lundi 25 septembre 2023

TRONCHE MEMORABLE

 

            Philippe Curval nous a quittés à l’âge de 93 ans le 5 août 2023. Homme affable, accessible, il était probablement l’un des deux écrivains français contemporains les plus renommés dans le domaine de la science-fiction avec Gilles d’Argyre connu sous le pseudonyme de Gérard Klein. Né Philippe Tronche le 27 décembre 1929 à Paris, son père l’intéresse très jeune à la science-fiction. Son goût pour le domaine le conduit à y participer en tant qu’auteur de nouvelles et de romans, créateur de publications ou encore pourvoyeur de critiques pour les revues spécialisées et « Le Monde ». Son éclectisme l’avait aussi amené à exercer les fonctions de visiteur médical itinérant, de journaliste, de contributeur à des journaux scientifiques, de photographe et auteur de collages et de photomontages utilisés aussi bien pour des couvertures de numéros de la revue « Fiction» que de publications et d’exposition sur de grandes toiles. A la manière d’Alexandre Jardin, il avait entrepris d’écrire en quatre volumes une histoire fantasmée de sa famille sous son vrai nom de Tronche, dont il avait achevé le deuxième malgré sa perte de mobilité suite à une mauvaise chute.

Illustration originale de Philippe Curval pour son roman Lothar Blues qui traite comme Les Humanoïdes de Jack Williamson et La Tour de verre de Robert Silverberg de la place des êtres artificiels conçus à l'image de l'homme dans la société de l'avenir. 

       Si son intérêt pour la science-fiction n’était pas exclusif, l’écrivain y revint périodiquement, intéressé aussi bien par le surréalisme que par l’interdisciplinarité des connaissances. Plusieurs de ses romans ont pour cadre le Marcom, construction européenne (marché commun en condensé). L’auteur déplorait d’ailleurs que la construction européenne s’éloigne de la démocratie en confiant le pouvoir décisionnaire davantage à la commission, oligarchie désignée par les gouvernements, qu’au parlement européen, émanation de la population au suffrage direct. Lors d’une conférence à Amiens, il rappelait que dans son roman de 1976 Cette chère humanité s’étant vu décerner le Prix Apollo l’année suivante, il avait notamment prédit, comme son confrère britannique Brian Adliss dans L’instant de l’éclipse, l'importance que revêtirait pour le continent européen le sujet d’une immigration croissante - l'actualité confirme sa projection avec l’arrivée sur l’île de Lampedusa à la mi-septembre 2023 de centaines d’embarcations ayant amené 11000 migrants issus d'Afrique subsaharienne. Les deux auteurs de science-fiction imaginent qu’en dépit des moyens technologiques, l’Occident finira par céder à la pression démographique des autres régions du monde (les "payvoides" pour pays en voie de développement chez Curval). L'auteur y évoque aussi les moyens artificiels de s’évader de la réalité par le biais du virtuel, donnant notamment son titre à son roman La forteresse de coton, phénomène qui s’est depuis développé au Japon au point qu’un couple y a été condamné pour avoir causé la mort de son nourrisson en le délaissant plusieurs jours de suite pour nourrir un animal virtuel, le Tamagotchi, et que le terme d’"otaku" y a été forgé pour désigner des individus totalement coupés de la réalité vivant dans un monde régressif fictif auxquels le réalisateur Jean-Jacques Beneix avait consacré un documentaire entier. Le dormeur s’éveillera-t-il évoque notamment de son côté la problématique des énergies renouvelables au travers de la contestation de la multiplication de panneaux solaires géants, illustrant ainsi qu’aucun mode de production d’énergie, fut-ce l’utilisation de la source gratuite et illimitée que représente le Soleil, n’est totalement sans incidence environnementale – en ce cas, on sait déjà que sans atteindre l’ampleur de la contestation de leur utilisation dans le roman, ceux-ci nécessitent l’extraction de minéraux rares entraînant d’irréversibles dommages sur les sites d’extraction, d’autant plus que le recyclage du matériel usagé n’est pour l’instant pas garanti.

            Très intéressé par l’avenir de la société, Philippe Curval le connecte aussi au thème des créatures extraterrestres qui nous intéresse tout particulièrement ici dans sa conférence "Politique de l’extraterrestre" tenue à Nancy les 14 et 15 mai 2001, contestant que le sujet appartienne à un genre de science-fiction ayant fait son temps (le lecteur de la trilogie ici consacrée au film The Thing se rappellera peut-être de quelle manière fort peu enthousiaste pour dire le moins Richard Matheson avait accueilli la proposition du Studio Universal d’écrire le scénario de l’adaptation sur grand écran de La Bête d’un autre monde (Who goes there ?) que réalisera John Carpenter). Il y rappelle la multiplicité des approches que permet ce thème, du spectre des conflits et de l’anticipation de la 1ère guerre mondiale chez H.G Wells au travers de La guerre des mondes (War of the Worlds) en 1898 à la peinture d’une irréductible altérité avec différentes espèces dépeintes dans L’Odyssée martienne (A Martian Odyssey) de Stanley Weinbaum, les Xiphéhuz éponymes de J H Rosny aîné ainsi que ses Zoomorphes des Navigateurs de l'infini, la menace des Seigneurs des sphères (Lords of the Psychon) de Daniel F. Galouye et l’Océan impénétrable de Solaris de Stanislas Lem, de la mise en valeur de l’individualisme américain menacé par le contrôle mental collectiviste par les envahisseurs des Marionnettes humaines (The Puppet Masters) de Robert Heinlein, selon un clivage qu’on retrouve d’ailleurs dans le film L’invasion des profanateurs de sépultures (Invasion of the Body Snatchers) de Don Siegel de 1956 tiré d’un autre classique par Jack Finney, Graines d’épouvante, ou encore de la possibilité d’un échange entres espèces différentes comme l’amitié interplanétaire esquissée dans la nouvelle Le vieux fidèle (The Old Faithful) de Raymond Z. Gallun. Dans le cycle Hyperion de Dan Simmons, Philippe Curval y décèle une peinture du monde moderne, avec l’effondrement des repères traditionnels, l’hégémonie croissante de la technostructure, l’emprise potentielle de l’intelligence artificielle et la montée d'un islam hégémonique, même si ce dernier élément est probablement convoqué de manière plus évidente dans le roman Dune qu’il ne cite que pour mémoire.


Deux exemples opposés d'extraterrestres dans la science-fiction que cite Philippe Curval : en haut, l'explorateur Dick Jarvis regarde une forme de vie inquiétante sur Mars en compagnie d'un indigène avec lequel il a sympathisé et surnommé Tweel dans L'Odyssée martienne (The Martian Odyssey) de Stanley Weinbaum en 1934, ici figurés par l'illustrateur René Petillo ; en dessous, découverte sur le dos d'une femme d'un parasite extraterrestre venu de Titan contrôlant sa volonté, symbolisant la menace communiste au temps de la Guerre froide cherchant à s'infiltrer en Amérique du Nord dans Marionnettes humaines (The Puppet Masters) de Robert Heinlein en 1951 - l'année précédente, les époux Rosenberg avaient été arrêtés pour suspicion d'espionnage des Etats-Unis au profit de l'URSS et divulgation de secrets  d'importance stratégique.

            L’écrivain a lui-même mis quelquefois en scène des créatures d’outre-espace. Dans sa courte nouvelle de 1955, L’oeuf d’Eluo, il évoque l’infection d’un astronaute par une créature immatérielle qui s’extrait de son corps en s’incarnant dans une forme élaborée à partir des souvenirs emmagasinés dans l’esprit de sa victime, lecteur féru de science-fiction « Expansé tel un ballon, étonnamment gros par rapport à la taille de la coquille, le corps de la créature en forme de cône se terminait par une énorme ventouse. Sa peau, d'un rose obscène marbré de vert, se tendait en triangle sur chacun de ses flancs, masquant une aile repliée. Il palpitait doucement, frémissait par endroits et rejetait quelques glaires visqueuses par sa ventouse, en fonction de laquelle il semblait intégralement conçu. » Dans Un soupçon de néant en 1971, une drogue, le lidi, permet de matérialiser les rêves, et même la Mémoire électronique centrale qui encadre le système social solaire est dépassée par la profusion d’alter ego au sein de ce qui constitue dorénavant des univers alternatifs. L’enquêteur du gouvernement galactique Carlos Rodriguez est amené à faire équipe avec un ver des sables intelligent qui se nomme Clifford et ressemble assez à l’illustration réalisée pour Dune de Frank Herbert qui avait été reprise pour l’affiche de la première tentative sérieuse d’adaptation cinématographique par Alejandro Jodorowsky. Dans la conclusion de l’histoire, Rodriguez réalise que dans ce monde mouvant, quelqu’un est parvenu à changer son compagnon Clifford en chien.

Une représentation du monstre de la nouvelle L'Oeuf d'Eluo.

            Dans Les sables de Falun, des extraterrestres humanoïdes amphibies aux doigts palmés et pourvus d'un genre de carapace de tortue, les "hommes-coquillage", dont les colons volent les cristaux de la planète-océan offrant la possibilité de visualiser l'avenir, ourdissent une conspiration pour renverser le pouvoir totalitaire qui gouverne la galaxie grâce au trucage de la procédure des jeux électoraux - dans sa nouvelle de 1959 C'est du billard, l'auteur imaginait déjà qu'une compétition de billard électronique décide de la nomination de l'Empereur de la galaxie, et dans le film The Last Starfighter, c'est par un procédé identique qu'est sélectionné le meilleur pilote de chasse pour contrer des envahisseurs. Dans la suite de l’histoire, le héros Nils Aldenerer assiste une autre espèce humanoïde alliée, les Amériens au corps longiligne doté d’ailes, contre une invasion d’extraterrestres ressemblant à des bacilles géants qui les pétrifient en les vidant de leurs éléments nutritifs dans des scènes qui rappellent les attaques par la vessie volante connue sous le terme de la Mort vidant de leur essence vitale les extraterrestres humanoïdes du roman Star ou Psi de Cassiopée de Charlemagne Ischir Defontenay. Pourvus d'yeux non visibles, ils sont dépeints comme des cylindres gris, haut de deux mètres, larges de cinquante centimètres environ, et pourvus de minuscules dépressions d’où suintent des gouttelettes d’un liquide pâle transformant leur proie en nourriture assimilable. Il n'ont pas de cerveau localisé et se déplacent rapidement  grâce à « une sorte de réduction du moteur à gravité.»


Des Amériens pétrifiés par de redoutables envahisseurs dans le roman Les sables de Falun.

        Dans la nouvelle Regarde fiston s’il n’y a pas un extraterrestre derrière la bouteille de vin, un extraterrestre de Tau Ceti capable de modifier sa masse et se présentant le plus souvent comme une forme aplatie couverte d’une fourrure jaune rase sans autre caractéristique apparente, aspire comme le Martien éponyme de la nouvelle Le vieux fidèle (The Old Ffaithful) de Raymond Z. Gallun et l’extraterrestre humanoïde d’Alaree de Robert Silverberg à s’afranchir de sa communauté trop fusionnelle à son goût. Exilé par les siens lui reprochant de tendre à une osmose avec d’autres espèces que la sienne, il demande à Decroux qui travaille sur la base spatiale de Kourou en Guyane française de le faire embarquer sur la prochaine fusée afin de lui permettre de se rendre à Proxima Centauri. Entre-temps, il s’insère dans le corps de son fils Philippe dont Decroux est très proche jusqu’à frôler l’ambiguïté - concrétisée dans L'homme à rebours - et propose que les trois s’unissent dans une même harmonie, à la manière de ce que laisse entendre son confrère Gérard Klein à la fin de sa nouvelle Le monstre proposant aussi qu’un couple rejoigne l’entité extraterrestre au sein de son organisme bouillonnant. Le père finit par accepter, mais lorsque son fils accède à sa mémoire dévoilant que la mère est morte dans un accident d’automobile très certainement imputable à son alcoolisme, il ne se sent plus digne de participer à cette fusion et en dépit du pardon de son fils, préfère le laisser partir seul avec l'être étranger. Dans l’épilogue, un humanoïde extraterrestre translucide de l’espèce Vegalyre également banni par les siens lui demande à son tour de l’envoyer vers Proxima Centauri, comme si la Terre était devenue un point de passage obligé telle la station spatiale secrète d’Au carrefour des étoiles de Clifford Simak.

        Dans Pas de bic et pas de bonbons, le reporter de L’étoile de la galaxie Volt Dalart est envoyé sur la planète Lageens par le bureau de la colonisation. Il y assiste à diverses manifestations stupéfiantes, un festival de chants imitant ceux des oiseaux, puis les Lageenois, des êtres informes et quelque peu évanescents, se dématérialisent pour se changer en filet mouvant et phosphorescent constituant un vrai spectacle visuel, apparaissent par la suite sous la forme de grandes créature tripodes à trompe arborant sur le dessus de la tête un masque à son effigie et enfin, les filets constituent une réplique finement ciselée de lui-même. Le narrateur réalise qu’après la venue des premiers explorateurs, on a fait appel à ses capacités de s’imprégner de l’atmosphère d’un lieu et de son empathie naturelle pour améliorer la communication non verbale avec les Lageenois, de telle sorte que ceux-là affinent leurs cérémonies ethnologiques en accord avec les attentes potentielles des futurs touristes. Craignant que son rapport ne profite aux agences touristiques et que cela aboutisse à polluer la culture des Lageenois, Dalart préfère le détruire, en accord avec les habitants ayant pénétré ses pensées qui lui implantent de faux souvenirs d’anthropophagie pour que ses supérieurs décident de classer ce monde comme dangereux – à noter qu’il s’agit d’anthropophagie et non de cannibalisme comme l’écrit l’auteur, le cannibalisme désignant la consommation de membres de sa propre espèce quelle qu'elle soit ; la précédente nouvelle comporte aussi deux erreurs scientifiques : les cafards figurent bien parmi les premiers animaux ayant conquis la terre ferme, mais ils sont apparus il y a environ 400 millions d’années et non 3 milliards d’années, de même, le pécari est zoologiquement trop éloigné du cochon pour permettre tout croisement entre eux.

Même si les Lageenois de Curval sont assez informes, évoquant des pommes de terre pourvues de tentacules, cette illustration de Roy Virgo n'est pas sans rappeler ces êtres assez indiscernables capables de se dématérialiser pour se changer en une myriades de lueurs scintillantes pour l'ébahissement de l'explorateur.

        En matière de créatures, son œuvre incontournable demeure Le ressac de l’espace qui obtint dès sa publication en 1962 comme centième parution livresque de la collection « Le Rayon fantastique » le Prix Jules Verne. Son sujet est très original et brillamment traité, celui de l’arrivée sur Terre d’une créature extraterrestre dénommée Txalq, qu’il qualifie de « caricature d’extraterrestre » dans sa réédition de 1975 pour mieux en souligner l’étrangeté, qui va de planète en planète en contrôlant les formes de vie dominantes pour les plier à ses desseins et qui va progressivement tenir toute l’humanité sous sa coupe.

    Certains individus, individualistes, artistes ou anarchistes, qui refusent l’utilitarisme et sont attachés à la libre créativité et à l’autonomie de la pensée, se sont soustraits à l’influence extraterrestre en demeurant à l’écart dans de vieux quartiers tandis qu’ailleurs, les humains se pliant aux injonctions du Txalq construisent une nouvelle civilisation à l’esthétique achevée, au sein de laquelle règne l’harmonie, se consacrant entièrement à la mise en œuvre d’un plan unique, au prix de leur volonté propre (une problématique qui évoque l’alternative de l’épilogue du feuilleton français Le mutant avec l'annonce d'une ère pacifiée au détriment de toute autonomie personnelle). On pourra trouver quelque antécédant de l’intrigue avec le film de Roger Corman de 1956 It conquered the world et son Vénusien dirigeant l’humanité pour en faire une civilisation plus organisée et aboutie, même si le conditionnement, la coercition et même la destruction qu’il emploie pour parvenir à ses fins amènent finalement son plus grand partisan humain à se rebeller contre lui et à chercher à l’anéantir. Dans le roman de Curval, le grand plan du Txalq se déroule de manière plus pacifique au travers d’une conversion de masse rendue possible par ses capacités télépathiques à laquelle semble se plier d’assez bonne grâce et presque naturellement l’immense majorité des humains, et même les plus rétifs finissent par s’interroger quant à l’opportunité qui s’offre de participer à l’édification de ce programme annonçant un monde enjolivé et apaisant. Le roman de Philippe Curval porte donc la science-fiction à la hauteur d’une réflexion philosophique sur les buts que peut se donner l’humanité ainsi que sur le phénomène d’asservissement volontaire – on a déjà vérifié au XXème siècle à quel point l’adhésion à une entreprise commune idéalisée pouvait aboutir à une obéissance absolue jusqu’à la commission des actes les plus effroyables, même si le projet du Txalq semble engendrer un monde édénique.


Couverture du roman laissant entrevoir les Zyrions ailés.



Dans le film It conquered the world de Roger Corman, le Docteur Paul Nelson (Peter Graves), à gauche sur la photo du haut, se montre rétif au projet de société idéale promise par la créature vénusienne dont le Docteur Tom Anderson (Lee Van Cleef) se fait le partisan résolu, avant de se ranger tardivement aux arguments de son ami et de décider de tuer l'extraterrestre (en bas).

La seule traduction du roman, l'édition roumaine, bien loin du récit de l'écrivain français, convoque l'image d'Arnold Schwarzenegger incarnant le terrible cyborg Terminator et une photo de Stargate

        Rien n’est cependant tout à fait simple dans cette œuvre dans laquelle on perçoit que la sympathie de l’auteur se partage entre les rebelles, souvent de doux rêveurs un peu marginaux et spécifiquement humains, et l’utopie concrétisée qu’apporte la civilisation des Txalqs permettant à chacun de se sentir utile et de s’épanouir à sa place en participant à une grande œuvre en tous points parfaite. En se plaçant dans une perspective plus lointaine, on réalise cependant que si le Txalq propose à ceux qui se mettent à son service une association qui s’apparente à une symbiose profitable aux deux parties, il se peut que cette reprogrammation de l’espèce humaine finisse par nuire à son élan vital, avec en fin de compte un résultat comparable à celui imputable aux envahisseurs de Graines d’épouvante (adapté plusieurs fois au cinéma sous le titre L’invasion des profanateurs de sépultures – en anglais, Invasion of the Body Snatchers) qui se substituent en l’imitant à la forme de vie la plus évoluée d’une planète puis selon l’auteur Jack Finney finissent par migrer après avoir détruit l’espèce indigène. Dans Le ressac de l’espace, le Txalq est accompagné à son arrivée sur la Terre par un serviteur Zyrion, une créature ailée à tentacules préhensibles qui représente l’espèce utilisée précédemment par son maître. L’auteur nous laisse entendre que celle-ci a été exploitée pour le bénéfice des Txalqs dans une apparente coopération puis a fait son temps, et on peut augurer que cela préfigure le destin des humains. L’écrivain l’a exprimé explicitement dans un texte faisant notamment allusion à son roman «[…] je décrivais en 1962 dans le Ressac de l'espace la symbiose proposée à des Humains par des extraterrestres télépathes et pacifiques, dénués de tous moyens physiques. Cela afin de construire une civilisation harmonieuse vouée à l'expression artistique où chaque espèce développerait ses qualités ontologiques. Mais la synergie imposée aboutit à la dégénérescence des espèces ». Sous la conduite du Txalq, l’humanité aurait peut-être atteint son apogée mais pour notre espèce dorénavant domestiquée, cela pourrait représenter son ultime moment de gloire avant sa régression une fois de nouveau livrée à elle-même et sa prévisible extinction. 

Txalq - à la différence de la description de Philippe Curval, l'extraterrestre n'a pas été doté d'yeux opaques afin de le rendre plus expressif pour les lecteurs compte tenu de son petit nombre de caractéristiques physiques. On peut aussi deviner au travers de son épiderme translucide le squelette interne sous forme de plaques coulissantes.

Zyrion, un serviteur des Txalqs sans lequel leurs maîtres seraient pratiquement impotents en dépit de leurs capacités.
Merci Monsieur Curval pour ce merveilleux roman. 



                   Philippe Curval participant à l'émission littéraire de Bernard Pivot.

https://www.courrier-picard.fr/id438084/article/2023-08-05/deces-de-philippe-curval-une-tronche-de-la-sf-francaise-disparait

‌La nouvelle L'Œuf d'Eluo en ligne : http://www.quarante-deux.org/recits/curval/livre/elduo.html

conférence de Philippe Curval à Amiens en 2014 : http://nemo2014.yolasite.com/resources/Philippe%20Curval.MP3

article sur la figure de l'extraterrestre chez Philippe Curval : http://journals.openedition.org/resf/531

Les extraterrestres dans la science-fiction vus par Philippe Curval : 

http://www.quarante-deux.org/archives/curval/divers/Politique_de_l%27extraterrestre/

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Il avait été un célèbre mutant de la télévision


L'acteur David McCallum, figure télévisuelle, qui fut également le premier mari de l'actrice Jill Ireland avant qu'elle ne se remarie avec son confrère Charles Bronson.

        Acteur et musicien, David McCallum, né le 19 septembre 1933 en Écosse, qui s’est éteint à l’âge de 80 ans le 25 septembre 2023, avait tourné dans un certain nombre de films d’aventures et d’espionnage et incarné notamment en 1965 Judas dans l’adaptation de la vie de Jésus (interprété par Max Von Sydow) dans La plus grande histoire jamais contée (The Greatest Story Ever Told) C’est cependant à la télévision qu’il était devenu familier au public. Il avait joué le rôle d’Henry Clerval dans le téléfilm de Jack Smight de 1973 Frankenstein : the True Story, probablement l’adaptation la plus fidèle du roman de Mary Shelley même si en dépit de ce que laisse entendre le titre, l’histoire est bien sûr une pure fiction. Son personnage y est témoin des expérimentations macabres du Docteur Frankenstein, comme l’animation d’une chimère constituée par une tête de renard sur un corps de serpent. Lorsqu’il périt accidentellement, le savant transfère son cerveau dans le corps de sa Créature faite d’un assemblage de morceaux de cadavres à laquelle il insuffle la vie, incarnation dévolue à Michael Sarrazin.


Henry Clerval regarde avec quelque réticence le fruit des expériences de son ami Victor Frankenstein qui restitue quelque semblant de vie à un bras amputé - le malheureux ignore qu'il sera à son corps défendant son prochain cobaye dans Frankenstein : The True Story.

        Ses rôles récurrents dans des séries en avaient fait un visage reconnu, celui qu’il prêta à l’agent russe Illya Kouriakine coopérant contre le crime international avec un équivalent américain joué par Robert Vaughn dans Des agents très spéciaux (The Man from UNCLE) de 1964 à 1968, et qu’il retrouva au cinéma en 1966 dans Un espion de trop et Un de nos espions a disparuL’espion au chapeau vert en 1967, Espions en hélicoptère en 1968 et au travers du téléfilm Le retour des agents très spéciaux en 1983. En 1975 et 1976, il est le Docteur Daniel Westin, héros éponyme de L’Homme invisible (The Invisible Man), qui suite à une expérience, disparaît à la vue de ses contemporains. De 2003 à 2023, il a incarné un médecin légiste, le Docteur Donald Mallard dans JAG puis NCIS : Enquêtes spéciales (NCIS : Naval Criminal Investigative Service).    

        Il était apparu dans deux épisodes d’Au-delà du réel (The Outer Limits), Le Sixième doigt (The Sixth Finger) en 1963 et La porte du passé (The Forms of the Things Unknown), ainsi que dans un de ceux de la nouvelle version, Au-delà du réel, l’aventure continue (The New Outer Limits), Des hommes de pierre (Feasibility Studies) en 1997 dans lequel le Docteur Joshua Hayward doit envisager de sacrifier au sein de sa petite communauté l’inoculation d’une maladie changeant en pierre provenant d’une autre espèce extraterrestre afin de préserver l’Humanité d’envahisseurs esclavagistes. Le sixième doigt présentait une autre transformation spectaculaire ; David McCallum y interprétait le Docteur Gwyllim Griffiths qui expérimentait sur lui-même une accélération du processus évolutif au point de devenir un mutant effrayant sa petite amie avec son cerveau hypertrophié et l’appendice surnuméraire du titre. Le maquilleur John Chambers, qui obtiendra un Oscar du maquillage en 1968 pour La planète des singes (Planet of Apes), a réalisé les stades successifs de l’audacieux scientifique, dont le faciès est devenu très célèbre parmi les amateurs de science-fiction. 


Le Docteur Griffiths au début de son expérience se prenant lui-même comme cobaye dans l'épisode Le sixième doigt (The Sixth Finger)


David McCallum entre les mains du célèbre maquilleur John Chambers en haut, et posant à ses côtés avec Verne Langdon.

David McCallum avec Laura Harris dans l'épisode Des hommes de pierre (Feasibility Studies).

Article de Starlog en anglais sur la participation de David MacCallum à Au-delà du réel sur le site des fans de l'acteur  : http://www.davidmccallumfansonline.com/Outer%20Limits.htm


samedi 17 juin 2023

CONVERSATION AVEC LE CREATEUR DU CLUB DES MONSTRES

SPECIAL 15ème Anniversaire du site Créatures et imagination, les êtres réels et les êtres imaginaires

UN GRAND HOMOLOGUE QUEBECOIS

Mario Giguère devant un projecteur, une des professions qu'il a exercées en relation avec sa passion pour le cinéma.

        Mario Giguère est le créateur et webmestre du site le Club des monstres ainsi que de son fameux Bestiaire. Ce Québécois chaleureux a accompagné le blog que vous êtes en train de lire dès qu’il a été porté sur ses fonds baptismaux. J’avais eu l’occasion de lui écrire à plusieurs reprises pour commenter certaines photos de son Bestiaire et j’avais pu apprécier son ton tout à fait cordial qi m’avait donné envie de maintenir avec lui un contact régulier. Déprimé par l’annonce, pour moi inattendue, de la disparition du grand créateur de monstres pour le cinéma Stan Winston des suites d’une terrible maladie en juin 2008, concrétisant de manière tragique la fin d’une ère durant laquelle les créateurs d’effets spéciaux concevaient de « vrais monstres » dans leurs ateliers, j’éprouvais le désir irrépressible d’écrire un petit hommage, de manière à ce que la parenthèse ne soit pas refermée tout de suite après la disparition physique d’une figure iconique de son domaine, d’autant que je me souvenais de l’indifférence dans les médias audiovisuels – et ce jusque dans le magazine culturel de la chaîne Arte – qui avait suivi le décès de Jerry Goldsmith, maître de la musique de film et sans doute le plus inventif et remarquable des compositeurs pour le XXème siècle tant sa palette était variée et son art subtil au-delà des musiques rythmées destinées à accompagner l’action – un hommage lui a finalement été consacré ici pour le cinquième anniversaire de sa mort, puis un second complémentaire à l’occasion de la diffusion d’un documentaire en français sur Youtube.

        En moins de trois quarts d’heure, j’écrivis donc de mémoire le 17 juin 2008 ce petit hommage à Stan Winston puis me demandai ce que j’allais en faire, doutant qu’un magazine le publie dans son courrier des lecteurs. Je me lançai aussitôt dans la création de mon premier blog tout en étant persuadé que cela passerait inaperçu sur internet. Je l’envoyai aussi à Mario en pensant qu’il pourrait être intéressé de le lire. Non seulement celui-ci me fit part de son grand enthousiasme pour mon texte, mais il se montra même désireux de le publier sur son site le Club des monstres, ce que j’acceptait naturellement avec plaisir. Le destin tient parfois à peu de chose, car si j’avais été plus confiant dans l’intérêt du texte et avais été assuré que le site québécois le publierait, je n’aurais très probablement pas pris l’initiative un peu dérisoire de le placer sur internet dans un blog spécialement créé pour l’occasion. Mario ayant de surcroît eu l’amabilité d’indiquer le lien de mon blog, je me devais de le continuer par de nouveaux articles pour que l’internaute ne s’y rende pas en vain – et le lecteur qui apprécie Créatures et imagination peut donc créditer Mario d’avoir accompagné cette entreprise. Je rédigeais par conséquent une introduction, qui intervint ainsi postérieurement à l’article initial (laquelle sera ensuite complétée par un nouveau développement confirmant les thématiques du blog pour son deuxième anniversaire ) puis naturellement proposais une iconographie faisant suite à l’hommage, présentant un certain nombre de créatures conçues par le Studio Stan Winston.


L'hommage par lequel l'aventure du présent site a débuté.

        Il fallait dès lors élargir le champ pour pouvoir proposer de nouveaux articles. A l’appui de l’introduction, je décidais donc d’explorer le thème des créatures dans l’imaginaire, au travers notamment de futurs hommages à d’autres disparus qui leur avaient donné vie à l’écran ou les avait imaginées dans des fictions littéraires ou conçues pour des illustrations, tout en proposant régulièrement, spécificité de ce site, des articles de vulgarisation donnant un aperçu sur les êtres réels dans la nature et au travers de la science, parfois avec un regard libre et anticonformiste, pour montrer ce qu’ils ont de fascinant même en dehors de la fiction qu’ils inspirent, voire inciter à les protéger comme faisant partie d’un même continuum du monde vivant dont nous sommes issus, au travers d'un éclectisme plus habituel dans les publications anglo-saxonnes.

    Je suis gré à Mario de m’avoir toujours assuré de sa sympathie tout au long de cette aventure que nous poursuivons en parallèle, tandis que d’autres sites intéressants dans le domaine ont entretemps disparu comme "animalattacks.com" qui recensait et commentait les films de créatures et "Mastercylinder" qui proposait entretiens et dossiers sur les coulisses de films, ce qui est fort regrettable, mais nous nous efforçons l’un comme l’autre pour ce qui nous concerne de proposer de manière suivie aux internautes des dossiers fouillés sur ces sujets. Un certain nombre d’hommages parus sur le blog ont même été publiés sur le Club des monstres lorsque son concepteur considérait qu’ils apportaient une contribution bienvenue à l’actualité, et il n’est pas douteux que ces relais bienveillants ont contribué à élargir l’audience du présent site.

    C’est donc à la fois avec plaisir et honneur que pour célébrer le quinzième anniversaire de Créatures et imagination, les êtres réels et les êtres imaginaires, qui coïncide avec le vingt-troisième anniversaire du Club des monstres le 21 juin, on propose aux lecteurs une rencontre avec son créateur, sympathique alter ego canadien, qui s’est prêté bien obligeamment à cet échange au sujet de nos intérêts communs et qui, espérons-le, intéressera aussi nos lecteurs.


Bonjour Mario, à quand remonte ta passion pour l'imaginaire, à l'enfance ou plus tard, et sous quelle forme, quelles œuvres, pour la jeunesse ou non, ont les premières retenu ton attention en ce domaine ?

- Je suis né en 1957. Durant ma jeunesse, on passait à la télévision des films d'horreur, américains, anglais, italiens ou japonais le samedi matin et parfois à l'heure du souper le vendredi. Sans parler des séries télévisées qui avaient dans leurs scénarios des monstres et des extraterrestres, comme The Outer Limits (Au delà du réel) ou Lost in Space (Perdus dans l'espace). Donc, très jeune, on était dans une époque ou l'horreur et la science fiction, à la télévision et au cinéma, était abondante et variée. Je regardais tout ce qui passait avec passion.


Une partie des costumes réalisés pour la série Au-delà du réel (The Outer Limits), une série des années 1960 créée par Leslie Stevens et Joseph Stefano contemporaine de La Quatrième Dimension (The Twilight Zone), qui était à la Science-fiction ce que celle créée par Rod Serling était au Fantastique, un format assez court, mettant souvent en valeur l'aspect psychologique et s'achevant par une fin abrupte et souvent surprenante. Le public français a dû attendre dans les années 1980 la diffusion d'un certain nombre d'épisodes des deux programmes (seulement la douzaine d'épisodes qui avaient été doublés pour Au-delà du réel) par l'émission Temps X comme évoqué ici suite à la disparition de ses animateurs, en escomptant alors que cela serait apprécié par les lecteurs qui l'avait connue.

Un humain changé en extraterrestre dans le but d'infiltrer les rangs de possibles envahisseurs et de découvrir leurs intentions dans l'épisode non diffusé en France d'Au-delà du réel (The Outer Limits), Architects of fear, avec dans le rôle du cobaye l'acteur Robert Culp (auquel a été ici rendu hommage suite à sa disparition), repris par Clancy Brown dans l'un des rares remakes des épisodes d'origine proposés par la nouvelle mouture Au-delà du réel, L'aventure continue (The New Outer Limits) - lequel, loin de son rôle de méchant dans Highlander, parvient à être particulièrement émouvant.

Comment t'es venue l'idée de créer le Club des monstres il y a 22 ans et as tu formé rapidement une équipe autour de toi ou bien des contributeurs habituels t'ont ils rejoint par la suite à distance ?

- Avec deux amis on se faisait des après-midi de visionnements de films de monstres classiques. On se surnommait, sans prétention, le Club des Monstres et nous avons aussi sortis quelques numéros d'un petit fanzine du même nom. On a lancé l'idée d'un site internet dans une de nos discussions animées et j'ai relevé le défi de monter un site internet. Le lancement a été difficile et j'ai appris au fur et à mesure comment dompter la bête. J'ai invité des gens que j'avais rencontrés sur des forums à participer avec leurs chroniques de films. Idem pour le reste du site, spécialement le Bestiaire. Aujourd'hui, des années plus tard, nous sommes moins nombreux à participer, mais je tiens le bateau. Tous les collaborateurs étaient à distance, principalement du Québec et de la France.

La bannière du Club des Monstres

Le titre est-il une allusion au film d'épouvante à sketchs homonyme ?

- Oui, c'est difficile de cacher l'influence !

John Carradine (à gauche) et Vincent Price dans une séquence de liaison du film à sketchs Le Club des monstres (The Monster Club) expliquant les liens de parenté entre humains monstrueux comme les loups-garous et les vampires devant leur arbre généalogique affiché sur un juke box dans un café servant de lieu de rendez-vous secret à ces créatures.

Tes activités professionnelles de projectionniste qui ont pris fin tout récemment t'ont permis de rencontrer d'autres passionnés, de proposer des évènements en conviant des personnalités du cinéma. Quelles sont celles qui t'ont le plus marqué, voire celles que tu aurais apprécié de croiser ?

- J'ai rapidement correspondu avec d'autres mordus de cinéma de genre, toujours avec plaisir. J'ai eu il y a quelques années la surprise étonnante d'être contacté par quelqu'un qui a travaillé sur le tournage de The Creeping Terror, Jayne Dickinson, une musicienne charmante. J'ai aussi rencontré dans des congrès ou des festivals de nombreux acteurs et réalisateurs avec lesquels j'ai pu parfois échanger lors de conversations mémorables.

Deux bien sympathiques passionnés, notre ami Mario à gauche, en compagnie du grand créateur d'effets spéciaux Ray Harryhausen, auquel un long hommage a été ici consacré suite à sa disparition en juin 2013.

Y a-t-il un genre d'imaginaire qui a ta préférence, Merveilleux, Fantastique (au sens de Surnaturel), Science-Fiction, surréalisme à la Bunuel, psychédélisme à la Argento, "fantastique belge".. ?

- À la base j'apprécie presque tous les genres, mais j'ai mes préférences pour l'horreur, le film de monstre et la science fiction. J'adore le cinéma de Dario Argento et Mario Bava, pratiquement le Giallo dans la plupart de ses déclinaisons, ayant depuis toujours un faible pour le cinéma Italien, très présent à la télévision chez nous durant ma jeunesse (Le Monstre aux Yeux Verts, Diabolik, La Planète des Vampires, Gungala). Je m'intéresse autant à l'histoire des genres, pouvant regarder des films des cent dernières années, du muet aux délires technologiques récents. J'avais une passion identique pour la bande dessinée durant ma jeunesse, m'intéressant autant à la naissance de la bande dessinée sans phylactères et aux classiques de tous les pays disponibles, des comics books américains, comme des recueils du journal Tintin, Mickey, Pilote ou Spirou.



Mario apprécie les bandes dessinées d'Hergé mettant en vedette le personnage de Tintin et les récits du non moins célèbre écrivain H.P. Lovecraft ; le dessinateur Muzski a eu l'idée plaisante de réaliser de fausses couvertures d'albums faisant vivre au reporter du journal "Le Petit Vingtième" les aventures des récits d'épouvante de l'écrivain américain.

Alien Contamination de Luigi Cozzi, un des rares films d'horreur italien comportant un monstre extraterrestre, un film évoqué en août 2022 à l'occasion de la disparition d'un des principaux interprètes du film, Marino Masé qui, dans le rôle de Tony Aris, finit englouti après avoir été hypnotisé par son œil unique flamboyant.

En dehors du cinéma, t'intéresses-tu particulièrement à d'autres modes d'expression de l'imaginaire, la littérature et les novélisations, les bandes dessinées, les séries télévisées comme The Twilight Zone, Les envahisseurs, Star Trek, X-Files. Et si tu lis assez régulièrement, quels sont les auteurs que tu apprécies le plus ?

- Le cinéma d'horreur ayant souvent la particularité de ne pas s'offrir aux plus jeunes, c'est bien par la littérature et la télévision que je l'ai d'abord apprécié. Les séries télévisées mentionnées et bien d'autres : Les séries de Gerry Anderson, de la Fusée XL5 avec ses extraterrestres à Alerte dans l'espace (UFO) et Cosmos 1999 (Space 1999), les nombreuses séries américaines, sans oublier les séries européennes et japonaises. Je rattrape beaucoup de retards grâce à la Collection Les Inédits Fantastiques de l'INA (Institut national de l'audiovisuel). J'adore aussi les productions danoises comme L'Hôpital et ses fantômes (The Kingdom) ou Jordskot. Je navigue au travers de l'explosion de séries de l'imaginaire offertes sur les canaux spécialisés et ses surprises sont parfois jouissives.




La station lunaire projetée dans l'espace en même temps que notre satellite dans la série Cosmos 1999 (Space 1999), en dessous, un Aigle, un des vaisseaux de la base qui explorent les mondes étrangers croisés lors de sa course dans l'espace, en bas, la station est investie par des créatures étranges dans le double épisode Un message d'espoir (The Bringers of Wonder) de Tom Clegg, qui fut projeté sur grand écran en 1978 sous le titre Destination Moon Base.



Le Suédois Ernst-Hugo Järegård interprétant le douteux Docteur Helmer dans la série de Lars Van Trier L'Hôpital et ses fantômes (Riget) de 1994 et 1997, diffusée au Québec sous le titre Le Royaume, qui incarne au travers de sa mine renfrognée la bassesse avec une délectation particulièrement jouissive pour le spectateur, ne cessant de fustiger le Danemark qui l'a engagé dans un hôpital hanté par les fantômes de l'ancien asile psychiatrique sur les fondations duquel le bâtiment moderne a été édifié. En dessous, Udo Kier dans le rôle de Krüger connaît une croissance anormale en faisant un être extraordinaire et pitoyable handicapé par ses membres démesurés. The Kingdom a fait l'objet d'un remake aux Etats-Unis à travers la réécriture de l'histoire par le romancier Stephen King, lequel, en dépit du curieux ajout d'un fourmilier fantôme - dont une version a été conçue par Todd Masters, ne parvient pas à égaler le ton déjanté et l'atmosphère assez dérangeante de l'original.

Autre série ressortissant au fantastique scandinave, la série suédoise Jordskot plonge ses personnages dans le monde légendaire de la forêt mythique, des fées et des sorcières.

Mario Giguère organise régulièrement un séminaire consacrée à la célèbre série britannique de science-fiction Doctor Who.

Pour la littérature, j'ai longtemps lu les classiques, particulièrement dans la collection Marabout. J'ai un peu délaissé la science fiction au profit du polar ces dernières années. Ces derniers temps, j'ai particulièrement adoré les romans d'Ariane Gélinas qui brode un fantastique inspiré par les légendes du Québec avec des influences du cinéma de genre européen. Mais j'ai évidemment lu les classiques de Lovecraft, H.G. Wells, Edgar Allan Poe autant que du Stephen King.

Cinéphile passionné, Mario n'en dédaigne pas moins la lecture de classiques du genre, des auteurs comme Edgar Allan Poe, Howard Phillips Lovecraft, Herbert George Wells et Stephen King (de gauche à droite).

Quels sont tes films préférés, notamment dans le domaine de l'imaginaire ? Ceux que tu as pris plaisir à revoir un grand nombre de fois ? Et les réalisateurs que tu prises ?

- Dans le domaine du film de monstres, j'affectionne tous les classiques, avec une préférence pour Godzilla qui m'avait enchanté durant ma jeunesse et qui a été maintes fois porté à l'écran. J'aime les films de Dario Argento, particulièrement Profondo Rosso, tous ceux de Mario Bava, William Friedkin, George Romero, les films de la Hammer, tout particulièrement The Abominable Snowman. La liste serait trop longue. Je suis un bon public et je parcours l'histoire du fantastique en long et en large avec un plaisir toujours renouvelé.


Photo publicitaire illustrant la recherche du mythique Yéti dans The Abominable Snowman mis en scène en 1956 par Val Guest qui a aussi réalisé les deux premières adaptations sur grand écran des aventures du Professeur Quatermass confronté à d'effrayantes formes de vie extraterrestres. Une tension croissante oppose l'aventurier Tom Friend (Forrest Tucker) qui veut capturer la Créature grâce à un piège et le Professeur John Rollasson (Peter Cushing) qui comprend que le Primate inconnu est un être pacifique qui veut seulement enterrer la dépouille de son congénère, au point qu'ils finissent par en venir aux mains. Dans l'épilogue, comme plus tard avec le Monstre dans Loch Ness de John Henderson, le botaniste préfère nier l'existence du Yéti, espérant pour sa quiétude qu'il ne soit jamais découvert, à la manière du héros d'Hergé à la fin de l'album Tintin au Tibet qui a peut-être inspiré le film. 



Quelques-uns des 100 films favoris de Mario : en haut, le plus terrifiant des vampires dans  Nosferatu, en dessous, la paternité sous un angle angoissant dans Eraserhead de David Lynch.


Deux films du Panthéon de Mario traitant de la perte progressive de l'humanité dans Le monstre (Quatermass Xperiment/The Creeping Unknown) de Val Guest avec un astronaute, Caroon (Richard Woodworth), assimilé par une forme de vie extraterrestre, et Seth Brundle (Gene Goldblum), savant infecté par des gènes de diptère dans La Mouche (The Fly) de David Cronenberg. 


Deux autres classiques prisés de Mario, traitant de la suspicion généralisée induite par une invasion extraterrestre qui reproduit exactement les victimes humaines dans L'invasion des profanateurs de sépultures (Invasion of the Body Snatchers) de Don A. Siegel avec Dana Wynter dont la disparition a été évoquée en août 2011 et Kevin McCarthy, en haut, et The Thing de John Carpenter avec Keith David, Donald Moffat à qui il a été rendu hommage en décembre 2018 et David Clennon.

A l'inverse, y a-t-il des films qui t'ont déçu, ou dont tu n'as pas aimé la fin - certain n'ont pas apprécié la fin de The Thing de Carpenter en l'estimant trop ambiguë, d'autres à l'inverse ont critiqué le happy end de Body Snatchers de Ferrara le jugeant plaqué et en décalage avec la noirceur de l'œuvre ?

- Hé oui, certains films ont des fins plus que décevantes, mais pas dans le cas de The Thing de Carpenter. Je n'ai rien contre les fins ouvertes, ou dramatiques, ne laissant aucun personnage principal vivant à la tombée du rideau, comme Night of the Living Dead. Je ne fais pas de liste de films qui m'ont déçu et j'ai tendance à les oublier rapidement.




L'épilogue de The Thing de John Carpenter en 1982, laissant face à face Childs (Keith David) et Kurt Russell (R.J. MacReady), lequel se demande si celui-là est bien toujours un être humain. 

Tu as aussi créé un fanzine comportant tes dessins humoristiques. Estimes-tu que le comique a une place de plein droit dans le cinéma de l'imaginaire, ou bien est-ce que la tendance à la parodie qu'on observe dans certaines petites productions lorsqu'elle ne se limite pas à une petite touche ponctuelle, ne risque pas de nuire au climat de suggestion approprié pour amener le spectateur à adhérer à une fiction - certains ont ainsi reproché aux suites des Griffes de la nuit (Nightmare on Elm Street) de délaisser progressivement le registre de l'effroi pour pencher davantage vers la farce au fur et à mesure que le personnage malfaisant de Freddy Krueger versait dans un registre principalement sardonique ?

- J'adore la série initiale de Freddy. Je n'ai pas de reproche à priori contre l'humour, surtout noir. La série télévisée de Freddy Kruger y allait parfois dans l'humour trop généreusement à mon goût, cependant. Mais j'adore Shaun of the Dead et si elles ne sont pas nombreuses, les réussites dans la comédie horrifique sont les bienvenues.

L'âme damnée de Freddy Krueger quitte le monde des songes adolescents des Griffes de la nuit (Nightmare on Elm Street) de Wes Craven pour investir le monde réel dans les suites et la série avec les incarnations du croquemitaine se montrant toujours plus sarcastique, au point qu'il s'invite sur un plateau télévisé dans Freddy 3, les griffes du cauchemar (Nightmare on Elm Street part 3 : The Dream Warriors) face la présentatrice interprétée par Zsa Zsa Gabor.






Quand l'humour s'immisce dans le cinéma fantastique : en haut, Les aventures de Jack Burton (Big Trouble in Little China), au milieu, Les nouvelles aventures d'un homme invisible (Memoirs of an Invisible Man), deux films réalisés par John Carpenter, en bas L'aventure intérieure (Innerspace) de Joe Dante avec Kevin McCarthy toujours à la limite de l'extravagance, auquel il a été rendu hommage en octobre 2010.

A propos d'humour, le comédien d'origine hongroise Michu, de son vrai nom Mihàly Mészàros, qui incarnait l'extraterrestre éponyme Alf créé par Paul Fusco, s'éteignait il y a sept ans, le 13 juin 2016 ; il avait contribué au succès de cette série familiale humoristique tout à fait réjouissante.

Il est plaisant de savoir que notre ami québécois classe parmi ses cent films favoris Le petit baigneur mettant en vedette le plus éblouissant des acteurs comiques français, l'irremplaçable Louis de Funès.

En France, on connaît peu les productions de l'imaginaire canadiennes, en dehors de la première période de la carrière de David Cronenberg, principalement de Frissons au Festin nu - avec plus tardivement Existenz puis Crimes of the Future. On sait qu'il y a eu aussi des pulps au Canada, comme en Australie et en Angleterre, mais de bien plus faible notoriété qu'aux Etats-Unis d'Amérique. On dit le Canada moins attiré par le genre imaginaire à la notable exception de Cronenberg, et cela est aussi vrai pour le Québec dans le domaine de la production cinématographique. Est-ce que dans la ou les cultures francophones, l'imagination aurait plus de difficulté à se faire une place ? En France, l'ORTF (la chaîne unique d'État des origines) avait produit un certain nombre de fictions fantastiques qui pourraient certes paraître un peu surannées à certains spectateurs contemporains, mais ne sont jamais rediffusées - il y a eu aussi l'échec commercial du film de science-fiction français Terminus avec des acteurs internationaux comme Karen Allen et Jurgen Prochnow qui a pu persuader de l'incapacité des Français à s'illustrer dans le genre, malgré des écrivains de qualité publiés par les éditions Fleuve noir et d'autres même reconnus comme Gérard Klein et Philippe Curval. Faut-il voir un manque d'audace qui bride les créateurs en matière d'audiovisuel sur le sujet, ou plus simplement un désintérêt pour tout ce qui ne colle pas directement aux petites misères du quotidien (on qualifie souvent le cinéma français de nombriliste, et on le dit aussi du québécois sauf erreur) ?

Les films fantastiques tournés au Canada les plus connus sont ceux de David Cronenberg, comme Frissons (Shivers/Parasite Murders) et ses parasites synthétiques créés par un savant fou pour relancer ma libido, qui se passe à Montréal - les personnages ont d'ailleurs des noms français dans la version francophone.

- Depuis des années, le cinéma de genre est le parent pauvre du cinéma au Québec, au Canada ou en France. C'est entre autre beaucoup dû au mode de financement qui privilégie depuis trop longtemps les drames familiaux parfois insipides. L'époque des films de Cronenberg, Bob Clark, Ivan Reitman, Jean-Claude Lord ou plus récemment le film Les Affamés de Robin Aubert sont remarquables. Les pages sur le cinéma Canadien et Québécois sur mon site témoignent d'un foisonnement continuel. Idem pour la France ou la Francophonie qui nous offre à l'occasion des films plus que dignes de mention comme Martyrs de Pascal Laugier ou l'œuvre de Jean Rollin.


Le mort-vivant de Bob Clark, terrible évocation symbolique d'un soldat américain de retour du Vietnam dont l'entourage finit par découvrir qu'il n'en est pas réellement revenu vivant...

En France, il y a eu il y a des années un magazine télévisé consacré à la science-fiction, Temps X, qui a été évoqué sur le blog ; existe-t-il, ou a-t-il existé, au Québec une émission télévisée comparable, ou bien trouve-t-on une évocation de ces univers dans des programmes plus généralistes (en France, le journaliste littéraire Bernard Pivot se targuait de ne pas recevoir d'auteurs de science-fiction dans sa célèbre émission Apostrophes) ?

- Il n'y a pas, sauf sur internet, de série régulière sur les chaînes de grande écoute entièrement consacré aux genres qui nous intéressent. On parlera surtout des films basés sur des romans populaires comme ceux de Patrick Senécal, maintes fois adapté au cinéma.

As-tu comme un certain nombre d'entre nous eu l'envie de réaliser des films. Si tu en avais la possibilité, quel en serait le ou les sujets, et éventuellement les approches ? Et y a-t-il des œuvres littéraires que tu aurais pu souhaiter adapter, voire des remakes dont tu rêverais ?

- Il y a fort longtemps je me suis amusé à créer deux courts métrages en super 8 parodiant le cinéma de genre. On trouve encore La Terreur Crampante sur Youtube. Mais non, réaliser un film, en plus un film de genre, est plus que difficile. Ceci dit, beaucoup de réalisateurs indépendants œuvrent ou ont œuvré dans le fantastique au Québec et particulièrement en Ontario.


La créature extraterrestre carnivore de The Creeping Terror reconstruite pour le film Creep ! qui en retrace le tournage et la personnalité de son réalisateur interlope.

Le Club des monstres recouvre à peu près le cinéma qu'on peut qualifier de divertissement, de la comédie légère à l'épouvante - Phil Hardy dans le volume de l'Aurum Film Encyclopedia qu'il consacre à la Science-fiction va jusqu'à considérer ce genre comme indigent à la quasi-unique exception de 2001, L'Odyssée de l'espace (2001 : Space Odyssey). Avoir conçu le Bestiaire témoigne de ton intérêt pour les créatures par-delà le simple intitulé général du site. Quelle place représentent-elles pour toi, constituent-elles un point saillant du récit comme dans les péplums italiens et la saga de La Guerre des étoiles (Star Wars), participant du caractère picaresque de l'histoire en fournissant matière à rebondissements et étant constitutifs des éléments visuels singularisant un univers imaginaire, soit donc un attribut ayant pour principale raison d'être de participer à ce divertissement - qui ne mérite pas nécessairement le regard dévalorisant que certains lui portent, ou bien considères-tu qu'elles tendent souvent à avoir une fonction plus structurante dans le récit ou dans la conception d'une autre réalité à la manière de l'entité de Possession de Zulawski ?

- Les créatures, dans le sens le plus large du thème, sont au cœur de l'imaginaire et représentent majoritairement l'expression de nos peurs. J'ai toujours regretté que la majorité des histoires se terminent par la destruction pure et simple de l'étranger, le monstre, l'extraterrestre, souvent par le feu, des sorcières à la Créature de Frankenstein ou à la forme de vie étrangère de The Thing de Carpenter.

Dans le film Star Crystal réalisé par le chanteur évangéliste Lance Lindsay, la créature extraterrestre qui a découvert le texte des Evangiles dans le système informatique d'un vaisseau spatial réalise qu'il est immoral de manger des êtres intelligents et s'allie avec les occupants humains.

Sais-tu que c'est au Canada, plus exactement en Colombie britannique, qu'ont été initialement découverts les fossiles des animaux complexes les plus anciens, dont l'un a pu largement inspirer les concepteurs du film Evolution et a ouvertement servi de modèle à Greg Bear pour un extraterrestre du roman Eon, comme évoqué dans l'hommage qui lui a été ici consacré ? Ta passion pour les êtres les plus divers émargeant dans le Bestiaire t'amène-telle à porter quelque intérêt pour le monde vivant dont s'inspirent les êtres légendaires, à la manière des loups qui ont inspiré les loups-garous, ou pour toi, le monde animal et les êtres imaginaires sont deux domaines vraiment éloignés l'un de l'autre - les amis des animaux reprochant d'ailleurs au fantastique d'en donner des versions effrayantes, déformantes, comme Spielberg avec le requin des Dents de la mer (Jaws) ?

- Évidemment que les créatures vivantes si banales ou étrange soient-elles m'intéressent. Je regardais beaucoup de documentaires animaliers durant ma jeunesse. Je trouve les deux types de créatures, réelles ou imaginaires, tout aussi fascinantes. Je n'ai pas vu Evolution ou lu Eon, malheureusement.

 La science-fiction notamment dans les années 1970 a beaucoup attiré l'attention sur les périls environnementaux mais cela n'a-t-il pas été en pure perte vu que les décideurs semblent réticents à intégrer réellement les paramètres écologiques dont dépendent tant d'espèces, la nôtre incluse ? Est-ce que cela n'illustre pas les limites de la capacité de la fiction à interagir avec le monde réel en dépit de ses avertissements pertinents ?

- Si les études scientifiques sont ignorées à ce point, les messages de catastrophes imminentes imaginaires, parfois inspirées par de tristes réalités, ont évidemment peu de chances d'inspirer des politiciens plus souvent fascinés par l'argent et le pouvoir et pas par grand chose d'autre, malheureusement.

Est-ce que la fonction horrifique des monstres répond simplement au besoin des spectateurs d'éprouver des émotions fortes à un moment donné, ou bien est-ce qu'ils reflètent davantage les peurs de l'époque, de manière cathartique, selon toi, comme Joe Dante le suggère à propos de la menace atomique dans Panic à Florida Beach (Matinee) ? On a parfois voulu voir dans la version originale de Nosferatu une préfiguration de l'émergence de forces de destruction qui allaient renverser la République de Weimar et finir par amener le Chaos en Europe, mais les films fantastiques réalisés durant la Seconde Guerre mondiale n'y font guère allusion à part de manière marginale en 1943 dans The Return of the Vampire de Paul Landres. Autrement dit, est-ce que pour toi, les créatures sont une donnée fixe, relativement constante, de l'univers cinématographique ou bien nous disent-elles quelque chose de plus spécifique à chaque époque ?

Jack (David Clennon) et Sandra (Linda Jakub) au cinéma pour voir un film d'épouvante permettant de peut-être de faire un peu oublier les menaces du monde réel dans Panic à Florida Beach (Matinee) de Joe Dante.

- Probablement les deux. Cela dépend des réalisateurs et des scénaristes. Si King Kong relève de la fascination pour l'exotisme et les contrées alors peu connues, beaucoup de films ne cachent pas leurs origines dans la peur des bombes atomiques, de la science hors de contrôle ou des désastres écologiques à venir.

Est-ce qu'on ne pourrait pas considérer qu'une partie du Fantastique essaie finalement de dédouaner l'être humain de ses mauvais penchants en les transférant vers une altérité menaçante, un peu à la manière des procès en sorcellerie de la Renaissance qui cherchaient à identifier le Démon ? Beaucoup de films, comme ceux qui mettent en scène des loups-garous et autres hommes-bêtes comme dans La nuit déchirée (Sleepwalkers) réalisée en 1992 par Mick Garris d'après un scénario de Stephen King ou encore dans une certaine mesure les sociétés de vampires comme dans Aux frontières de l'aube de Kathryn Bigelow, Retour à Salem de Larry Cohen ou encore Vampires de John Carpenter, mettent en évidence une césure nette entre les humains et des créatures plus ou moins animalisées qui incarnent la brutalité, la férocité, l'absence de toute morale judéo-chrétienne capable d'entraver l'action, comme le dit avec admiration l'androïde Ash dans Alien au sujet du monstre extraterrestre. H.P. Lovecraft - même si dans la réalité, il adhérait à une vision purement matérialiste du monde - laissait entendre dans ses nouvelles fantasmagoriques comme L'appel de Cthulhu (Call of Cthulhu), de même que d'autres auteurs comme Colin Wilson avec Les parasites de l'esprit (The Mind Parasites), que les pires perversions de l'homme pourraient être suscitées de manière exogène par l'influence d'entités effrayantes venues de l'espace, à l'instar du Diable au Moyen-âge actif pour corrompre les hommes, comme si les pires crimes, à l'image de ceux du sataniste Charles Manson comme de l'assassin de sa famille dans la demeure dite maudite d'Amityville ayant inspiré plusieurs films, ne pouvaient trouver leurs origines qu'à l'extérieur de notre espèce. Est-ce que finalement, l'auteur de fantastique n'est pas un optimiste contrarié, là ou celui qui écrit des récits policiers, comme le scénariste de la série allemande Inspecteur Derrick au ton souvent très sombre, envisage le réel sans fard, montrant la froideur et le cynisme des individus dans leur réalité la plus crue, celle qui s'illustre quotidiennement dans les faits divers ?

Amityville 2 le possédé.

- Le récent film L'Exorciste du Pape (The Pope's Exorcist, distribué en France sous le titre L'Exorciste du Vatican) de Julius Avery a eu l'audace de mettre sur le dos de Satan tous les péchés de l'inquisition espagnole. J'ai trouvé l'idée horripilante de dédouaner aussi facilement l'église de l'époque. Dans La Nuit des Morts Vivants (Night of the Living Dead) de George Romero, version originale de 1968, les humains qui déciment allègrement les zombies sont filmés comme si c'était eux les monstres, en fin de film et durant le générique final. Alors, oui, le monstre peut servir d'avertissement à peine voilé pour dénoncer les travers de l'humanité ou les dangers d'une science hors de contrôle. Les sorcières dépeintes dans les ouvrages et les films les plus anciens ont des allures de créatures qui provoquent le dégout. La laideur, dans sa plus simple fonction dramatique, est souvent porteuse du mal qu'il faut détruire. Personnellement, comme beaucoup de spectateurs, je me suis plus identifié au monstre de Frankenstein qu'à son créateur dément. On passe aussi ce message parfois, le créateur est plus monstrueux que la créature.

La Nuit des morts-vivants et la petite fille morte devenue cannibale, un spectacle qui met à rude épreuve le spectateur et ne débouche sur aucun espoir. 








La religion dévoyée par des êtres diaboliques dans les films fantastiques : de haut en bas, une secte puritaine de femmes qui se sont jurées d'assassiner les hommes supposés tous pêcheurs dans Incubus de Leslie Stevens, le producteur d'Au-delà du réel (The Outer Limits), tourné en espéranto, avec William Shatner tentant d'arracher une jeune fille à cette terrible influence ; en dessous, un adolescent promu cruel inquisiteur par les descendants de l'équipage d'un galion espagnol perdu dans la Mer des Sargasses dans Le Peuple des abîmes (The Lost Continent) ; le gourou androgyne (Richard Lynch) de Meurtres sous contrôle (Gold told to me) réalisé par Larry Cohen qui exige de ses fidèles qu'ils commettent des meurtres gratuits pour prouver leur inféodation ; la petite inquisitrice des procès de Salem obéissant à son odieux mentor dans The Coming (Burning to the Stake) de Bert I. Gordon à la terreur des villageois ;  L'âme damnée du Révérend Kane dans Poltergeist 2 : the Other Side, un fanatique apocalyptique, n'a pas renoncé à exercer son emprise sur des enfants.

La Créature de Frankenstein incarnée par Boris Karloff maquillé par Jacques Pierce dans l'adaptation par James Whale de 1931 du roman de Mary Shelley, un être rejeté et pathétique.

La fameuse scène coupée dans laquelle le Monstre joue avec une petite fille, la jetant dans l'eau en pensant faire avec elle un ricochet comme elle avec ses cailloux, provoquant sa mort sans l'avoir voulu et déclenchant ainsi la vindicte des villageois.

Une scène émouvante dans La Fiancée de Frankenstein (Bride of Frankenstein), second volet également réalisé par James Whale lorsqu'un vieil aveugle fraternise avec la Créature mutique, bref moment de compréhension avant l'arrivée de la famille, horrifiée, qui chasse violemment le pauvre hère.

Dans La Monstrueuse parade (Freaks), le réalisateur Tod Browning, ici sympathisant avec ses interprètes, filme de vrais phénomènes humains envers lesquels il manifeste sa compassion à l'occasion d'une histoire qui questionne l'humanité des gens dits normaux.

Traditionnellement, il y a d'ailleurs un paradoxe ; d'un côté, on stigmatise souvent l'imaginaire, non seulement supposé un peu puéril comme pour Phil Hardy, présenté comme reposant sur des émotions simplistes, sur l'exagération et l'exacerbation des sentiments, voire sur le grotesque servi notamment par les maquillages époustouflants des années 1980 jusque dans les petites productions cinématographiques, et on prétend même que les amateurs de films d'épouvante témoigneraient de penchants malsains, culminant dans le sous-genre explicite du "gore" qui alimenterait le sadisme latent (au Canada, Cronenberg a d'ailleurs fait l'objet d'attaques féministes violentes à son encontre postulant un lien douteux avec un crime de masse commis contre des étudiantes) ; de l'autre, les milieux culturels se piquent d'aimer la corrida, un spectacle qui repose sur la mise à mort non simulée d'un animal, ce qui témoigne en l'occurrence d'une vraie cruauté à l'encontre d'un être capable d'éprouver la souffrance. Est-ce que, au contraire, comme le laisse entendre Stephen King, voire John Carpenter, les amateurs de cinéma fantastique, du moins une majorité de ceux qui apprécient ces échappatoires du réel, ne tendraient pas à être peut-être davantage sensibles que la moyenne et justement à se projeter dans la symbolique de l'imaginaire comme catharsis pour exorciser un mal-être engendré par un quotidien souvent décevant et parfois même éprouvant et conjurer par ce biais l'angoisse que suscite un monde incertain dans lequel règne trop souvent le Mal ?

- Naturellement je pencherais plus vers les conclusions de King et Carpenter, même si l'un et l'autre finissent souvent, mais pas exclusivement, leurs histoires par la défaite de l'autre, la créature, le vampire, le monstre.

En ce sens, n'y a-t-il pas une ambivalence du monstre ? Au départ, le singe géant de King Kong effraie, c'est une force de destruction sauvage que rien ne paraît pouvoir entraver mais lorsque les autorités en viennent finalement à bout et qu'il s'écrase sur le sol, nous finissons par ressentir quelque compassion à l'endroit d'un être hors-norme auquel ne s'offrait pas d'autre sort que l'anéantissement. Initialement, nous voudrions être rassurés en pensant que que nous sommes de parfaits citoyens se situant dans la normalité, puis, au fur et à mesure du récit, il arrive qu'à l'instar de Gregor Samsa dans la nouvelle La métamorphose (Die Verwandlung) de Franz Kafka qui perd son identité d'homme pour devenir un cafard géant, nous nous laissions gagner par le doute, nous identifiant à l'être différent en en ressentant la souffrance, partageant la solitude du phénomène humain connu sous le surnom d'Elephant Man, le sentiment d'irréductible égarement d'E.T. L'extraterrestre loin de sa planète d'origine, la claustration du fils malformé dans Les Goonies, l'impossibilité d'être aimé ressenti par King Kong, notamment dans le remake de 1976 qui lui prête quelque sensibilité, et le Bossu Quasimodo de Notre-Dame de Paris de Victor Hugo plusieurs fois porté à l'écran et incarné par de grands acteurs comme Charles Laughton, Anthony Quinn ou encore Anthony Hopkins. Est-ce que, par un raccourci étonnant, le monstre au travers de sa polysémie intrinsèque ne tend-t-il pas parfois, à rebours de ce qu'on se représente spontanément, à incarner ce qu'il y a de meilleur en l'homme, son souhait de trouver sa juste place en ce monde, d'être habilité à établir avec autrui une reconnaissance mutuelle, à susciter la compassion et l'empathie pour tout ce qui vit ? Le monstre, héraut de l'incommunicabilité ?

- Dans les meilleurs romans et films, oui, le monstre est souvent plus humain que les humains. Mais depuis fort longtemps, il y a aussi l'Alien, L'Étranger, comme dans le film de Ridley Scott, qui est une pure représentation du mal primaire et sans émotions. On est loin de la Créature du Lagon Noir qui tombait simplement amoureux de la belle femme qui se promenait dans ses eaux à lui.

L'extraterrestre anthropophage et Ripley (Sigourney Weaver) dans Alien

Les créatures de cinéma furent, notamment dans les années 1980, apothéose des effets spéciaux organiques, créées de manière concrète, les descriptions, dessins de production puis maquettes conceptuelles finalement convertis en modèles réduits ou grandeur nature, dotés d'une armature articulée constituant leur squelette interne, de câbles ou d'un système radiocommandé faisant office de système nerveux, le latex, la silicone ou la plastiline les recouvrant comme un vrai épiderme, leur texture mise naturellement en valeur par le soin des éclairages nous convaincant de leur réalité tangible. La généralisation des images infographiques a engendré un cinéma de nature différente, dématérialisé, dans lequel les créatures tendent à l'abstraction, le cinéma actuel n'utilisant plus ni décors ni vrais effets spéciaux, tout étant filmé sur fond vert et ajouté à la palette graphique comme pour Avatar et Le Hobbit (The Hobbit) - rendant d'ailleurs inintéressants les tournages dont rendaient auparavant compte d'excellents articles et reportages filmés, et finalement donnant une impression d'interchangeabilité dans les univers dépeints qui paraissaient jadis plus spécifiques. Le maquilleur Rick Baker estimait que son art survivrait à ces innovations, mais après les peintures sur verre figurant les arrière-plans, les vaisseaux spatiaux et les créatures mécanisées géantes, ce sont les maquillages eux-mêmes qui ont été supplantés comme dans la dernière version de La Belle et la Bête (The Beauty and the Beast), et ayant pu vérifier que la prétendue complémentarité des techniques n'était qu'un leurre, ce créateur a fermé son studio alors qu'il obtenait une étoile sur Hollywood Boulevard ! Il existe quelques tentatives grâce au financement participatif, Harbinger Down initié par le studio ADI/Amalgamated Dynamics, Remote Viewing réalisé par l'illustrateur et créateur d'effets spéciaux Jordu Schell ou encore Dark Earth porté par l'animateur image par image Peter Montgomery, mais ces initiatives trouvent peu d'écho sauf auprès de ceux qui ont connu et apprécié les véritables effets spéciaux des décennies précédentes. Penses-tu qu'il s'agit là de la queue de la comète, d'un ultime baroud d'honneur, ou qu'il existe un espoir raisonnable que le Bestiaire du Club des monstres puisse à nouveau s'enrichir de monstres réellement construits dans des studios par les héritiers des magiciens qui nous ont fait rêver comme Rick Baker, Stan Winston et Rob Bottin avant qu'on ne les congédie sans ménagement ?

- Il y a encore quelques irréductibles qui préfèrent envers et contre tous les créatures construites en réel. Ils sont certes peu nombreux, mais fort appréciés. Ce sont évidemment mes préférées, ou parfois comme dans le récent Shin Godzila le mélange de costumes traditionnels retravaillés digitalement sont capables de me berner. On pense alors au Jurassic Park, le premier de Spielberg, avec son mélange de création digitale, ses spécialistes de l'animation image par image et ses parties construites en réel, donnent d'excellents résultats. Malheureusement une grande partie de l'industrie a cru que l'on pouvait maintenant tout faire dans un ordinateur. Les résultats sont régulièrement navrants.

Un échantillon de créatures concrètes dans des productions indépendantes : En haut, Martien créé par le maquilleur Ultrakarl pour War of the Worlds - the True Story de Timothy Hines, à côté, une scène de Remote Viewing de Jordu Schell avec des tentacules qui évoquent les créatures conçues à partir de sachets plastiques par William Bryan, en dessous, tête d'un monstre créé par le maquilleur Chris Walas pour son film Inheritance, à côté une scène de l'infection spectaculaire Bacterium du vétéran de l'animation image par image à petit budget Brett Piper, enfin, vue dans la coulisse de la création d'une monstruosité mutante du film Harbinger Down produit par les créateurs d'effets spéciaux de l'atelier Amalgamated Dynamics, un projet lancé comme Remote Viewing grâce au financement participatif, dont les lecteurs ont été tenus au courant de l'avancement. 

- Quelles sont les créatures que tu trouves les plus marquantes, intéressantes, par type ou catégorie (merveilleux, surnaturel, mutant, extraterrestre, etc...)

Je vais effleurer le sujet, là aussi il y aurait tant à dire. Durant les années 60, j'ai vu beaucoup de films de créatures à la télévision et au cinéma. Si je n'étais pas friand de vampires, trop humains à mon goût à cette époque, je préférais les vrais monstres. Les Créatures de Frankenstein, les Loups-garous ou la superbe Etrange Créature du lac noir (Creature from The Black Lagoon). Voir Godzilla sur petit et grand écran était merveilleux. J'ai regardé à de multiples reprises les séries télévisées Au-delà du réel (The Outer Limits) et les séries d'Irwin Allen avec leur multiples monstres. Caltiki, Le Monstre immortel m'avait grandement marqué. La vue des yeux dans la dernière minute d'une créature des neiges m'a fascinée pendant des années et j'ai finalement vu The Abominable Snowman, superbe.



L'Etrange créature du lac noir.


L'équipage du sous-marin de la série d'Irwin Allen Voyage au fond des mers dirigé par l'Amiral Nelson (Richard Basehart) est mis à rude épreuve par diverses créatures hostiles

Celles qui te paraissent la plus effrayante et la plus émouvante ?

- Je suis encore fasciné par les deux films de Clive Barker et ses créatures dans Hellraiser et Nightbreed. Les monstres de Cloverfield, The Host, les créations de David Lynch, les zombies de George Romero et Lucio Fulci, les fantômes et légendes urbaines de Koji Shiraishi. Je pourrais continuer longtemps encore. C'est l'univers des créatures et des monstres dans sa totalité et sa diversité qui m'intéresse et me passionne. 

L'écrivain et réalisateur Clive Barker sur le tournage de Cabal (Nightbreed) en compagnie de la vedette de son film, David Cronenberg, lui-même réalisateur, portant des créatures hybrides inspirées du film précédent de ce dernier, La Mouche (The Fly), dans lequel une séquence de cauchemar montre un chercheur contaminé par des gènes de mouches devenir le géniteur d'un asticot géant.

Considères-tu que que la musique d'un film fait partie d'un ensemble participant de l'atmosphère du film ou t'arrive-t-il de lui prêter plus particulièrement attention ? Et si c''est le cas, quelles musiques t'ont le plus marqué et as-tu un compositeur préféré ?

- Un ami m'a initié à l'écoute de trames sonore il y a presque cinquante ans. Depuis, je suis amateur de trames sonores et je les collectionne. Les musique du groupe Goblin, de John Williams (de Lost in Space à Jaws, Star Wars et tant d'autres), en passant par Alain Goraguer pour La Planète Sauvage, Ennio Morricone, John Carpenter, Fabio Frizzi, Akira Ifukube et tant d'autres. Oui c'est essentiel et c'est partie prenante d'un bon film ou d'une bonne série télévisée.

John Williams, un compositeur célèbre associé notamment aux films de Steven Spielberg, qui fait toujours l'unanimité.

Je viens de découvrir qu'au Québec a été produite la série télévisée Electric Dreams, inspirée par des récits de l'écrivain Philip Dick, comme la célèbre nouvelle Le Père truqué (Father-Thing). Celui-ci est-il particulièrement apprécié au Québec, et as-tu eu l'occasion de voir certains épisodes ?

- Malheureusement non.

Merci Mario, pour ton intérêt et ton temps, conversation très appréciée et j'espère qu'il en sera de même pour les lecteurs.

Je remercie bien chaleureusement le plus fidèle des lecteurs du blog qui démontre que par delà l’Océan atlantique, la distance entre personnes qui éprouvent une considération mutuelle est quoi qu’on prétende très relative, te souhaitant le meilleur et longue vie au Club des monstres auquel Créatures et imagination est honoré d’être associé, notamment au travers de la reprise de certains de ses hommages à des créateurs du genre que nous affectionnons, et nulle doute que notre passion commune pour les créatures amèneront nos chemins à se croiser encore bien des fois...



liens : http://www.clubdesmonstres.com/

bestiaire : http://www.clubdesmonstres.com/bestiaire.html

la gazette : http://www.clubdesmonstres.com/gazette.htm

entretien avec la compositrice de The Creeping Terror :

http://clubdesmonstres.com/entrevues/jayne_dickinson.htm?fbclid=IwAR3rovz8Cy7aWbn8rszYodqMEpZMTTcOT0BGBkVMJW_YKD3VYs0VfJ7jfGA

fanzine humoristique contenant des illustrations par notre ami sous le nom de Blanc Citron :

http://www.clubdesmonstres.com/trombinoscope.htm?fbclid=IwAR2EHzZq4hGXpMScY17dspV4_19uN7KqFgxWyIJSYakGekx-9D06QJjvG_Q


hommages à deux cinéastes dont des films sont évoqués plus haut (repris par le Club des Montres) :

Larry Cohen : https://creatures-imagination.blogspot.com/2019/04/un-brillant-cineaste-independant.html 

Bert I. Gordon : http://creatures-imagination.blogspot.com/2023/03/un-petit-qui-voyait-grand.html

Les séries diffusées en France : http://creatures-imagination.blogspot.com/2022/01/temps-x-fugit.html


Un second évènement tristement annulé

Ce quinzième anniversaire du site Créatures et imagination, les êtres réels et les êtres imaginaires, aurait dû s’accompagner d’un second évènement, la sortie d’une encyclopédie de 452 pages consacrée au cinéma de l’imaginaire, depuis ses débuts jusqu’à l’orée de l’ère de l’imagerie infographique omniprésente, mais les éditions Encrage qui avaient décidé de le publier il y a un an et demi en partenariat avec Les belles Lettres n’ont malheureusement pu obtenir la validation du projet en raison de la fin de la collaboration entre les deux maisons d'édition. Au-delà des cinq années d’investissement en pure perte sur ce travail, cette occasion manquée porte aussi le regret de ne pouvoir offrir au public une somme qui remontait aux origines des trois principaux genres de l’imaginaire, le Merveilleux, le Fantastique stricto-sensu mettant au centre le Surnaturel, et la Science-fiction, au travers d’une revue historique, thématique et analytique, évoquant 1000 films, et proposant notamment en complément un historique des effets spéciaux concrets au travers de la carrière de dizaines de créateurs, accompagné de photos rares dont ceux-là avaient autorisé la publication. L’ouvrage portait un regard anticonformiste sur les œuvres, mettant en valeur certaines productions méconnues, notamment pour les années 1950, et n’omettait pas quelques téléfilms dignes d’intérêt, un aperçu en un seul volume mais néanmoins très complet, d’autant plus susceptible d’intéresser aussi bien l’amateur éclairé que le néophyte que nombre de ces productions modestes sont dorénavant accessibles sur les sites de diffusion sur internet, tout particulièrement sur Youtube.

En attendant qu’un éditeur courageux accepte de donner une suite positive à cette œuvre – dont nul ne met sérieusement en doute l’intérêt et la qualité, mais l’auteur n’a pas la chance d’être ministre, ce qui confère une notoriété certaine pour qui cherche à être publié, le lecteur pourra se reporter concernant un film en particulier aux articles du Club des monstres de Mario Giguère ainsi qu'à d’autres sites d’internet proposant des analyses des films. Toute proposition sérieuse d’une maison à compte d’éditeur est naturellement la bienvenue pour envisager que ce livre conçu comme un ouvrage de référence pour le lecteur francophone passionné par le cinéma de l’imaginaire puisse finalement être mis à disposition du public auquel il est destiné.  




 Le projet de couverture et la quatrième de couverture de l'encyclopédie inédite - on voudra bien excuser la faible qualité de la reproduction imparfaitement restituée au format image. Pour pouvoir lire la suite, il faudrait pouvoir compter sur un éditeur courageux, s'il s'en trouve un parmi les lecteurs...

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A VENIR : En attendant l'hypothétique bonne volonté d'un éditeur qui pourrait permettre d'augurer la sortie de l'encyclopédie, rendez-vous est donné aux lecteurs pour de prochaines immersions fascinante dans l'imaginaire, avec notamment les six autres volets de l'Histoire naturelle fantaisiste au fil des siècles riches en sujets d'étonnements, et une longue future série sur les monstres inédits du cinéma. Restez fidèles à Créatures et imagination, les êtres réels et les êtres imaginaires, et faîtes le découvrir aux autres passionnés.


Créatures et imagination, entreprise de sauvegarde en ligne des vrais monstres.