lundi 30 août 2010

LA REVANCHE DES PLUS HUMBLES


La controverse sur le réchauffement climatique se poursuit, en dépit de la fonte importante de glaciers observée dans le monde entier. Le dirigeant russe, à présent premier ministre, Vladimir POUTINE, qui abordait la question avec dérision en estimant que le réchauffement de la Sibérie serait favorable à la culture des céréales, a eu tout lieu de constater, sans en tirer cependant d'enseignement, les conséquences dramatiques probablement imputables au réchauffement climatique sur le climat continental, engendrant des décès causés par l'air irrespirable des grandes villes - ainsi que l'embrasement des champs de blé qui devaient selon lui être les grands bénéficiaires de cette évolution. En réalité, nier la responsabilité de l'homme dans la hausse globale des températures mise en évidence par de nombreuses études n'a guère d'intérêt, sauf à prouver que le dégagement de grandes quantités de gaz carbonique engendré par les activités humaines n'a aucune incidence sur l'environnement : en effet, même si la hausse globale des températures était imputable, comme cela peut se concevoir, à des variations dans le fonctionnement de l'astre solaire, l'effet de serre produit par les émissions humaines en amplifierait encore dramatiquement les effets.

Le célèbre glacier de la Mer de glace en France, dans les Alpes, s'est beaucoup réduit depuis quelques décennies, comme en Alaska ( voir l'article "Allegro fortissimo" de mars 2010) - photo trouvée sur le blog http://leblogphoto.blogspot.com/2007/09/la-mer-de-glace-chamonix).

CLIMAT GLACIAL A COPENHAGUE

On le constate, les instances internationales n'ont guère suivi l'avertissement du naturaliste Jean DORST, auteur de l'essai AVANT QUE NATURE NE MEURT, qui affirmait que la vie à la surface de la terre serait irrémédiablement dévastée si l'espèce humaine ne révisait pas fondamentalement son comportement avant l'an 2000. Ainsi, la conférence de Copenhague sur le climat s'est déroulée en décembre 2009 dans un climat glacial, et pas seulement pour cause de frimât hivernal: les représentants des États n'ont guère fait de concessions et le nouveau président américain, en dépit de ses engagements pris un peu vite pour argent comptant par l'opinion, n'a daigné y passer que de mauvaise grâce. L'échec flagrant de ce sommet se traduit par l'absence de toute sanction pour les pays qui refusent de respecter les objectifs désignés; c'est exactement comme si l'on condamnait la violence terroriste sans chercher à démanteler les réseaux ni à empêcher les actes d'être perpétrés.


L'été 2010 a été particulièrement chaud : des forêts et des champs qui s'embrasent, tandis que 500 personnes décèdent chaque jour à Moscou de l'air irrespirable dû à la chaleur combinée à la pollution, et celà pendant que les glaces polaires fondent; ce n'est hélas pas un film d'anticipation catastrophiste des années 1970, mais la stricte réalité. Comme dirait l'écrivain britannique Brian ADLISS, la science-fiction est rattrapée par le présent, d'ailleurs souvent plus pour le pire que pour le meilleur, malheureusement.

Pourtant, le système économique a prouvé que, passées les crises, l'innovation pouvait permettre de relancer l'économie - voir les travaux des économistes SCHUMPETER, KONDRATIEV, etc..., mais les responsables paraissent obnubilés par le court terme, cherchant à exploiter le pétrole jusqu'à la toute dernière goutte quoi qu'il puisse en coûter à la biosphère, plutôt que de relever les défis techniques qui s'offrent à notre espèce. De quoi finir par se demander si l'homme est vraiment à la hauteur de l'intelligence qui lui a permis de s'affranchir des contingences de la nature, à l'issue d'une évolution s'étalant sur des millions d'années.

ÉVOLUTION OU INVOLUTION ?


L'histoire de la vie telle qu'elle s'est écrite au travers du processus de l'évolution, et qui se révèle au travers de l'examen des fossiles relatifs aux différentes époques, peut être entendue comme le passage de formes rudimentaires à des espèces de plus en plus complexes; même parmi les Vertébrés, on assiste à une complexification d'organes comme le cœur, se dotant de compartiments supplémentaires chez les groupes plus récents, ou le cerveau, avec l'apparition chez les Mammifères supérieurs du cortex, capable d'un traitement beaucoup plus élaboré de l'information, jusqu'à l'homme, pourvu de la capacité d'élaborer des raisonnements et de se projeter - du moins en théorie - dans l'avenir.

Cette compétition qui se manifeste notamment au sommet de la chaîne alimentaire n'empêche naturellement pas des espèces moins évoluées de se maintenir lorsqu'elles sont bien adaptées à leur niche écologique. Le grand Requin blanc est un exemple remarquable de prédateur redoutable, bâti sur un modèle inchangé pour l'essentiel depuis des centaines de millions d'années, et qui est parvenu à conserver son rang en dépit de l'apparition d'animaux beaucoup plus modernes comme l'Orque épaulard. La fabuleuse diversité du monde animal provient de l'existence, dans la faune actuelle, d'espèces correspondant à des lignées issues d'époques les plus diverses et jusqu'aux plus anciennes. Les Hérissons existaient déjà au temps des derniers Dinosaures, les Scorpions n'ont guère changé depuis l'époque du carbonifère durant laquelle les animaux conquirent pour la première fois les terres émergées, et des Méduses assez semblables aux espèces actuelles peuplaient déjà les mers il y'a plus de 600 millions d'années, à l'orée de l'évolution des animaux multicellulaires dans l'océan antique.

Les transformations que l'homme fait subir à son environnement bouleversent évidemment l'équilibre constitué au cours des derniers milliers d'années. L'exemple des Algues proliférant en raison des excès de nitrates et phosphates rejetés par l'agriculture productiviste est bien connue. Mais au sein du règne animal, la compétition se traduit paradoxalement par la revanche des créatures les plus modestes, celles dont l'organisation interne est bien moins élaborée.

Avec l'accroissement de la température, les alertes sanitaires concernant la consommation de coquillages se sont multipliées. Les organismes qui sont à l'origine de ces mises en garde en raison de leur toxicité et qui prolifèrent dans ces conditions sont généralement des Dinoflagellés, des organismes unicellulaires photosynthétiques, pourvus d'un test ( enveloppe externe rigide ) ainsi que, dans la plupart des cas, de deux flagelles leur permettant de se mouvoir, dont la position systématique est souvent discutée, ceux-là étant classés tantôt à côté des Algues unicellulaires plus classiques comme les Diatomées, tantôt rangés parmi les Protozoaires flagellés comme l'agent de la maladie du sommeil, le redoutable Trypanosome véhiculé par la Mouche Tsé-Tsé; au XIX ème siècle, le grand naturaliste HAECKEL avait résolu le problème en créant l'ensemble des Protistes regroupant tous les organismes unicellulaires pourvus d'un noyau ( à l'exclusion donc des Bactéries plus rudimentaires ), y incluant ces formes un peu ambiguës. Les Dinoflagellés, aussi appelés Péridiniens, sont parfois tellement abondants qu'ils peuvent colorer les flots: le Noctiluque confère alors à la mer un reflet de lune argentée, tandis qu'on parle parfois en raison de la concentration d'autres espèces de "marées rouges". Lorsque la densité de ces organismes est maximale, les Poissons eux-mêmes périssent d'intoxication.

Marée rouge imputable aux Dinoflagellés.

Un Noctiluque, unicellulaire iridescent, pourvu d'un seul flagelle minuscule et d'un tentacule.


"SOUPE DE MÉDUSE" ET GELÉE DE GROSEILLES DE MER AU MENU

Le cas des Méduses est bien connu également, et les médias se font écho régulièrement de l'augmentation du nombre d' "années à méduses". Non seulement l'accroissement de la température semble profiter à leur cycle, mais elles bénéficient aussi de l'élimination de leurs principaux prédateurs, tels les Cétacés par le fait de la pollution et les Poissons victimes de la pêche intensive, sans parler des malheureuses Tortues marines étouffées par des sacs en plastique, qu'elles confondent avec leur mets favoris, laissés sur les plages par des inconscients. Jules VERNE avait eu une remarquable préfiguration dans son roman 20 000 LIEUES SOUS LES MERS, anticipant le jour où "les mers seront dépeuplées de baleines et de phoques", en ajoutant cette belle préfiguration: "Alors, encombrées de poulpes, de méduses, de calmars, elles deviendront de vastes foyers d'infection, puisque leurs flots ne posséderons plus ces vastes estomacs, que Dieu avait chargés d'écumer la surface des mers."

Cette illustration du roman de Jules VERNE met en valeur la profusion d'"invertébrés" pélagiques, grandes Méduses ( à droite et au centre ) et Physalies ( à gauche ), en attendant la célèbre scène d'attaque par un Céphalopode géant.

Les eaux clémentes comme celles de la Méditerranée ou la Mer du Japon ne sont pas les seules à connaître de plus en plus fréquemment une très forte densité en Méduses. En novembre 2007, une prolifération soudaine de ces animaux a entraîné la perte de plus de 100 000 saumons dans un élevage du Nord de l'Irlande, victimes des contacts répétés imputables à la promiscuité avec les cellules urticantes ( cnidoblastes ) de ces animaux.

Une espèce de grande taille hante aussi les mers du Japon, Nemopilema nomurai. En dépit de sa ressemblance avec la dangereuse Cyanée ou "crinière de lion", elle appartient à un ordre différent de Méduses, les Rhizostomes, dont le contact est rarement mortel pour l'homme. Sa prolifération est sans doute facilitée par la raréfaction des prédateurs, la hausse des températures et l'accroissement de la matière organique occasionnée par le barrage chinois sur le fleuve Yangtze qui a déjà causé l'extinction du Dauphin d'eau douce chinois peu après l'an 2000 ). Sa population est si abondante qu'elle entrave l'activité des pêcheurs. Au début du mois de novembre 2009, un chalutier, le Diasan Shinsho-maru a coulé lorsque plusieurs dizaines de ces animaux, pesant chacun aux environs de 200 kilos, se sont pris dans ses filets, les hommes ayant dû leur salut à la proximité d'un autre bâtiment...

Epilogue du naufrage du chalutier nippon; après le Radeau de la Méduse, les naufragés des Méduses...

Les grandes Méduses des côtes occidentales comme l'Aurélie et la Pélagie, bien que pourvues de cellules urticantes susceptibles de provoquer des brûlures chez le baigneur ne sont pas les plus dangereuses, mais les "Guêpes de mer" comme Chironex fleckeri, une Cuboméduse ( Méduses de forme cubique ), sont autrement redoutables en dépit de leur petite taille et causent fréquemment la mort dans les mers orientales, où elles prolifèrent depuis ces dernières années.

Une autre Cuboméduse, Carukia barnesi, dont le contact peut également s'avérer mortel, présente une ombrelle dont le diamètre peut ne pas dépasser le centimètre; devenue à son tour très abondante, elle parvient grâce à sa petite taille à franchir les filets destinés à mettre les baigneurs hors d'atteinte des Chironex.


La Guêpe de mer n'a pas usurpé son surnom.

Les Siphonophores qui ressemblent souvent à des Méduses n'en sont en fait que des parents très éloignés. Les naturalistes ont découvert progressivement que tous les représentants de ce groupe étaient en réalité des colonies flottantes constituées de différents types d'individus se multipliant en se diversifiant pour assurer différentes fonctions, alimentaires ou reproductrices, certains capturant les proies tandis que le flotteur lui-même est un individu spécialisé. Le plus connu de leurs représentants, la Physalie, surnommée "vaisseau de guerre portugais", (voir illustration de 20 000 LIEUES SOUS LES MERS, plus haut ) a été signalée comme s'échouant dorénavant assez fréquemment sur les côtes de Grande-Bretagne alors que ces animaux vivent dans les mers chaudes. La violente brûlure provoquée par les cellules urticantes des polypes prédateurs est très douloureuse et peut quelquefois entraîner la mort.

Les Cténaires, autres animaux translucides dérivants, représentent une branche très éloignée de l'embranchement rassemblant Coraux, Méduses et Siphonophores: à leur différence, ils sont dépourvus de cellules urticantes. Si ces animaux, dont les plus courants sont surnommés "groseilles de mer", ne constituent aucun danger pour l'homme, la part croissante de prédation que représente notamment l' espèce Mnemiopsis leidyi perturbe considérablement la chaîne alimentaire par un prélèvement accru sur les proies de petite taille, incluant larves de Crustacés et de Poissons dont dépendent les populations humaines - et ce bien que ces formes soient-elles même englouties par un prédateur issu de leur propre groupe, le Béroé.


Mnemiopsis leidyi illumine les flots, les mouvements de ses palettes ciliées décomposant le filtre solaire comme pour un arc-en-ciel.

Dans certaines zones, Mnemiopsis leidyi peut représenter jusqu'à 90% de la biomasse. Après s'être récemment multipliée des eaux du Massachusetts à la Mer noire, cette espèce invasive vient de faire tout récemment son apparition sur les côtes françaises. Selon le biologiste Sean COLIN, cette prolifération semble être imputable à l'accroissement de la température des eaux. Comme les Méduses, les Cténaires ont tendance à se substituer aux Poissons dans la chaîne alimentaire, concrétisant la prédiction de Jules VERNE.



Cet ouvrage est consacré à une époque fort ancienne, l'Ordovicien, dans la région de Cincinnati, mais son titre, "Une mer sans Poisson", pourrait peut-être s'appliquer aussi bien au futur proche qu'au passé lointain.

Ainsi, ces animaux ancestraux pélagiques, Méduses, Siphonophores, Cténaires, rassemblés dans le grand ensemble des Cœlentérés, constitués seulement de deux couches cellulaires et pratiquement dépourvus d'organes internes, d'où leur surnom de "gelée vivante", sont en train de devenir les nouveaux maîtres des océans, après avoir dû quitter leur position dominante pendant 600 millions d'années.

Faudra-t-il un jour, pour tenir compte de l'épuisement des ressources biologiques, se mettre à consommer un "jellyfishburger" à base de Méduse, à l'instar des extrême-orientaux qui ont depuis longtemps inclus cet animal dans leur gastronomie?

Ce restaurant israélien sous-marin a déjà, si on en juge par son mobilier, mis la Méduse à la mode.


LA GRANDE-BRETAGNE ENVAHIE PAR DES VERS GÉANTS

Les "Vers plats" ou Plathelminthes représentent l'étape suivante dans l'évolution. Regroupant les plus primitifs des animaux constitués de trois couches cellulaires ( ce qui est le cas de tous les animaux modernes ), ils ont encore une organisation interne très simple et ne possèdent comme les Méduses qu'un orifice unique servant à la fois à l'ingestion et à la digestion. Là encore, ces créatures paraissent vouées à un rôle subalterne, supplantées par des espèces plus complexes, en demeurant au bas de la chaîne alimentaire ( Turbellariés, comme les Planaires des eaux douces ) ou se spécialisant dans cette niche particulière que représente le parasitisme ( Douves et Ténias ).

Cependant, un Ver plat carnivore de Nouvelle-Zélande qui avait été rapporté accidentellement au Royaume-Uni et qui s'était maintenu dans les serres,
Arthurdendyus triangulatusa, a fini par s'acclimater et se répandre, notamment en Écosse et Irlande, ainsi que sur les îles Feröe, pourtant peu réputées pour leur climat tropical, et pourrait menacer la pérennité de certaines espèces de Vers de terre indispensables au recyclage de l'humus, bien que ces envahisseurs servent à leur tour de pitance à certaines larves de Coléoptères indigènes; nonobstant, les animaux qui se nourrissent de Lombrics pâtissent de la réduction du nombre de leurs proies.



Un Ver plat conquérant.

Il n'est pas conseillé de toucher à main nue cette Planaire terrestre qui peut atteindre 17 cm, en raison des puissantes enzymes qu'elle utilise pour digérer sa proie - autre belle photographie trouvée à la page internet suivante ( dont le titre de l'article semble faire allusion au sous-titre du film LA MOUCHE 2 ! ) :
https://cabinetofcuriosities-greenfingers.blogspot.com/2010/06/alien-alert-be-afraidbe-very-afraid.html

Bien que placées plus haut dans l' évolution, les Araignées sont parmi les animaux à pattes articulées les plus ancestraux, et ont fait partie des toutes premières lignées à investir les terres émergées. Le réchauffement climatique permet à un nombre croissant d'espèces d'Araignées exotiques, de plus grande taille que les indigènes, et généralement plus dangereuses, de s'installer en Europe et d'y étendre leur zone de diffusion, y compris des espèces agressives comme la Ségestrie florentine. En Belgique, il n'est pas rare qu'on découvre des Veuves noires et leur cocon sous le capot de voitures importées d'Afrique. Le radoucissement des hivers permet à ces espèces venues des contrées chaudes de survivre, laissant augurer leur installation définitive dans nos foyers.

L'ironie de la situation est que les organismes les plus sophistiqués sont aussi souvent les plus spécialisés; ils sont parfaitement adaptés à certains paramètres mais vulnérables lorsque ceux-ci se mettent à changer de manière trop importante. Ceux qui ont un mode de fonctionnement plus frustre peuvent souvent davantage surmonter les difficultés, ayant une plus grande propension à la survie, comme en témoignent leurs grandes capacités de régénération. Ainsi, l'espèce qui se veut la plus évoluée concoure-t-elle à donner l'avantage aux formes les plus primitives et les plus modestes... A croire que le film d'épouvante italien CALTIKI sur une forme de vie protoplasmique vorace était quelque peu prophétique, si l'on en juge par le texte de l'affiche : « Est-ce que la plus ancienne forme de vie sur Terre sera la dernière terreur de l'humanité ? "

CALTIKI, un film italien d'épouvante de 1959, inspiré par DANGER PLANETAIRE (THE BLOB, avec Steve McQUEEN ) réalisé l'année précédente.

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Vous êtes de plus en plus nombreux à consulter ces pages, ce qui vaut à ce site ayant fait le pari d'associer vulgarisation scientifique et imaginaire d'être recensé depuis décembre 2009 par le site Wikio, qui a réalisé ce tableau de la fréquentation des neuf derniers mois, progression confirmée par les 500 connexions des trois dernières semaines. Merci à vous pour cet intérêt renouvelé.

2 commentaires:

Greg a dit…

Article intéressant en effet ; la nature reprendra-t-elle un jour le dessus sur l'homme ? Question passionnante.

Dr. Alien a dit…

Merci de ce commentaire; de prochains articles poursuivront l'exploration de cette thématique.