Jarts, l’auteur a visiblement été influencé par la formule selon laquelle un très ancien fossile présentait une allure réellement extraterrestre. D’abord interprété lors de sa découverte sur le site du Cambrien inférieur de Burgess Shale en Colombie britannique en tant que ver annélide, celui-là a fait par la suite l’objet d’une nouvelle description par le paléontologue Simon Conway Morris qui l’a renommé Hallucigenia, en soulignant par l’étymologie qu’il était le plus extravagant des étranges animaux inventoriés, avec ce qu’on suppose être une tête assez informe, une double rangée d’épines locomotrices ainsi que sept tentacules dorsaux et d’autres plus petits à l’arrière en amont de la longue queue. Sa morphologie générale n’est pas sans similitude avec la description donnée des Jarts par Greg Bear, bien que l’auteur l’a enrichie par un certain nombre d’ajouts : « Cela avait une grande tête en forme de marteau vertical de couleur gris-bleu percé par trois fentes horizontales. De la fente supérieure sortaient des tubes d’un blanc scintillant portant ce qui représentait peut-être des yeux noirs – et des deux inférieures s’échappaient de longues touffes de poils noirs. Derrière la tête surdimensionnée s’étirait un long thorax vert et lisse à peu près de la taille et de la forme du tronc humain. Des tentacules bifurqués d’un rose pâle, chacun aussi épais que le poignet d’Olmy et aussi longs que son bras, s’élevaient au long du dos telle une crête. À l’arrière, derrière les tentacules, se trouvait un faisceau de courtes barbes ou d’antennes rouges. Une épaisse queue relevée s’achevait par une forme en clairon d’un violet lumineux. Figurant sans doute le plus étrange de l’ensemble, sept paires de membres inférieurs ou de soutiens étaient alignés des deux côtés du corps, non pas des jambes ou des membres au sens traditionnel mais des poteaux ou de longues épines pointues, chacune de la couleur de l’obsidienne et tout aussi brillante. Sous la tête, ou peut-être émergeant de la région inférieure de la tête elle-même, se trouvaient deux assortiments de bras à plusieurs articulations, l’un incliné avec des appendices ressemblant remarquablement à des mains, l’autre avec des palpes roses translucides.». De nouvelles études, réalisées notamment grâce à l’apport d’un gisement fossilifère chinois similaire et en particulier à l’examen d’un nouveau spécimen, laissent cependant penser que l’animal aurait pu avancer sur ses appendices flexibles qui auraient pu être disposés par paires, à la manière d’autres espèces du site appelées lobopodes, et qu’ainsi les épines auraient en réalité représenté une protection dorsale – l’animal demeure cependant encore assez mystérieux pour qu’il subsiste un doute quant à ce qui doit être compris comme son avant ou son arrière. Si la nouvelle interprétation devait effectivement être retenue, Hallucigenia ne correspondrait pas à la vision qu’en avait Simon Morris et cette créature n’existerait plus en définitive sous cette forme nulle part ailleurs que dans la fiction de Greg Bear.

Fossile d'Hallucigenia du schiste de Burgess Shale et illustration en dessous proposant une reconstitution selon l'hypothèse de Simon Conway Morris, un animal des temps anciens dont l'allure générale est proche de celle des Jarts extraterrestres d'Eternité (Eternity).

    Un troisième roman, indépendant, est venu compléter en 1995 les deux précédents, Héritage (Legacy), et c’est probablement parmi ceux de Greg Bear celui-ci qui retient le plus l’attention des lecteurs intéressés par la vie extraterrestre. Le personnage principal réminiscent des tomes précédents et narrateur, Olmy Ap Senon, est envoyé en mission secrète sur la planète Lamarckia sur laquelle se sont établis sans permission des colons en empruntant un passage de la Voie, afin de vérifier que leur activité ne met pas trop en danger la nature qu’ils ont investie. La vie qualifiée de "mégacytique" s’y présente sous la forme de gigantesques colonies constituées d’unicellulaires spécialisés, les scions, dont l’apparence va de végétaux parfois immenses (les "phytidées" et "arboridés") à diverses espèces animales se rapprochant d’arthropodes, de poissons (les "piscidés"), d’oiseaux (« aviaridés ») ou de vertébrés terrestres, certains maillons ayant pour fonction de recycler les déchets produits par les cadavres et il existe même une version biologique de la tempête océanique. Chaque écosystème est ainsi une entité multiple, dont les différentes castes asexuées sont agencées par des Reines à l’apparence d’urnes géantes auxquelles les scions mobiles ramènent les éléments utiles. Il n’existe donc pas à proprement parler de lutte pour la survie par élimination à chaque génération des moins bien pourvus sélectionnant les caractères les plus appropriés comme dans le paradigme darwinien, mais une lente adaptation progressive aux changements de l’environnement à la manière du transformisme précédemment postulé par le naturaliste Jean-Baptiste Lamarck, dont le nom est ainsi utilisé pour désigner la planète – même si l’écos recycle sans hésitation ses scions qui ne donnent pas satisfaction. Lorsqu’il arrive que deux écoï entrent en contact, leurs senseurs réalisent au travers notamment de petites piqûres des analyses chimiques pour examiner les capacités de leurs homologues et copier leurs caractéristiques innovantes si celles-là s’avèrent présenter un avantage fonctionnel. L’une des factions humaines rivales découvre qu’une Reine a ainsi suite à ce processus tenté d’imiter superficiellement la forme humaine, et le chef des sécessionnistes, Brion, rêve de la recréation de son épouse décédée, mais les écoï étant dépourvus d’ADN, les pseudo-humains ne peuvent revêtir qu’un semblant d’apparence externe et s’ils parviennent à articuler approximativement quelques mots, ils ne disposent pas d’une véritable intelligence faute d’un cerveau digne de ce nom. Alors que les exilés tentent de subsister en consommant certains scions, il semble que les écos soient en train de dépérir pour une raison inconnue. Brion prend l’initiative de soumettre à la forme de vie extraterrestre des plantes vertes et l’écos s’approprie alors la capacité de photosynthèse. Une fois pourvus de cette faculté qui leur confère une coloration verte, les scions d’allure végétale s’avèrent soudain être devenus incomestibles pour les humains. Olmy dévoile sa vraie identité et organise l’évacuation des humains dorénavant incapables de survivre sur Lamarckia, rendue à elle-même et dont la vie indigène a ainsi été involontairement sauvée par les colons de l’extinction qui semblait imminente au vu du dépérissement des Reines. Héritage laisse des questions irrésolues quant à la soudaine dégénérescence des écoï ainsi qu’à la raison pour laquelle les scions photosynthétiques ne peuvent plus être assimilés par les organismes humains, mais ce roman devrait néanmoins intéresser tous les amateurs de science-fiction portant quelque intérêt à la biologie et au vivant.

Couverture pour la réédition française en collection de poche d'Héritage (Legacy) figurant les scions de nature végétale qui ressemblent à des ballons.

    Ces trois romans dits du cycle de l’Hexamone ont largement contribué à la consécration de Greg Bear, même si on a pu lui reprocher un certain manque d’action voire des longueurs ; il est vrai que la séquence de la navigation dans Héritage utilise nombre de termes de marine dont seuls les pratiquants sont familiers et que la multiplication des personnages à bord évoqués peut un peu égarer là où Robert Silverberg dans sa description de l’errance d’un navire sur un océan extraterrestre dans La Face des eaux (The Face of the Waters) parvenait à maintenir une attention plus soutenue.

    Dans L’échelle de Darwin (Darwin’s Radio) en 1999 et sa suite Les enfants de Darwin (Darwin’s Children), Greg Bear imagine que des mutations génétiques se présentant comme une infection virale créent une nouvelle lignée d’humanité, et envisage les difficultés que crée la coexistence entre les deux branches. Il rejoint ainsi une problématique présente dans le roman de Gregory Benford et David Brin Au cœur de la comète (Heart of the Comet) en 1980, même si les nouveaux types humains y ont dans celui-ci été conçus génétiquement pour résister plus efficacement aux conditions de l’espace. On lui a par contre reproché d’avoir présenté l’Homme de Néandertal comme l’ancêtre de l’Homo sapiens, alors que les deux espèces sont habituellement considérées comme procédant de deux lignées s’étant séparées à partir d’ancêtres communs depuis un demi-million d’années. Son roman The Forge of God de 1987, prolongé en 1992 par Anvill of Stars, rejoint aussi le cycle amorcé par le premier en 1977 avec Dans l’océan de la nuit (In the Ocean of Night) au travers de la menace cosmique représentée par la venue de robots extraterrestres éradicateurs de formes de vie biologiques, dont on trouvait une illustration plus ancienne dans l’épisode La sonde (The Probe) de la série Star Trek. Il propose à l’occasion une théorie pour expliquer le paradoxe de Fermi, l’absence de signaux extraterrestres rapportée à la probabilité de l’existence d’un grand nombre de mondes susceptibles d’abriter une vie avancée, en suggérant que les autres civilisations pourraient estimer plus sages de demeurer discrètes afin de ne pas attirer l’attention de forces susceptibles de ravager les mondes. Un autre thème classique de science-fiction sur lequel l’écrivain s’est penché est celui des rapports entre la Terre et la colonie de Mars à la volonté émancipatrice dans L’Envol de Mars (Moving Mars) en 1993.

Fruits gigantesques pour une couverture non retenue pour la version américaine de L'Envol de Mars (Moving Mars).

    Greg Bear a aussi porté son attention sur les dinosaures avec Dinosaur Summer en 1998, qui se situe dans la continuité du roman Le Monde perdu (The Lost World) de Conan Doyle. L’histoire se déroule dans les années 1940. Le Venezuela a interdit toute exportation de dinosaures hors du plateau où ils ont été découverts par l’expédition du Professeur Challenger et les derniers ayant survécu hors du territoire sont ceux du cirque de dinosaures de Lothar Gluck qui va fermer suite à la baisse d’intérêt du public. Un adolescent de quinze ans convainc son père, reporter pour la revue "National Geographic", de rendre ces animaux à leur milieu d’origine à l’occasion d’une expédition à vertu initiatique à laquelle prennent part deux grands passionnés de dinosaures du monde du cinéma, les animateurs bien réels Willis O’Brien et Ray Harryhausen – pour les plus jeunes, voir le long hommage rendu à ce dernier en ces pages. Greg Bear a aussi servi officiellement de consultant scientifique pour son fils Erik qui a écrit le scénario de la bande dessinée Jurassic Park : Dangerous Games, dans laquelle l’Isla Nubar habitée par les dinosaures, qui ont été recréés par manipulations génétiques dans les romans de Michael Crichton adaptés au cinéma, est devenue le repaire d’un dangereux cartel de narco-trafiquants, infiltré par un agent de la CIA dont la couverture a été percée et qui doit aussi se garder des prédateurs du Mésozoïque ressuscités par la science.

Illustration pour le roman Dinosaur Summer par Tony DiTerlizzi en haut et bande dessinée Jurassic Park : Dangerous Games scénarisée par Erik Bear avec la participation de son père comme consultant.

    À l’instar de deux autres auteurs de hard science précités, Gregory Benford et David Brin, il avait écrit en 1998 un roman prolongeant le célèbre cycle sur la psychohistoire imaginé par Isaac Asimov, Fondation et Chaos (Foundation and Chaos) regroupé avec les contributions de ses deux collègues, respectivement Fondation en péril (Foundation’s Fear) et Le triomphe de Fondation (Foundation’s Triumph), dans le volume Le second cycle de Fondation (The Second Fundation Trilogy). Il avait aussi apporté sa contribution à l’univers de Star Trek en 1984 avec le roman Corona qui comme dans Créateur d’étoiles (Star Maker) d’Olaf Stapledon et L’étoile sauvage (Rogue Star) de Frederik Pohl, met en scène une étoile vivante, laquelle veut épurer l’univers en le ramenant à un état antérieur, et qui permet à l’auteur de détailler les mœurs des Vulcains aux premières lignes de la menace, ainsi qu’ à celui de La Guerre des étoiles (Star Wars) avec le roman Planète rebelle (Rogue Planet) en 2000, qui dépeint le jeune Jedi Anakin Sywalker en laissant présager l’instabilité psychologique sous-jacente qui le conduira à faire mauvais usage du pouvoir de la Force lorsqu’il deviendra Dark Vader.

    En 2011, la notoriété de Greg Bear en a fait le candidat idéal pour les producteurs du jeu vidéo Halo désireux de prolonger leur univers, requis pour détailler les origines de celui-ci sous la forme de trois romans, la trilogie Forerunner (Halo : Cryptum, Halo : Primordium et Halo : Silentium), le dernier paru en 2013, détaillant la civilisation des extraterrestres éponymes et leurs rapports avec les humains, ainsi que la lutte contre une espèce envahissante, celle des parasites ("The Flood"). L’écrivain était familier du jeu vidéo au travers de son fils et eut de nombreux échanges avec les créateurs du jeu pour intégrer sa vision au cadre déjà établi. À nouveau, les critiques se partagèrent entre ceux qui appréciaient la capacité de l’auteur à dépeindre une réalité cosmique et ceux qui trouvaient la lecture un peu fastidieuse.

Croquis d'un Précurseur de Forerunner par Greg Bear et une illustration finalisée de la même créature extraterrestre en bas.

Deux représentations d'un parasite de la série Halo, à laquelle Greg Bear a consacré trois romans avec sa trilogie Forerunner.

    Il avait par ailleurs écrit deux romans relevant de la Fantasy, The Infinity Concerto et The Serpent Mage. Greg Bear était aussi à l’occasion illustrateur de science-fiction. L’auteur ne faisait pas l’unanimité comme on l’a vu, certains comme les producteurs du jeu Halo considéraient qu’il était l’équivalent de Stephen King pour la Science-fiction et il fut distingué régulièrement dans le domaine, tandis que d’autres lecteurs mettaient en cause sa qualité de conteur – bien que les romans très longs soient devenus la norme avec des auteurs comme Dan Simmons. Ses compétences scientifiques étaient reconnues au-delà de la fiction, puisqu’il avait été consultant auprès de la société informatique Microsoft, de la NASA, de l’armée américaine, du département de la sécurité intérieure des États-Unis, de celui des relations internationales ou encore de l’association internationale pour la qualité de l’alimentation. Par sa culture scientifique et l’audace de ses visions, il demeurera en tous cas à n’en point douter comme un grand nom de la littérature contemporaine de science-fiction. 

Deux illustrations par Greg Bear.



site officiel de l'auteur : http://www.gregbear.com/


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