Jacques PICCARD, océanographe, est décédé le 1er novembre 2008 à l'âge de 86 ans. Fils du célèbre Auguste PICCARD qui avait mis au point le ballon stratosphérique et le bathyscaphe - et qui avait servi de modèle à HERGE pour son personnage du professeur Tournesol - Jacques PICCARD avait effectué une plongée dans la fosse des Mariannes à près de 11 000 mètres de fond. Emerveillé par la variété d'une vie insoupçonnée à de telles profondeurs, il obtint que les déchets nucléaires ne soient pas entreposés dans les fosses abyssales.
Jacques PICCARD au hublot d'un bathyscaphe
On évoque souvent à juste titre les risques pour la diversité des espèces en Amazonie, d'autant qu'en dépit de l'image très valorisante qu'en conserve l'intelligentsia, le président du Brésil est non seulement revenu sur ses promesses d'un meilleur respect de l'environnement, mais a au contraire donné son plein aval pour les cultures transgéniques et autorisé la déforestation avec une ampleur jamais vue. Il est vrai que que la densité d'espèces y est assez époustouflante, tant la flore luxuriante abrite des formes spécifiques, notamment parmi les Insectes, et que la lutte emblématique pour la préservation de l'environnement est particulièrement âpre dans les forêts tropicales (à l'inverse du roman de Michael CRICHTON, ETAT D'URGENCE, les victimes de la violence se comptent plutôt dans le camp des écologistes ; si on a retenu pour l'Amazonie les noms de Chico MENDES et Peter BLAKE, si l'Afrique reste empreinte du combat de Dian FOSSEY, dont la vie, à l'instar du premier, a été transcrite à l'écran, près d'une douzaine de personnes, notamment des Européens, ont perdu la vie dans un grand anonymat depuis le début des années 1990 en Asie du sud-est pour s'être opposées aux grandes compagnies).*
Cependant, toutes ces espèces, quasiment innombrables, ne sont que la déclinaison de quelques grands types végétaux et animaux. La variété est encore bien plus grande dans les océans, berceau de l'évolution animale. Certaines créatures fort discrètes et très rares représentent pratiquement à elles seules une branche entière de l'histoire de la vie sur notre planète.
C'est ainsi le cas des Ptérobranches, mystérieux petits animaux pédonculés pourvus de deux longs bras plumeux, qui vivent dans les grandes profondeurs au sein de petites colonies. Ces animaux ont parfois été rapprochés des Bryozoaires ou animaux-mousse, petites créatures coloniales qui recouvrent les algues ou les fonds rocheux, et dont les individus pourraient être assimilés aux polypes des Coraux si ceux-ci ne présentaient pas une organisation interne beaucoup plus complexe qui les fit rapprocher des Mollusques au XIXème siècle en même temps que les Brachiopodes, pseudo-Mollusques pourvus d'une coquille bivalve (et que les Ascidies, alors faussement interprétés comme des Mollusques bivalves sans coquille notamment en raison de leurs deux siphons).
Cephalodiscus représenté par les premiers naturalistes qui l'ont décrit ( sur la figure du bas, plusieurs jeunes individus ont commencé à se développer ).
Il n'existe qu'une trentaine d'espèces connues de Ptérobranches. Rhabdopleura vit dans un tube, tandis que Cephalodiscus se fixe à l'extérieur de la structure chitineuse élaborée par l'individu. Encore moins connu, le troisième genre, Atubaria, vit sans tube, fixé sur d'autres animaux marins, les Hydroïdes.
photo de deux Cephalodiscus vivants (photo d'E.Balser).
Les Ptérobranches sont classiquement rapprochés des Entéropneustes, organismes vermiformes fouisseurs surnommés "Vers à gland" en raison de la forme de leur trompe, comme celle de leur représentant le plus connu, le Balanoglosse - mais celle-ci peut-être beaucoup plus allongée comme chez le genre Saccoglossus. Les Entéropneustes ont une place tout à fait singulière dans l'évolution : leur larve ressemble beaucoup à celle des Holothuries ou Concombres de mer, parents allongés des Oursins, dont les Méditerranéens consomment une espèce sous le nom de « trépang », mais l'adulte possède de petites fentes branchiales très comparables à celles qui apparaissent provisoirement sur l' embryon humain, plan archétypal témoin des lointaines origines marines des Vertébrés auxquels nous appartenons.
Entéropneuste, vue générale et gros plan sur ses fentes branchiales (photo de l'Université de Washington). Au dessous, un embryon humain avec ses fentes branchiales analogues.
L'intérêt pratique que représentent ces obscures et méconnues créatures pour notre espèce paraît à priori peu évident. Cependant, de nouvelles substances, désignées collectivement sous le nom de « céphalostatine » d'après le nom du Cephalodiscus, s'avèrent constituer un traitement efficace contre les cellules cancéreuses humaines.
D'autres produits issus d'animaux marins plus proches encore de la lignée des Vertébrés peuvent s'avérer appropriés pour la recherche médicale. Les Tuniciers sont généralement des animaux fixés comme les Ascidies – les Méditerranéens consomment une espèce désignée sous le nom de « violet » - filtrant l'eau de mer au travers de deux siphons, et dont la larve nageuse, évoquant un têtard par sa morphologie, possède une notochorde interne, sorte d'ébauche de colonne vertébrale, comme l'a découvert à la fin du XIXème siècle le zoologiste Alexander KOWALESKY (un Tunicier appartenant à un groupe très différent, le Pyrosome, a été évoqué récemment dans l'article du 18 septembre 2008 intitulé « Le tentacule d'ABYSS existe réellement »).
Larves d'Ascidies. L'exemplaire du dessous, vu au microscope, laisse voir par transparence l'équivalent de la colonne vertébrale présent dans la queue.
Il y'a une quarantaine d'années, un autre anticancéreux, la trabectédine, issue de l'Ascidie coloniale Ecteinascidia turbinata, a été isolé. Cette substance chimique agit contre les cellules malignes de différentes formes de cancer et semble également prometteuse pour traiter les tumeurs résistant à la chimiothérapie.
Plus récemment, trois espèces d'Ascidies, Ascidia sydneiensis, Microcosmus goanus et Phallusia nigra, ont fourni des composés qui ralentissent le développement du Plasmodium, le Protozoaire agent du paludisme, chez l'hôte vertébré.
Les Oursins et Etoiles de mer paraissent à priori très éloignés des humains, au point que les naturalistes du début du XIX ème siècle les avaient rapprochés des Anémones de mer au sein des animaux-plantes ou Zoophytes, les formes les moins élaborées du règne animal. Cependant, ces créatures à la paroi externe rigide souvent pourvue de piquants (d'où le nom de leur embranchement, les Echinodermes, "à peau épineuse") appartiennent à une branche voisine de la nôtre, puisqu'elles ont en commun avec les humains que l'orifice apparaissant en premier au cours du développement de l'embryon n'est pas la bouche originelle, comme chez les Insectes et les Mollusques (ce qui vaut à l'ensemble d'être désigné sous le nom de Protostomiens - « première bouche »), mais l'anus, processus d'inversion qui demeure mystérieux au plan de l'évolution. Par ailleurs, au sein de ces « Deutérostomiens », les Concombres de mer ou Holothuries présentent, comme on l'a déjà évoqué plus haut, une larve assez similaire à celle des « vers à gland » ou Entéropneustes. Cette lointaine proximité peut expliquer que, là encore, certaines espèces manifestent des affinités physiologiques ou biochimiques avec les Vertébrés. L'espèce Holothuria glaberrima présente un mécanisme comparable à celui des Humains pour réparer les cellules lésées lors de blessures et qui est susceptible de fournir une solution pour accroître l'efficacité du processus de régénération. Le genre Holothuria pourrait aussi fournir un nouvel analgésique actif au niveau du thalamus.
Une Holothurie ou "concombre de mer"; suite à une consommation effrénée, les Holothuries auraient disparu de nombre de littoraux en Afrique et en Asie.
Par ailleurs, les spécificités propres à ces différents animaux peuvent augurer d'autres débouchés intéressants en matière de santé. En constituant un mélange utilisant notamment des fibres issues d'un autre Tunicier, des chercheurs d'une université de Cleveland sont parvenus à obtenir une substance dont il est possible de modifier la rigidité et qui pourraient être utilisée pour des implants dans le cas par exemple de micro-électrodes destinées au traitement de la maladie d'Alzheimer. Les Holothuries fournissent une matière comparable, des molécules permettant de durcir presque instantanément le corps de l'animal. Enfin, l' espèce Cucumaria echinata fournit une substance expérimentée dans le cadre de la lutte contre la malaria, celle-là produisant un effet délétère sur le parasite.
La diversité du monde vivant est telle qu'on peut également trouver chez des animaux sans aucune parenté avec l'homme, comme certains Mollusques ( un Gastéropode tropical célèbre, le Cône, est d'ailleurs pourvu d'un poison mortel, qui devrait conduire les touristes prudents à s'en tenir à distance respectable ) des substances prometteuses en matière de recherche d'un traitement contre le cancer.
Ces différents travaux démontrent tout l'intérêt de protéger les espèces les plus diverses, même s'il serait un peu triste que nous n'envisagions ces animaux qu'au travers de l'utilité que peuvent présenter certaines des molécules qui les composent.
* On vient d'apprendre à ce propos que le rédacteur en chef d'un journal russe, Mikhaïl BEKETOV, avait été amputé d'une jambe suite a une agression commise dans la nuit du 13 au 14 novembre 2008 ; cet acte d'une grande brutalité et les nombreuses menaces dont il continue d' être l'objet pourraient être en rapport avec sa mobilisation contre la déforestation liée au projet de construction d'une autoroute - mise à jour : il finira finalement par décéder en 2013 des suites de l'agression.
3 commentaires:
Absolument fascinant, il y a tout un monde à découvrir sous l'eau.
passionnant comme à chaque fois, notre planète cache bien des trésors, merci de nous les faire découvrir
amitié laurence
Merci pour ces sympathiques messages, qui justifient l'existence de ce site.
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