samedi 28 mars 2009

UN PRODUCTEUR "MYTHIQUE"

Une des rares photos de Charles SCHNEER

On évoquait précédemment le maître de l'animation Ray HARRYHAUSEN, crédité d'un nombre significatif de films fantastiques s'ancrant dans le passé, celui renvoyant aux contes et légendes antiques, ou celui plus ancien encore se rapportant aux Dinosaures et autres animaux préhistoriques. Contrairement à ce que beaucoup s'imaginent, les plus grands mérites ont souvent besoin d'une certaine part de chance pour pouvoir se réaliser pleinement. Le scénariste de nombre de films fantastiques britanniques produits par la Hammer, Jimmy SANGSTER, à la recherche d'un travail, a été recruté par la fameuse compagnie parce qu'il avait effectué son service militaire avec un membre de la famille des producteurs. Comme on le rappelait dans l'article précédent, "Les derniers grands créateurs déclarent forfait", le très grand maquilleur Rob BOTTIN a débuté dans le cinéma grâce à une camarade de classe qui connaissait Rick BAKER, lequel le prit comme assistant, comme Dick SMITH l'avait fait avec lui. Il en va de même avec Ray HARRYHAUSEN.

Le jeune g
arçon passionné par les contes et par les Dinosaures eut la chance qu'une de ses connaissances ait parmi ses relations Willis O'BRIEN, créateur de l'animation image par image, et concepteur des classiques du cinéma que sont la première version du MONDE PERDU et celle de KING KONG, et que celui-ci accepte de le recevoir, lui prodigue de temps à autre ses conseils, puis finisse par l'engager pour ce succédané de KING KONG qu'est MIGHTY JOE YOUNG. Willis O'BRIEN fut donc le mentor et le parrain du jeune Ray HARRYHAUSEN, lui faisant profiter de son expérience et lui permettant de faire de sa passion sa profession. Alors que, au début des années 1950, l'étoile d 'O'BRIEN, comme avant lui celle de MELIES, un autre grand innovateur du 7ème art renvoyé à ses années de gloire, avait pâli, ne parvenant guère à obtenir le financement nécessaire pour monter de nouveaux films à base d'animaux géants et de Dinosaures comme son projet CREATION qui lui tenait beaucoup à coeur, et n'était plus guère en mesure d'offrir de perspectives à son protégé, celui-ci commençait à voler de ses propres ailes, assumant ainsi la responsabilité du Reptile géant du MONSTRE DES TEMPS PERDU.

C'est alors qu'il fit une sec
onde rencontre qui s'avéra tout aussi décisive que la précédente. Il suscita en effet l'intérêt du très jeune producteur de 22 ans, Charles SCHNEER, qui l'embaucha pour IT CAME FROM BENEATH THE SEA, un film avec un petit budget mettant en vedette une Pieuvre géante, laquelle n'était pourvue que de six tentacules par mesure d'économie. A partir de ce moment, Charles SCHNEER, convaincu par le talent du concepteur d'effets spéciaux, va devenir son plus fidèle soutien et son producteur attitré. Si Ray HARRYHAUSEN est engagé par le patron de la Hammer Michael CARRERAS pour UN MILLION D'ANNEES AVANT J.C., film pour lequel il anime des Dinosaures confrontés à Raquel WELCH, ses contributions au cinéma s'effectuent presque systématiquement en collaboration avec SCHNEER, dont le nom devient un véritable label : tout cinéphile voyant s'afficher sur l'écran son patronyme s'attend d'emblée à être plongé dans un univers merveilleux peuplé d'être fabuleux presqu'aussi sûrement qu'en apercevant celui de Ray HARRYHAUSEN, tant les deux hommes sont associés.
La Pieuvre géante s'acharnant contre un pont dans IT CAME FROM BENEATH THE SEA, premier film résultant de l'association entre Charles SCHNEER et le célèbre créateur de monstres Ray HARRYHAUSEN.

Après IT CAME FROM BENEATH THE SEA, le du
o se conforme à la vogue pour les OVNIS avec LES SOUCOUPES VOLANTES ATTAQUENT; l'animateur n'ayant pas une très grande prédilection pour la science-fiction trop réaliste, il conçoit ensuite pour A DES MILLIONS DE KILOMETRES DE LA TERRE un extraterrestre qui évoque en fait beaucoup un Reptile à face de gargouille, typique de ses personnages favoris. Puis Charles SCHNEER fait preuve de quelque audace en donnant son aval à Ray HARRYHAUSEN pour une première adaptation par le duo des aventures de Sinbad, LE SEPTIEME VOYAGE DE SINBAD en 1958, film d'aventure coloré qui obtient un certain succès. L'implication de Ray HARRYHAUSEN dans ses films ne se limite pas à l'animation des créatures : il est aussi à l'origine des projets, définit l'atmosphère des séquences au travers de ses dessins conceptuels et participe au tournage avec les acteurs dans le dessein d'avoir une excellente coordination des scènes avec les séquences animées qui doivent être surimposées ultérieurement, ne rechignant pas à mimer pour les interprètes les personnages. Cette collaboration parfaite débouche sur des oeuvres empreintes d'un charme indémodable, comme deux autres aventures de SINBAD, LES VOYAGES DE GULLIVER, L'ILE MYSTERIEUSE qui empreinte autant à Jules VERNE qu'au WELLS de FOOD OF GOOD avec ses animaux géants, LES PREMIERS HOMMES DANS LA LUNE, science-fiction à l'atmosphère victorienne (cette fois tirée ouvertement d'un roman du grand écrivain britannique de science-fiction), LA VALLE DE GWANGI, ancien projet d' O'BRIEN qui propulse un Tyrannosaure en plein far-west et l'extraordinaire JASON ET LES ARGONAUTES, adaptation de la légende de la Toison d'or. On a souvent reproché au duo d'axer les films sur des séquences visuelles centrées sur les effets spéciaux, et de ne laisser au réalisateur officiel que la portion congrue tant la préproduction très aboutie ne laissait guère de latitude à celui-ci. Il est vrai que les séquences de trucages sont, notamment dans ce dernier film, particulièrement magistrales. Charles SCHNEER aura su offrir à Ray HARRYHAUSEN toute la liberté nécessaire pour créer, et lui a assuré la sécurité par sa capacité à obtenir le financement nécessaire à la concrétisation de ses oeuvres. Le créateur a d'ailleurs souvent loué son implication sans laquelle il eût pour lui été plus compliqué d'obtenir les avals nécessaires, à fortiori lorsque les films s'inscrivaient à contre-courant des goûts de l'époque. Cela n'empêcha pas le producteur de se montrer taquin à l'occasion du CHOC DES TITANS, estimant que l'animateur ayant tendance à faire porter sur son seul nom les films qu'il agençait, il serait intéressant de voir de quelle manière il réagirait lorsqu'il aurait à partager sa notoriété avec des vedettes comme Laurence OLIVIER et Burgess MEREDITH.


Grâce à Charles SCHNEER, Ray HARRYHAUSEN avait tout loisir d'élaborer ses projets, dans toutes ses composantes artistiques (un dessin de pré-production cauchemardesque qu'il avait conçu pour leur premier grand succès, LE SEPTIEME VOYAGE DE SINBAD, avec le fameux Cyclope, et le résulat à l'écran ci-dessous).


Le rôle majeur de SCHNEER s'est avéré tristement après la sortie du CHOC DES TITANS, mettant Persée en vedette, avec un budget important. Le film n'a semble-t-il pas été le succès commercial escompté et la critique s'est montrée extrêmement sévère, estimant que la mythologie était passée de mode et que les trucages de Ray HARRYHAUSEN étaient désuets, en dépit de la très impressionnante confrontation avec la Gorgone Méduse, et de l'utilisation d'un procédé assez analogue utilisé pour l'animation des machines de combat quadrupèdes de L'EMPIRE CONTRE-ATTAQUE par Phil TIPPETT. Il faut dire que les grandes productions dépeignant des univers merveilleux ont suscité à cette époque un faible intérêt du public, comme LE DRAGON DU LAC DE FEU produit par les studios Disney et la production d'heroic-fantasy britannique KRULL. Les studios renoncent à produire THE FORCE OF THE TROJANS, qui aurait du être le troisième film mythologique de Ray HARRYHAUSEN, riche de nouvelles créatures fascinantes. Charles SCHNEER, qui avait pris des risques en montant l'ambitieux CHOC DES TITANS, se retire alors de la profession. Ce départ entraîne la fin de la carrière du grand créateur de monstres; sans l'appui de son partenaire, Ray HARRYHAUSEN ne parvient pas davantage à monter ses projets suivants, et, sans sa pugnacité intransigeante - qui mécontentait souvent les réalisateurs - et ses conseils, l'enthousiasme commence à faire défaut, l'animateur ne s'estimant jamais satisfait des esquisses des ébauches des différents scénarios à l'étude, incluant une adaptation du cycle d'Edgar Rice BURROUGHS, JOHN CARTER OF MARS qu'il avait envisagée sans entrain particulier. En l'absence de Charles SCHNEER, le cinéma, pas plus que la télévision, ne lui offrent plus d'engagement lui permettant de poursuivre son œuvre, l'écartant sans rémission, comme c'est à présent également le cas pour Rob BOTTIN, ainsi qu'évoqué dans l'article précédent.

La terrifiante Méduse du CHOC DES TITANS, film marquant la fin de la fructueuse collaboration entre Charles SCHNEER et Ray HARRYHAUSEN, précipitant la fin forcée de la carrière du spécialiste d'effets spéciaux pourtant renommé. Ray HARRYHAUSEN, retiré malgré lui du cinéma, posant devant des figurines animées représentatives de son oeuvre (voisinant avec une sculpture inspirée par KING KONG, le film qui suscita sa vocation pour l'animation image par image). 

Charles SCHNEER, disparu le 21 janvier 2009 à l'âge de 88 ans, était un homme discret peu connu du grand public; mais les cinéphiles n'oublieront pas que, sans lui, nombre de films de Ray HARRYHAUSEN qui ont marqué à jamais l'histoire du cinéma n'existeraient probablement pas.

photo récente de Charles SCHNEER.

2 commentaires:

Unknown a dit…

je découvre votre blog ; quelles documentations ! et une belle plume de surcroit. Je retourne à la lecture de vos articles.
Domenico

Des Geeks et des lettres a dit…

Merci pour l'article ! Comme je le dis sur mon blog ici http://bit.ly/cIyyy4 , le cycle de Mars d’Edgar Rice Burroughs est une série de SF à l’imagination foisonnante. Burroughs est le créateur original de Tarzan mais pas seulement. Le cycle de Mars est très connu dans le milieu de la science-fiction : les aventures à rebondissements de John Carter ont inspiré de nombreux romans d’aventures et de space opera (dont La Guerre des Etoiles)