Une photo récente de Jean LOMBARD connu sous le nom de Max-André RAYJEAN, un des grands noms de la science-fiction populaire française, fournie avec amabilité par l'auteur lui-même. Comme la seconde présentée plus loin, il s'agit de photos EXCLUSIVES, montrant l'écrivain pour la première fois (les rares photos censées le représenter proposées sur internet sont en réalité la photo de Jean COCTEAU jeune et d'un inconnu - de la même manière que sa biographie est parfois confondue avec celle d'un auteur homonyme du siècle précédent... Il était temps de contribuer ici à ces quelques rectifications ).
Si
certains auteurs de science-fiction français ont obtenu une forme de
reconnaissance s'étendant parfois au-delà du genre, comme Gérard
KLEIN, Philippe CURVAL, Michel JEURY, Jean-Pierre ANDREVON ou Pierre PELOT, nombre d'auteurs de
l'après-guerre, qui ont contribué à diffuser dans notre pays un
genre encore assez exclusivement anglo-saxon, et dont les
représentants demeuraient alors encore fort peu connus sur notre territoire à
l'exception d'Herbert George WELLS - l'oeuvre de H.P. LOVECRAFT a été à la même époque portée à la connaissance du public français par Jacques BERGIER - restent cependant encore largement
ignorés des critiques, des anthologies et même des essais
historiques sur le genre (même Jacques SADOUL évoqué récemment ne faisait que citer dans son "Histoire de la science-fiction moderne" le nom de Max-André RAYJEAN sans mentionner aucune de ses œuvres). Les productions de ces écrivains qui
parurent pour l'essentiel aux éditions Fleuve Noir sont en effet
presque systématiquement tenues pour des productions mineures,
assimilées à des "romans de gare", destinées d'emblée à
l'oubli et dont aucun chroniqueur littéraire digne de ce nom ne
devrait se soucier. C'est un peu comme si, pour accéder tardivement
à une respectabilité, encore souvent bien ténue, la
science-fiction devait se délester, voire se purger, d'une masse
considérable de textes qui seraient nécessairement mal écrits,
puérils, stéréotypés et peu inventifs, soit sans qualité et sans
intérêt. Ce dédain n'est pas sans rappeler celui s'attachant
généralement aux magazines américains du temps de l'effervescence
de la science-fiction dans les décennies 1920 et 1930 qu'on a appelé
"l'âge d'or de la science-fiction", victimes d'un regard
condescendant rétrospectif en raison notamment de la mauvaise
qualité du papier leur ayant conféré le nom de "pulps"
et de couvertures avec des illustrations privilégiant le
spectaculaire, alléguant que, pour être une "vraie"
littérature, la science-fiction devait se contraindre à une
certaine épure, s'éloignant de tout ce qui peut la rattacher à une
forme de divertissement paraissant "gratuit"; pourtant, cet
"âge d'or" décrié a vu émerger, notamment sous la
direction du directeur de publication John CAMPBELL, tous les auteurs
du genre qui furent par la suite distingués et célébrés
outre-Atlantique.
De
la même manière, estimer que la totalité des romans qui furent
publiés en France à partir de la décennie 1950 par la collection
"Anticipation" éditée par Fleuve Noir ne méritent aucune
considération au nom d'une étiquette qu'on lui a hâtivement
accolée, paraît un ostracisme bien peu justifiable. N’en déplaise
aux jugements hâtifs, nombre de ces écrivains font preuve d’une
belle inventivité, et leur style, s’il privilégie l’efficacité
aux fioritures, est tout à fait honorable. Parmi ces auteurs, on
peut citer Maurice LIMAT, B.R. BRUSS, F.RICHARD-BESSIÈRE (Henri BESSIÈRE), Robert
CLAUZEL, hélas tous disparus, Piet LEGAY, ou encore Max-André RAYJEAN. Ce dernier est revenu récemment
d'actualité avec la parution de romans de science-fiction inédits chez l'éditeur
"Rivière blanche" ( antithèse sémantique de Fleuve
Noir), LE CYCLE D’ORGA, DEFI A LA TERRE/LE DIEU ARTIFICIEL, COMPLEXE 18/DIX SIECLES POUR DEMAIN, ainsi qu'un tome rassemblant deux récits fantastiques, MOMIE DE SANG/LE SECRET DES ROCHES NOIRES.
Enlèvement par des extraterrestres; une "rencontre du 3ème type" peu ordinaire ayant pour finalité d'enrichir en nouveaux spécimens le zoo interstellaire des Astors !
Né
en 1929 à Valence dans la Drôme sous le nom de Jean LOMBARD - à ne
pas confondre avec un écrivain homonyme du siècle précédant - l'écrivain a
fait publier, sous l'identité de Max-André RAYJEAN, 67 romans dans la collection « Anticipation »
aux éditions Fleuve Noir. Admirateur de Max-André DAZERGUES, dont il reprend le prénom composé pour son identité de plume, il
commence par faire paraître des œuvres d’aventures pour la
jeunesse qui s’inspirent de ses écrits, puis écrit des romans
policiers et des scénarios de bandes dessinées pour la jeunesse,
lesquels atteindront le nombre de 300. Mais c’est à partir de 1956
qu’il s’oriente vers la science-fiction au travers de la
collection « Anticipation » aux éditions "Fleuve Noir",
y transcrivant son intérêt pour la science, sans cependant
verser dans un scientisme trop manifeste. Max-André RAYJEAN nous promène jusque dans
les mondes les plus lointains, à l’échelle du cosmos, sachant, au-delà de la conjecture intellectuelle stimulante, nous communiquer le vertige métaphysique, la solitude qui émane de ces espaces sans fin et d'un temps étendu jusqu'à l'infini. Il s'attache également avec conviction à dépeindre des êtres pensants très différents de l'homme, comme les unicellulaires géants, tels les Mollutors d'ÈRE CINQUIÈME qui succéderont à l'humanité dans le lointain avenir, ou ceux venus d'une autre planète du PÉRIL DES HOMMES et de RETOUR AU NÉANT (même si un personnage de BASE SPATIALE 14 postulait à l'inverse que la taille que pouvait atteindre le protoplasme d'une cellule était limité), parfois aux limites du biologique, tels que l'entité éponyme de L'ARBRE DE CRISTAL, les extraterrestres constitués de sphères dans PRISONNIERS DU TEMPS ou encore ceux composés d'énergie pure des FEUX DE SIRIS. Il parvient à faire ressentir l'étrangeté radicale que présentent ces êtres issus d'une évolution très éloignée de la nôtre, au cycle vital souvent fort singulier, tout en s'attachant à faire comprendre leur représentation du monde et même partager leurs perceptions et leur intériorité; sur ce point, il pourrait être vu comme un digne héritier du premier grand précurseur de la science-fiction, lui même francophone, Joseph-Henri BOEX dit ROSNY Aîné. La puissance narrative de l'auteur permet dans
des romans comme LA ONZIÈME DIMENSION, irruption d’un autre univers
dans le nôtre au sein duquel les besoins matériels n’ont plus
lieu d’être, ou LE CYCLE D’ORGA, une catastrophe dans les Andes
qui évoque d’abord une coulée de boue avant de s’avérer bien
autre chose qu’un phénomène géologique classique, de pousser une
idée jusqu’à ses ultimes prolongements, sans cesser pour autant
de demeurer convaincant en dépit de la survenue d'événements toujours plus extraordinaires. BASE SPATIALE 14 anticipe quant à
elle la série télévisée INVASION de Shaun CASSIDY, avec des
envahisseurs extraterrestres, des "cellules universelles", qui ont si bien copié les humains
auxquels ils se sont substitués qu’ils réclament pour eux aussi
le respect de « leur » humanité nouvelle.
Victimes de la mode, les romans de Max-André RAYJEAN récemment publiés par Rivière blanche furent jadis refusés par Fleuve noir, qui désirait renouveler la collection en rompant avec les auteurs qui avaient fait sa renommée. Cette actualité fournit un prétexte idéal pour, à défaut de pouvoir entrer dans le détail d'une oeuvre volumineuse, du moins évoquer sa carrière et son intérêt pour la science-fiction. On ne peut qu'exprimer toute notre gratitude pour celui qui, considéré comme l'un des auteurs les plus secrets de la collection Anticipation, a bien voulu répondre à un petit questionnaire, pour notre plus grand plaisir et celui des lecteurs qui nous font la grâce de nous lire.
- Monsieur LOMBARD, quelle est l’origine de votre pseudonyme, faut-il y voir une
allusion à l’auteur de récits fantastiques Jean RAY ?
M.-A. RAYJEAN : Rien à voir avec Jean RAY.
Simplement, j’ai une sœur aînée qui s’appelle Raymonde et qui
m’a encouragé à écrire. Alors j’ai allié nos deux prénoms :
RAY(monde) et JEAN. Aussi simple que cela !
- L’éditeur vous a demandé de réécrire votre
premier roman de science-fiction. Comment un écrivain parvient-il à
se réapproprier son œuvre une fois le processus mené à son
terme ?
M.-A. RAYJEAN : Je n’ai pas eu trop de mal à
réécrire mon histoire car le scénario restait le même. Il n’était
question que d’un style d’écriture. Exemple : « J’avais
peur. Peur et troublé à la fois… ». L’éditeur n’aimait
pas trop cette pose répétitive. J’ai du faire des coupures !
C’était ATTAQUE SUB-TERRESTRE.
- Trouviez-vous toujours vos idées de la même
manière et quelle en était l’origine ( conjecture
rationnelle basée sur une lecture scientifique, ou un concept, idée
visuelle d’une scène inspirant une intrigue, voire même rêve ? )
M.-A. RAYJEAN : Beaucoup dans une
lecture scientifique telle que « Science et vie » ou
« Science et avenir ». Mais les idées émanaient aussi
des neurones du cerveau. L’homme est doté d’une imagination,
alors à lui d’inventer ! ( voir CHOCS EN SYNTHÈSE,
L’ULTRA-UNIVERS, LA ONZIÈME DIMENSION.. )
Cap sur une nouvelle dimension qui tient tous ses promesses.
- Vous est-il déjà arrivé de fixer des limites à
votre imagination au nom de la vraisemblance scientifique ?
M.-A. RAYJEAN : Pas précisément.
L’imagination n’a vraiment pas de limite rigoureuse. Je pense que
chaque individu a sa « propre » imagination, donc il
existe forcément une limite personnelle… et indéfinissable ( voir
LES FORÇATS DE L’ENERGIE, PRISONNIERS DU TEMPS, CELLULE 217, etc..
)
- Comment parvenez-vous à obtenir la longueur
désirée du texte ? Faites vous un découpage synoptique
détaillé ?
M.-A. RAYJEAN : Facilement. La longueur d’un
texte est fonction du nombre de pages, jadis dactylographiées à la
machine à écrire. La collection « Anticipation »
comptait une centaine de ces pages. Il n’existait pas, en fait, de
rigueur mathématique.
- A la lecture du CYCLE D’ORGA, je me suis demandé
jusqu’à la fin quel serait le destin des principaux protagonistes.
Connaissez-vous à l’avance le sort de vos personnages ou vous
arrive-t-il de n’envisager le destin de ceux-ci qu’au fur du
déroulement de l’intrigue ?
M.-A. RAYJEAN : Pour les romans, j’ai
toujours plus ou moins tracé un scénario complet avant de commencer
la rédaction. Il m’arrivait parfois de modifier ce scénario en
cours d’écriture ( rarement toutefois ). Par contre, pour le texte
des bandes dessinées, je plongeais souvent dans l’inconnu en
modifiant au fur et à mesure le scénario, selon l’imagination du
moment !
La couverture pétrifiante - le lecteur découvrira que l'expression est appropriée - du Cycle d'Orga, roman prenant, honteusement laissé de côté par l'éditeur d'origine, jusqu'à ce que les promoteurs de la collection Rivière blanche le tirent du néant !
- Conserviez-vous plutôt un regard assez distancié
vis-à-vis du processus de narration, en tant qu’orchestrateur de
l’intrigue, ou vous arrivait-il de vous impliquer dans l’écriture
au point de vous sentir pénétré du climat d’angoisse au moment
où vous le dépeigniez ?
M.-A. RAYJEAN : Alors là, vous abordez un
problème de sensibilité qui frôle la psychanalyse ! Je ne me
suis quand même jamais fait peur, même dans mes romans
« Angoisse »… Sinon j’aurais fait des cauchemars !
- En dehors des romans policiers que vous auriez
aimé écrire mais pour lesquels vous n’avez pas obtenu l’aval
des éditions Fleuve noir qui désiraient vraisemblablement conserver
pour la série « Anticipation » un de leurs
auteurs-phares, aviez vous une totale liberté pour le choix des
sujets et leur traitement, ou l’éditeur et les comités de lecture
vous demandaient-ils de suivre certaines contraintes ou
prescriptions ?
M.-A. RAYJEAN : Oui j’avais une totale liberté des sujets.
Au début, avec François RICHARD comme directeur, je lui adressais
plusieurs scénarios et je lui demandais de renvoyer la liste avec
son classement personnel. Je développais d’abord le sujet n° 1,
puis le numéro 2, etc… Avec Patrick SIRY, cette habitude fut
abandonnée. Hélas !!!
- Quelles sont parmi vos œuvres celles que vous
souhaiteriez le plus voir accéder à la postérité ( même si les
rééditions de la collection « Les lendemains retrouvés »
ont déjà contribué à proposer des romans anciens à de nouveaux
lecteurs ) ?
M.-A. RAYJEAN : Difficile de choisir pour
l’auteur. Mais j’ai une petite préférence pour le premier roman
de chaque série que j’ai créée. Exemple, les grands reporters (
Joël Maubry, Joan Wayle ), Commandant Jé Mox, série Mac Kerreck,….
- Que répondriez-vous aux détracteurs du genre qui
estiment qu’il n’y a pas d’intérêt à imaginer le futur, car
l’évolution de plus en plus accélérée de la technologie, chaque
découverte étant susceptible d’en entraîner d’autres
inattendues, interdirait toute projection à long terme en la
matière ?
M.-A. RAYJEAN : Ces détracteurs ont peut-être
raison. Mais justement, les nouvelles technologies à ( voir
« Science et vie » ) appellent un futur que l’on cerne
à peu près. Exemple : facile d’imaginer une puce
électronique introduite dans le cerveau dès la naissance de façon
à « suivre » l’individu à la trace et de modifier son
comportement par le biais d’impulsions. Une robotisation en somme !
- Et que pensez-vous des attaques des critiques
littéraires qui, estimant que la science-fiction est une littérature
d’idées, lui reproche de délaisser le style et de se contenter de
personnages unidimensionnels ?
M.-A. RAYJEAN : Je n’en pense rien, car
chaque critique a le droit de critiquer ! Je ne vois pas un
auteur de science-fiction gagner le Goncourt, c’est sûr !
Mais chaque genre possède ses lecteurs. La littérature est
multiple !
- En tant qu’auteur ayant aspiré à écrire des
romans policiers, pensez-vous que le mode de conjecture rationnel de
la science-fiction peut restreindre l’auteur quant à la
description de comportements humains irrationnels, contrairement au
genre policier naturellement enclin à restituer des faits criminels
bruts parfois difficiles à appréhender, comme la violence gratuite
de nombre de faits divers ?
M.-A. RAYJEAN : C’est une question colle !!!
- Par ailleurs, comment perceviez-vous le fait qu’au
sein même de la science-fiction, les auteurs du Fleuve noir
n’étaient généralement pas perçus à la juste mesure de leur
travail, mais catalogués comme auteurs de seconde catégorie,
généralement ignorés des études sur le genre ? Le
regrettiez-vous dans une certaine mesure, ou avez-vous toujours
estimé que la seule reconnaissance du lectorat était une
gratification suffisante, comme l’affirmait votre confrère Maurice
LIMAT ( et aussi, en dehors de la science-fiction, par Frédéric
DARD, dont vous avez fait la connaissance ? )
M.-A. RAYJEAN : J’ai essayé chez Denoël (
collection Présence du futur ). Ca n’a pas marché ! J’ai
bien senti que chez Denoël, on nous prenait pour une catégorie
d’auteurs secondaires. Au Fleuve noir, nous écrivions de la
littérature « populaire », peut-être plus
« simpliste ». N’empêche, les tirages de la collection
prouvaient le succès.
Max-André RAYJEAN devant sa machine à écrire au temps de sa collaboration à Fleuve Noir (autre photo exclusive).
- Aviez-vous des contacts avec les autres auteurs
d’anticipation de Fleuve noir et pouvez-vous nous raconter des
anecdotes à leur sujet ? Jimmy GUIEU quant à lui était-il
considéré comme un auteur plus particulièrement singulier, dans la
mesure où il n’hésitait jamais à affirmer que ses récits
étaient basés sur des faits réels émanant de l’ufologie (
l’étude des phénomènes spatiaux non identifiés, appelés
O.V.N.I. en langue française ) ?
M.-A. RAYJEAN : Très peu, juste des contacts par
l’intermédiaire de quelques lettres, entre confrères de la même
édition. Avec LIMAT, surtout. Quant à Jimmy GUIEU, s’il croyait
vraiment aux soucoupes volantes, c’était son droit. Mais des faits
réels sur l’ufologie, j’en doute. Dans ses lettres amicales, il
ne m’a jamais parlé de sa terrible passion pour les O.V.N.I.
- Les auteurs de la science-fiction française des
années 1950 ont tous été à juste titre admirateurs de la
science-fiction américaine, mais savez-vous pourquoi peu paraissent, à la différence sans doute de Robert CLAUZEL, avoir été marqués dans une certaine mesure par l’anticipation de
langue française d’avant guerre comme ROSNY Aîné ou Maurice
RENARD ?
M.-A. RAYJEAN : Une vraie colle que vous
posez ! Les Américains ont envahi la littérature française au
point de la submerger au point de faire oublier ROSNY Aîné ou
Maurice RENARD ! Le Fleuve noir a été heureux d’équilibrer
cette déficience en publiant la collection « Anticipation »
avec des auteurs français. Un pari qu’ils ont gagné !
D’accord, au début, on s’est inspiré des Américains, mais
chacun, ensuite, a mis sa personnalité dans ses romans.
- Savez-vous s’il y’a eu des tentatives de
traduire en d’autres langues les auteurs du Fleuve noir, et
n’avez-vous pas quelque regret de n’avoir pas été lu aux
Etats-Unis, ce qui aurait la consécration logique pour les auteurs
de la collection ?
M.-A. RAYJEAN : « Anticipation » a
été traduite en plusieurs langues : italien, espagnol,
portugais, etc.. Jamais de traductions aux Etats-Unis parce qu’en
affaires, les Américains sont plus forts que les autres ! C’est
leur mentalité de dominer le monde. Une preuve ? Vous avez vu
le film INDEPENDANCE DAY ? Eh bien, c’est eux qui ont sauvé
le monde ! Du nationalisme béat en somme.
- Vous avez eu l’occasion de rencontrer Frédéric
DARD, célèbre auteur des aventures policières de SAN ANTONIO, dont
vous appréciez l’humour ; regrettez-vous de pas avoir eu
l’occasion d’instiller une touche humoristique dans vos romans,
celle-ci étant souvent difficilement conciliable avec la tentative
de dépeindre un monde imaginaire de manière crédible ?
M.-A. RAYJEAN : Ah, Frédéric DARD. Il a
commencé sa carrière dans la petite collection « Le Glaive »
d’un éditeur lyonnais. J’ai eu la chance d’y publier aussi mon
premier roman… policier ! DARD est né à Bourgoin dans
l’Isère et moi à Valence. Donc pas très loin…
Bien sûr, j’aurais pu introduire de l’humour
dans mes ouvrages. Il y’a eu de l’ « heroic fantasy ».
Ca ne m’a jamais tenté. J’ai pris la science-fiction très au
sérieux, comme une sorte de prédiction de l’Avenir ( un critique
du « Dauphiné libéré » a trouvé une « pointe
d’humour » dans mon roman L’AGE DE LUMIÈRE, paraît-il !).
- Vous avez écrit des romans fantastiques ancrés
dans la culture régionale. Considérez-vous de votre point de vue
qu’il y’a une différence de degré ou bien de nature entre
science-fiction et fantastique – beaucoup d’auteurs abordent ces
deux genres de l’imaginaire ?
M.-A. RAYJEAN : Les deux genres diffèrent. La
S-F traite d’une imagination axée sur le futur. Le fantastique se
résume à des aventures diaboliques, où se mêle souvent
l’épouvante. L’homme aime les mystères, les Dieux, le Diable,
l’Au-delà. Donc l’irréel. Adapter un « Angoisse »
dans un environnement régional est une volonté toute personnelle.
Oui, j’aurais aimé être un auteur « régional ».
- Y’a-t-il des films de science-fiction qui vous
aient plu particulièrement ? Ne pensez-vous pas que les images
de synthèse, en dématérialisant l’imaginaire, font actuellement
perdre à la science-fiction ce piment excitant de jeu avec le réel
au travers d’un visuel désincarné ? Auriez-vous aimé être
adapté au cinéma, ou estimez-vous que les nombreuses bandes
dessinées dont vous avez écrit le scénario équivalent un peu à
la visualisation de votre univers ?
M.-A. RAYJEAN : Pas particulièrement. Leurs
auteurs se livrent à un spectacle axé principalement sur le trucage
et les effets spéciaux. L’idée ne vole pas bien haut en général..
Un bon point pour LE PRIX DU DANGER ou I COMME ICARE. En tous cas, je
n’ai jamais pensé à des adaptations pour le cinéma. ATTAQUE
SUB-TERRESTRE et BASE SPATIALE 14 restent mes deux seuls romans S-F
publiés en B.D. Par contre, mes B.D. pour enfants m’ont fait
plaisir.
Réédition au titre des classiques de la série de BASE SPATIALE 14, qui fut également adapté en bande dessinée chez Aredit (ci-dessous) au travers des dessins de Jacques GERON (décédé à l'âge de seulement 43 ans le 30 octobre 1993).
- Avez-vous lu des romans d’auteurs plus
récents, et estimez-vous en ce cas qu’ils diffèrent de ceux de
votre époque ( en laissant peut-être une trop grande part à des
intrigues - plus ou moins - sentimentales, en recourant trop
systématiquement à l’emploi de mots inventés pour figurer des
langues étrangères, susceptibles de lasser le lecteur, etc… ) ?
M.-A. RAYJEAN : Franchement, après
« Anticipation » du Fleuve noir, j’ai décroché un peu
de la S.-F. parce que j’ai vu saborder une collection qui marchait.
Sans doute la nouvelle S.-F. diffère de la vague 1950-1980. Elle
paraît plus « psychologique » et s’éloigne de la
littérature populaire. Mieux ou prou ? Aux lecteurs de le
prouver. - D’où tiriez vous votre inspiration pour
inventer les formes de vie extraterrestres les plus variées;
avez-vous parfois eu recours à des croquis pour visualiser ces
êtres d’un autre monde ?
M.-A. RAYJEAN : Les extraterrestres mis en
scène dans mes romans sont en effet très nombreux et de formes
diverses. Ma série des Jé Mox, par exemple, comporte 16 titres*
dont chacun montre différents types de vie intelligente. C’est ma
série préférée, la plus riche en formes de vie extraterrestres.
Ce sont à peu près treize structures extraterrestres vivant en
communauté et possédant une civilisation souvent plus ou moins
évoluée ( souvent plus que les hommes ! ) qui font face à Jé
Mox et son équipage du Cos-200, le vaisseau de secours du centre
spatial installé sur Ter-8 ( le huitième bastion terrestre édifié
dans la galaxie ). Je n’ai jamais dessiné un croquis de mes
extraterrestres. Seule l’imagination du moment me guidait. Rien, ne
prouve que des êtres intelligents aient besoin d’une tête, de
bras, de jambes. Les créatures unicellulaires, les microbes, les
virus, ne sont t-ils pas doués d’intelligence ? Question à
méditer.
- Croyez-vous que l’humanité sera un jour réellement en mesure d’entrer en contact avec une autre civilisation ?
M.-A. RAYJEAN : Si vous voulez mon avis sur les
extraterrestres, je crois sincèrement qu’ils existent, quelque
part dans l’Univers, mais qu’aucun n’est capable de voyager
dans l’espace interstellaire car il faudrait vaincre des distances
de centaines d’années lumière.. inouï ! Le voyage dans la
quatrième dimension (qui abolit les distances) est la ressource de
la science-fiction et c’est bien pratique pour un auteur !
Mais pas pour un super technicien qui aura déjà bien du mal à
inventer un moteur photonique pour se propulser à la vitesse de la
lumière. Cela semble déjà hors de portée !!
- Pensez-vous que l’intelligence soit un phénomène très
aléatoire, ou que celle-ci soit relativement répandue dans
l’univers ?
M.-A. RAYJEAN : C’est une question à
laquelle on ne peut pas répondre pour la raison qu’on ne connaît
pas jusqu’où peut aller l’ « intelligence ».
Toute forme de vie est intelligente. L’homme, l’animal, les
végétaux, les microbes, les virus, sont intelligents !
Exemples, TERROM, AGE UN** ou ROUND VÉGÉTAL.
LE VOYAGE FANTASTIQUE? Non, l'illustration de couverture de l'épopée cosmique RETOUR AU NÉANT de Max-André RAYJEAN, un auteur très intéressé par le monde microscopique, au sein de l'oeuvre duquel on retrouve microbes et protozoaires géants.
- Peu d’auteurs sont parvenus à évoque de
manière relativement convaincante la vie dans un univers du nôtre.
Quels conseils donneriez-vous à un auteur qui s’aventurerait sur
ce terrain et quelles règles devrait-il suivre pour demeurer
crédible ?
M.-A. RAYJEAN : La question rejoint un peu la
précédente. L’homme n’a encore jamais rencontré un
« extraterrestre ». Pour rester crédible, la vie dans un
univers différent se conçoit comme la vie sur la Terre ( hommes,
animaux, plantes, microbes… ). C’est déjà un bel
échantillonnage de vies différentes. L’homme et sa science ne
sont pas en état de répondre à cette question primordiale :
comment envisage-t-on la vie dans un univers différent ?
C’est donc aux auteurs de science-fiction de
l’imaginer. Mais « imagination » ne rime pas forcément
avec certitude ( voir mes romans L’ULTRA-UNIVERS et SOLEILS : ÉCHELLE ZERO*** ).
Pour clore le débat, je pense que la présence de
la vie sur la Terre, son origine, sont hors de portée de notre
imagination. Qui prouve l’existence d’un SEUL univers ?
univers parallèles ? Micro-univers ? Ultra-univers ?
Ou des univers imbriqués les uns dans les autres ?
- Merci M. LOMBARD/RAYJEAN pour cet entretien exclusif, ce fut un grand honneur, et je ne peux douter que de nouvelles générations de lecteurs de science-fiction continueront à apprécier vos romans.
* PRISONNIERS DU TEMPS (1970), CELLULE 217 (1971),
L’ARBRE DE CRISTAL (1972), L’AUTRE PASSE (1972), LA REVOLTE DE
GERKANOL (1973), LE SECRET DES CYBORGS (1974), BARRIÈRE VIVANTE
(1975), LES GEANTS DE KOMOR (1976), LES GERMES DE L’INFINI (1976),
LES METAMORPHOSÉS DE SPALLA (1977), LE PIEGE DE LUMIERE (1977), LA
CHAINE DES SYMBIOS (1978), LES MAITRES DE LA MATIERE (1979).
** Le roman se déroule après un cataclysme, la terre est dominée par
plusieurs espèces d’insectes sociaux qui s’affrontent, et qui
utilisent les êtres humains comme esclaves, jusqu’à ce que
ceux-là découvrent la cité de Terrom, protégée par des
androïdes, et entreprennent la reconquête du monde.
*** Il s’agit de deux romans liés dans lesquels des
expériences sur la matière aboutissent à des immersions dans
l’infiniment petit, puis l’infiniment grand. Dans le premier, des
scientifiques de la planète Errêt créent un univers miniature qui
se révèle habité et se met à croître au point de menacer le
système solaire de son créateur; les deux peuples sont contraints
de chercher un nouveau système solaire pour survivre. Dans le
second, un macro-univers est engendré et quatre chercheurs qui s’y
sont fait transférer se trouvent accidentellement dématérialisés
en pure force électro-magnétique dépourvue de forme et perdent
leur conscience individuelle; craignant de détruire le système
solaire comme dans l’expérience précédente, ils se font envoyer dans l’espace. Ils arrivent sur un monde inhospitalier. Finalement,
leurs êtres se changent en particules d’énergie, lesquelles
seront à l’origine de l’apparition de la vie sur la Terre.
D’autres romans de l’auteur du cycle Joé Mox jouent aussi sur la
taille : dans CELLULE 217, des hommes sont miniaturisés pour
pouvoir être insérés dans des cellules qu’ils sont appelés à
contrôler, et dans LES GEANTS DE KOMOR, une autre expérience
extraterrestre augmente la taille d’humains.
Le site de Rivière blanche :
http://www.riviereblanche.com/
Les romans de Max-André RAYJEAN:
http://www.riviereblanche.com/cycle.htm
Nous sommes redevables à Philippe WARD, écrivain renommé et directeur de collection de "Rivière blanche" qui a donné la possibilité d'entrer en contact avec l'écrivain; nous espérons pouvoir le retrouver prochainement en ces pages pour nous entretenir avec lui des créatures mythiques, plus particulièrement de celles des légendes basques qui lui sont chères.
LECTURE COMPLÉMENTAIRE
On lira aussi à titre complémentaire sur l'auteur ce résumé rédigé par l'Oncle Paul qui l'a signalé à notre attention :
http://leslecturesdelonclepaul.over-blog.com/article-rayjean-max-andre-un-portrait-124472662.html
L'auteur évoque aussi deux de ses romans, changeant agréablement des commentaires souvent sommaires et abusivement dépréciatifs qu'on trouve habituellement sur l'auteur :
http://leslecturesdelonclepaul.over-blog.com/article-max-andre-rayjean-operation-etoile-124535785.html
http://leslecturesdelonclepaul.over-blog.com/article-max-andre-rayjean-le-cycle-d-orga-124467471.html
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On avait évoqué récemment le réalisateur du VOYAGE FANTASTIQUE DE SINBAD, Gordon HESSLER, à l'occasion de l'hommage consacré en juin 2013 à Ray HARRYHAUSEN; le cinéaste vient à son tour de disparaître le 19 janvier 2014.
A la fin de l'année précédente, le 14 décembre 2013, s'est éteint l'acteur Peter O'TOOLE. Surtout célèbre pour avoir interprété le personnage historique éponyme du film LAWRENCE D'ARABIE, il avait aussi, toujours dans le genre historique, livré des compositions saisissantes dans la série MASADA, en compagnie du non moins brillant David WARNER, et dans LA NUIT DES GENERAUX. Dans le domaine fantastique, il avait incarné un écrivain féru de mystérieux dans PHANTOMS, tiré du roman de Dean KOONTZ, traitant d'une monstrueuse créature immémoriale, dont l'apparition finale fut malheureusement coupée au profit d'une bien triste animation infographique.
En matière de littérature de l'imaginaire, mentionnons pour mémoire le décès le 18 mars 3014 de l'écrivain américain Lucius SHEPARD; l'écrivain de science-fiction Christopher PRIEST (LE MONDE INVERTI) lui a consacré un hommage biographique : http://www.theguardian.com/books/2014/mar/26/lucius-shepard