mercredi 2 août 2017

L'HOMME QUI FAILLIT ETRE SPOCK





           Deux acteurs qui s’étaient illustrés dans des films au côté de créatures ont disparu récemment. 

         Décédé le 15 juillet 2017 à l’âge de 89 ans Martin Landau, né dans le quartier juif de New-York, avait débuté comme dessinateur pour le Daily News, avant d’embrasser une carrière d’acteur menée à la fois au cinéma, sous la direction de metteurs en scène renommés comme Alfred Hitchcock, et sur le petit écran, dans Les Incorruptibles, Colombo, Arabesque, Au-delà du réel (The Outer Limits), La Quatrième dimension (The Twilight Zone), Les Mystères de l’Ouest ou encore La Cinquième dimension.


   Martin Landau méconnaissable dans le rôle d'Andro, un mutant du futur dans l'épisode The Man who was never born de la série Au-delà du réel (The Outer Limits), qui espère échapper à cette triste condition grâce à un paradoxe spatio-temporel même si le titre  laisse augurer d'assez peu d'espoir.

     Le grand public se souvenait notamment de lui pour son rôle récurrent de Rollin Hand dans la série Mission impossible, dans la seconde moitié des années 1960, lequel était chargé de fournir des masques réalistes permettant aux agents secrets d’infiltrer des réseaux criminels au travers d’une identité usurpée. Il déclina la proposition d’incarner Mr Spock dans la série Star Trek, estimant qu’incarner un personnage dépourvu de sentiment n’était pas un rôle intéressant, laissant ainsi la place à Leonard Nimoy, qu’il avait côtoyé dans Mission impossible, et qui accéda ainsi à la notoriété. Prenant acte du succès de Star Trek, il saisit au milieu de la décennie suivante l’occasion de tourner dans une autre série de science-fiction, Cosmos 1999 (Space 1999), incarnant le rôle principal, celui du Commandant John Koenig dirigeant une station sur la Lune, laquelle se trouve subitement projetée dans l’espace, dérivant avec toute sa population lancée malgré elle vers des aventures dans l’espace profond, entrant en contact avec d’autres civilisations. Il y retrouvait sa partenaire de Mission impossible, Barbara Bain dans le rôle du médecin chef de la base, qui était son épouse. La série de Gerry Anderson connaîtra deux saisons très différentes, la première un peu austère, au rythme lent, aux intentions frôlant le métaphysique, avec Barry Morse dans le rôle de Victor, un scientifique d’allure retenue, puis la seconde reprise en main par Fred Freiderberg, beaucoup plus destinée au jeune public avec davantage d’action, et une extraterrestre humanoïde interprétée par Katherine Schell, capable de se changer en monstres d’apparence grotesque. Il endosse aussi le rôle du maudit Roderick Usher dans l'adaptation télévisée réalisée en 1979 par James L. Conway de La Chute de la Maison Usher d'Edgard Poe.

       
    Martin Landau en vedette dans la série Cosmos 1999 (Space : 1999) dans le rôle du Commandant John Koenig, et en dessous dans une scène avec son épouse.

      Au cinéma, Martin Landau avait tourné dans des petites productions de science-fiction au début des années 1950, telles que deux œuvres de Greydon Clark en 1980, le téléfilm The Return traitant d’enlèvement extraterrestre et Terreur extraterrestre (Without warning), ainsi que dans The Being de Jackie Kong en 1983 dépeignant les agissements d’un monstre qui n’est autre qu’un être humain que l’exposition dans sa prime jeunesse à la radioactivité a changé en cyclope effrayant et anthropophage. L’acteur portait un regard très sévère sur ces productions qu’il estimait indignes d’intérêt, déclarant qu’il n’avait accepté de figurer dans la distribution que pour des raisons alimentaires. Le jugement peut paraître un peu excessif, notamment dans le cas de Terreur extraterrestre, qu’on pourrait considérer comme un classique mineur. L’histoire de cet tueur venu sur Terre pour rapporter des trophées humains, devancier du Predator du film homonyme, qui utilise pour chasser les services d’une bien étrange fauconnerie, des parasites volants sous forme de disques à tentacules, créés par Joseph Quinlivan III et animés par Greg Cannom, ancien assistant de Rob Bottin, bénéficie d’une atmosphère de mystère et d’épouvante très bien rendue, et de la prestation très réussie de Jack Palance et Martin Landau qui composent deux personnages patibulaires et inquiétants; Martin Landau en particulier est remarquable lorsqu’il occupe seul l’écran durant quelques minutes, terrorisant l’auditoire en racontant, en tant qu’ancien vétéran du Vietnam, comment les extraterrestres, tel l’ennemi qu’il fut alors amené à combattre, vont plonger dans le noir le village en coupant l’électricité pour causer la panique, jusqu’à ce que les assiégés s’entre-déchirent.



    Martin Landau dans le rôle de Fred Dobbs, l'assez inquiétant vétéran du Vietnam de Terreur extraterrestre.


     Une raison pour laquelle Martin Landau ne garde peut-être pas un très bon souvenir de sa rencontre avec le précurseur du Predator (Kevin Peter Hall endossa d'ailleurs le costume des deux créatures) conformément à l'annonce réitérée dans la bande-annonce : "Rencontres d'un certain type à éviter".



De haut en bas : Le visiteur extraterrestre hostile s'apprêtant à lancer une de ses créatures chasseresses sur des proies humaines terrorisées; en dessous, Jack Palance dans le rôle de Joe Taylor est fier d'avoir capturé une créatures hématophages ; en bas, contrairement à Stan Winston qui reniait son travail sur la petite production d Charles Band, Parasite, Rick Baker est assez fier de sa création pour l'avoir publié sur son compte Twitter.

           Au cours de cette longue carrière, on relèvera aussi en matière de fantastique son interprétation à l’humanité bouleversante de Gepetto dans l’adaptation de Pinocchio (The Adventures of Pinocchio) réalisé en 1996 par Steve Barron, dans laquelle il couve de son affection paternelle non assouvie le pantin de bois animé grâce à un beau travail de marionnetterie. Martin Landau a l’occasion d’interpréter à nouveau le personnage de Gepetto dans une adaptation télévisée du conte de Collodi, Pinocchio et Gepetto (The New Adventures of Pinocchio) réalisée en 1999 par Michael Anderson. Durant les années 1990, il apparaît aussi dans l’adaptation cinématographique de la série conspirationniste Aux Frontières du réel, réalisée par Rob Bowman en 1998, X-Files the movie, et dans le conte d’épouvante de Tim Burton en 1999, Sleepy Hollow, mais c’est grâce à un film précédent de ce dernier qu’il reçut l’Oscar du meilleur second rôle pour son interprétation pathétique et quelque peu poignante de l’acteur Bela Lugosi, vieillissant et assez pitoyable, dans Ed Wood qui rendait hommage en 1994 à celui qui est considéré comme un des plus mauvais metteurs en scène de tous les temps et qui avait tenté de donner quelque faste à sa passion du cinéma en enrôlant une vedette oubliée. Martin Landau avait donné à l’écran au travers de son rôle une nouvelle existence à l’acteur renommé des années 1930, et on peut dire qu’à son tour, ce personnage a contribué à sa postérité.

Il est sans doute plus facile de témoigner de l'affection à un pantin de bois animé qu'à une création virtuelle, comme dans la belle adaptation de Pinocchio de 1996.

Une transformation en monstre marin dans The new adventures of Pinocchio en 1999.


    Martin Landau doit son Oscar à son interprétation de l'ancienne vedette Bela Lugosi, mise en scène par le réalisateur Ed Wood, incarné par Johnny Depp, dans le film que lui a consacré Tim Burton.



       John Heard, disparu à l’âge de 71 ans le 21 juillet 2017, avait lui aussi mené une carrière prolifique tant sur le petit que le grand écran. Le grand public le connaissait notamment pour son rôle de père de famille Peter McCallister dans la comédie Maman, j’ai raté l’avion (Home alone) et la suite Maman, j’ai encore raté l’avion (Home alone 2 : Lost in New-York), mais il est aussi apparu dans des oeuvres évoquant le péril écologique, avec le téléfilm Dead ahead : The Exxon Valdez Disaster en 1992 et le film L’Affaire Pélican (The Pelican Brief) en 1993. La bonhomie qu’il inspirait assez naturellement à l’écran contrastait étrangement avec la dureté du personnage du chef du Ku Klux Klan qu’il interprète dans la mini-série télévisée Cross of Fire en 1989. Il avait figuré en haut de l’affiche de deux films avec des créatures monstrueuses au début des années 1980, conférant à ses personnages au travers de son jeu sobre une grande crédibilité. Dans le remake de La Féline (Cat people) réalisé en 1982 par Paul Schrader, il incarne Oliver Yates, le directeur du parc zoologique qui s’éprend d’Irena Gallier, la jeune femme interprétée par Natassia Kinski, victime d’une malédiction ancestrale la destinant à se métamorphoser en panthère lorsqu’elle pratique l’acte charnel, se trouvant partagé entre son penchant pour elle et la crainte que suscite sa compréhension de sa terrifiante nature. Les effets spéciaux impressionnants contribuent aussi à la réussite du film, même s’ils ont été beaucoup édulcorés, notamment la transformation principale d’Iréna, comme c’est malheureusement souvent le cas – on avait évoqué dans l’hommage au maquilleur Dick Smith la désillusion qu’il avait éprouvée lorsque la majeure partie de ses effets d’Au-delà du réel (Altered states) avaient été coupés ou occultés par des retouches. Dans C.H.U.D. de Douglas Cheek, en 1984, John Heard incarne au côté de Daniel Stern (le méchant principal des deux comédies évoquées au début de ce paragraphe, mais les acteurs n'y ont pas de scènes communes) le rôle de George Cooper qui mène des investigations le conduisant à découvrir dans les recoins les plus cachés du métro une population de sans-abris devenus d’effroyables mutants anthropophages. Son interprétation convaincante, la mise en scène soignée et les créatures conçues par le maquilleur John Caglione qui suscitent la révulsion, permettent à C.H.U.D. de s’élever au-dessus du standard ordinaire du film de série B. À la télévision, John Heard avait figuré en 1995 dans un épisode de la nouvelle série Au-delà du réel, l’Aventure continue (The new outer limits) Dark matters, à l’atmosphère étouffante, dans lequel l’équipage d’un vaisseau spatial prisonnier d’un trou noir est confronté aux fantômes d’extraterrestres, ainsi en 2006 que d’un épisode de la nouvelle mouture de Battlestar Galactica.






     John Heard incarne dans le remake de La Féline (Cat people) se demande quel est le secret que veut enfouir Iréna Gallier (Natassia Kinski) dont il s'est épris, lequel sera révélé au travers des effrayants effets spéciaux de Tom Burman.




 Les effrayants mutants de C.H.U.D. soumettent à rude épreuve les nerfs des protagonistes, et John Heard a fort à faire pour rassurer sa partenaire (Kim Greist, moins assurée que dans Brazil).


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         Le réalisateur George Romero, disparu le 16 juillet 2017, a consacré sa carrière à mettre en scène des créatures maléfiques, même si on ne peut pas à proprement parler les qualifier de monstres, les morts-vivants. La figure n’était certes pas inédite au cinéma, avec les envoûtements de The White Zombie puis de L’invasion des morts vivants (A plague of the zombies) dans lesquels la technique apprise du vaudou permet de disposer d’une main d’œuvre corvéable à merci – Romero dira s’être notamment inspiré du second. Néanmoins, dans ces deux films, conformément au folklore haïtien, les morts-vivants ne sont principalement que de pauvres créatures dont toute volonté a été subtilisée par leur maître. Le réalisateur indépendant, qui tournera ses films dans sa ville de Pittsburgh à l’écart du système hollywoodien, n’en retient que l’idée de horde de morts-vivants à la déambulation claudicante, ayant perdu toute humanité mais mus par une force sauvage tournée entièrement vers l’anthropophagie, comme si seule la consommation de la chair de congénères vivants était susceptible de prolonger leur semblant de vie. La Nuit des mort-vivants (The Night of the living dead), tourné en 1968 en noir et blanc, frappe le spectateur par sa dureté, sa peinture sans concession – passé le prologue un peu loufoque – d’un monde qui n’est plus que violence, avec des survivants assiégés par des masses affamées de morts-vivants que la terreur pousse à s’entre-tuer, jusqu’au paroxysme, avec la fillette contaminée qui tue sa mère et dévore ses parents, tel un documentaire brut, sans dramatisation étudiée, sans emphase musicale, qui ne propose aucune distanciation au spectateur, et qui s’apparente moins à un spectacle qu’à un témoignage sans fard d’une horreur sans limites. L’ultime survivant est abattu par une milice qui le prend pour un zombie. Le second volet tourné en couleur en 1978, Zombie (Dawn of the dead), est fort différent, avec son rythme plus lent, semblant étiré presque à l’excès, dans lesquels quelques survivants se sont établis dans un supermarché délaissé, avant de devoir faire face à un gang de voyous (dont le chef est interprété par le maquilleur Tom Savini, traumatisé par son expérience de photographe au Vietnam, qui dit être contraint de réaliser de l’horreur sanguinolente factice pour exorciser celle insoutenable dont il fut le témoin – et qui joue aussi dans Une nuit en enfer de Tarantino, autre film d’ailleurs à l’intérêt discutable), puis au déferlement des morts vivants avides, satire implicite de la déambulation des consommateurs dans une grande surface, préambule à un déferlement d’images sanglantes. N’en subsiste principalement que l’inquiétante découverte dans les sous-sols d’un immeuble de populations précarisées décaties festoyant de restes humains, le court moment un peu glaçant dans lequel un des protagonistes mordu commence à sentir sa température baisser et supplie qu’on le tue avant de devenir à son tour un mort-vivant, et le slogan assez marquant de l’affiche : « Quand il n’y a plus de place en Enfer, les morts reviennent sur Terre ». Le dernier volet de la trilogie, Le jour des morts-vivants (The Day of the dead) en 1985, est encore d’un style un peu différent, dépeignant de manière assez prenante les dissensions qui opposent militaires et scientifiques travaillant à apprivoiser un mort-vivant dans une base souterraine, jusqu’à ce qu’un illuminé, dans un moment de délire mystique, ouvre la trappe permettant à la foule qui les assiège de s’engouffrer dans le réduit et d’y faire un carnage. Seuls quelques survivants parviennent à s’enfuir en hélicoptère, trouvant un nouveau refuge dans une île tropicale, sur fond d’une musique traduisant l’atmosphère détendue de ce havre paradisiaque dans un épilogue qui tranche étrangement avec le ton du reste de l’œuvre, comment une touche humoristique qui renverait à celle de l’ouverture du premier film. George Romero a aussi réalisé Creepshow en 1982, un film à sketchs basé sur des histoires de Stephen King qui incarne lui-même un des protagonistes, mais la plupart de ses films d’épouvante, comme Incidents de parcours (Monkey shines) en 1988 sur un singe capucin meurtrier, et La Part des ténèbres (The dark half) en 1992, cependant généralement prisé des critiques, n’auront pas la même notoriété que sa trilogie, tandis que les zombies, notamment dans le cinéma italien, vont se banaliser. Alors que l’horreur sans fard des morts-vivants redevient actuellement un véritable phénomène au travers de la série Walking Dead, avec ses maquillages très crus conçus par KNB, laquelle suscite un véritable engouement et se situe clairement dans l’héritage des films de Romero, il y’a comme une cruelle ironie à voir le public focaliser toute son attention sur ces morts-vivants, à une époque dans laquelle les informations télévisées sont de plus en plus souvent amenées à rendre compte des actions d’individus dont le cerveau paraît ne plus être rempli que de la rage de tuer ou mutiler indistinctement hommes, femmes, enfants, vieillards, et nous ne saurons pas si cette triste vague aurait inspiré au réalisateur quelque nouvelle œuvre.


         Bill Hinzman dans le rôle du mort-vivant par lequel la terreur débute dans La Nuit des morts-vivants (Night of the living dead); l'acteur apparaîtra de nouveau en mort-vivant en 1988 dans son propre film The Flesh Eater.




La terreur se déchaîne dans La nuit des morts-vivants, causant dissensions mortelles parmi le petit groupe de réfugié et destruction effroyable de la famille.

George Romero sur le tournage de Zombie (Dawn of the Dead)

         De terrifiants laissés pour compte dans les sous-sols d'un immeuble infesté par la vague de morts-vivants.
Les survivants en sursis de Zombie.

    Le chef des voyous, incarné par le maquilleur Tom Savini, maquilleur traumatisé par la Guerre du Vietnam qui exorcisait son traumatisme en confectionnant de l'horreur factice pour oublie la vraie, qui a été le créateur d'effets spéciaux attitré de George Romero. Il incarne un rôle similaire dans Une nuit en enfer de Quentin Tarantino. Il 1990, il a réalisé un remake de La nuit des morts-vivants

      Les ordres de morts-vivants tentent d'investir le supermarché - les créatures d'outre-tombe n'étant pas sans rappeler les foules déchaînées qui se précipitent dans les grands magasins au moment des soldes.

                              George Romero et Stephen King collaborant sur Creepshow.

 
     Leslie Nieslen - vedette à laquelle on a rendu hommage lors de sa disparition - passe dans Creepshow un bon moment non partagé avec Ted Danson (futur interprète principal de Loch Ness et de la première adaptation quasi-intégrale des Voyages de Gulliver d'après Jonathan Swift).


       Il semble que Leslie Nielsen ait pris congé un peu vite du couple laissé sur la plage en attente de la marée haute dans Creepshow, celui-là ne paraissant pas décidé à lui laisser le dernier mot.

 

       E.G. Marshall qui apparaît aussi dans Creepshow ne devrait pas trouver trop à son goût l'article consacré à nos petites bêtes (https://creatures-imagination.blogspot.fr/2016/02/vous-finirez-par-les-regretter.html

 Le monstre de Creepshow avec le maquilleur Tom Savini (en haut) et le réalisateur George Romero.

Après la Nuit des morts vivants, l'aube ( traduction de Dawn of the Dead), ne tarde pas à se lever pour laisser la place au Jour des morts-vivants, qui ont totalement pris possession des Etats-Unis.


          Le chef de la base militaire n'apprécie pas trop les expériences des chercheurs du Jour des morts-vivants.


               Bud, le mort-vivant apprivoisé - non ce n'est pas l'acteur Claude Brosset..


    Après divers essais, le mort-vivant semble donner quelques signes d'intégration à la civilisation, mais chercher à apaiser la sauvagerie d'une masse toujours croissante qui n'est mue que par la volonté de destruction ne peut mener qu'à l'échec.

     George Romero est un admirateur maquillé en l'un des êtres maudits auxquels le réalisateur a voué un intérêt quasiment exclusif tout au long de sa carrière.

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   Après plusieurs tentatives de nouvelle mouture, un film inspiré de The Dark Crystal devrait à nouveau être initié, relatant le combat de Gelflings contre les Skeksès. La mise en scène devrait être confiée à Louis Leterrier, un protégé de Luc Besson, qui confie qu’il sera intéressant de pouvoir utiliser toutes les techniques d’effets spéciaux disponibles pour concrétiser une seconde fois l’univers porté à l’écran par Jim Henson. Si l’on songe à sa version de Hulk, et à son personnage totalement en image de synthèse (même si celui-ci provient de la bande dessinée), on peut avouer qu’on attend sans impatience cette version, alors que c’est justement l’émerveillement suscité par la vision d’un monde basé entièrement sur l’animation de marionnettes réalistes qui constituait tout l’intérêt de The Dark Crystal – et probablement à jamais sa singularité...


    Dessins conceptuels d'une précédente tentative abandonnée de réintroduire l'univers de The Dark Crystal, The Power of the Crystal, avec en haut une forêt pétrifiée et en bas un champ de lave gelé qui semble receler le corps de créatures figées, un projet qui devait déjà mêler les techniques d'effets spéciaux avérées à l'imagerie créée par ordinateur.


    PS : Le lecteur régulier aura peut-être noté la raréfaction des articles, imputable aux activités connexes de l'auteur qu'on aura probablement l'occasion d'évoquer ultérieurement.




vendredi 24 mars 2017

IL AVAIT IMAGINE LA CREATURE DU MARAIS

     
           On savait que Bernie Wrighston luttait contre une grave maladie depuis ces dernières années ; le cancer aura finalement eu raison de cet artiste renommé, disparu à l’âge de 68 ans ce 19 mars 2017, comme annoncé par son épouse Liz sur son site officiel. Le style très reconnaissable de cet illustrateur excellant dans le macabre était bien connu des amateurs de fantastique.


Né le 27 octobre 1948 à Baltimore, dans l’État du Maryland aux Etats-Unis, il suit une formation artistique le préparant à devenir auteur de bande-dessinées, et débute comme illustrateur dans le journal Baltimore Sun. Il est engagé par Dick Gordiano, l’éditeur de D.C. Comics, à qui il livre sa première contribution au genre pour le numéro 179 du périodique House of mystery, et il travaille aussi pour le concurrent Marvel comics.


                 Bernie Wrighston a conféré toute son étrangeté à la forme tourmentée de ce monstre.

En 1971, il crée avec le scénariste Len Wein son personnage iconique, la Créature du marais (the Swamp Thing), l’histoire du biologiste Alec Holland (nommé initialement Alex Olsen lorsqu’il est apparu pour la première fois dans le numéro 92 du périodique House of secrets paru au début de l’été 1971) transformé en humanoïde végétal suite à sa contagion par ses cultures de cellules végétales pourvues d’un noyau d’origine animale. Bernie Wrighston saura par son trait évoquer à la perfection la mélancolique solitude de ce justicier malgré lui, en butte aux manigances du savant fou avide de pouvoir Arcane aspirant à utiliser ses connaissances, et qui est dorénavant condamné à demeurer aux marges de l’humanité, au sein des marécages avec lesquels il fait corps. Le caractère douloureux s’attachant au personnage est encore amplifié par son mutisme, limitation sur laquelle reviendra plus tard le scénariste Alan Moore en lui permettant d’échanger verbalement avec les autres protagonistes. Celui-ci lui conférera aussi une version différente de son origine, en postulant que le scientifique est mort dans le marais et que son organisme a été absorbé par un agrégat végétal, en faisant une sort d’"élémental", le rapprochant encore davantage de L’Homme-Chose (the Man-Thing), engendré de la même manière dans la série dont il est le personnage éponyme, créée en mai 1971 notamment par le scénariste Stan Lee – on pourrait ainsi imaginer que la Créature du marais a été inspirée par l’Homme-Chose si ces deux personnages apparus presque simultanément n’avaient été précédés d’une autre créature assez analogue, celle de The Heap imaginée le scénariste Harry Stein en 1942, à savoir un ancien soldat allemand de la Première guerre mondiale ayant survécu à la mort, couvert d’un amoncellement de détritus, ce qui dissuada les éditions Marvel d’entamer une action en justice sur la base des similitudes existant entre La créature du Marais et leur propre personnage. La série de La créature du Marais, reprise par d’autres auteurs, fut promise à une grande postérité, et le personnage aura l’honneur d’être transposé à plusieurs reprises au cinéma, d’abord avec le film de Wes Craven en 1982, La Créature du marais (The swamp Thing), pour lequel le maquilleur William Munns aura la tâche de créer les effets spéciaux avec un budget modeste, incluant la régénération très réussie d’un bras, dans lequel le personnage-titre est interprété par Ray Wise (Robocop) et le cascadeur Dick Durock sous le costume  parfois suppléé par William Munns lui-même, puis dans La Créature du lagon (The Return of the Swamp Thing), réalisée en 1989 par Jim Wynorski, avant de donner lieu à une série télévisée.


La Créature du Marais née de la main de Bernie Wrightson aux prises avec une incarnation monstrueuse d'Arcane accompagnée du résultat de ses expérimentations.

Le personage solitaire porté au cinéma en 1981, qui affronta à l'occasion de deux films Arcane interprété par Louis Jourdan - disparition récente évoquée brièvement en ces pages en mars 2015, où on signalait aussi le combat que livrait Bernie Wrightson contre la maladie).

Bernie Wrightson illustre aussi en noir et blanc des classiques du genre, livrant des adaptations d’histoires d’Edgard Allan Poe et d’Howard Phillips Lovecraft pour Warren Publishing, maison pour laquelle il travaille à partir de 1974 après avoir quitté D.C. Comics, puis cinquante illustrations pour une nouvelle édition du roman Frankenstein, exécutées à la plume et à l’encre, qu’il considère comme la quintessence de son travail. Il honore aussi de son talent l’œuvre de l’auteur contemporain Stephen King. Il crée ainsi l’affiche du film à sketchs Creepshow, réalisé par George Romero en 1982, basé sur un scénario agencé par l’écrivain à partir des bandes dessinées d’humour noir E.C. Comics, et, retour aux sources qui confine à la mise en abyme, se charge de l’adaptation en bandes dessinées du long métrage - à l'exception de la couverture exécutée par Jack Kamen évoqué dans l'hommage à Al Feldstein de mai 2014. Il illustre le roman de King Le cycle du Loup-garou (Cycle of the Werewolf), dans un style comparable à son travail pour Frankenstein, ainsi que Le Fléau, (The Stand), La Tour sombre V (The dark Tower V) et son roman plus récent Roadmaster (From the Buick 8).


Frankenstein



L'affiche du film Creepshow par Bernie Wrightson, et le monstre de la caisse recréé dans l'adaptation en bande dessinée du film.


                                                                                                                                           Une formidable retranscription des créatures de Roadrunner d'après Stephen King.                                                                                                                                            

         Bernie Wrightson a aussi contribué à dessiner certaines des aventures de super-héros connus comme The punisher, Batman et Spiderman auquel il a notamment consacré l’album La Fureur à mille têtes (The amazing-spider man : Hooky) en 1986 dans lequel l’Homme-araignée combat une monstruosité protéiforme, prétexte pour l’artiste à laisser libre court avec maestria à ses capacités de retranscrire les chairs torturées et les gueules béantes pleines de fureur, dont on retrouve quelque écho en 1996 sur la couverture du tome 1 du portfolio de l'artiste



 Un assortiment de gueules et mâchoires qui empruntent à la lamproie et à la murène.



La Fureur à mille têtes ne trompe pas le lecteur sur la marchandise.

Un autre amoncellement monstrueux pour la couverture de The Ghoul 3 qui n'est pas sans rappeler l'extraterrestre polymorphe de The Thing de John Carpenter, dont Bernie Wrightson s'est plu à recréer l'une des manifestations iconiques (ci-dessous).


Comme ses confrères Mike Ploog, Kerry Gammill, William Stout ou encore Neal Adams, Bernie Wrightson se devait d’intéresser le cinéma. Il a ainsi fait partie des artistes conceptuels engagés pour imaginer les créatures de films comme S.O.S. Fantômes (Ghostbusters), Galaxy Quest, The Faculty, Four of One, ou encore de l’adaptation cinématographique du roman de Stephen King The Mist.




Les chiens de l'Enfer de S.O.S. Fantômes (Ghostbusters).

Autre monstre de de S.O.S. Fantômes

Créature de Four of One

monstre de Chosen Ones


créature de The Faculty

 version fortement teintée d'exotisme pour l'hybride de La Mutante (Species)

Un Thermien de la comédie de science-fiction Galaxy quest.


Créatures de The Mist, un insecte de l'au-delà (en haut) et la "Grande Bête" (en bas), laquelle devait être animée sous forme de marionnette à fil avant que les producteurs prennent la décision contestable de la remplacer par une version créée par ordinateur.

Travail conceptuel pour la préquelle de The Thing


Nul doute que la disparition de Bernie Wrightson peinera plus particulièrement tous ceux qui avaient plaisir à le retrouver dans les conventions de bandes dessinées dans lesquelles il se rendait régulièrement, y signant de nombreux autographes, comme lui même dans sa jeunesse y avait rencontré le fameux auteur de bandes dessinées Frank Frazetta, décidant alors de concevoir à son tour des aventures pour le neuvième art. Il appartient dorénavant à son fils John, sculpteur et créateur de masques avec Neal Kennemore, petit-fils du maquilleur Michael McCracken évoqué en ces pages et fils de Jeff Kennemore, de continuer à porter bien haut son célèbre patronyme au travers de nouvelles créations. Qu’il soit ici assuré de nos condoléances les plus sincères.






Bernie Wrighston avec son Frankenstein et la Créature du Marais.

site officiel : http://berniewrightson.com/

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Signalons la sortie d'un recueil consacré aux créatures fabuleuses aux éditions Sombres Rets, rassemblant des textes inédits : 
http://sombres-rets.fr/tag/anthologie