On propose à présent au lecteur de revenir au titre de l’hommage à Roger Corman sur la période durant laquelle cet homme de cinéma a délégué à d’autres la tâche de réaliser des films tout en demeurant très actif dans le domaine.
Au début des années 1970, Roger Corman finit par se lasser de la charge que représentait la mise en scène qui astreint à donner corps à une histoire dans le cadre des délais de tournage réduits et du budget limité, en reconnaissant que cette tâche requérait beaucoup d’énergie dont il ne sentait plus capable à son âge. Il décida par conséquent de ne plus demeurer au premier plan de la fabrication d’un film et de se cantonner à la production, fonction qu’il considérait comme beaucoup plus plaisante, se sentant davantage à son aise en tant que coordinateur veillant sur les aspects financier et logistique pour rendre possible l’existence d’un projet, même s’il était habituel qu’il intervienne pour en modifier divers aspects.
L’accusation de cynisme
Se concentrant dorénavant sur cette fonction, Corman multiplia les petites productions, parfois quelque peu répétitives, avec sa société New World Pictures qui devint alors la compagnie de production indépendante la plus prospère après la faillite de celle de L’AIP de Samuel Z. Arkoff avec laquelle il s’était parfois associé. Certains critiques n’y décèlent que du cinéma d’abattage, jouant facilement sur le sensationnalisme pour attirer un public d’adolescents et de jeunes adultes. Roger Corman assumait cette position, estimant, de la même manière que la compagnie anglaise Hammer dans les décennies précédentes, qu’il était nécessaire pour faire affluer les spectateurs dans les salles obscures de leur proposer des émotions fortes qu’ils n’éprouveraient pas devant leur poste de télévision. Il insistait ainsi pour que ses productions comportent de la violence, des plans sanglants comme ses films de gangsters tel Big Mama, des scènes sexuelles, et des cascades sans omettre d’exploiter le sujet de la drogue populaire dans les années 1970. Les films de Roger Corman de l’époque n’hésitent ainsi pas à aligner des viols de femmes notamment en milieu carcéral, des vengeresses impitoyables et des poursuites échevelées en voiture. Le producteur rejoignait ainsi les analystes des films de la Hammer en estimant qu’une scène d’horreur peut faire ressentir une impression extrême qui se rapproche de l’émoi sexuel.
Roger Corman fait une apparition dans le film de gangster Big Mama.
Les autorités déplorèrent à ce sujet avoir affaire à de véritables "guerres des voitures sur les autoroutes" dont les conducteurs défiant la police s’inspiraient de ses productions comme Lâchez les bolides (Grand Theft Auto) et Eat my dust, ce à quoi Roger Corman réagit en opportuniste cynique, exigeant aussitôt un script supplémentaire pour exploiter le sujet. On peut aussi légitimement considérer que le film Cockfighter de Monte Hellman qu’il produisit en 1974, traitant des combats de coqs, repose sur de bas instincts pouvant heurter la sensibilité du public. La plupart de ces films tournés très rapidement furent étrillés par les critiques, mais beaucoup rentrèrent largement dans leurs frais, puisqu’ils allaient au-devant de la demande du public. Sur un mode moins dramatique, il exigea que le réalisateur retourne une scène de La galaxie de la terreur (Galaxy of Terror) dans laquelle une jeune astronaute blonde d’allure élancée trouve la mort auprès d’un asticot métamorphosé en énorme créature vermiforme gluante, demandant à ce qu’en lui passant dessus, le monstre lui fasse perdre la totalité de ses vêtements et ordonnant qu’on verse toujours plus de liquide glaireux sur son corps dénudé en escomptant qu’il s’agirait d’une scène particulièrement remarquée, et il est vrai que celle-ci est la plus souvent commentée.
Une astronaute victime de l'apparente lubricité d'une monstruosité vermiforme ainsi que du producteur dans La galaxie de la terreur (Galaxy of Terror) - nota : les plans plus dénudés notamment visibles sur le site Imdb ne sont pas montrés ici afin de s'efforcer de conserver une teneur tout public à ce site.
Par ailleurs, Roger Corman avait produit officieusement en 1958 pour l’AIP de Samuel Z. Arkoff le film The Brain Eaters de son collaborateur Bruno Ve Sota apparu dans plusieurs de ses films, lequel était une évidente adaptation du roman de Robert Heinlein Marionnettes humaines (Puppet Masters) de manière non autorisée, conduisant l’auteur à envisager une action en justice à laquelle il ne renonça qu’en raison de la pauvre distribution du film à l’échelle du territoire des États-Unis. On remarque au sein de la distribution Leonard Nimoy, promis à un bel avenir. Avec un même manque de scrupules fut ressorti en vidéocassette en 1989 le film La petite boutique des horreurs (The Little Shop of Horrors), la représentation du célèbre Jack Nicholson occupant toute la jaquette alors que l’acteur qui débutait sa carrière n’y fait qu’une brève apparition.
La brève apparition de Jack Nicholson en patient masochiste de dentiste dans La petite boutique des horreurs (The Little Shop of Horrors) et l'exploitation assez éhontée de son image pour la sortie du film en vidéocassette laissant croire qu'il est le principal protagoniste du film.
En 1980, il avait accordé à son ancienne collaboratrice Barbara Peeters la possibilité de réaliser Les monstres de la mer (Humanoids from the Deep) ; bien que membre de la Guilde des réalisateurs, on ne confiait à celle-ci aucun film, et, se mettant en infraction avec son statut, elle accepta l’offre. Elle souhaitait réaliser un thriller écologique portant sur l’apparition de créatures marines monstrueuses supposées descendre de cœlacanthes contaminés par des saumons transgéniques. Mais le jour où, empreinte de fierté, elle assista à la projection du film en compagnie de l’actrice principale Ann Turkel et de journalistes féministes, les deux femmes en ressortirent consternées, ce qui avait été monté étant fort différent du résultat attendu et elles estimèrent que la version finale reposait sur une version dégradante de l’image des femmes. Corman avait en effet à l’issue du tournage demandé à son assistant Jimmy T. Murakami, appelé la même année à diriger Les mercenaires de l’espace (Battle beyond the Stars), de rajouter des scènes de nudité et d’horreur, notamment un gros plan sur une tête décapitée lors de l’assaut d’une fête par les monstres, finalement censurée mais réintroduite dans les copies destinées à l’étranger ainsi que des agressions de femmes évoquant des viols par le maquilleur Rob Bottin revêtu d’un de ses costumes de monstre pour des scènes auxquelles il se plia avec réticence, confiant que cela ne lui paraissait pas une manière très décente de gagner sa vie. La réalisatrice n’était absolument pas informée de ces ajouts, les scènes dénudées à connotation sexuelle contredisant tout particulièrement sa sensibilité féministe. Elle exigea de Roger Corman qu’il retire le film de l’affiche ou à défaut qu’il supprime son nom du générique, mais celui-là lui répondit alors qu’elle devrait payer pour la retouche du générique et le tirage de nouvelles copies, ce dont elle n’avait pas les moyens financiers. L'un des auteurs de l'histoire, Martin B. Cohen, prit le parti du producteur en affichant une lecture contraire du féminisme oublieuse de la vision de la cinéaste, faisant valoir que les femmes ne devraient pas se limiter à des films intimistes et sentimentaux, mais devraient également pouvoir réaliser des films d’action comme Apocalypse Now et assumer de diriger des films d’horreur. Profondément meurtrie, Barbara Peeters quitta le monde du cinéma pour se tourner un temps vers la réalisation d’épisodes télévisés avant de disparaître totalement de la profession.
Barbara Peeters qui se voyait un destin de cinéaste, à la fois protégée et victime du système Corman et en dessous, une affiche de son film éloignée du style qu'elle voulait lui conférer.
Recyclages
Roger Corman entreprit aussi de distribuer les films du monde entier. Dès les années 1960, il racheta des films russes qu’il américanisait souvent. En 1960, après avoir distribué Le géant de la steppe (The Sword and the Dragon, Ilya Muronets en version originale d’après le nom du héros éponyme qui vainc les conquérants mongols et leur dragon tricéphale) d’Aleksander Putshko, il sortit un deuxième film du cinéaste, Le tour du monde de Sadko (Sadko) qu’il distribua en 1962 sous le titre de The Magic Voyage of Sinbad, estimant le héros oriental plus évocateur pour le public américain. Il demanda ainsi à son jeune assistant Francis Ford Coppola de changer les noms des personnages et des lieux en rapport, de retrancher les passages chantés et d’ajouter une touche d’humour. Le héros se lance à la recherche de l’oiseau du bonheur censé apporter le bien-être à son peuple, mais celui-là n’est capable par son chant que de plonger les sujets dans un sommeil faisant provisoirement oublier les soucis et, après avoir dénoncé la propension à la barbarie de certains humains, le film débouche sur une morale proche de celle du conte Candide de Voltaire incitant à « cultiver son jardin », en enjoignant à trouver consolation auprès des proches dans l’ environnement immédiat.
Les drakkars de Sadko trahissent l'origine septentrionale du récit que Roger Corman a présenté comme inspiré des Contes des 1001 nuits dans la perspective de toucher davantage l'imaginaire grand public des spectateurs américains.
Sadko et son poisson miraculeux.
Toujours en 1962, Corman proposa aussi aux spectateurs américains Battle Beyond the Sun, film russe de 1959 aux décors très réussis, mais au rythme lent, narrant la course entre les deux grandes puissances pour arriver en premier sur Mars. Roger Corman supprima de l’œuvre toutes les connotations anti-américaines et demanda à Francis Ford Coppola d’y ajouter une scène surréaliste prenant place lorsque des astronautes s’échouent sur un astéroïde. Celui-là y inclut un combat entre deux créatures extraterrestres titanesques d’allure fort pittoresque, à laquelle le jeune réalisateur s’efforça de conférer une connotation sexuelle. Le résultat plût tant à Roger Corman qu’il fit réaliser l’affiche du film en mettant en premier plan les monstres, celle-là convoquant ainsi l’imagerie spectaculaire et colorée des magazines de science-fiction populaires surnommés pulps.
L'affiche de la version retouchée de Battle beyond the Sun, et une des deux créatures extraterrestres mises en scène par Francis Ford Coppola.
Roger Corman acquit aussi La planète des tempêtes (Planeta Bur) tournée en 1962 par le cinéaste et créateur d’effets spéciaux russe Pavel Klushantsev, contant l’exploration d’une planète Vénus peuplée de dinosaures et de plantes carnivores, à l’issue de laquelle un robot trouve une fin pathétique dans une coulée de lave, les scientifiques postulant dans la conclusion que cette planète a suivi une évolution similaire à celle de la Terre et laissant augurer une présence possible d’êtres humains. Corman fit tourner de nouvelles scènes prenant place dans la station spatiale en engageant les acteurs américains Basil Rathbone et Faith Domergue (Les Survivants de l’infini / This Island Earth) et diffusa le résultat en 1965 sous le titre Voyage sur la planète préhistorique (Voyage to the Prehistoric Planet). Il n’hésita pas à sortir une nouvelle mouture du film en 1968 sous le titre Voyage to the Planet of Prehistoric Women dans lequel il avait fait inclure des séquences mettant en scène des femmes amazones adorant un ptérodactyle, parmi lesquelles une vedette de l’époque Mamie Van Doren, laquelle avait déjà tourné dans un film qu’il avait coproduit, Navy versus Night Monsters montrant l’invasion d’une station scientifique d’Amérique du sud par des plantes carnivores dégagées de la glace en Antarctique, d’après un roman de Murray Leinster.
Les végétaux anthropophages de The Navy versus Night Monsters avec Mamie Van Doren.
Scène d'exploration de La Planète des tempêtes, avec son monde peuplé de plantes carnivores et de reptiles de l'ère mésozoïque, distribué par Roger Corman sous le titre Voyage to the Prehistoric Planet, puis ressortie en tant que Voyage to the Planet of Prehistoric Women avec Mamie Van Doren (au premier plan sur la photo du bas).
La société New World Pictures fit aussi l’acquisition du film italien Le continent des hommes-poissons (L'isola degli uomini pesce) qu’il distribua d’abord sous le titre de Something waits in Dark, puis de Screamers avant de finalement retrouver une traduction de l'intitulé original, Island of the Fishmen, en en renforçant le potentiel horrifique au travers de plans sanglants ainsi que de trucages par le maquilleur Chris Walas et d’un nouveau costume de monstre utilisé en gros plan. Il retrancha de la version d’origine une vingtaine de minutes montrant les rites vaudous effectués par une prêtresse, fit tourner un prologue dans lequel deux chasseurs de trésor joués par les acteurs américains Mel Ferrer et Cameron Mitchell trouvent une mort sanglante et substitua à l’être hybride mi-homme mi-poisson à un stade encore inachevé reposant dans une cuve du laboratoire une création de Chris Walas à l’apparence gluante. Il fit aussi réaliser une affiche y faisant allusion en présentant un écorché avec la légende « dans ce film, vous verrez un homme sans dessus-dessous » pour conférer à cette aventure exotique inspirée de L’Île du Docteur Moreau une aura de film d’horreur effrayant. Jim Wynorski, qui souhaitait relancer la carrière du film après un premier échec, remonta plusieurs fois la bande-annonce et y ajouta une actrice s’enfuyant, une autre à la poitrine dénudée et un monstre supplémentaire incarné par le maquilleur Rob Bottin.
L'actrice Barbara Bach au côté des créatures transgéniques du Continent des hommes-poissons (L'isola degli uomini pesce), importé par la société de Corman sous les titres Something waits in the Dark, Screamers et Island of the Fishmen.
L'affiche du Continent des hommes-poissons sous le titre de Screamers, avec son écorché en vedette.
Toujours désireux d’exploiter un fillon profitable, Roger Corman produisit par ailleurs les remakes de ses propres films et productions, Le masque de le mort rouge, Piranhas, The Wasp Woman avec un Daniel J. Traventi marquant dans le rôle du Professeur Zinthrop, Les monstres de la mer sous forme d'un téléfilm, La course à la mort et deux moutures de Not of this Earth, le premier sous le titre du Vampire de l’espace ; l'intrigue de Dead Space est aussi fortement calquée sur Mutant (Forbidden World).
Jennifer Rubin reprend le rôle-titre de La femme-guêpe (The Wasp Woman) tandis que Daniel J. Travanti compose un Dr Zinthrop aux allure de Vincent Price.
Costume de Greg Aronowitz représentant la transformation complète de la Femme-guêpe du remake de The Wasp Woman, avec des effets spéciaux plus ambitieux que ceux de l'original.
Un distributeur éclectique
En dépit de son souci constant de rentabilité assumé, Roger Corman n’hésitant pas à se déclarer « 40% auteur, 60% homme d'affaires », le personnage était est un authentique cinéphile qui n’hésita pas à diffuser sur le sol américain des films d’auteurs pour public élitiste comme Le Septième Sceau (The Seventh Seal) du Suédois Ingmar Bergman, film sombre et allégorique avec la Mort incarnée disputant une partie d’échecs avec un chevalier du Moyen-âge, La vie d’Adèle H de François Truffaut, Fitzcarraldo de Roman Herzog, Le Tambour (Tin Drum) de Volker Schlöndorf, Amarcord de Frederico Fellini ou encore Derzu Usala du réalisateur japonais renommé Akiro Kurosawa. Il distribua aussi le dessin animé français La planète sauvage de René Laloux, basé sur le roman de Stefan Wul Oms en série, contant la rébellion d’humains contre de gigantesques extraterrestres humanoïdes qui leur refusent le statut d’être intelligents, ainsi que le second long métrage de David Cronenberg, Rage (Rabid) qui dépeint une épidémie vampirique.
Deux animaux extraterrestres bizarres basés sur des dessins de Roland Topor pour le dessin animé La Planète sauvage réalisé par René Laloux.
Certaines de ces œuvres suscitèrent la controverse, tel le film suivant du cinéaste canadien, Chromosome 3 (The Brood), lequel pousse au paroxysme le thème des manifestations psychosomatiques. Le film fut jugé si choquant que la scène dans laquelle Nola Carveth (Samantha Eggar) lèche pour le nettoyer à la manière d’une femelle animale le rejeton issu de son corps par un phénomène anormal de procréation fut retranchée des versions anglaise et américaine. La coupure rendit cependant le film encore plus effroyable, car le passage sans explication au plan suivant montrant la génitrice avec sa bouche ensanglantée laissa à penser qu'elle avait mangé le fœtus, le réalisateur s'offusquant que cet acte d'anthropophagie apparent suggère une horreur excédant largement ce qu'il voulait montrer. Nonobstant cette altération et l'incompréhension qu'elle suscita chez les spectateurs, et en dépit de la quasi-unanimité des critiques indignés par ce qui leur parut un déballage répugnant, le film rencontra un grand succès commercial, s'avérant le second plus rentable de ceux distribués par New World Pictures en 1979. Corman manqua l'occasion de produire le film suivant de Cronenberg, puisqu'il rejeta le script de Telepathy 2000 que le réalisateur tourna finalement sous le titre de Scanners, se contentant donc également de le distribuer.
La scène censurée par les Anglo-saxons de Chromosome 3 (The Brood) dans laquelle Nola Carveth (Samantha Eggar) extrait d'une protubérance un fœtus conçu sans fécondation, et le lèche pour le débarrasser du sang qui le recouvre, dans une version de l'amour maternel qui horrifie son mari venu rechercher sa petite fille.
A plusieurs reprises, Roger Corman a laissé échapper de belles occasions, comme le film suivant de David Cronenberg, Scanners, dont le scénario ne le convainquit pas et qu'il dût finalement se contenter de distribuer.
Un film de Larry Cohen, Meutres sous contrôle (Gold told to me) de 1976, fit également scandale, avec son messie d’origine partiellement extraterrestre incitant à commettre des meurtres. Il fut en effet jugé blasphématoire par le rapprochement qu’il suggérait de la religion avec le fanatisme, alors que le personnage joué par Richard Lynch évoque bien davantage le fondateur d’une secte que la figure de Jésus – le film préfigure le suicide collectif de la secte Guyana ordonnée par le Révérend Jim Jones deux ans plus tard. L’acteur principal Tony Lo Bianco, qui interprète l’enquêteur de la police, a même poursuivi en justice le réalisateur, estimant le film à la fois très mauvais et déshonorant. La polémique ainsi qu’un nombre d’entrées très décevant incita Corman à ressortir le film un an plus tard en le retitrant Demon, ce qui clarifiait le sujet et annonçait la nature maléfique du sinistre personnage, mais le succès commercial ne fut pas davantage au rendez-vous.
Un gourou exalté et psychopathe, Bernard Philipps joué par l'inquiétant Richard Lynch dans Meurtres sous contrôle (God told to me).
Le Lieutenant de police Peter J. Nicholas est effaré d'apprendre que le dément est son demi-frère et qu'ils ont tous deux des origines partiellement extraterrestres ; l'acteur Tony Lo Bianco qui l'incarne vient juste de disparaître ce 11 juin 2024 à l'âge de 87 ans.
Un producteur toujours prêt de ses sous
Roger Corman produisit La course à la mort de l’An 2000 (Death Race 2000) réalisé par Paul Bartel d’après un sujet du scénariste Ib Melchior, une fable politique assez plaisante sur un divertissement cruel censé canaliser les foules, face à une farouche partisane de la République, descendante du révolutionnaire Thomas Payne, incarnée par Harriet Medin, drapée dans une dignité outragée, qui fait irrésistiblement penser à la personnalité française Marie-France Garaud, vibrante partisane du gaullisme qui vient de disparaître – pour l’anecdote, le régime dictatorial est dit avoir été édifié après « une guerre contre les Français ». Roger Corman a engagé dans le rôle principal du pilote Frankenstein aux cicatrices factices David Carradine, car Peter Fonda d’abord contacté refusa de tourner durant ses vacances d’été. Carradine est l’un des deux seuls acteurs auxquels Corman a dû concéder un pourcentage sur les recettes, ce qui contraria beaucoup le producteur bien que l'acteur tenta en vain de le réconforter en lui faisant valoir que s’il touchait 30 000 dollars sur la base de ses 10%, cela signifierait que lui-même en recevrait 300 000. Lorsque Sylvester Stallone qui incarne Joe Viterbo, un rival de Frankenstein, arborant d’ailleurs déjà le chapeau qu’il porte dans Rocky, devint célèbre, Roger Corman s’empressa naturellement de ressortir le film pour exploiter la notoriété nouvelle de l'acteur. David Carradine fut aussi embauché sur le film d’heroic-fantasy The Sorceress à la place de Chuck Norris initialement pressenti.
La course à la mort de l'an 2000 (Death Race 2000) avec en vedette David Carradine dans le rôle du pilote Frankenstein aux fausses cicatrices, Sylvester Stallone dans celui d'un de ses principaux concurrents, Joe Viterbo, un présentateur extatique qui évoque les histrions joués par l'acteur français Christian Clavier et l'opposante qui émet des émissions depuis une station clandestine, Thomasina Payne jouée par Harriet Medin.
Le producteur était toujours résolu à profiter des modes pour sortir des succédanés plus modestes des grands succès en escomptant en recueillir une petite part. Il mit en chantier Piranhas, une coproduction destinée à profiter de la future sortie des Dents de la mer 2 (Jaws 2), ce que perçut le Studio Universal qui envisagea une action en justice à l’encontre de ce qui fut estimé comme du parasitisme, avant que Steven Spielberg ne signifie son opposition en assurant que ce projet ne nuirait pas à la suite. Roger Corman s’autorisa à retrancher 20 000 dollars du budget du film, qui passa ainsi de 970 000 à 770 000 dollars. Faute de moyens, l’équipe du film dut renoncer à utiliser l'animation image par image, et simula à défaut le mouvement des poissons fixés au bout d'une tige en déplaçant la caméra devant les modèles.
Piranhas : poster, l'attaque d'un des poissons carnivores, Kevin McCarthy dans le rôle du repentant généticien le Docteur Hoak et une créature hybride errant dans le laboratoire, seule utilisation de la technique d'animation image par image.
Piranhas ayant représenté la plus rentable des productions New World, Roger Corman lança un autre film reposant sur un poisson anthropophage, Up from the Depths. Mécontent du scénario, il ordonna qu’on congédie son auteur, mais il n’en fut pas tenu compte et c’est donc la même plume inexpérimentée qui se chargea de réviser son script. Le tournage aux Philippines fut un fiasco, les costumes de plongée étant trop légers pour permettre aux interprètes d’atteindre le fond et la créature, bien que réalisée par de futures gloires des effets spéciaux, le maquilleur Chris Walas et son le spécialiste des effets mécaniques Robert Short, s’avéra incapable d’effectuer le moindre mouvement. Roger Corman réduisit la longueur du film de moitié. L’œuvre évita l’échec commercial, bien que les critiques la jugèrent unanimement ennuyeuse, dépourvue de relief comme d’action.
Corman persista dans cette lignée avec un Piranhas 2, les tueurs volants (Piranhas 2 : the Spawning) réalisé en Italie en 1981 par James Cameron dont c’était la première mise en scène. Les redoutables poissons amazoniens avaient été cette fois pourvus par les généticiens de nageoires en forme d’ailes propres aux poissons volants, lesquels s’en prennent lors d’une soirée de dégustation de poissons à des plaisanciers dépeints avec quelque ironie. Les effets spéciaux de Giannetto de Rossi sont convaincants, bien qu’on n’y voit plus souvent des effets sanglants que les fulgurants poissons eux-mêmes, et l’affiche est d’une grande qualité plastique. Il est dit que Cameron, mécontent du montage effectué par le producteur exécutif Ovidio G. Assonitis qui l’avait évincé, serait retourné en Italie où il aurait retouché en catimini le découpage du film afin qu’il corresponde à sa vision. Il produisit aussi un pastiche des Gremlins de son ancien protégé Joe Dante avec Munchies.
L'affiche de Piranhas 2 : les tueurs volants (Piranhas 2 : The Spawing).
Un des petits monstres de The Munchies.
De la même manière, Corman produisit The Bees portant sur de véritables attaques d'abeilles sauvages africaines importées par des apiculteurs pour profiter de la grande production L’inévitable catastrophe (The Swarm) d'Irwin Allen, mais les deux films furent de cuisants échecs commerciaux, Corman perdant 13 millions de dollars. L'auteur de l'histoire, Jack Hill, devait diriger le film au Mexique, mais il fut évincé par le producteur local Alfredo Zacharias.
Corman eut davantage de chance avec Star Crash. Un producteur italien avait répondu à Luigi Cozzi qui proposait un sujet sur une croisière accidentée dans les anneaux de Saturne qu'il devrait plutôt faire un succédané de La Guerre des étoiles (Star Wars). Le film ne devant pas être distribué en Italie avant environ six mois, Cozzi parvint néanmoins à se procurer la novélisation et proposa un scénario approchant. Néanmoins, au vu du résultat final, le producteur décida de ne pas distribuer le film. Roger Corman en fit l'acquisition et Star Crash mettant en vedette Caroline Munro obtint un certain succès commercial.
Le producteur a par contre laissé échappé un des plus grands succès de l’époque. Après deux premiers refus de la Twenty Century Fox, le scénariste Dan O’Bannon avait avec son associé Ronald Shusett proposé à Roger Corman le scénario de Star Beast que le premier voulait lui-même adapter à l’écran, et le producteur avait donné son accord, mais le contrat qu’il leur proposait exigeait que ceux-là financent une partie du budget fixé à 700 000 dollars, aussi le projet ne se fit pas. Grâce à la société Brandywine qui parvint enfin à convaincre la Twenty Century Fox, l’histoire finit par voir le jour sous le titre d’Alien, avec un budget qui passa progressivement d’un million à 10 millions de dollars. À défaut, Corman produisit ultérieurement La galaxie de la terreur (Galaxy of Terror), en espérant attirer dans les salles une fraction du public de Ridley Scott au travers de ce film d’épouvante spatiale qui n’est pas sans charme, de même qu’avec Mutant (Forbidden World) dans lequel une station spatiale est terrorisée par la créature à laquelle ont donné naissance par manipulations génétiques une équipe de chercheurs. Le producteur a d’ailleurs donné son aval au script d’Allan Holzmann qui souhaitait passer à la réalisation parce qu’il permettait de réutiliser un décor du film La galaxie de la terreur qui était encore en place, dans lequel l’aspirant metteur en scène tourna le prologue en recyclant également quelques plans d’explosion d’autres productions ; au vu du résultat qui enthousiasma Corman, le novice obtint son accord pour mettre en scène Mutant. Le décor modique de la station spatiale dans laquelle se déroule l’histoire reposait sur des emballages en polystyrène et des boîtes d’œufs, assemblés et repeints.
Dan O'Bannon, heureux que son scénario Star Beast proposé à Roger Corman soit finalement produit aux studios Shepperton par la Twenty Century Fox sous le titre d'Alien (en haut) ; en dessous, son croquis pour la pyramide extraterrestre comme celle qui apparaît dans le film La galaxie de la terreur (Galaxy of Terror) au côté du créateur d'effets spéciaux Robert Skotak (en bas).
Une partie non réalisée d'Alien reprise par Roger Corman à défaut d'avoir validé le projet d''O' Bannon ; dessin du storyboard d'Alien révisé par le crayon du réalisateur Ridley Scott, en haut, et en dessous, l'escalade de la pyramide dans La galaxie de la terreur (Galaxy of Terror) sous la conduite du Commandant Ilvar (Bernard Behrens).
Le décor du vaisseau de La Galaxie de la terreur (en haut, avec Ray Walston à gauche) est recyclé pour le prologue de Mutant (Forbidden World) en dessous, avec le pilote Mike Colby (Jesse Vint) appelé à intervenir sur la base scientifique de la Planète Xarbia où des généticiens ont hybridé un embryon humain avec un germe extraterrestre, en gestation dans un cocon après avoir fait sa première victime (photo du bas).
L'androïde SAM-104 au côté du monstre ayant atteint sa pleine taille et gros plan sur sa tête au-dessous, dont les bosses rappellent celle des premiers stades de développement de la tête chez les embryons de vertébrés.
Le Docteur Barbara Glaser (June Chadwick, vue dans la seconde saison de la série V) victime de la pointe caudale de la créature avec laquelle elle espérait pouvoir coexister, un emprunt manifeste à la scène d'Alien dans laquelle l'astronavigatrice Lambert (Veronica Cartwright) est visiblement empalé par l'appendice similaire du monstre extraterrestre - avec une connotation sexuelle puisque que son corps est retrouvé dénudé, même si le plan de l'extrémité du monstre extraterrestre devait à ce qu'il paraît initialement accompagné la mort de Brett (Harry Dean Stanton). Parmi tous les jeunes passionnés de cinéma gravitant autour de Roger Corman, Don Opper avait demandé à le rencontrer pour lui consacrer un sujet universitaire. Se liant avec Aaron Lipstadt originaire comme lui de Chicago, ils convinrent de réaliser un film ensemble et découvrirent en ces circonstances le scénario d’Android, portant sur des créateurs de robots d’aspect humain ignorant qu’ils en sont eux-mêmes – une idée qui fut aussi envisagée dans une ancienne version du scénario de Blade Runner, leur concepteur Tyrell devait se trouver dans un caisson cryogénisé tandis que la bio-ingénierie l’avait remplacé par un double parfait (voir dessin dans l’hommage à Joe Turkel qui l’interprète). Les deux passionnés en firent part à Corman en lui proposant de financer eux-mêmes la moitié du budget et celui-ci accepta en voyant l’intérêt de tourner dans les décors de Mutant qui étaient encore en place, et leur demandant d’en tirer le meilleur parti en les filmant avec recul et certains angles appropriés pour donner l’impression de davantage d’espace. Le producteur obtint aussi la participation de Klaus Kinski, aspirant sans doute à un rôle plus calme après avoir joué dans Fitzcarraldo d’Herzog – un film également distribué par la société de Roger Corman. Ce dernier avait une idée très arrêtée pour sa promotion, et le diffusa en tant que film d’aventures spatiales. La sortie fut un échec et Don Opper comprit qu’au vu de la part réduite d’action qu’il comportait, les spectateurs ne pouvaient qu’être déçus par le décalage d’avec la publicité. Il racheta alors les droits d’Android, la société New World Pictures se contentant de le distribuer, et avec un label plus approprié, le film reçut un accueil bien meilleur par la suite. Comme pour l’intrigue qui allait devenir Alien, le jugement du célèbre homme de cinéma avait occasionnellement été pris en défaut.
La révolte de Max 404 (Don Opper) dans Android contre le créateur comme dans Blade Runner, mais cette fois, l'ingénieur Daniel (Klaus Kinski) s'avère lui-même une création cybernétique.
A l’approche de la vague de films de science-fiction sous-marins de la fin des années 1980, Corman est parvenu à sortir le modeste Lords of the Deep avant Abyss de James Cameron, qui narre aussi une rencontre sous l’océan avec des créatures extraterrestres ressemblant à des raies. Il a été dit que Corman aurait obtenu une copie du script de The Abyss et qu’il aurait alors produit le film en urgence pour profiter des retombées du succès attendu – en réalité, le scénario de Lords of the Deep avait été écrit dès 1982, même s’il paraît évident que l’effet d’aubaine a soudain conduit à le mettre en chantier. Roger Corman a par ailleurs été producteur exécutif sur House de Steve Miner, un excellent film horrifico-humoristique sur un écrivain hanté par ses souvenirs de la guerre du Vietnam et la disparition inexpliquée de son jeune fils, puis sur un autre de ses films, Warlock dans lequel Julian Sands incarne un sorcier diabolique traversant le temps – suite aux difficultés de l’époque de la société de Roger Corman, le film n’a été diffusé qu’en 1991 avec l’intervention de Brian Yuzna.
Rencontre sous-marine avec une raie extraterrestre dans Lords of Deep.
William Cobb (William Katt) confronté à d'incroyables manifestations surnaturelles dans House de Sean Cunningham.
Georges Wendt joue le voisin serviable de Roger Cobb auquel celui-là lui demande de tenir sa canne à pêche pour tenir le fil qui est tendu depuis le placard par une force surnaturelle dans la comédie horrifique House dont Roger Corman fut le producteur exécutif.
Dans les années 1980 et 1990, Roger Corman produisit un certain nombre de productions de science-fiction de série B qui sans être majeures ou même toujours marquantes enrichissent l’offre pour les amateurs du genre, sont correctement filmées et montées et, en dépit de la modicité des budgets, parfois servies pas des acteurs bien connus comme Klaus Kinski dans Android en 1981 et Roddy McDowall dans Alien Intruder (Unknown Origin) en 1995. Les effets spéciaux y sont de grande qualité, un certain nombre ayant été conçus par le maquilleur attitré John Carl Buechler avant qu’il ne passe chez l’émule et concurrent Charles Band. L’artiste assura la responsabilité des dinosaures carnivores de taille moyenne de Carnosaur, le Deinonychus sculpté par Mike Jones et une version miniature du tyrannosaure par Jeff Farley, tandis que Kenneth J. Hall réalisait une version mécanisée grandeur nature de ce dernier tout à fait valable. Le producteur exigeait pour les films de science-fiction qu'il produisait des « monstres toujours plus grands que l’héroïne », contrairement à son émule Charles Band, mais il est vrai que ce dernier s’est en grande partie spécialisé dans les films parodiques.
Roddy McDowall figure à l'affiche d'Alien Intruder (Unknown Origin).
Ce film à petit budget qui dépeint l'attaque d'une station sous-marine par une forme de vie extraterrestre empreinte beaucoup à ses prestigieux modèles, avec son parasite tentaculaire qui passe d'un hôte à l'autre comme dans The Hidden (photo du haut) et l'ambiance de paranoïa qui s'empare de la station sous-marine dans une atmosphère qui rappelle celle de The Thing - il y a même un quasi-sosie du personnage de MacReady interprété par Kurt Russell dans ce dernier, à l'exception d'un crucifix en médaillon.
Kenneth J. Hall devant son modèle de tyrannosaure grandeur nature pour Carnosaur.
Roger Corman au côté de son jeune homologue Charles Band.
Roger Corman fait une apparition dans le film Body Bags de John Carpenter (évoqué dans l'hommage à l'acteur David Warner).
Le producteur qui était fier de sa compagnie New World Pictures et s’était promis de ne pas la vendre céda finalement en 1983 à une proposition à laquelle il ne put résister, lui laissant le poste de consultant pour deux ans et s’engageant à distribuer les films qu’il produirait avec sa nouvelle société New Horizons. L’accord se termina cependant devant la justice, Corman estimant n’avoir pas reçu le pourcentage requis pour ses films, et les trois avocats qui avaient racheté sa compagnie affirmant qu’il avait de nouveau entrepris de distribuer ses films, créant une concurrence et une confusion préjudiciables. Il créa officiellement sa société de distribution Concorde en 1985.
Corman au siège de sa société New Horizons.
Roger Corman revint finalement une ultime fois à la mise en scène avec La résurrection de Frankenstein (Frankenstein Unbound) en 1990, qui orchestre une rencontre entre le Docteur Frankenstein inventé par Mary Shelley et un scientifique du futur mettant au point une nouvelle arme de destruction, interprété par John Hurt. Cette ultime réalisation qui confronte l’homme de science à sa responsabilité ne révolutionne pas l’histoire des adaptations du roman, mais bénéficie de l’interprétation du célèbre acteur britannique. La Créature exige du Docteur qu’il rende la vie à la fiancée du savant qu’il a tuée par vengeance pour qu’il lui crée une compagne, préfigurant sur ce point la version réalisée par Kenneth Branagh quatre ans plus tard, avec laquelle il a aussi en commun le ton de morale désabusée du dénouement. En dépit d’un accueil souvent très favorable des critiques, les résultats ont été si décevants que la Twenty Century Fox qui distribuait le film l’a rapidement retiré des salles de cinéma au profit d’une ressortie en vidéo, et de la même façon, Warner Bros qui devait se charger de son exploitation en Angleterre s’est rapidement désistée au profit d’une petite compagnie.
Corman avec John Hurt sur le tournage de Frankenstein Unbound.
Corman avait envisagé la vogue pour les super-héros avec Joan Severance incarnant le personnage éponyme de Black Scorpion dans une série faisant suite à deux téléfilms, mais celle-ci s’arrêta après 22 épisodes. Il produisit aussi une adaptation des 4 Fantastiques, qui demeura inédite.
Corman sur Black Scorpion.
Dans sa dernière période, le roi de la débrouillardise de la série B finit malheureusement par tomber dans la facilité de l’imagerie virtuelle en produisant une pléthore de petits films de monstres en images de synthèse pour Sy-Fy Channel comme Sharktopus et Dinocroc vs Supergator. Cette fois, le tour de force procédant de l’ingéniosité laissait la place comme chez Lucas et Cameron à un fantastique dématérialisé.
Néanmoins, Roger Corman, parfois surnommé le roi du cinéma fauché, fut fréquemment honoré à partir des années 1990. La vente des droits d’une partie de ses productions entraîna par contre une action en justice de deux fils qui désiraient les exploiter, et le père expliqua qu’il ne s’agissait que d’une partie des œuvres, certaines ayant fait l’objet d’un remake comportant le même titre.
Le livre autobiographique dans lequel Roger Corman se targue de sa réputation de gestionnaire intraitable dans les affaires.
Un bon samaritain intéressé
Au cours de sa carrière, Roger Corman aura combiné à la fois une approche artisanale du métier et une productivité industrielle. Il laisse un héritage varié et demeurera un personnage controversé. Certains le perçoivent comme un opportuniste très attaché à l’argent, payant les gens le moins possible sous le prétexte de leur permettre d’obtenir une première expérience dans le domaine cinématographique, et produisant à la chaîne des films s’appuyant sur les sentiments les plus bas convoquant la violence et la nudité comme ceux reposant sur des infirmières et des étudiantes tels que The Hot Box et Nurse Night Call. L’amateur de science-fiction aurait cependant tort de se priver des variations qu’il a rendues possible au fil de ces décennies.
Force est de constater que nombre de ses anciens collaborateurs sont à la fois reconnaissants pour les opportunités qu’il leur a offertes, leur permettant de débuter dans le métier en dépit souvent de leur absence d’expérience, mais considèrent conjointement qu’ils ont aussi été d’une certaine façon exploités par le producteur et que, tirant profit de ce premier viatique, ils se sont souvent empressés de chercher ailleurs des engagements mieux rémunérés.
Il n’empêche que pour beaucoup de ceux qui auraient rêvé de faire eux-mêmes du cinéma, à un poste ou un autre, Roger Corman demeure celui qui a donné leur chance à des jeunes de pouvoir concrétiser leur passion, et nombre de ceux qui travaillèrent pour lui à différents titres, de la conception artistique au montage des bande-annonces, ont pu diriger des films chez Corman ou même devenir ensuite des cinéastes reconnus. On peut notamment citer Francis Ford Coppola déjà évoqué, James Cameron qui a contribué à façonner les vaisseaux spatiaux et décors de La galaxie de la terreur avant d’opter finalement pour une science-fiction déréalisée oublieuse de son souci de réalisme précédent, Joe Dante qui appris le montage par son travail sur les bandes-annonces et a le projet depuis 2020 de lui consacrer un film, The Man with Kaleidoscope Eyes, Marin Scorcese ou encore Jonathan Demme qui lui fit faire une apparition dans Philadelphia et Le silence des agneaux (The Silence of the Lambs). La productrice Gale Ann Hurd (Aliens, Tremors…) a affirmé qu’il est le seul producteur de sa connaissance qui souhaitait sincèrement que ses collaborateurs aient du succès, et même davantage encore que lui. Peut-être encore plus que ses films eux-mêmes, Roger Corman est une figure qui aura marqué le cinéma et dont beaucoup se souviendront avec sympathie.
Roger Corman avec le jeune Ron Howard, acteur de sitcoms auquel il offrit avec Lâchez les bolides (Grand Theft Auto) en 1977 la première possibilité de devenir réalisateur, débutant ainsi une carrière de cinéaste poursuivie avec Splash, Cocoon, Willow ou encore Apollo 13).