dimanche 18 mai 2025

IL TIRAIT LES FICELLES DES MAÎTRES DU MONDE

 

    Alors que l’infographie commençait à supplanter les véritables effets spéciaux, il avait agencé certains des derniers extraterrestres originaux concrets encore proposés sur grand écran pour Les maîtres du monde (Robert Heinlein’s Puppet Masters), un film qui était parfois resté longtemps en salles et qui était presque entièrement préservé des trucages virtuels. Bien que son nom demeure sans doute inconnu d’un très grand nombre de spectateurs, Greg Cannom, dont on savait qu’il était gravement malade, vient de s’éteindre le 9 mai 2025 à l’âge de 73 ans, comme annoncé par son collègue Rick Baker. Il était devenu une véritable sommité dans le métier et il mérite tout naturellement qu’on évoque sa carrière afin de lui rendre hommage sur ce site notamment dévolu aux concepteurs de créatures.


    Une impressionnante progression dans le métier

    Greg Cannom a découvert les maquillages spéciaux au travers de la revue "Famous Monsters" créée par Forrest J. Ackerman. Il était particulièrement admiratif de Jack Pierce, créateur du maquillage porté par Boris Karloff dans Frankenstein, de William B. Tuttle et des maquillages que celui-ci avait conçus pour les Morlocks de La Machine à explorer le temps (The Time Machine) ainsi que pour les différentes incarnations de Tony Randall dans Le cirque du Dr Lao (The Seven Faces of Dr Lao), de même que de John Chambers pour la transformation en mutant du futur au crâne hypertrophié de l’acteur David McCallum pour l’épisode L’Homme au sixième doigt (The Sixth Finger) de la série originelle Au-delà du réel (The Outer Limits) – il eut d’ailleurs la possibilité de visiter le second et de voir l’Oscar qui lui avait été attribué pour les maquillages de La planète des singes (Planet of the Apes), la deuxième distinction jamais décernée pour cette catégorie quatre ans après Le cirque du Dr Lao précité.

John Chambers tenant l'Oscar obtenu pour les maquillages des acteurs en nos parents velus de l'Avenir dans La planète des singes (Planet of Apes), un des modèles des aspirants maquilleurs de la fin des années 1970.

    Le jeune passionné a commencé par apprendre par lui-même le maquillage au département théâtre du Cypress College de Buena Park en Californie en 1971, concevant des vieillissements et des prothèses, pour créer notamment le personnage d’Einstein et pour changer un acteur en Barbara Streisand. Ayant pu obtenir le numéro de téléphone de Rick Baker, il s’est permis d’appeler celui qui a également été le mentor de son collègue Rob Bottin. Le maquilleur le reçut et à la vue de son portfolio, il l’engagea peu après sur le film Fury de Brian de Palma. Il l’assiste ensuite sur la création de la famille de Wookies velus et revêtit un des costumes pour le téléfilm Au temps de la guerre des étoiles (Star Wars Holiday Special), ainsi que sur l’effrayante liquéfaction progressive de l’astronaute du Monstre qui vient de l’espace (The Incredible Melting Man) dont le réalisateur est récemment décédé (comme évoqué dans l’article de novembre 2024) de même que sur Le monstre est toujours vivant (It’s alive II) de Larry Cohen dans lequel il est amené à endosser à l’instar de l’épouse de Rick Baker le masque du bébé monstrueux pour des gros plans.

Han Solo (Harrison Ford) rencontre la famille de Chewbacca dans Au temps de la guerre des étoiles (Star Wars Holiday Special).

    En 1981, il assiste Rick Baker pour la création du masque du chasseur de Terreur extraterrestre (Without Warning) réalisé en 1980 par Greydon Clark, mais le maquilleur réputé fait retirer son nom du générique après que son concept a été modifié, et son collaborateur se charge aussi des maquillages horrifiques du film – les parasites volants étant quant à eux agencés par le technicien John Quinlivan III. Suite à une infection sévère à la gorge, il doit renoncer à assister Dick Smith sur les effets de Scanners de David Cronenberg, ce qui ne l’empêchera pas d’obtenir ses conseils au vu de son travail sur La sentinelle des maudits (The Sentinel) pour réaliser un effet d’œil fendu sur le film Blind Date.

Le chasseur de Terreur extraterrestre (Without Warning) venu sur Terre chasser les humains en s'aidant d'une bien étrange fauconnerie, de petits organismes sous forme de disques volants tentaculaires créés par un talentueux accessoiriste.    


Un des parasites volants que Greg Cannom devait lancer sur le tournage avant de créer les maquillages des victimes.

Recréation pour le plaisir de la tête du chasseur d'outre espace, précurseur du Predator, dans Terreur extraterrestre (Without Warning), autour de ses créateurs, les maquilleurs Rick Baker, Ve Neill et Greg Cannom (de gauche à droite).

    Il œuvre de nouveau au côté de Rick Baker sur la comédie La femme qui rétrécit (The Incredible Shrinking Woman) puis ultérieurement sur le clip Thriller de Michael Jackson, interprétant lui-même un des morts vivants. En 1981 toujours, il travaille durant neuf mois sous l’autorité du maquilleur en pleine ascension Rob Bottin, en contribuant à la création des loups-garous de Hurlements (The Howling), plus particulièrement à l’application de poches gonflables pour concrétiser la déformation de visages exprimant la métamorphose lycanthropique. Sur L'Epée sauvage (The Sword and the Sorcerer), le premier film dont il a la responsabilité principale des effets spéciaux, il se charge de maquillages présentant les stigmates de la peste sur des visages victimes d’une malédiction ainsi que de la transformation d’un homme en démon.



Greg Cannom maquille le personnage d'Eddie Quist interprété par l'acteur Robert Picardo dans Hurlements (The Howling) ; en dessous, il est préparé pour incarner un loup-garou en pleine transformation, le visage teint en noir pour rendre invisible le raccord avec les prothèse et le torse pourvu de poches gonflables dans la grande tradition de Dick Smith et de Joe Blasco (Frissons/Shivers), permettant de figurer le début de la métamorphose corporelle.

Un jeune Greg Cannom devant le poster de L'Epée sauvage


Le visage démoniaque du démon de L'Epée sauvage (The Sword and the Sorcerer) interprété par le monumental acteur Richard Moll et au dessous, un effet réminiscent de son travail sur Hurlements (The Howling), dans le même film.

    Greg Cannom semble avoir exprimé quelque regret que son supérieur Rob Bottin aspirant à la reconnaissance l’ait laissé dans l’ombre quant aux qualités dont il avait fait preuve sur Hurlements, mais il est vrai qu’on retient toujours principalement le responsable principal d’un travail, et il n’eut pas longtemps à attendre avant de se voir créditer d’une certaine notoriété. Il assiste Rick Baker sur la création des singes de Greystoke et sous la direction de Craig Reardon qui a fait appel à lui pour une séquence, crée pour une scène onirique la transformation de la tête du héros interprété par Dennis Quaid qui s'ouvre en deux pour révéler celle d’un cauchemardesque cobra humanoïde pour Dreamscape


Greg Cannom en train de sculpter un double de l'acteur Dennis Quaid pour Dreamscape.

La tête s'ouvrant en deux dans le combat final de Dreamscape au sein du monde des songes dans lequel une expérience scientifique permet de s'introduire, révélant une masse sombre et spongieuse.

Les producteurs qui se sont d'après Greg Cannom montrés très désagréables avec lui n'ont pas du tout apprécié son idée de masse mystérieuse lovée dans le crâne et ont exigé, avec il est vrai davantage de cohérence avec le film, que le maquilleur sculpte à la place une tête complète de cobra humanoïde surmontant un long cou surgissant à la place du visage du héros pour terrifier son adversaire.

    Sur Cocoon de Ron Howard, dont le concepteur visuel est le brillant Ralph McQuarrie (voir hommage d'avril 2012) et Rick Baker est consultant - les producteurs auraient souhaité l'engager à temps plein er ne cachèrent pas leur déception de devoir engager Greg Cannom à la place, il est chargé de conférer leur véritable apparence aux extraterrestres humanoïdes enveloppés d’un halo lumineux venus récupérer le corps de congénères en état de dormance dans une coque immergée, dirigés par leur chef interprété par Brian Dennehy (Rambo/First Blood). Il a notamment sous sa supervision Tony Gardner, Kevin Yagher et Alec Gillis, qui créeront chacun leur propre compagnie, ce dernier en s’associant à Tom Woodruff pour former Amalgamated Dynamics (ADI). Pour la suite Cocoon II, il aura d’autres talents dans son équipe comme John Vulich qui créera aussi sa société, Optic Nerve (voir hommage d'octobre 2016), son spécialiste attitré des effets mécaniques Larry Odien, la maquilleuse Ve Neill et le sculpteur James Kagel, mais en raison d’un budget plus réduit, le résultat des effets spéciaux au travers des trucages visuels est généralement considéré comme moins convaincant que dans le premier opus. Il crée également les lentilles de contact, celles-là étant à l'époque assimilées à des prothèses.


Greg Cannom créant les extraterrestres humanoïdes de Cocoon.

Un des visiteurs sous sa véritable apparence et son déguisement en jeune fille (auquel l'actrice Tahnee Welch prête ses traits) qui fait tourner la tête du héros joué par Steve Gutenberg, ignorant de sa véritable identité.

Cocoon donne l’occasion comme souvent dans la carrière de Greg Cannom de contribuer à un vieillissement d’un personnage, sauf qu’il s’agit cette fois d’un genre de marionnette, des retraités s’étant baignés clandestinement pour se ressourcer dans la piscine où sont secrètement stockés les cocons des Atlantes ayant épuisé le principe vital de l’eau et causé la dégénérescence des êtres en animation suspendue. La séquence est particulièrement émouvante alors qu'on assiste aux derniers instants d'un extraterrestre mourant au corps desséché, victime de l'invasion de la piscine par la foule des pensionnaires de la maison de retraite voisine.

    On retrouve ensuite le maquilleur au générique de nombre de films d’épouvante, même s’il admet ne pas être lui-même passionné par les maquillages sanglants – ce qui ne l’a pas empêché au début de sa carrière de visiter une morgue pour s’assurer du réalisme de son travail. Se succèdent ainsi les vampires de Vamp, Génération perdue (The Lost Boys), Vampire, vous avez dit vampire 2 (Fright Night Part 2) avec John Vulich, Bart Mixon et Brian Wade, Blade, ainsi que des maquillages pour Les Griffes de la nuit 3 : les guerriers du rêve (Nightmare on Elm Street Part 3), L’Exorciste 3 : Legion (The Exorcist Part 3), Highlander 2, Alien 3, la série Les contes de la crypte (Tales from the Crypt) ou encore Star Trek VI. Il arrive cependant qu’il ne soit pas crédité au générique comme en 1990 pour L’expérience interdite (Flatliners) et Dick Tracy avec sa galerie de malfrats patibulaires et grotesques.


Greg Cannom a créé l'apparence lycanthropique du personnage de Louie dans Vampire, vous avez dit vampire ? 2 (Fright Night Part 2).


Le maquilleur prépare une scène particulièrement horrifiante du film Les Griffes de la nuit 3 : les guerriers du rêve (Nightmare on Elm Street Part 3) au cours de laquelle le Croquemitaine dénommé Freddy arrache les veines d'un adolescent qu'il utilise comme les fils d'une marionnette.


L’époque de la consécration

    En 1991, il revient dans la lumière avec les maquillages de Hook, adaptation de Peter Pan par Steven Spielberg pour laquelle il vieillit Maggie Smith pour lui faire incarner Wendy en grand-mère - récemment disparue, qui lui vaut pour la première fois de se voir proposer aux Oscars. L’année suivante, il obtient une grande visibilité avec les maquillages de l’adaptation du roman Dracula de Bram Stoker. Contrairement à nombre de ses homologues actuels qui s’appuient sur le virtuel, le producteur et réalisateur Francis Ford Coppola, ainsi que la directrice artistique chargée des costumes, ont fait totalement confiance au maquilleur, lui laissant imaginer le maquillage du vieux comte vampirique interprété par Gary Oldman ainsi que ses incarnations monstrueuses en loup-garou et chauve-souris géante. Le résultat est spectaculaire, en particulier le chiroptère glabre qui se dresse devant ses adversaires en déployant ses ailes membraneuses. Il s’applique à créer un maquillage translucide pour l’apparence du vieillard démoniaque.


Gary Oldman est recouvert de couches de silicone afin de lui conférer l'apparence d'un Comte vampirique très âgé pour le Dracula de Coppola, sous la supervision très attentive du concepteur du maquillage, Greg Cannom (à droite).

Le Comte Dracula dans une de ses monstrueuses transformations bestiale destinée à effrayer les chasseurs de vampires conduit par Van Helsing qu'interprète Anthony Hopkins., 

Greg Cannom est fier de poser à côté de la tête de l'incarnation de Dracula en chauve-souris humanoïde, sa contribution au film de Coppola qui lui a valu le premier de ses quatre Oscars pour le meilleur maquillage.

    Greg Cannom maquille Mel Gibson pour L’homme sans visage (The Man without a Face), un homme qu'un accident qui l'a laissé défiguré a rendu solitaire, ainsi que pour Forever Young, fiction émouvante sur un militaire à qui on a volé sa vie dans le cadre d’une expérience et qui se réveille des décennies plus tard dans son caisson cryogénique, se mettant à vieillir en accéléré alors qu’il retrouve sa fiancée de l’époque devenue au fil du temps une femme très âgée, sur fond d’une musique lyrique de Jerry Goldsmith. Il conçoit aussi le maquillage porté par Jack Nicholson pour incarner le célèbre syndicaliste Jimmy Hoffa pour le film consacré au personnage.


Un vieillissement très réaliste pour Mel Gibson dans Forever Young, prélude à un épilogue particulièrement touchant. 

    En concurrence avec d’autres studios comme XFX de Steve Johnson, c’est celui de Greg Cannom, Cannom Creations, qui au vu de son projet est retenu par la compagnie Walt Disney pour la production d’une adaptation officielle d’un roman allégorique de la Guerre froide et de la menace communiste, Marionnettes humaines (Puppet Masters) de Robert Heinlein – une première version modeste dans laquelle apparaissait Leonard Nimoy avait été réalisée illégalement en 1956 par Bruno VeSota, un proche de Roger Corman, The Brain Eaters. Si le studio décide par mesure d’économie de se passer de décors futuristes pour situer l’intrigue dans un cadre contemporain – et de bannir la nudité générale de la fin du roman destinée à démasquer l’infiltration par les envahisseurs contrôlant l’esprit, la création des parasites fait l’objet d’une attention toute particulière. Différents concepts tournant autour d’animaux aplatis à l’allure de raies sont élaborés et combinés, aboutissant à des créatures très organiques créées à partir de silicone, radiocommandées et animées par câbles, pourvues de mécanismes conçus par son collaborateur régulier Larry Odien. On dispose de peu de photos de la création de ces formes de vie extraterrestres très réussies ; ayant questionné à ce sujet Greg Cannom il y a quelques années, celui-ci m’avait répondu qu’elles avaient été volées – ce qui comme rapporté dans l’hommage à Carlo Rambaldi avait aussi été le cas d’après son fils pour ses concepts alternatifs de la créature de Possession.



Les maîtres du monde (Robert Heinlein's Puppet Masters) de Stuart Orme et ses parasites extraterrestre contrôlant l'esprit des humains à fin d'envahit la Terre, tels que les a créés le studio Cannom Creations ; en haut, le modèle du prototype final, en dessous, un technicien applique un parasite sur le dos d'un acteur jouant un personnage infecté dont la nuque duquel est investi par les vrilles de l('envahisseur, et en dessous, le héros joué par Eric Thal qui découvre un des organismes étrangers collé à une vitre dans une scène d'ouverture étonnante.

    Son expérience des vieillissements – outre le masque de vieille femme porté par Robin Williams dans Mrs Doubtfire, il a notamment vieilli Kate Winslett pour incarner Rose dans l’épilogue de Titanic, lui vaut de concevoir et d’appliquer les maquillages requis par L’incroyable histoire de Benjamin Button (Strange Case of Benjamin Button) dans lequel le personnage interprété par Brad Pitt naît avec un visage de vieillard et rajeunit ensuite toute sa vie jusqu’au stade de bébé. Il a par ailleurs aussi contribué au film The Mask prêtant des traits sardoniques à un Jim Carrey possédé, mais il a la déconvenue de voir nombre de ses maquillages remplacés par des trucages numériques, et à La passion du Christ (The Passion of the Christ) en 2004 sur lequel il est de nouveau amené à travailler avec Mel Gibson qui se trouve cette fois au poste de réalisateur.

    Un des maquillages les plus saisissants et malaisants réalisés par Greg Cannom est celui de l’antagoniste défiguré du tueur en série personnifié par Anthony Hopkins et duquel il veut se venger dans Hannibal, suite du Silence des agneaux (Silence of the Lambs). Grâce à une pince à paupière, Greg Cannom parvient en complément à lui conférer des yeux vitreux grands ouverts, touche morbide supplémentaire achevant de rendre ce maquillage particulièrement dérangeant à l’instar du film dans son ensemble, qui est à déconseiller aux publics sensibles. Avec sa société Cannom Creations, il réalise sous la supervision de Vincent Guastini les maquillages spéciaux de l'adaptation du roman de Stephen King La peau sur les os (Thinner).

    Avec son collègue Wesley Wofford, Greg Cannom avait perfectionné l’utilisation de la silicone pour les maquillages, obtenant un prix d’innovation en 2025. Il avait mis au point un procédé de superposition de différentes couches de silicone sur le visage, permettant avec une coloration appropriée d’obtenir les tons les plus naturels. Il a utilisé cette technique pour transformer Robin Williams en robot humanoïde doré pour L'Homme bicentenaire (Bicentennial Man), pour L’incroyable histoire de Benjamin Button et il l’a encore perfectionnée pour permettre à l’acteur Christian Bale d’incarner avec un grand réalisme l’homme politique Dick Cheney coresponsable de l’invasion américaine de l’Irak dans Vice (titre à la double signification, au premier degré pour vice-président).

    


Après avoir changé en vieille femme l'acteur Robin Williams afin de permettre à son personnage de pouvoir rester en contact avec ses enfants dont la séparation avec sa compagne le prive dans la célèbre comédie Mrs Doubtfire, Greg Cannom le transforme de nouveau pour le film de science-fiction L'homme bicentenaire (Bicentennial Man).

L'acteur Christian Bale changé en un très ressemblant Dick Cheney.

Une triste fin accompagnée d’un véritable élan de solidarité

    Le jeune maquilleur prodige est donc devenu un professionnel très reconnu avec l’obtention de quatre Oscars pour Dracula, Mrs Doubtfire, L’incroyable histoire de Benjamin Button et Vice, ainsi qu’une récompense en 2019 pour l’ensemble de sa carrière par la Guilde des maquilleurs et perruquiers, et l’estime de l’ensemble de la profession. Malheureusement, la fin de son existence fut gâchée par d’innombrables problèmes de santé. Souffrant du diabète et de complications rénales et cardiaques, il avait aussi une vue très dégradée et une infection par des staphylocoques a nécessité l’amputation partielle d’une jambe. De plus, en dépit de sa brillante réussite, l’artiste était devenu impécunieux, incapable de disposer des sommes nécessitées par ses soins. Attristés par sa tragédie, nombre de ses collègues se sont mobilisés pour lui venir en aide en 2023 au travers d’une collecte organisée sur le site GoFundMe, répercutée par le magazine "Variety" et ont recueilli plus de 100 000 dollars, au-delà de la somme espérée de 75 000. Le maquilleur espérait qu’à l’issue des opérations, il pourrait intégrer la maison de retraite des artistes nécessiteux d’Hollywood. Dans ces terribles épreuves, Greg Cannom a au moins pu constater qu’il n’était pas oublié et que toute la profession s’était unie autour de lui. Ses nombreuses contributions au cinéma demeureront.



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Ajout : disparition de deux acteurs

        Ajoutons quelques lignes pour signaler la disparition durant son sommeil le 20 mai 2025 de l’acteur américain George Wendt à l’âge de 76 ans d’une crise cardiaque et de diverses complications, qui avait joué dans des séries populaires et figuré dans diverses émissions, et était suffisamment reconnu pour que ses apparitions récurrentes dans le rôle de Norm avec un comparse, John Ratzenberger dans le rôle de Cliff, dans un bar de la série comique Cheers, valent au duo d’être reproduit au travers de personnages robotisés imitant leur allure dans les bars d’aéroport par la compagnie Host international, ce qui entraîna une action en justice de l’acteur, remportée en seconde instance – on peut relever pour l'anecdote qu'à l'instar de l'inspecteur Columbo dans la série éponyme, on ne voit jamais la femme du personnage, Vera, mais qu'on l'entend parfois en voix off, laquelle est celle de sa véritable épouse, l’actrice Bernadette Birkett.

Automate censé être à l'effigie de George Wendt et de son confrère dans un bar d'Host international.

        George Wendt devait apparaître dans le rôle d’un étudiant dans le film Quelque part dans le temps (Somewhere in Time), évoqué dans la publication précédente à propos de la disparition du réalisateur Jeannot Zwarc à la suite de l’hommage à David Lynch, mais la scène avait été coupée. On le vit dans d’autres films fantastiques, notamment comme écrivain dans Dreamscape et responsable d'un programme de cryogénie ayant sacrifié la vie d'un sujet se prêtant à l'expérience dans Forever Young (deux films évoqués ci-dessus dans l’hommage à Greg Cannom), mais son rôle le plus marquant en la matière est probablement celui d’Harold Golton, le débonnaire voisin dans le film horrifico-comique House de Steve Miner, appelé à prêter main-forte à un écrivain hanté par la guerre du Vietnam ainsi que par la disparition inexplicable de son jeune fils, Roger Cobb (William Katt) et dont la demeure fait l’objet de manifestations surnaturelles monstrueuses. 

George Wendt dans le rôle du romancier Charle Prince qui révèle au héros de Dreamscape joué par Dennis Quaid que le projet secret d'une instance gouvernementale permettant de visualiser les rêves va être utilisé par un agent gouvernemental, Bob Blair (Christopher Plummer) pour assassiner le président des États-Unis (Eddie Albert) dont il craint la politique de désarment.




C'est à une drôle de pêche qu'est convié le voisin bienveillant de House de Steve Miner, interprété par George Wendt, et il ne s'agit même pas de l'espadon naturalisé dans le salon qui s'agite soudainement, mais d'une monstruosité constituée de visages de victimes de la Guerre du Vietnam, le Démon de la guerre, créé par le maquilleur James Cummins (voir hommage de décembre 2010).

        Pour le téléspectateur français, George Wendt avait aussi été la vedette d’un épisode de la série policière ColumboUne étrange association, dans lequel son personnage assassine son frère, joué par Jeff Yagher (un des interprètes de la seconde saison de la série V, et comme l’indique sa ressemblance, frère du célèbre maquilleur Kevin Yagher) qui dilapidait sa fortune dans des paris hippiques – l’épisode est mémorable dans la mesure où le policier semble s’affranchir des règles déontologiques, extorquant les aveux du coupable en faisant mine de ne pas s’opposer à son exécution par un chef maffieux joué par Rod Steiger, lequel est décidé à venger la mort de son associé, créancier du parieur qui a été également abattu en venant réclamer son argent.

Graham McVeigh (à gauche) ne supporte plus que son frère Teddy (Jeff Yagher) dilapide l'argent au point de mettre en danger leur ferme et élabore un plan radical pour mettre un terme à la situation dans l'épisode Une étrange association (Strange Bedfellows) de la série Columbo.


Le froid assassin se fait piéger, se retrouvant à la merci des proches du créancier de son frère qu'il a été aussi été amené à éliminer.

Le lieutenant Columbo n'a pas hésité à s'allier avec un maffieux pour extorquer les aveux de l'assassin - quoique son obtention du mandat de perquisition lui aurait permis plus simplement de fouiller la propriété de Graham McVeigh et de trouver l'arme du crime dissimulée sous les galets au pied de la fontaine. L'inquiétant personnage est joué par Rod Steiger (Ponce Pilate dans le Jésus de Nazareth de Zeffirelli, personnage tatoué de L'Homme illustré (The illustrated Man) d'après Ray Bardbury, prêtre victime de Satan dans Amityville la maison du diable ou encore cruel expérimentateur cynique et faussement paternaliste dans Kindred (The Kindred) préfigurant Marlon Brando dans le second remake du Docteur Moreau (Island of Dr Moreau). L'épisode de Columbo est brillamment exécuté par ses interprètes qui ont quasiment tous joué dans des films fantastiques - on peut y ajouter plus anecdotiquement le barman joué par Don Calfa, inoubliable protagoniste du Retour des morts-vivants (The Return of the Living Dead) et inquiétant personnage extraterrestre à l'aspect faussement humain dans Necronomicon).

        Autre visage que le public pouvait reconnaître sans toujours identifier l’acteur, Harris Bart Goldberg, d'après le patronyme du père adoptif de cet orphelin, et qui était connu sous l'identité d'artiste d'Harris Yulin est décédé le 10 juin 2025 à l’âge de 87 ans. Après un an d'engagement dans l'armée américaine puis avoir vécu en Israël à Tel-Aviv, il retourne aux Etats-Unis où le professeur d'art dramatique et acteur Jeff Corey, ami de son père dentiste, l'oriente vers l'art théâtral. Il s’est tout au long de sa carrière partagé entre le théâtre, la télévision et le cinéma. Il avait interprété aussi bien un policier corrompu dans Scarface que le directeur de la galerie d’art de la comédie Bean, le film le plus catastrophe et avait incarné le célèbre hors-la-loi du Far West Jesse James dans la production télévisée La dernière chevauchée des Dalton (The Last Ride of the Dalton Gang) en 1979. En matière de comédie fantastique, il avait prêté ses traits sévères au juge de S.O.S. Fantômes 2 (Ghostbusters 2) et joué un savant dans Ma femme, mes doubles et moi (Multiplicity), film dans lequel le personnage crée des copies de lui-même pour leur déléguer les tâches fastidieuses. 

Harris Yulin dans le rôle du sévère juge Stephen Wexler dans S.O.S. Fantômes 2 (Ghostbusters 2) condamne l'équipe d'intervention contre les phénomènes surnaturels, inflieant lourde amende, peine de prison ferme et regrette l'abolition du bûcher pour les charlatans.


Les spectres des deux frères Scolari exécutés sur la chaise électrique se manifestent soudain dans la Cour de justice, réinjectant du surnaturel à la procédure.


Le Juge Wexler est sidéré par l'irruption des deux ectoplasmes et se trouve sans répartie devant un Docteur Stantz (Dan Aykryod) revanchard.

        Il interprétait aussi le Docteur Mercer persuadé de l’existence d’une espèce inconnue dans Loch Ness. Il était apparu dans diverses séries télévisées de La petite maison dans la prairie (Little House on the Prairieà Dynasty, y compris fantastiques à l’occasion du 19ème épisode de la première saison de Star Trek Deep Space Nine, Duel (Duet), avait joué un cardinal dans un épisode parodique d’Aux frontières du réel (The X-Files), Hollywood, et dans la série Buffy contre les vampires (Buffy the Vampire Slayer), il avait incarné à l’occasion de trois épisodes le personnage de Quentin Travers, dirigeant le conseil des Observateurs, des parapsychologues en lutte contre les manifestations démoniaques, s’attachant à conseiller le personnage éponyme, "L’élue" (Sarah Michelle Gellar), chargée de traquer les vampires.

Le Docteur Mercer envoie son collègue le Docteur Dempsey (Ted Danson) enquêter sur la créature mystérieuse du Loch Ness en remplacement de son collègue décédé accidentellement, un ordre auquel l'intéressé sceptique se plie sans enthousiasme.

Le Docteur Dempsey parvient finalement à obtenir des photos de l'animal mythique, suscitant l'enthousiasme du Docteur Mercer et de son assistant Adrian Foote (James Frain).

Le gardien du Loch (Ian Holm, voir hommage d'août 2020), tout en suppliant le Docteur Dempsey de ne pas divulguer l'existence de la créature afin de préserver sa quiétude, parvient à substituer aux précieuses photos des dessins d'enfant, mais il semble l'avoir finalement convaincu puisque le zoologiste décide de revenir sur ses déclarations, trahissant son collègue, humilié devant la société zoologique de Londres - un dénouement rappelant celui du film The abominable Snowman consacré au Yéti, dont l'épilogue rappelait lui-même celui de la bande dessinée Tintin au Tibet, conservant le secret sur l'existence d'une espèce de grand primate dans l'Himalaya.

filmographie : http://www.lefilmdujour.fr/2025/06/harris-yulin-1937-2025.html