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mardi 17 mai 2022

LE PLUS DOUE DE LA FAMILLE ADAMS


    Aux États-Unis, les bandes dessinées mettant en scène des super-héros, ces personnages dotés de pouvoirs extraordinaires comme les Dieux de l’Olympe de la mythologie gréco-romaine, connaissent un grand succès, notamment depuis les années 1950, et dans la période récente, elles constituent une des sources principales d’inspiration d’Hollywood. Nombre de dessinateurs se sont fait une réputation bien établie dans le domaine et sont adulés par les amateurs, comme Jack Kirby et John Buscema, puis Mike Ploog, Kerry Gammill ou encore Neal Adams, qui vient de disparaître à New-York l’âge de 80 ans le 28 avril 2022 des suites d’une infection. L’artiste a aussi dessiné un certain nombre de couvertures d’albums de bandes dessinées ainsi que des posters de films.

        Le dessinateur avait notamment donné vie dans les années 1960 aux aventures des personnages de Green Lantern et de Batman dans les séries éponymes, puis à celles des X-Men, en leur appliquant un graphisme dynamique évocateur du montage cinématographique. Il avait aussi contribué à conférer un style plus sombre aux aventures du justicier masqué n’intervenant dorénavant plus que la nuit dans sa croisade contre le crime, approche qui inspirera les adaptations cinématographiques. Très impliqué dans son domaine professionnel, il s’attachait à ce que les artistes soient reconnus et il obtint qu’à la suite de l’achat des droits à DC Comics par les producteurs de la Paramount pour l’adaptation sur grand écran des aventures de Superman, l’éditeur crédite et rémunère les concepteurs eux-mêmes. Il avait fondé avec Stan Lee, célèbre créateur de super-héros à l’origine de l’autre grande maison éditant des albums consacrés aux super-héros, la société Marvel, un syndicat de défense des scénaristes et dessinateurs et avait pris vigoureusement position contre le modèle de contrat que cette société, au temps où elle était dirigée par l’éditeur en chef Jim Shooter, voulait imposer aux artistes indépendants qu’elle engageait, en leur déniant d’emblée toute prétention à exciper de la propriété de leurs travaux. Son fils estime que le dessinateur faisait preuve d'une affection paternelle pour tous ceux qu'il rencontrait.

        Au sein de son abondante production, Neal Adams a eu rarement l’occasion de concevoir des créatures comme celles qui représentent le centre d’intérêt de ce site, à part quelques bandes dessinées consacrées à des êtres monstrueux comme les loups-garous. Il avait cependant à l'occasion de quelques bandes dessinées consacrées à Conan confronté le personnage de Barbare imaginé par l’écrivain Robert Howard à quelques monstres monumentaux, une gigantesque limace habitant une grotte dans le numéro 37 et une sorte de pieuvre monstrueuse d'allure lovecraftienne pour la couverture du numéro 45.

La limace titanesque que découvre Conan le Barbare dans The Curse of the Golden Skull dans l'album "Conan numéro 37", une aventure dessinée par Neal Adams.

Tandis que l'aventure de The Demon of Dark Valley était du ressort de Sal Buscema dans le numéro 45 de Conan, la couverture en fut dévolue à Neal Adams.  

Un monstre effrayant dessiné par Neal Adams.
                                  
Un Ptérodactyle emporte le héros dans cette adaptation de Tarzan at the Earth's Core d'après Edgar Rice Burroughs.

L'Homme-Chose (Man-Thing) de Marvel, un homologue de La Créature du Marais (The Swamp Thing) de Len Wein et Bernie Wrightson (voir hommage à celui-ci) chez DC Comics, ici recréé en 1998. Le dessinateur indépendant a collaboré aussi bien avec DC Comics et Marvel, les deux grands éditeurs concurrents.

Monstres démoniaques figurant sur la couverture de l'album Monsters de Neal Adams.

       De manière occasionnelle, Neal Adams a collaboré à quelques projets cinématographiques, particulièrement deux films réalisés en 1986 par Stuart Gordon (voir l’hommage posthume en ces pages), Les poupées (The Dolls), un inquiétant conte sur un couple changeant ses invités en poupées meurtrières, et Aux portes de l’au-delà (From Beyond), adaptation d’une nouvelle d’Howard Phillips Lovecraft traitant de l’invention d’un dispositif permettant d’ouvrir un passage dans une autre dimension, dont s’échappent de monstrueuses et redoutables créatures.


Esquisses de Neal Adams pour le film Aux portes de l'au-delà (From Beyond), en haut, la matérialisation de créatures ondulant autour du "résonator", et l'apparition de celles-ci dans le film, en dessous.


Illustration représentant le savant Pretorius littéralement changé en "pervers polymorphe" pour reprendre l'expression de la psychanalyse freudienne.




Nouvelle incarnation du savant Pretorius ayant fusionné avec un être protéiforme, se métamorphosant en un être d'épouvante. 





Un plan non tourné d’Aux portes de l’au-delà (From Beyond) dessiné par Neal Adams devait montrer brièvement le personnage de Crawford Tillinghast joué par Jeffrey Combs à l’intérieur du gosier de la créature surgissant dans la cave, inspirée de la lamproie en dépit du renfort du policier joué par Bubba Smith, avant qu’elle ne le recrache. Dans le film, on le voit être englouti par la créature dont il ressort à peu près indemne, à l’exception de sa chevelure, réapparaissant totalement glabre.

    Neal Adams avait livré en 1980 un travail conceptuel pour l'adaptation d’un roman de l’auteur de science-fiction Arthur C. Clarke envisagée par le Studio Universal, Les enfants d’Icare (Childhood’s End). L'écrivain n’avait pas cherché à dépeindre des êtres extraterrestres vraisemblables comme dans ses romans La Cité et les astres, Chants de la Terre lointaine2010 : Odyssée Deux ou dans ses nouvelles Avant l’Eden et Hors du Soleil, mais s’était inspiré de son attrait pour le surnaturel, en imaginant des visiteurs de l’Espace affirmant vouloir aider l’humanité, bien que leur l’apparence déstabilisante pour les Terriens était exactement celle de démons, semblant issus des représentations de l’enfer de Hieronymus Bosch et de Gustave Doré. Neal Adams parvint à convaincre les producteurs que son procédé de fixation des ailes pour les créatures était réalisable, et l'essai le confirma. Cependant, l'ampleur du projet que laissaient augurer ses illustrations, avec ses vaisseaux spatiaux et ses vastes décors incluant aussi des dinosaures, finit par inciter le studio à renoncer. Le roman sera finalement transcrit par la Chaîne SyFy en 2015 sous forme de série télévisée, Childhood’s End : Les enfants d’Icare (Childhood’s End).

 Les extraterrestres d'allure diabolique inventés par Arthur C. Clarke, représentés en 1980 par Neal Adams pour le projet d'adaptation cinématographique par Universal. 


Scènes de Childhood's end figurées par Neal Adams, incluant des dinosaures.

Les extraterrestres cornus à l'apparence démoniaque voient finalement le jour à l'occasion d'une série télévisée produite en 2015 par la chaîne Sy-Fy (ex Sc-FI Channel).

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site officiel : http://nealadams.com/

biographie complète pour les anglophones : 

http://illustrationartgallery.blogspot.com/2012/10/neal-adams.html

http://www.tcj.com/neal-adams-1941-2022/

échantillons de ses contributions à la bande dessinée :

http://bibliosity.blogspot.com/2010/05/incredible-graphic-arts-of-neal-adams.html

Le film Aux portes de l'au-delà a déjà été évoqué à l'occasion de la disparition du réalisateur Stuart Gordon et de son spécialiste attitré des effects spéciaux et un des principaux responsables de ceux de cette adaptation d'une nouvelle de Lovecraft, John Carl Buechler.

Stuart Gordon : https://creatures-imagination.blogspot.com/2020/08/cetait-un-des-maitres-de-lempire.html

John Carl Buechler : https://creatures-imagination.blogspot.com/2019/05/un-serviteur-de-lempire-aux.html

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Disparition de l'acteur Fred Ward :

Décédé le 8 mai 2022 à l’âge de 79 ans, l’acteur américain Fred Ward était notamment connu des cinéphiles pour sa participation à un célèbre film de monstres de la fin des années 1980, Tremors. Après avoir servi durant trois années dans l’armée de l’air américaine, il avait suivi des cours de comédie. Il avait aussi pratiqué la boxe, se faisant casser trois fois le nez, contribuant à lui façonner son physique râblé.

Fred Ward (à gauche) et Kevin Bacon, vedettes du film TREMORS.

Il fit ses débuts à l’écran au début des années 1979, à la télévision dans la série L’ère des Médicis en 1973 puis sur le grand écran l’année suivante. Il incarne au côté de Clint Eastwood dans L’évadé d’Alcatraz (Escape from Alcatraz) de Don Siegel en 1979 un des trois fugitifs de la célèbre évasion réussie le 11 juin 1962 depuis ce lieu dont les limites étaient censées être infranchissables, à la consternation du directeur de la prison interprété par Patrick McGoohan, qui s’est fait ironiquement connaître pour le rôle-titre de sa série Le Prisonnier (The Prisoner) dans lequel il ne cessait de tenter de s’évader – autre touche piquante, le réalisateur concrétise une séquence véritable au cours de laquelle les évadés trompent la vigilance des gardiens en façonnant des mannequins à leur effigie, rappelant les duplicatas d’origine extraterrestre en cours d’achèvement destinés à se substituer à de véritables êtres humains dans ce classique de la science-fiction que Siegel avait mis en scène en 1956 dans L’Invasion des profanateurs de sépultures (Invasion of the Body Snatchers) qu’avait confectionnés le studio de Don Post.

Fred Ward apparaîtra dans l’évocation d’autres restitutions de l’histoire américaine récente, la Guerre du Vietnam dans Retour vers l’enfer (Uncommon valor) en 1983, réalisé par Ted Kotcheff qui avait déjà abordé le thème de ce conflit avec Rambo (First Blood) et la même année la restitution des débuts du vol supersonique dans L’Étoffe des héros (The Right Stuff) dans lequel il joue l'astronaute Gus Grissom sous la direction de Philip Kaufman – lequel pour l’anecdote a réalisé le premier remake de L’Invasion des profanateurs de sépultures de Siegel cité ci-dessus. En 2009, il incarne le Président Ronald Reagan dans une recréation d'un affaire célèbre d'espionnage de la guerre froide, Farewell, mise en scène par Christian Carion.

Tremors de Ron Underwood renouvelle en 1989 l’approche des films de monstres, avec contant les infortunes d’un petit groupe assiégés par des vers géants d’une espèce inconnue, qui trouve refuge momentanément sur les toits d’habitations – film qui a aussi permis aux créateurs d’effets spéciaux Tom Woodruff et Alec Gillis, fondateurs du Studio ADI, de retrouver du travail après l’échec de leur projet de film. Fred Ward dans le rôle d’Earl Bassett et Kevin Bacon et dans celui de Valentine McKee sont les deux hommes à tout faire qui affrontent les premiers les redoutables créatures inconnues, avec bientôt le renfort d’un maniaque des armes, Burt Gummer joué par Michael Gross. Ce dernier revient en 1996 dans la première suite, Tremors II : les dents de la terre (Tremors : Aftershocks), suppléer au partenaire manquant, Bassett travaillant dorénavant seul, les deux hommes aguerris étant cette fois confrontés aux rejetons bipèdes des créatures, avant que dans les volets ultérieurs, Michael Gross finisse par tenir seul la vedette, devenant la nouvelle incarnation de la franchise.

Le réalisateur de TREMORS, Ron Underwood, entre ses deux vedettes, Kevin Bacon et Fred Ward.

Fred Ward contemple le bec fendu dont dépasse un des tentacules buccaux d'un "Graboïde" mort.

Fred Ward (au fond) et Michael Gross (avec l'arme) aux côtés d'Helen Shaver dans Tremors 2 : les dents de la terre.

Un poulet ? Un oiseau ? Non, la forme juvénile des vers géants.

En 1991, Fred Ward se voit investi de la responsabilité d’incarner une version très libre du fameux écrivain américain Howard Phillips Lovecraft, en dépit d’une ressemblance physique approximative (Jeffrey Combs est plus vraisemblable dans le rôle de l’auteur intervenant entre les sketchs de Necronomicon produits par Brian Yuzna en 1993), dans Détective Philippe Lovecraft (Cast a Deadly Spell), comédie fantastique dans laquelle le personnage renommé exerce curieusement la profession de détective et se heurte à des êtres surnaturels, notamment à un monstre lovecraftien convoqué par un arriviste prêt à lui sacrifier sa propre fille vierge à la manière de la Reine maléfique de Conan le destructeur (Conan the destructor) avec sa nièce, et qui est incarné par David Warner également à l’affiche de Necronomicon. Fred Ward était aussi apparu dans une courte série télévisée de science-fiction de la BBC, Invasion : Earth, en 1998, et dans un autre domaine fit partie de la distribution de la comédie Y a-t-il un flic pour sauver Hollywood ? (Naked Gun 31 1/3 : the final insult) de Peter Segall en 1994. 

Fred Ward dans le rôle éponyme d'un Lovecraft détective sur l'épaule duquel s'épanche une gargouille.

L'enquêteur Lovecraft s'apprête à interroger en prison un suspect patibulaire qu'on pourrait même qualifier de bestial.

Un aperçu du Grand Ancien.

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Si vous avez déjà entendu parler du film JUNK HEAD, film de Takahide Hori, sorti en salle le 18 mai 2022, c'était peut-être sur ce site. En effet, "Créatures et imagination, les êtres réels et les êtres imaginaires" avait évoqué ce projet de film apocalyptique animé image par image selon la technique popularisée par le créateur de King Kong Willis O'Brien et par son brillant successeur Ray Harryhausen (voir le long hommage sur ces pages à ce dernier en juillet 2013). L'oeuvre a pu être achevée grâce aux contributions des internautes ayant permis de concrétiser cet univers sombre comparable à celui de Phil Tippett, MAD GOD, réalisé avec la même technique et concrétisé au travers du même procédé de financement.


Les deux entreprises avaient été évoquées dans le même article, en novembre 2014, en même temps que d'autres intiatives, en cours ou pour beaucoup ayant déjà abouti, à l'exception du projet NEBULA en raison du décès de son initiateur : 

http://creatures-imagination.blogspot.com/2014/11/le-futur-de-lanimation-hors-dhollywood.html

Le lecteur peut visionner ci-dessous la bande-annonce du film :

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Un jour, j'avais été obsédé par tous les thèmes de Total Recall, le lendemain, j'appris que Jerry Goldsmith avait disparu la veille. Et le 18 mars en début d'après-midi, j'avais un thème flûté de 1492 qui me trottait dans la tête, je m'étais dit au vu de ce précédent que, si ça tombe, Vangelis était décédé et effectivement, il était mort le jour précédent à l'âge de 79 ans, bien que certains aient initialement dénoncé une rumeur - je pensais d'ailleurs aussi à lui ces tous derniers jours. Je n'affirmerais pas que je crois au surnaturel mais je ne suis pas sans m'étonner de ces coïncidences, comme si j'avais un lien particulier avec les génies de la musique de film...

Ce compositeur singulier composait en ignorant le solfège. D'origine grecque, Vangelis Papathanasiou avait d'abord était compositeur pour le groupe Aphrodite's Child autour du chanteur Demis Roussos. Il avait composé des musiques pour les documentaires de Frédéric Rossif sur la vie animale, collaboration débutée par L'Apocalypse des animaux, de nombreux thèmes inspirés par l'espace et l'univers futuriste avec notamment ses albums Direct en 1988 et The City en 1990, et ainsi illustré la série vulgarisatrice de Carl Sagan sur l'Univers, Cosmos. Il avait été à plusieurs reprises associé au cinéma, dès 1970 pour Sex Power d'Henry Chapier et avait reçu en 1982 l'Oscar pour la meilleure musique de film pour Les Chariots de feu (Chariots of God). Il savait composer une atmosphère envoûtante comme pour Blade Runner pour lequel il élabora un vrai univers sonore, Antarctica, 1492 (1492 : Conquest of Paradise) ou encore Les Révoltés du Bounty (The Bounty), le second remake avec Anthony Hopkins.


Pas réellement de créatures dans Blade Runner, mais un univers étouffant à l'atmosphère mélancolique généré par Vangelis, dans lequel on s'interroge sur ce qui différencie les humains des êtres artificiels.

Le morceau de Blade Runner "Tears in rain" a été repris avec la même charge émotionnelle par Hans Zimmer dans l'épilogue de Blade Runner 2049 de Denis Villeneuve. Adieu, Cher Vangelis, merci pour ces souvenirs qui mêleront nos larmes à la pluie...

    

Dossier sur sa composition pour Blade Runner pour les anglophones : http://www.nemostudios.co.uk/bladerunner/


samedi 25 mai 2019

UN SERVITEUR DE L'EMPIRE AUX MARIONNETTES DIABOLIQUES

John Carl Buechler et ses petits monstres de Ghoulies.


La disparition du réalisateur Larry Cohen cinq jours plus tard, auquel a été ici consacré un hommage le mois précédent, a quelque peu occulté celle du maquilleur et créateur d’effets spéciaux John Carl Buechler décédé le 18 mars 2019 à l’âge de 66 ans victime du cancer, sur la carrière duquel il paraît légitime de revenir. Son épouse avait révélé il y a quelques mois la gravité de son état, ayant initié une collecte dans l’espoir de pouvoir réunir une somme suffisante pour recevoir les soins nécessaires, même si lui-même, à l'instar de l’acteur Simon McCorkindale comme on l'évoquait suite à sa disparition, professait son espoir dans la médecine naturelle à base de plantes.  

Il avait débuté dans le métier grâce à au costume de monstre de l’espace qu’il avait conçu et endossé à la fin des années 1970 pour un court métrage très populaire dans les conventions de science-fiction américaines, The Thing in the basement, et qui eut l'honneur de la couverture du numéro 11 du magazine Cinemagic dévolu aux effets spéciaux. L'oeuvre ressortit dix ans plus tard en vidéo dans l'anthologie Fright Show en 1985 rassemblant trois autres courts métrages. Cela lui valut d’être engagé pour concevoir des extraterrestres velus inspirés d’animaux terrestres pour la série de CBS Jason of Star Command.



John Carl Buechler posant avec sa première création publique, l'extraterrestre du court-métrage The Thing in the basement, en haut, un gros plan qui annonce quelque peu les extraterrestres de la série Au-delà du réel, l'aventure continue (The New Outer Limits), au milieu, et la même créature qui évoque en contre-plongée le fameux croquemitaine Freddy Krueger, personnage sur lequel le maquilleur aura l'occasion de travailler.


Quelques citoyens pittoresques de la série Jason of Star Command.

Le maquilleur fait merveille dès 1981 à l’occasion de Mausoleum de Michael Dugan, qui ne sera distribué qu’en 1983, dans lequel une épouse (Bobbie Bresee, qui sera l’objet d’une autre transformation, en créature de l’espace insectoïde dans Evil Spawn) est possédée par un démon la poussant à tuer ses proches. John Carl Buechler conçut sa transformation démoniaque, ainsi que le costume élaboré avec peu de moyens par du démon qui apparaît en personne lors de la confrontation finale et qui se révèle tout à fait marquant, à mi-chemin de l’être diabolique tel que Bosch se l’imaginait et du sujet d’une maladie génétique affectant le squelette et conférant à l’épiderme un aspect malsain, permettant à cette scène de donner corps à tout son potentiel horrifique.

Le démon de Mausoleum entre deux prises.

L'artiste avait travaillé pour Roger Corman comme responsable des effets spéciaux de maquillage de sa compagnie New World Pictures sur des films relevant de l’heroic-fantasy, The Sorceress and Deathstalker, sur la comédie de science-fiction Galaxina, sur Android d’Aaron Lipdstadt pour lequel il créa une fausse tête décapitée à l’effigie de Klaus Kinski qui incarne un androïde et il produisit encore l’infâme et fort organique culture cellulaire réalisée par le monstre de Mutant (Forbidden World) d’Allan Hollzman à partir du corps de ses victimes tandis que Steve Neill construisit les créatures, et il se chargea aussi de la mort du monstre adulte empoisonné avec les cellules cancéreuses d’un malade au stade terminal, avant de devenir le principal artisan des productions de série B de la compagnie de Charles Band, Empire, qui sera ensuite rebaptisée Full Moon Entertainment, combinant souvent horreur et parodie. Il conçut l’extraterrestre femelle de Zone Troopers de Danny Bilson en 1985, un humanoïde aux allures de gorille pourvu de pièces buccales insectoïdes, dans un mélange qui rappelle les extraterrestres des bandes dessinées Weird Science (voir l’hommage rendu à ses auteurs en mai 2014*). Il construisit le monstre farfelu de Terrorvision de Ted Nicolaou, avec la collaboration de John Vulich (voir l’hommage en octobre 2016**) et d'Howard Kurtzman (un futur fondateur de KNB FX Group), dont la structure fut réutilisée comme base pour une créature d’Aux portes de l’au-delà. Il prêta assistance aux effets spéciaux de films connus d’épouvante de la société, notamment ceux de Stuart Gordon comme en 1985 Re-animator ainsi que sa suite réalisée en 1989 par le producteur Brian Yuzna Re-animator 2, la fiancée de Re-animator et en 1986 Les Poupées (Dolls) et Aux portes de l’au-delà (From Beyond), pour lequel il crée la version grandeur nature partiellement mécanisée du monstre ailé aux allures de crustacé pourvu d’un cerveau hypertrophié et sa version miniature, les deux étant la plupart du temps animées image par image, ainsi que des armatures dissimulant partiellement l’acteur Ted Sorel lorsque son personnage subit ses mutations. On lui doit aussi la transformation plus modeste d’un astronaute en extraterrestre reptilien puis sa liquéfaction après sa renaissance inattendue dans le final romantique de Transformations de Jay Kamen en 1988.

Le conglomérat représenté par une victime du monstre de Mutant (Forbidden World) qu'il transforme en réserve de nourriture. 

Un extraterrestre moins menaçant que son apparence le laisse supposer dans Zone Troopers, dont Hitler voudrait bien s'emparer.

Un nounours géant se change en ours terrifiant et meurtrier dans Les Poupées (Dolls)


Ted Sorel dans le rôle de Pretorius changé en être métamorphe lubrique, réellement un "pervers polymorphe", grâce à l'armature translucide couverte de gélatine créée par John Carl Buechler dans Aux portes de l'au-delà (From Beyond), en haut, et en dessous, et sa transformation complète en créature d'une autre dimension grâce au modèle très détaillé et réaliste que l'artiste a agencé dans son atelier. 

L'homme changé en extraterrestre reptilien dans Transformations renaît finalement en s'extrayant de son enveloppe monstrueuse liquéfiée à la manière du héros dans le final de La Mouche 2 tourné la même année.

John Carl Buechler est surtout associé à la fabrication de petits personnages satiriques apparaissant dans des films ne se prenant généralement pas au sérieux, comme dans les sagas Ghoulies débutée en 1984 et Troll dont il met lui-même en scène en 1986 le premier film, qui comporte par ailleurs une transformation en végétal et un champignon semi-anthropomorphe. Sur un mode un peu plus inquiétant, il conçoit la créature démoniaque de Cellar Dweller en 1988, film d’épouvante qu’il réalise, dans lequel une maison maudite concrétise ce que montrent les auteurs de bandes dessinées qui y résident. Il imagine en 1992 pour Glutors (Seed People) de Peter Manoogian trois types de petits monstres semi-végétaux qui prennent naissance dans des arborescences extraterrestres et dirige la seconde équipe, celle qui filme les effets spéciaux en dehors du tournage principal et souvent sans la présence du réalisateur ; bien que plus pittoresques que réellement terrifiantes, ces créatures participent du climat un peu surréel du film. Il livre aussi quelques formes de vie extraterrestres grotesques pour le second remake produit par Roger Corman de Not of this Earth de Terence Winkless en 1995.



Dans Cellar Dweller, Withney Taylor (Debrah Farentino, la mère de famille éprouvée de La Tempête du siècle), découvre que le démon qui se manifeste quand on le dessine peut aussi s'incarner en l'un de ses concurrents d'un concours de bande dessinée qui se change en cauchemar.

John Carl Buechler et la tête mécanisée du grand monstre de son film Troll.

Le monstre volant de Glutors.

Séquence de tournage de Glutors avec l'être bipède aux allure de tableau d'Arcimboldo, extraie du documentaire visionnable sur le site de Charles Band www.fullmoondirect.com

Une des incongruités extraterrestres du remake de Not of This Earth.

Sur Necronomicon, produit par Brian Yuzna, un partenaire de Charles Band, il donne naissance en 1993 à une émanation de Cthulhu, monstre tentaculaire inventé par Howard Philip Lovecraft qu’il dote d’une mâchoire rappelant celle du monstre de Mutant, qu’on entrevoit ondulant dans l’eau sombre des rigoles à l’occasion des séquences liant les sketchs dans lesquelles l’écrivain apparaît en personne, interprété par Jeffrey Combs (vedette de Necronomicon et d’Aux portes de l’au-delà, et aussi le dessinateur qui périt dans le prologue de Cellar Dweller), attelé à la manière de son personnage de sa nouvelle L’abomination de Dunwich (The Dunwich Horror) à rechercher dans une bibliothèque l’ouvrage maudit qui donne son titre au film, invention littéraire évoquée dans nombre de ses textes.

la mâchoire bardée de tentacules qui guette le curieux dans les recoins obscurs de la bibliothèque de Necronomicon.

John Carl Buechler construit aussi dans les années 1990 quelques répliques d’animaux disparus. Pour Carnosaur d’Adam Simon en 1993, ainsi que pour la seconde suite, Carnosaur 3, dans lesquels, conformément au roman homonyme de John Brosnan de 1984 préfigurant Jurassic Park, des scientifiques recréent des dinosaures carnivores en incorporant le patrimoine génétique de ces animaux récupéré sur des fossiles dans celui de poules qui leur donnent naissance au travers de leurs œufs, Buechler a conçu les petits dinosaures carnivores sous forme de marionnettes ainsi que la version miniature du tyrannosaure tandis que son collaborateur Kenneth J. Hall, qu'il employait dans sa compagnie Mechanical and Makeup Imagerie alors devenue Magical Media Industries, donnait naissance au reptile géant grandeur nature, avec un rendu est assez remarquable compte tenu du budget. Dans Dinosaur Island en 1994, c’est à lui qu’incomba la responsabilité de redonner vie au dinosaure mécanique qui avait été employé dans Carnosaur l’année précédente. Dans Deep Freeze en 2002 qu’il met en scène, ce sont des trilobites ramenés à la vie, des arthropodes marins appartenant à un groupe disparu très abondant à l’ère paléozoïque, qui sèment la terreur dans une base de recherche scientifique polaire, auxquels le tégument sombre et un peu granuleux qui leur est conféré ainsi que l’agitation frénétique de leurs appendices confèrent un caractère plus effrayant que ce qu’on à quoi on aurait pu s’attendre.

John Carl Buechler et sa marionnette

Le résultat terrifiant à l'écran.




Des centaines de millions d'années séparent l'homme et le trilobite jusqu'à une rencontre fortuite dans Deep Freeze qui aboutit à un résultat tout aussi préoccupant que dans Jurassic Park.

Le maquilleur avait à l’occasion œuvré sur des films célèbres comme en 1988Halloween IV et Le cauchemar de Freddy (A Nightmare on Elm Street IV : The Dream Master ) de Renny Harlin, pour lequel il agence la poitrine du croque-mitaine dans laquelle apparaissent les visages de ses victimes puis il crée aussi avec la participation de son collaborateur Kenneth Hall les maquillages de l’avant-dernier volet, La Fin de Freddy, l’ultime cauchemar (Freddy’s Dead : Ultimate Death) de Rachel Talalay en 1991. De manière plus anonyme, il participa aussi en 1989 à Indiana Jones et la dernière croisade (Indiana Jones and the Last Crusade). Il a conçu quelques prothèses pour le remake de La Mouche au temps où le maquilleur Rob Bottin et l’artiste Dale Kuipers étaient aussi semble-t-il pressentis pour le projet comme évoqué dans l'hommage à ce dernier en octobre 2013***, jusqu’à ce qu’une tragédie familiale amène finalement le réalisateur initial à renoncer au projet et que celui-ci échoie à David Cronenberg, qui recruta alors Chris Walas et Stephan Dupuis qui avaient déjà travaillé pour lui sur les maquillages spéciaux de Scanners.

Un homme-mouche présenté sur une photo publicitaire agencée par Buechler 

John Carl Buechler était repassé à la mise en scène pour des films qui n’ont il est vrai guère marqué les esprits, comme le septième volet de la saga Vendredi 13 (Friday the 13th Part VII : the New Blood), Ghoulies III : Ghoulies go to College en 1991, un remake de Watchers, d’après un roman de Dean Koontz dans lequel un mutant conçu par l’armée pour tuer est connecté avec un chien très intelligent, venant après déjà deux suites, Watchers Reborn en 1998. Si Deep Freeze n’est pas davantage resté dans les mémoires, du moins le réalisateur était-il parvenu à susciter a minima un climat d’inquiétude au service d’une production standard. Le maquilleur expliquait qu'assurer les effets spéciaux d'un film qu'on réalise ne présentait pas de difficultés dès lors qu'on avait planifié correctement les tâches. Buechler avait aussi porté en 2006 à l’écran son scénario pour The Strange Case of Dr. Jekyll and Mr. Hyde qui transportait l’intrigue du roman de Robert Louis Stevenson dans un cadre contemporain, confiant le double rôle-titre à un acteur noir, Tony Todd, connu pour avoir interprété le tueur revenu d’entre les morts de Candyman.

John Carl Buechler à gauche au côté de l'acteur Kevin McCarthy (auquel on a rendu hommage en octobre 2010****) et les petits monstres de Ghoulies III : Ghoulies go to College

Le maquilleur était par ailleurs apparu dans un des épisodes long format de la série La Magie des effets spéciaux (Movie Magic) de Don Shay, démontrant comment réaliser des effets horrifiques, à la manière de ceux qu’il avait conçus pour Fou à tuer (Crawlspace) produit par Charles Band dans lequel Klaus Kinski incarnait un ancien criminel nazi semant la terreur dans son immeuble, bien qu’à la différence de Tom Savini, il reconnaissait que donner la vie à des créatures avait sa préférence sur les maquillages sanguinolents. Même s’il n’a guère été à la tête de films fantastiques marquants, John Carl Buechler était apprécié des amateurs de cinéma d’épouvante et était très respecté dans le milieu des créateurs d’effets spéciaux de maquillage.


*      https://creatures-imagination.blogspot.com/2014/05/cetait-le-dernier-de-lage-dor-de-la-bd.html
**     https://creatures-imagination.blogspot.com/2016/10/keep-watching-optic-nerve.html
***  https://creatures-imagination.blogspot.com/2013/10/en-souvenir-de-dale-kuipers.html 
**** https://creatures-imagination.blogspot.com/2010/10/disparition-du-dernier-etre-humain-de.html