La
famille de Noble Craig a fait part de sa disparition, survenue le 26
avril 2018. L’homme n’était pas connu du grand public mais a
incarné plusieurs créatures marquantes au cinéma, en mettant à
profit sa tragique condition.
Encore
très jeune, il fait partie des Américains dont la vie fut broyée
lors de l’intervention au Vietnam. Au cours de l’année 1969,
après seulement douze jours de présence sur le front, il saute sur
une mine enfouie et perd ses jambes, un bras et la vision de son œil
droit.
En
1973, il apparaît une première fois à l’écran dans le
film Sssnake
le cobra (Sssssss) de
Bernard L. Kowalski, incarnant un phénomène présenté dans un
cirque, lequel s’avère être le résultat d’une effroyable
expérience perpétrée par un savant fou, le Docteur Carl Stoner
(Strother Martin), herpétologiste qui transforme ses étudiants en
cobra. Noble Craig représente un stade inachevé de l’expérience,
et le nouvel assistant du scientifique, David Blake (Dirk Benedict,
future vedette des séries télévisée L’Agence
tous risques (The
A-Team)
etGalactica),
ne réalise pas à temps qu’il est le nouveau cobaye de son mentor
– on retrouvera d’ailleurs un sujet très similaire l’année
suivante dans Mutations de
Jack Cardiff, à ceci près que l’attraction foraine dans laquelle
est présentée l’expérience ratée du Docteur Nolter (Donald
Pleasence) sur une étudiante qu’il a tenté d’hybrider avec un
végétal, là encore dans la finalité de créer une « humanité
nouvelle » plus adaptée aux périls de l’avenir, comporte cette
fois l’utilisation de phénomènes humains réels, comme dans The
Sentinel,
et aussi bien sûr précédemment dans La
monstrueuse parade (Freaks)
de Tod Browning, à ceci près que dans ce dernier, il leur a été
rendu leur dignité par le cinéaste.
Il
faut attendre 1985 pour que le cinéma fasse de nouveau appel aux
services de Noble Craig à l’occasion d’une séquence
saisissante, quintessence de la grande époque des effets spéciaux,
dans le film Poltergeist
II de
Brian Gibson, où il endosse le costume d’un stade de «la Créature
du vomi». Dans la suite du film de Tobe Hooper supervisé par
Spielberg, basé sur un scénario de Michael Grais et Mark Victor –
dont la contribution au premier film n’avait alors pas été
reconnue – l’âme damnée d’un pasteur diabolique (incarné
avec courage par Julian Beck, rongé par un cancer fatal) s’incarne
en un ver dans une bouteille de tequila qu’ingurgite Steve Freeling
(Craig T. Nelson), qu’il tente de posséder, avant d’en ressortir
et de se transformer en une créature terrifiante, passant par un
stade d’allure fœtal aux côtes encore non refermées, processus
détaillé par l’artiste suisse H.R. Giger célèbre pour son
travail sur Alien,
et auquel l’équipe de Steve Johnson a conféré toute son
étrangeté organique. Le moment où l’être s’arrête quelques
instants et que l’écran s’attarde sur son regard d’un autre
monde est vraiment impressionnant.
Un stade d'incarnation monstrueuse de l'esprit maléfique de Poltergeist 2 , dans lequel se glissa Noble Craig et le résultat à l'écran.
Son
apparition dans Les
aventures de Jack
Burton (Big
trouble in little China)
réalisé en 1986 par John Carpenter est plus incidente. Glissé dans
la peau d’un saurien géant aux yeux rouges hypertrophiés et aux
membres grêle, il surgit d’une canalisation pour menacer un bref
instant la petite troupe de Jack Burton (Kurt Russell) partie en
quête du repaire de Lo Pan (James Hong).
Avec
le remake de The
Blob réalisé
en 1988 par Chuck Russell, Noble Craig revient à un personnage plus
pathétique. Apparaissant à visage découvert, il incarne un soldat
victime de l’arme biologique créée par l’armée, qui a dissout
ses membres, avec lequel l’héroïne Meg Penny (Shawnee Smith) a un
bref échange.
Il
arbore ensuite brièvement les traits du croquemitaine revenu du
monde des morts, Freddy Krueger, dans Freddy
5 - l'enfant du cauchemar (Elm
Street 5 : the Dream Child),
alors que l’effroyable personnage tente de posséder un enfant à
naître, surgissant sur la poitrine d’Alice interprétée par Lisa
Wilcox, Noble Craig était fixé sur elle grâce à des câbles.
Enfin,
en 1989, dans la suite de Reanimator, Bride of
the Reanimator, réalisée par Brian Yuzna, il apparaît dans
l’épilogue au milieu d’aberrations auxquelles Herbert West,
l’expérimentateur pervers joué par Jeffrey Combs, a donné
naissance en couplant des morceaux disparates de corps humains (jeu
macabre qu’on retrouve aussi dans les films Frankenhooker de
Frank Henenlotter l’année suivante et The Resurrected de
Dan O’Bannon en 1990), étant affublé d’une poitrine féminine
sur le dos et d’un pied à la place d’une main.
Noble
Craig ne fut cependant pas le seul disgracié auquel le cinéma eut
recours pour incarner des personnages hors-normes à l’insu du
spectateur, qu’on pense aux personnes de petite taille glissées
dans la peau de E.T. L’Extraterrestre du film de Steven Spielberg
en complément de versions mécaniques, à celle qui faisait bouger
la queue de Jabba
the Hutt dans Le
retour du Jedi avant
les tripatouillages infographiques demandés par George Lucas pour sa
ressortie, aux trois culs-de-jattes qui ont donné vie aux drones
de Silent
Running de
Douglas Trumbull, devenus les seuls compagnons de l’agronome
désabusé interprété par Bruce Dern. De la même manière, Joe
Carone qui perdit les deux membres supérieurs dans un accident
industriel fut recruté pour doubler Richard Dysart, dont il arbore
le masque dans la séquence de The
Thing de
John Carpenter au cours de laquelle le simulacre du corps de Norris
arrache les bras du Docteur Copper alors qu’il lui applique un
défibrillateur suite à un arrêt cardiaque.
En
dépit de son terrible sort, Noble Craig a témoigné d’une volonté
de vivre qui force l’admiration, père attentionné de cinq
enfants, conducteur émérite, s’adonnant à la réparation de tout
véhicule à moteur, pratiquant le ski nautique, la plongée
sous-marine, la natation dans l’océan, le chaut en parachute, il
s’est efforcé de vivre plus intensément qu’un valide, donnant
un exemple de volonté presque surhumaine. Une cérémonie d’hommage
au Cimetière commémoratif des anciens combattants du Nevada du sud
a été rendu le 24 mai 2018 à cet estropié de guerre qui vécut
debout jusqu’à la fin de son existence remarquable.
(source de la photo personnelle : http://bloody-disgusting.com/news/3497462/r-p-creature-performer-noble-craig-unsung-horror-icon/)
(source de la photo personnelle : http://bloody-disgusting.com/news/3497462/r-p-creature-performer-noble-craig-unsung-horror-icon/)
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