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dimanche 8 novembre 2015

SUR LES TRACES DE CARLO RAMBALDI

 
Carlo RAMBALDI à l'âge de cinq ans, en compagnie de ses parents et de son frère; on avait évoqué ici en exclusivité la figure du père de cet artiste dans l'hommage ayant fait suite à sa disparition.

"Créatures et imagination" avait probablement été le seul site à donner des nouvelles récentes du créateur de E.T. de son vivant, Carlo RAMBALDI, amené à superviser les effets d’un opéra italien adapté de la DIVINE COMÉDIE de Dante ALIEGHERI. Évidemment, un très long hommage a été proposé suite à sa disparition, précurseur de Stan WINSTON par les créatures mécanisées géantes qu’il concevait, comme le personnage de E.T. L’EXTRATERRESTRE et celles de DUNE qui sont encore dans toutes les mémoires.

Un site officiel rendant hommage à Carlo RAMBALDI vient d’être mis en ligne cet été, présentant notamment des photos de familles et les coulisses de créations comme celles conçues pour les films KING KONG (le remake de John GUILLERMIN) et LE BISON BLANC (THE WHITE BUFFALO).


La version grandeur nature de Kong pour le remake de John GUILLERMIN (en haut). Il faut rendre justice à Carlo RAMBALDI, même si Rick BAKER, interprète de Kong ayant agencé son costume, les mécanismes de la tête qu'il revêtit furent bien conçus par Carlo RAMBALDI (bas), comme il en avait déjà été question dans les différents articles ayant évoqués ici le film, notamment celui en deux parties relatif à l'histoire des costumes de singes au cinéma.  

 
Le bison blanc du film éponyme, montrant en haut sa construction, révélant une partie de la mécanique sophistiquée et l'impressionnant résultat final.

Tête d'un mutant de DUNE et Dagoth, le monstre de CONAN LE DESTRUCTEUR ( CONAN THE DESTRUCTOR) vaincu par le héros incarné par Arnold SCHWARZENEGGER, deux des créations de Carlo RAMBALDI présentées lors d'une exposition qui lui avait été consacrée et dont il avait présidé  l'inauguration, qu'on retrouvera probablement dans le futur musée.



Un musée devrait aussi voir le jour, permettant d’immortaliser le souvenir de ce créateur, comportant, outre une librairie, une section sur la jeunesse de Carlo, sa passion pour la mécanique et ses études, une seconde relative à ses créations italiennes de 1957 à 1975, se rapportant notamment aux films d'horreur et à la série PINOCCHIO de 1972, enfin une troisième consacrée à sa période hollywoodienne, avec ses travaux pour des films comme le remake de KING KONG, ALIEN et E.T. L'EXTATERRESTRE, lesquels lui ont valu ses trois Oscars. Le Fonds Carlo Rambaldi y présentera sa collection, constituée de croquis, maquettes, des trucages des films d'horreur, des modèles pour Pinocchio, King Kong et E.T., des prototypes et mécanismes pour la mâchoire de l'Alien et la main de King Kong, des monstres, 55 peintures à l'huile représentant des visions de l'espace et des extraterrestres, ainsi que des documents personnels comme la lettre lui accordant la nationalité américaine et celles lui décernant les Oscars. 

 
Plan du musée, accolé à l'école primaire de Vigarano Mainarda, commune qui l'a vu naître en 1925 - espérons que personne n'aura l'idée saugrenue d'incendier l'école comme il arrive que cela se pratique en France.
Projet de salle avec reproduction de la main géante de Kong.

articles précédents consacrés à Carlo RAMBALDI : 


Postérité lointaine


La tradition est également maintenue par le studio italien Makinarium, qui s’est signalé ces derniers mois à l’attention des amateurs d’effets spéciaux au vrai sens du terme par la création de créatures pour le film TALE OF TALES (IL RACONTO DI RACONTI) de Matteo GARRONE, réalisateur du remarqué film GOMORRA (2008) sur la Camorra, la maffia de Naples. Inspiré de contes d’un auteur sulfureux de la Renaissance, Giambattista BASILE, le film entrecroise des histoires se déroulant dans plusieurs royaumes, au sein desquels les personnages sont confrontés à leur destin, souvent cruel. Pour être apprécié pleinement jusqu’à son épilogue qui a pu dérouter le public, le film nécessite que le spectateur abandonne son esprit logique pour se laisser entraîner dans un univers fantasmagorique et absurde, dont le caractère baroque constitue à la fois la forme et le fond. Les effets spéciaux portent sur la transformation d’une vieille femme en jeune fille et la création d’un ogre, d’un dragon aquatique, d’une puce à la taille démesurée ainsi que d’une chauve-souris géante monstrueuse, laquelle avait d’abord était conçue comme semi-humaine avant que le réalisateur décide finalement d’opter pour une créature terrifiante plus proche de l’abomination d’AUX PORTES DE L’AU-DELÀ (FROM BEYOND) et de THE CAVE.



Préparation du tournage sur fond vert de la scène avec le dragon endormi, un bel bel animal malheureusement promis à une existence écourtée (en bas).

Assemblage du corps d'une puce devenue plus grosse qu'un homme - les peignes céphaliques composés d'épines, notamment celui qui entoure la bouche en présentant l'allure de dents aiguisées, ont été retranchés de manière à conférer un aspect moins effrayant au parasite démesurément grossi. A côté de cette licence artistique qui confère à l'insecte une apparence inhabituelle, les créateurs ont poussé l'application jusqu'à faire figurer sur le flanc de l'animal géant une sangsue.



Version initiale de la tête de la Créature-chauve-souris (en haut), avant que le metteur en scène Matteo GARRONE ne demande une version plus terrifiante, au second plan derrière Leonardo CRUCIANO sur la photo du bas. La monstruosité est noyée dans l'obscurité dans la séquence du film au cours de laquelle  elle s'attaque à un des jumeaux royaux, mais la vidéo du tournage ci-dessous permet d'apprécier à quel point elle est terrifiante.

 

L’impression finale est cependant légèrement mitigée. Si les créatures créées par l'équipe de Leonardo CRUCIANO sont fort réussies, dignes des créations hollywoodiennes de l’époque, son parti-pris délibéré d’en réaliser également une version numérique est plus discutable, et ce d’autant plus que les créatures n’ont pas nécessairement à effectuer de complexes mouvements, le dragon étant tué durant son sommeil et la puce géante ayant perdu son aisance depuis qu’elle est devenue un animal familier ventripotent nourrie à la main par le monarque qui l’a adopté, les dispositifs mécanisés qui ont été agencés auraient ainsi largement suffi à leur donner la vie, les quelques plans fondus au numérique altérant ainsi quelque peu leur crédibilité, notamment obtenue par la qualité du travail effectué sur leur texture.

Réussites techniques et frustration du spectateur

Une réussite, donc, qui ne pâtit que, une nouvelle fois, d’un certain manque d’audace et de confiance dans le pouvoir absolu des trucages traditionnels, comme en témoigne aussi la quasi-obscurité qui imprègne le film HARBINGER DOWN, dont la première raison d’être était pourtant d’apporter la démonstration éclatante de leur supériorité sur les animations infographiques ; il semble qu’au final le réalisateur ait préféré verser dans une approche plus impressionniste alors même que certaines séquences de tournage sont époustouflantes, la cruelle ironie étant que, apparaissant floutés, obscurcis ou filmés de loin, même le satellite du prologue, les bélougas qu’on voit brièvement nager sous l’eau ou encore le navire de pêche dont la maquette est d’une finition remarquable, paraissent à tort être des images de synthèse ! On renoue ainsi avec la triste tradition qui voulait que les créatures les plus réussies soient généralement montrées très fugitivement et fragmentairement à l’écran, ce qui était toujours beaucoup trop explicite pour les critiques de cinéma prônant la suggestion, alors que depuis que les films ne sont souvent plus qu’une addition ininterrompue d’images générées par ordinateur depuis la nouvelle trilogie de LA GUERRE DES ÉTOILES (STAR WARS) de George LUCAS et autres AVATAR de James CAMERON, les critiques sont devenues extatiques… Cela est d’autant plus regrettable que les premières apparitions de créatures, soit les Tardigrades mutants sous l’objectif du microscope, et la masse tapie sous le lit qui s’apparente à un amas cellulaire proliférant couvert de mucus, sont de pures merveilles, qui laissaient augurer les plus grands espoirs. Le grand soin apporté au rendu organique des créatures est pour l'essentiel perdu par l'obscurité des plans ou l'éclairage bleuté saturé créé par les lampes torches qui font perdre toute la subtilité des textures et des couleurs.
 

Quelques images montrant des manifestations monstrueuses des créatures d'HARBINGER DOWN, des monstruosités issues de Tardigrades dont l'A.D.N. modifié s'est recombiné avec celui d'autres espèces marines - l'apparition vermiforme en bas à droite, quelque peu réminiscente de la séquence finale du chenil de THE THING, semble ainsi emprunter quelques caractéristiques à la fois aux vers tubicoles géants des abysses - il faudrait imaginer qu'il en ait absorbé une larve - dont il emprunte la morphologie générale, et le calmar vampire pour la membrane couverte d'épines. Seules les deux photos du bas sont issues du film, figurant parmi les moins sombres.

Il reste à craindre qu'HARBINGER DOWN ne demeure le chant du cygne du film de monstre non virtuel ; Alec GILLIS et Tom WOODRUFF ont apporté récemment leur talent à la suite du film LE LABYRINTHE (THE MAZE RUNNER), intitulée LE LABYRINTHE: LA TERRE BRÛLÉE (MAZE RUNNER: THE SCORCH TRIALS), mais seuls des embryons des créatures, hébergés dans des bocaux, renvoyant à une scène d'ALIEN IV sur laquelle ils avaient œuvré, ont été créés en studio, tous les monstres adultes apparaissant dans le film n'étant que des animations virtuelles engendrées par ordinateur. 
 

Ceux qui persistent avec justesse à promouvoir les effets spéciaux concrets doivent plus que jamais les assumer en tant que tels au lieu de les noyer sous les retouches numériques, ou de les présenter sous une forme minimaliste, au seuil de la visibilité, il en va de leur survie !

L'acteur qui incarne la taciturne professeur d'université dans HARBINGER DOWN, au côté du célèbre Lance HENRIKSEN auquel est dévolu le rôle du capitaine qui met à sa disposition son chalut crabier pour ses recherches sur les cétacés, n'est autre que le sympathique Matt WINSTON, fils aîné de Stan WINSTON qui a repris le flambeau familial des effets spéciaux, et qu'on avait pu voir récemment lors de la réunion spéciale évoquée récemment qui rassemblait nombre de responsables des effets spéciaux robotisés de la saga JURASSIC PARK.

La vidéo ci-jointe donne un (trop) court aperçu des talents déployés pour le film HARBINGER DOWN, rappelant la grande époque du cinéma hollywoodien des années 1980; on eut aimer retrouver dans le film une si belle photographie qui eut permis de faire apprécier à l'unanimité des effets spéciaux de la meilleure qualité.



Ceux qui n’ont pas contribué financièrement au projet peuvent toujours visionner le film sur le réseau Netflix depuis le 1er novembre 2015 :
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Deux disparitions.


                                                                                                
A propos du remake de KING KONG évoqué en tête de la présente parution, il faut ici indiquer le décès de son réalisateur John GUILLERMIN à l'âge de 89 ans le 27 septembre 2015. KING KONG et sa suite en 1986 - films évoqués dans l'hommage au producteur Dino de LAURENTIIS en décembre 2010 - furent les seuls de ses différents films d'aventures qui se rattachaient au fantastique ; la filmographie de ce metteur en scène de nationalité britannique comporte aussi le célèbre film-catastrophe LA TOUR INFERNALE (THE TOWERING INFERNO), tourné en 1974, soit deux ans avant le remake de KING KONG dont le dénouement mettait aussi en valeur un gratte-ciel moderne, immortalisant le Wold Trade Center avant sa destruction ultérieure par des terroristes, et un classique du film policier, MORT SUR LE NIL (DEATH ON THE NILE), la seule adaptation du roman homonyme d'Agatha CHRISTIE; le film dont la photographie était signée Jack CARDIFF à qui on a rendu hommage en mai 2009, comportait, au côté de Peter USTINOV dans le rôle d'Hercule POIROT, la future vedette de la série MANIMAL, Simon MACCORKINDALE, dans un rôle moins sympathique. 

 

La communauté de la science-fiction française déplore quant à elle la disparition d'AYERDHAL (à ne pas confondre avec l'auteur américain Vance AANDAHL), né Marc SOULIER, à seulement 56 ans le 27 octobre 2015 des suites d'un cancer du poumon. Utilisant notamment la fonction métaphorique de l'imaginaire pour exprimer ses convictions politiques, l'étrangeté physique de ses créatures n'était pas le souci premier, ses extraterrestres pouvant être ainsi semblables à des Lémuriens comme dans LE CHANT DU DRILLE (1992), préférant détailler la bizarrerie résultant des clans que différentes mutations ont fait naître chez les être humains ayant colonisé un monde extraterrestre dans MYTALE (1991). Considéré comme un des auteurs de science-fiction français les plus célèbres de la génération actuelle avec Laurent GENEFORT et Jean-Claude DUNYACH, il s'était associé en 1999 avec ce dernier pour le roman ÉTOILES MOURANTES, la suite du roman ÉTOILES MORTES que son collègue avait fait paraître en 1991, et qui raconte comment de gigantesques créatures interstellaires hébergent des humains, vivant en symbiose et s'étant séparés en trois rameaux différents ayant fini par développer chacun leurs spécificités et leur culture, jusqu'au moment où les singularités sont amenées à coopérer pour sauver l'univers.

lundi 31 mars 2014

RENCONTRE AVEC UN GRAND AUTEUR D’APRÈS-GUERRE


Une photo récente de Jean LOMBARD connu sous le nom de Max-André RAYJEAN, un des grands noms de la science-fiction populaire française, fournie avec amabilité par l'auteur lui-même. Comme la seconde présentée plus loin, il s'agit de photos EXCLUSIVES, montrant l'écrivain pour la première fois (les rares photos censées le représenter proposées sur internet sont en réalité la photo de Jean COCTEAU jeune et d'un inconnu - de la même manière que sa biographie est parfois confondue avec celle d'un auteur homonyme du siècle précédent... Il était temps de contribuer ici à ces quelques rectifications ).

Si certains auteurs de science-fiction français ont obtenu une forme de reconnaissance s'étendant parfois au-delà du genre, comme Gérard KLEIN, Philippe CURVAL, Michel JEURY, Jean-Pierre ANDREVON ou Pierre PELOT, nombre d'auteurs de l'après-guerre, qui ont contribué à diffuser dans notre pays un genre encore assez exclusivement anglo-saxon, et dont les représentants demeuraient alors encore fort peu connus sur notre territoire à l'exception d'Herbert George WELLS - l'oeuvre de H.P. LOVECRAFT a été à la même époque portée à la connaissance du public français par Jacques BERGIER - restent cependant encore largement ignorés des critiques, des anthologies et même des essais historiques sur le genre (même Jacques SADOUL évoqué récemment ne faisait que citer dans son "Histoire de la science-fiction moderne" le nom de Max-André RAYJEAN sans mentionner aucune de ses œuvres). Les productions de ces écrivains qui parurent pour l'essentiel aux éditions Fleuve Noir sont en effet presque systématiquement tenues pour des productions mineures, assimilées à des "romans de gare", destinées d'emblée à l'oubli et dont aucun chroniqueur littéraire digne de ce nom ne devrait se soucier. C'est un peu comme si, pour accéder tardivement à une respectabilité, encore souvent bien ténue, la science-fiction devait se délester, voire se purger, d'une masse considérable de textes qui seraient nécessairement mal écrits, puérils, stéréotypés et peu inventifs, soit sans qualité et sans intérêt. Ce dédain n'est pas sans rappeler celui s'attachant généralement aux magazines américains du temps de l'effervescence de la science-fiction dans les décennies 1920 et 1930 qu'on a appelé "l'âge d'or de la science-fiction", victimes d'un regard condescendant rétrospectif en raison notamment de la mauvaise qualité du papier leur ayant conféré le nom de "pulps" et de couvertures avec des illustrations privilégiant le spectaculaire, alléguant que, pour être une "vraie" littérature, la science-fiction devait se contraindre à une certaine épure, s'éloignant de tout ce qui peut la rattacher à une forme de divertissement paraissant "gratuit"; pourtant, cet "âge d'or" décrié a vu émerger, notamment sous la direction du directeur de publication John CAMPBELL, tous les auteurs du genre qui furent par la suite distingués et célébrés outre-Atlantique.

De la même manière, estimer que la totalité des romans qui furent publiés en France à partir de la décennie 1950 par la collection "Anticipation" éditée par Fleuve Noir ne méritent aucune considération au nom d'une étiquette qu'on lui a hâtivement accolée, paraît un ostracisme bien peu justifiable. N’en déplaise aux jugements hâtifs, nombre de ces écrivains font preuve d’une belle inventivité, et leur style, s’il privilégie l’efficacité aux fioritures, est tout à fait honorable. Parmi ces auteurs, on peut citer Maurice LIMAT, B.R. BRUSS, F.RICHARD-BESSIÈRE (Henri BESSIÈRE), Robert CLAUZEL, hélas tous disparus, Piet LEGAY, ou encore Max-André RAYJEAN. Ce dernier est revenu récemment d'actualité avec la parution de romans de science-fiction inédits chez l'éditeur "Rivière blanche" ( antithèse sémantique de Fleuve Noir), LE CYCLE D’ORGA, DEFI A LA TERRE/LE DIEU ARTIFICIEL, COMPLEXE 18/DIX SIECLES POUR DEMAIN, ainsi qu'un tome rassemblant deux récits fantastiques, MOMIE DE SANG/LE SECRET DES ROCHES NOIRES.


Enlèvement par des extraterrestres; une "rencontre du 3ème type" peu ordinaire ayant pour finalité d'enrichir en nouveaux spécimens le zoo interstellaire des Astors !

Né en 1929 à Valence dans la Drôme sous le nom de Jean LOMBARD - à ne pas confondre avec un écrivain homonyme du siècle précédant - l'écrivain a fait publier, sous l'identité de Max-André RAYJEAN, 67 romans dans la collection « Anticipation » aux éditions Fleuve Noir. Admirateur de Max-André DAZERGUES, dont il reprend le prénom composé pour son identité de plume, il commence par faire paraître des œuvres d’aventures pour la jeunesse qui s’inspirent de ses écrits, puis écrit des romans policiers et des scénarios de bandes dessinées pour la jeunesse, lesquels atteindront le nombre de 300. Mais c’est à partir de 1956 qu’il s’oriente vers la science-fiction au travers de la collection « Anticipation » aux éditions "Fleuve Noir", y transcrivant son intérêt pour la science, sans cependant verser dans un scientisme trop manifeste. Max-André RAYJEAN nous promène jusque dans les mondes les plus lointains, à l’échelle du cosmos, sachant, au-delà de la conjecture intellectuelle stimulante, nous communiquer le vertige métaphysique, la solitude qui émane de ces espaces sans fin et d'un temps étendu jusqu'à l'infini. Il s'attache également avec conviction à dépeindre des êtres pensants très différents de l'homme, comme les unicellulaires géants, tels les Mollutors d'ÈRE CINQUIÈME qui succéderont à l'humanité dans le lointain avenir, ou ceux venus d'une autre planète du PÉRIL DES HOMMES et de RETOUR AU NÉANT (même si un personnage de BASE SPATIALE 14 postulait à l'inverse que la taille que pouvait atteindre le protoplasme d'une cellule était limité), parfois aux limites du biologique, tels que l'entité éponyme de L'ARBRE DE CRISTAL, les extraterrestres constitués de sphères dans PRISONNIERS DU TEMPS ou encore ceux composés d'énergie pure des FEUX DE SIRIS. Il parvient à faire ressentir l'étrangeté radicale que présentent ces êtres issus d'une évolution très éloignée de la nôtre, au cycle vital souvent fort singulier, tout en s'attachant à faire comprendre leur représentation du monde et même partager leurs perceptions et leur intériorité; sur ce point, il pourrait être vu comme un digne héritier du premier grand précurseur de la science-fiction, lui même francophone, Joseph-Henri BOEX dit ROSNY Aîné. La puissance narrative de l'auteur permet dans des romans comme LA ONZIÈME DIMENSION, irruption d’un autre univers dans le nôtre au sein duquel les besoins matériels n’ont plus lieu d’être, ou LE CYCLE D’ORGA, une catastrophe dans les Andes qui évoque d’abord une coulée de boue avant de s’avérer bien autre chose qu’un phénomène géologique classique, de pousser une idée jusqu’à ses ultimes prolongements, sans cesser pour autant de demeurer convaincant en dépit de la survenue d'événements toujours plus extraordinaires. BASE SPATIALE 14 anticipe quant à elle la série télévisée INVASION de Shaun CASSIDY, avec des envahisseurs extraterrestres, des "cellules universelles", qui ont si bien copié les humains auxquels ils se sont substitués qu’ils réclament pour eux aussi le respect de « leur » humanité nouvelle.

Les rejetons de l'Arbre de cristal évoquant des bulles de savon.

Victimes de la mode, les romans de Max-André RAYJEAN récemment publiés par Rivière blanche furent jadis refusés par Fleuve noir, qui désirait renouveler la collection en rompant avec les auteurs qui avaient fait sa renommée. Cette actualité fournit un prétexte idéal pour, à défaut de pouvoir entrer dans le détail d'une oeuvre volumineuse, du moins évoquer sa carrière et son intérêt pour la science-fiction. On ne peut qu'exprimer toute notre gratitude pour celui qui, considéré comme l'un des auteurs les plus secrets de la collection Anticipation, a bien voulu répondre à un petit questionnaire, pour notre plus grand plaisir et celui des lecteurs qui nous font la grâce de nous lire.

- Monsieur LOMBARD, quelle est l’origine de votre pseudonyme, faut-il y voir une allusion à l’auteur de récits fantastiques Jean RAY ?
M.-A. RAYJEAN : Rien à voir avec Jean RAY. Simplement, j’ai une sœur aînée qui s’appelle Raymonde et qui m’a encouragé à écrire. Alors j’ai allié nos deux prénoms : RAY(monde) et JEAN. Aussi simple que cela !
- L’éditeur vous a demandé de réécrire votre premier roman de science-fiction. Comment un écrivain parvient-il à se réapproprier son œuvre une fois le processus mené à son terme ?
M.-A. RAYJEAN : Je n’ai pas eu trop de mal à réécrire mon histoire car le scénario restait le même. Il n’était question que d’un style d’écriture. Exemple : « J’avais peur. Peur et troublé à la fois… ». L’éditeur n’aimait pas trop cette pose répétitive. J’ai du faire des coupures ! C’était ATTAQUE SUB-TERRESTRE.
- Trouviez-vous toujours vos idées de la même manière et quelle en était l’origine ( conjecture rationnelle basée sur une lecture scientifique, ou un concept, idée visuelle d’une scène inspirant une intrigue, voire même rêve ? )
M.-A. RAYJEAN  : Beaucoup dans une lecture scientifique telle que « Science et vie » ou « Science et avenir ». Mais les idées émanaient aussi des neurones du cerveau. L’homme est doté d’une imagination, alors à lui d’inventer ! ( voir CHOCS EN SYNTHÈSE, L’ULTRA-UNIVERS, LA ONZIÈME DIMENSION.. )


Cap sur une nouvelle dimension qui tient tous ses promesses.

- Vous est-il déjà arrivé de fixer des limites à votre imagination au nom de la vraisemblance scientifique ?
M.-A. RAYJEAN : Pas précisément. L’imagination n’a vraiment pas de limite rigoureuse. Je pense que chaque individu a sa « propre » imagination, donc il existe forcément une limite personnelle… et indéfinissable ( voir LES FORÇATS DE L’ENERGIE, PRISONNIERS DU TEMPS, CELLULE 217, etc.. )
- Comment parvenez-vous à obtenir la longueur désirée du texte ? Faites vous un découpage synoptique détaillé ?
M.-A. RAYJEAN : Facilement. La longueur d’un texte est fonction du nombre de pages, jadis dactylographiées à la machine à écrire. La collection « Anticipation » comptait une centaine de ces pages. Il n’existait pas, en fait, de rigueur mathématique.
- A la lecture du CYCLE D’ORGA, je me suis demandé jusqu’à la fin quel serait le destin des principaux protagonistes. Connaissez-vous à l’avance le sort de vos personnages ou vous arrive-t-il de n’envisager le destin de ceux-ci qu’au fur du déroulement de l’intrigue ?
M.-A. RAYJEAN : Pour les romans, j’ai toujours plus ou moins tracé un scénario complet avant de commencer la rédaction. Il m’arrivait parfois de modifier ce scénario en cours d’écriture ( rarement toutefois ). Par contre, pour le texte des bandes dessinées, je plongeais souvent dans l’inconnu en modifiant au fur et à mesure le scénario, selon l’imagination du moment !


La couverture pétrifiante - le lecteur découvrira que l'expression est appropriée - du Cycle d'Orga, roman prenant, honteusement laissé de côté par l'éditeur d'origine, jusqu'à ce que les promoteurs de la collection Rivière blanche le tirent du néant !


- Conserviez-vous plutôt un regard assez distancié vis-à-vis du processus de narration, en tant qu’orchestrateur de l’intrigue, ou vous arrivait-il de vous impliquer dans l’écriture au point de vous sentir pénétré du climat d’angoisse au moment où vous le dépeigniez ?
M.-A. RAYJEAN : Alors là, vous abordez un problème de sensibilité qui frôle la psychanalyse ! Je ne me suis quand même jamais fait peur, même dans mes romans « Angoisse »… Sinon j’aurais fait des cauchemars !
- En dehors des romans policiers que vous auriez aimé écrire mais pour lesquels vous n’avez pas obtenu l’aval des éditions Fleuve noir qui désiraient vraisemblablement conserver pour la série « Anticipation » un de leurs auteurs-phares, aviez vous une totale liberté pour le choix des sujets et leur traitement, ou l’éditeur et les comités de lecture vous demandaient-ils de suivre certaines contraintes ou prescriptions ?
M.-A. RAYJEAN : Oui j’avais une totale liberté des sujets. Au début, avec François RICHARD comme directeur, je lui adressais plusieurs scénarios et je lui demandais de renvoyer la liste avec son classement personnel. Je développais d’abord le sujet n° 1, puis le numéro 2, etc… Avec Patrick SIRY, cette habitude fut abandonnée. Hélas !!!
- Quelles sont parmi vos œuvres celles que vous souhaiteriez le plus voir accéder à la postérité ( même si les rééditions de la collection « Les lendemains retrouvés » ont déjà contribué à proposer des romans anciens à de nouveaux lecteurs ) ?
M.-A. RAYJEAN : Difficile de choisir pour l’auteur. Mais j’ai une petite préférence pour le premier roman de chaque série que j’ai créée. Exemple, les grands reporters ( Joël Maubry, Joan Wayle ), Commandant Jé Mox, série Mac Kerreck,….
- Que répondriez-vous aux détracteurs du genre qui estiment qu’il n’y a pas d’intérêt à imaginer le futur, car l’évolution de plus en plus accélérée de la technologie, chaque découverte étant susceptible d’en entraîner d’autres inattendues, interdirait toute projection à long terme en la matière ?
M.-A. RAYJEAN : Ces détracteurs ont peut-être raison. Mais justement, les nouvelles technologies à ( voir « Science et vie » ) appellent un futur que l’on cerne à peu près. Exemple : facile d’imaginer une puce électronique introduite dans le cerveau dès la naissance de façon à « suivre » l’individu à la trace et de modifier son comportement par le biais d’impulsions. Une robotisation en somme !
- Et que pensez-vous des attaques des critiques littéraires qui, estimant que la science-fiction est une littérature d’idées, lui reproche de délaisser le style et de se contenter de personnages unidimensionnels ?
M.-A. RAYJEAN : Je n’en pense rien, car chaque critique a le droit de critiquer ! Je ne vois pas un auteur de science-fiction gagner le Goncourt, c’est sûr ! Mais chaque genre possède ses lecteurs. La littérature est multiple !
- En tant qu’auteur ayant aspiré à écrire des romans policiers, pensez-vous que le mode de conjecture rationnel de la science-fiction peut restreindre l’auteur quant à la description de comportements humains irrationnels, contrairement au genre policier naturellement enclin à restituer des faits criminels bruts parfois difficiles à appréhender, comme la violence gratuite de nombre de faits divers ?
M.-A. RAYJEAN : C’est une question colle !!!
- Par ailleurs, comment perceviez-vous le fait qu’au sein même de la science-fiction, les auteurs du Fleuve noir n’étaient généralement pas perçus à la juste mesure de leur travail, mais catalogués comme auteurs de seconde catégorie, généralement ignorés des études sur le genre ? Le regrettiez-vous dans une certaine mesure, ou avez-vous toujours estimé que la seule reconnaissance du lectorat était une gratification suffisante, comme l’affirmait votre confrère Maurice LIMAT  ( et aussi, en dehors de la science-fiction, par Frédéric DARD, dont vous avez fait la connaissance ? )
M.-A. RAYJEAN : J’ai essayé chez Denoël ( collection Présence du futur ). Ca n’a pas marché ! J’ai bien senti que chez Denoël, on nous prenait pour une catégorie d’auteurs secondaires. Au Fleuve noir, nous écrivions de la littérature « populaire », peut-être plus « simpliste ». N’empêche, les tirages de la collection prouvaient le succès.

Max-André RAYJEAN devant sa machine à écrire au temps de sa collaboration à Fleuve Noir (autre photo exclusive).

- Aviez-vous des contacts avec les autres auteurs d’anticipation de Fleuve noir et pouvez-vous nous raconter des anecdotes à leur sujet ? Jimmy GUIEU quant à lui était-il considéré comme un auteur plus particulièrement singulier, dans la mesure où il n’hésitait jamais à affirmer que ses récits étaient basés sur des faits réels émanant de l’ufologie ( l’étude des phénomènes spatiaux non identifiés, appelés O.V.N.I. en langue française ) ?
M.-A. RAYJEAN : Très peu, juste des contacts par l’intermédiaire de quelques lettres, entre confrères de la même édition. Avec LIMAT, surtout. Quant à Jimmy GUIEU, s’il croyait vraiment aux soucoupes volantes, c’était son droit. Mais des faits réels sur l’ufologie, j’en doute. Dans ses lettres amicales, il ne m’a jamais parlé de sa terrible passion pour les O.V.N.I.
- Les auteurs de la science-fiction française des années 1950 ont tous été à juste titre admirateurs de la science-fiction américaine, mais savez-vous pourquoi peu paraissent, à la différence sans doute de Robert CLAUZEL, avoir été marqués dans une certaine mesure par l’anticipation de langue française d’avant guerre comme ROSNY Aîné ou Maurice RENARD ?
M.-A. RAYJEAN : Une vraie colle que vous posez ! Les Américains ont envahi la littérature française au point de la submerger au point de faire oublier ROSNY Aîné ou Maurice RENARD ! Le Fleuve noir a été heureux d’équilibrer cette déficience en publiant la collection « Anticipation » avec des auteurs français. Un pari qu’ils ont gagné ! D’accord, au début, on s’est inspiré des Américains, mais chacun, ensuite, a mis sa personnalité dans ses romans.
- Savez-vous s’il y’a eu des tentatives de traduire en d’autres langues les auteurs du Fleuve noir, et n’avez-vous pas quelque regret de n’avoir pas été lu aux Etats-Unis, ce qui aurait la consécration logique pour les auteurs de la collection ?
M.-A. RAYJEAN : « Anticipation » a été traduite en plusieurs langues : italien, espagnol, portugais, etc.. Jamais de traductions aux Etats-Unis parce qu’en affaires, les Américains sont plus forts que les autres ! C’est leur mentalité de dominer le monde. Une preuve ? Vous avez vu le film INDEPENDANCE DAY ? Eh bien, c’est eux qui ont sauvé le monde ! Du nationalisme béat en somme.
- Vous avez eu l’occasion de rencontrer Frédéric DARD, célèbre auteur des aventures policières de SAN ANTONIO, dont vous appréciez l’humour ; regrettez-vous de pas avoir eu l’occasion d’instiller une touche humoristique dans vos romans, celle-ci étant souvent difficilement conciliable avec la tentative de dépeindre un monde imaginaire de manière crédible ?
M.-A. RAYJEAN : Ah, Frédéric DARD. Il a commencé sa carrière dans la petite collection « Le Glaive » d’un éditeur lyonnais. J’ai eu la chance d’y publier aussi mon premier roman… policier ! DARD est né à Bourgoin dans l’Isère et moi à Valence. Donc pas très loin…
Bien sûr, j’aurais pu introduire de l’humour dans mes ouvrages. Il y’a eu de l’ « heroic fantasy ». Ca ne m’a jamais tenté. J’ai pris la science-fiction très au sérieux, comme une sorte de prédiction de l’Avenir ( un critique du « Dauphiné libéré » a trouvé une « pointe d’humour » dans mon roman L’AGE DE LUMIÈRE, paraît-il !).
- Vous avez écrit des romans fantastiques ancrés dans la culture régionale. Considérez-vous de votre point de vue qu’il y’a une différence de degré ou bien de nature entre science-fiction et fantastique – beaucoup d’auteurs abordent ces deux genres de l’imaginaire ?
M.-A. RAYJEAN : Les deux genres diffèrent. La S-F traite d’une imagination axée sur le futur. Le fantastique se résume à des aventures diaboliques, où se mêle souvent l’épouvante. L’homme aime les mystères, les Dieux, le Diable, l’Au-delà. Donc l’irréel. Adapter un « Angoisse » dans un environnement régional est une volonté toute personnelle. Oui, j’aurais aimé être un auteur « régional ».
- Y’a-t-il des films de science-fiction qui vous aient plu particulièrement ? Ne pensez-vous pas que les images de synthèse, en dématérialisant l’imaginaire, font actuellement perdre à la science-fiction ce piment excitant de jeu avec le réel au travers d’un visuel désincarné ? Auriez-vous aimé être adapté au cinéma, ou estimez-vous que les nombreuses bandes dessinées dont vous avez écrit le scénario équivalent un peu à la visualisation de votre univers ?
M.-A. RAYJEAN : Pas particulièrement. Leurs auteurs se livrent à un spectacle axé principalement sur le trucage et les effets spéciaux. L’idée ne vole pas bien haut en général.. Un bon point pour LE PRIX DU DANGER ou I COMME ICARE. En tous cas, je n’ai jamais pensé à des adaptations pour le cinéma. ATTAQUE SUB-TERRESTRE et BASE SPATIALE 14 restent mes deux seuls romans S-F publiés en B.D. Par contre, mes B.D. pour enfants m’ont fait plaisir.


Réédition au titre des classiques de la série de BASE SPATIALE 14, qui fut également adapté en bande dessinée chez Aredit (ci-dessous) au travers des dessins de Jacques GERON (décédé à l'âge de seulement 43 ans le 30 octobre 1993).




- Avez-vous lu des romans d’auteurs plus récents, et estimez-vous en ce cas qu’ils diffèrent de ceux de votre époque ( en laissant peut-être une trop grande part à des intrigues - plus ou moins - sentimentales, en recourant trop systématiquement à l’emploi de mots inventés pour figurer des langues étrangères, susceptibles de lasser le lecteur, etc… ) ?
M.-A. RAYJEAN : Franchement, après « Anticipation » du Fleuve noir, j’ai décroché un peu de la S.-F. parce que j’ai vu saborder une collection qui marchait. Sans doute la nouvelle S.-F. diffère de la vague 1950-1980. Elle paraît plus « psychologique » et s’éloigne de la littérature populaire. Mieux ou prou ? Aux lecteurs de le prouver.                              - D’où tiriez vous votre inspiration pour inventer les formes de vie extraterrestres les plus variées; avez-vous parfois eu recours à des croquis pour visualiser ces êtres d’un autre monde ?
M.-A. RAYJEAN : Les extraterrestres mis en scène dans mes romans sont en effet très nombreux et de formes diverses. Ma série des Jé Mox, par exemple, comporte 16 titres* dont chacun montre différents types de vie intelligente. C’est ma série préférée, la plus riche en formes de vie extraterrestres. Ce sont à peu près treize structures extraterrestres vivant en communauté et possédant une civilisation souvent plus ou moins évoluée ( souvent plus que les hommes ! ) qui font face à Jé Mox et son équipage du Cos-200, le vaisseau de secours du centre spatial installé sur Ter-8 ( le huitième bastion terrestre édifié dans la galaxie ). Je n’ai jamais dessiné un croquis de mes extraterrestres. Seule l’imagination du moment me guidait. Rien, ne prouve que des êtres intelligents aient besoin d’une tête, de bras, de jambes. Les créatures unicellulaires, les microbes, les virus, ne sont t-ils pas doués d’intelligence ? Question à méditer. 




Quelques tentatives de représenter des formes de vie extraterrestres imaginées par Max-André RAYJEAN : la masse grise, faussement placide, de BASE SPATIALE 14 représentée par Jacques GERON pour l'adaptation en bande dessinée du roman (en haut), et deux essais de concrétisation d'une créature des GERMES DE L'INFINI (illustration originale, l'auteur doit être crédité pour toute reproduction, usage commercial proscrit sans autorisation de l'auteur).

Croyez-vous que l’humanité sera un jour réellement en mesure d’entrer en contact avec une autre civilisation ?
M.-A. RAYJEAN : Si vous voulez mon avis sur les extraterrestres, je crois sincèrement qu’ils existent, quelque part dans l’Univers, mais qu’aucun n’est capable de voyager dans l’espace interstellaire car il faudrait vaincre des distances de centaines d’années lumière.. inouï ! Le voyage dans la quatrième dimension (qui abolit les distances) est la ressource de la science-fiction et c’est bien pratique pour un auteur ! Mais pas pour un super technicien qui aura déjà bien du mal à inventer un moteur photonique pour se propulser à la vitesse de la lumière. Cela semble déjà hors de portée !!
- Pensez-vous que l’intelligence soit un phénomène très aléatoire, ou que celle-ci soit relativement répandue dans l’univers ?
M.-A. RAYJEAN : C’est une question à laquelle on ne peut pas répondre pour la raison qu’on ne connaît pas jusqu’où peut aller l’ « intelligence ». Toute forme de vie est intelligente. L’homme, l’animal, les végétaux, les microbes, les virus, sont intelligents ! Exemples, TERROM, AGE UN** ou ROUND VÉGÉTAL.


LE VOYAGE FANTASTIQUE? Non, l'illustration de couverture de l'épopée cosmique RETOUR AU NÉANT de Max-André RAYJEAN, un auteur très intéressé par le monde microscopique, au sein de l'oeuvre duquel on retrouve microbes et protozoaires géants. 

- Peu d’auteurs sont parvenus à évoque de manière relativement convaincante la vie dans un univers du nôtre. Quels conseils donneriez-vous à un auteur qui s’aventurerait sur ce terrain et quelles règles devrait-il suivre pour demeurer crédible ?
M.-A. RAYJEAN : La question rejoint un peu la précédente. L’homme n’a encore jamais rencontré un « extraterrestre ». Pour rester crédible, la vie dans un univers différent se conçoit comme la vie sur la Terre ( hommes, animaux, plantes, microbes… ). C’est déjà un bel échantillonnage de vies différentes. L’homme et sa science ne sont pas en état de répondre à cette question primordiale : comment envisage-t-on la vie dans un univers différent ?
C’est donc aux auteurs de science-fiction de l’imaginer. Mais « imagination » ne rime pas forcément avec certitude ( voir mes romans L’ULTRA-UNIVERS et SOLEILS : ÉCHELLE ZERO*** ).
Pour clore le débat, je pense que la présence de la vie sur la Terre, son origine, sont hors de portée de notre imagination. Qui prouve l’existence d’un SEUL univers ? univers parallèles ? Micro-univers ? Ultra-univers ? Ou des univers imbriqués les uns dans les autres ?
- Merci M. LOMBARD/RAYJEAN pour cet entretien exclusif, ce fut un grand honneur, et je ne peux douter que de nouvelles générations de lecteurs de science-fiction continueront à apprécier vos romans.


* PRISONNIERS DU TEMPS (1970), CELLULE 217 (1971), L’ARBRE DE CRISTAL (1972), L’AUTRE PASSE (1972), LA REVOLTE DE GERKANOL (1973), LE SECRET DES CYBORGS (1974), BARRIÈRE VIVANTE (1975), LES GEANTS DE KOMOR (1976), LES GERMES DE L’INFINI (1976), LES METAMORPHOSÉS DE SPALLA (1977), LE PIEGE DE LUMIERE (1977), LA CHAINE DES SYMBIOS (1978), LES MAITRES DE LA MATIERE (1979).

** Le roman se déroule après un cataclysme, la terre est dominée par plusieurs espèces d’insectes sociaux qui s’affrontent, et qui utilisent les êtres humains comme esclaves, jusqu’à ce que ceux-là découvrent la cité de Terrom, protégée par des androïdes, et entreprennent la reconquête du monde.

*** Il s’agit de deux romans liés dans lesquels des expériences sur la matière aboutissent à des immersions dans l’infiniment petit, puis l’infiniment grand. Dans le premier, des scientifiques de la planète Errêt créent un univers miniature qui se révèle habité et se met à croître au point de menacer le système solaire de son créateur; les deux peuples sont contraints de chercher un nouveau système solaire pour survivre. Dans le second, un macro-univers est engendré et quatre chercheurs qui s’y sont fait transférer se trouvent accidentellement dématérialisés en pure force électro-magnétique dépourvue de forme et perdent leur conscience individuelle; craignant de détruire le système solaire comme dans l’expérience précédente, ils se font envoyer dans l’espace. Ils arrivent sur un monde inhospitalier. Finalement, leurs êtres se changent en particules d’énergie, lesquelles seront à l’origine de l’apparition de la vie sur la Terre. D’autres romans de l’auteur du cycle Joé Mox jouent aussi sur la taille : dans CELLULE 217, des hommes sont miniaturisés pour pouvoir être insérés dans des cellules qu’ils sont appelés à contrôler, et dans LES GEANTS DE KOMOR, une autre expérience extraterrestre augmente la taille d’humains.

Le site de Rivière blanche : 
http://www.riviereblanche.com/

Les romans de Max-André RAYJEAN: 
http://www.riviereblanche.com/cycle.htm
http://www.riviereblanche.com/complexe.htm
http://www.riviereblanche.com/defiterre.htm

Nous sommes redevables à Philippe WARD, écrivain renommé et directeur de collection de "Rivière blanche" qui a donné la possibilité d'entrer en contact avec l'écrivain; nous espérons pouvoir le retrouver prochainement en ces pages pour nous entretenir avec lui des créatures mythiques, plus particulièrement de celles des légendes basques qui lui sont chères.


LECTURE COMPLÉMENTAIRE

On lira aussi à titre complémentaire sur l'auteur ce résumé rédigé par l'Oncle Paul qui l'a signalé à notre attention :

http://leslecturesdelonclepaul.over-blog.com/article-rayjean-max-andre-un-portrait-124472662.html

L'auteur évoque aussi deux de ses romans, changeant agréablement des commentaires souvent sommaires et abusivement dépréciatifs qu'on trouve habituellement sur l'auteur :

http://leslecturesdelonclepaul.over-blog.com/article-max-andre-rayjean-operation-etoile-124535785.html
http://leslecturesdelonclepaul.over-blog.com/article-max-andre-rayjean-le-cycle-d-orga-124467471.html

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On avait évoqué récemment le réalisateur du VOYAGE FANTASTIQUE DE SINBAD, Gordon HESSLER, à l'occasion de l'hommage consacré en juin 2013 à Ray HARRYHAUSEN; le cinéaste vient à son tour de disparaître le 19 janvier 2014.

A la fin de l'année précédente, le 14 décembre 2013, s'est éteint l'acteur Peter O'TOOLE. Surtout célèbre pour avoir interprété le personnage historique éponyme du film LAWRENCE D'ARABIE, il avait aussi, toujours dans le genre historique, livré des compositions saisissantes dans la série MASADA, en compagnie du non moins brillant David WARNER, et dans LA NUIT DES GENERAUX. Dans le domaine fantastique, il avait incarné un écrivain féru de mystérieux dans PHANTOMS, tiré du roman de Dean KOONTZ, traitant d'une monstrueuse créature immémoriale, dont l'apparition finale fut malheureusement coupée au profit d'une bien triste animation infographique.

En matière de littérature de l'imaginaire, mentionnons pour mémoire le décès le 18 mars 3014 de l'écrivain américain Lucius SHEPARD; l'écrivain de science-fiction Christopher PRIEST (LE MONDE INVERTI) lui a consacré un hommage biographique : http://www.theguardian.com/books/2014/mar/26/lucius-shepard



lundi 2 juillet 2012

RAY BRADBURY, ENTRE POÉSIE ET SCIENCE-FICTION


L'écrivain Ray BRADBURY, né le 22 août 1920 à Waukegan, dans l'Illinois, s'est éteint le à l'âge de 91 ans le 5 juin 2012. Bien que son nom soit généralement associé à la science-fiction, il faisait partie de ces quelques auteurs comme Kurt VONNEGUT qui étaient davantage considérés comme de grands écrivains dignes de la "grande littérature", avec la reconnaissance qui s'y attache, que comme de stricts auteurs de science-fiction, désignation réputée moins prestigieuse, eux-mêmes s'attachant généralement à se dissocier du genre dans leurs déclarations et à professer leur peu d'intérêt pour la matière scientifique. Il est vrai que Ray BRADBURY s'était vu refuser ses textes par le directeur de la célèbre revue "Astounding stories", John CAMPBELL, grand découvreur de talents, qui estimait que ce qu'il écrivait "n'était pas de la science-fiction", et de manière générale son style était jugé "trop poétique" par les rédacteurs des magazines.

Après l'obtention de son diplôme dans un lycée de Los Angeles, il devient vendeur de journaux de rue pour gagner sa vie, et se cultive en fréquentant la bibliothèque. Même si il a lu dans sa jeunesse Edgar POE, Jules VERNE, H.G. WELLS et Edgar Rice BURROUGHS dont il avait à onze ans pastiché en écrivant une aventure de John Carter sur Mars, ses intérêts de lecteur adulte le portent à opter pour les œuvres des poètes et des écrivains "classiques" de la littérature anglo-américaine. Et cependant, c'est la revue "Super science stories" qui publiera son premier texte, PENDULUM, écrit en collaboration avec Henry HASSE - écrivain inconnu en France et à présent presque oublié, mais qui fut l'auteur d'un cycle futuriste volumineux, CHRONICLES OF THE SIX WORLDS ainsi que de nouvelles publiées par les pulps, dont l'une avait été choisie par Isaac ASIMOV pour figurer dans une anthologie. Selon les témoins de la scène, le jeune BRADBURY a été tellement enchanté de voir imprimé son texte qu'il aurait fini par embrasser fougueusement le magazine.

L'auteur dans son jeune temps

Certaines des œuvres de Ray BRADBURY ont acquis une immense notoriété, comme le roman FAHRENHEIT 451 (1953), dépeignant un futur proche dans lequel les livres ont été bannis, préfigurant l'épisode L'HOMME OBSOLÈTE ( THE OBSOLETE MAN ) écrit par Rod SERLING pour la série LA QUATRIÈME DIMENSION ( THE TWILIGHT ZONE ), et auquel François TRUFFAUT donna vie au cinéma en 1966 avec l'aide de la musique mélancolique de Bernard HERRMANN. Le récit n'a rien perdu de son actualité, avec le personnage de l'épouse, conditionnée par des émissions télévisées débilitantes dont elle ne s'abstrait que pour critiquer avec ses amies son mari féru de lecture, et l'omniprésence d'un discours médiatique se voulant consensuel dispensant le spectateur de tout raisonnement en lui imposant des formules préformatées expurgées de tout sens profond. On lira avec intérêt un résumé analytique réalisé par un auteur québécois qui révèle que le livre lui-même a été légèrement retouché au cours des rééditions pour éviter de choquer certaines catégories de lecteurs: http://www.erudit.org/culture/el1057873/el1060798/10684ac.pdf. BRADUBRY a aussi connu la consécration pour la série de nouvelles publiées en volume en 1950 sous le titre des CHRONIQUES MARTIENNES ( THE MARTIAN CHRONICLES ), adaptées sous forme de série télévisée avec Rock HUDSON en 1980, les fantomatiques habitants de Mars, qu'on suppose repoussés au loin par la colonisation de la planète par les Terriens, apparaissant en toile de fond d'histoires au ton nostalgique tournant principalement autour de la psychologie des nouveaux occupants, préfigurant quelque peu l'esprit de divers épisodes de LA QUATRIÈME DIMENSION dans lesquels le sens du merveilleux ne va pas sans une certaine causticité et un désenchantement quant à la nature humaine. Sa publication en français inaugura la célèbre collection "Présence du futur" chez l'éditeur Denoël. LA FOIRE DES TÉNÈBRES a aussi été transcrite à l'écran par Jack CLAYTON en 1983, après une première adaptation en 1972; son atmosphère provinciale, empreinte de nostalgie, sur l'enfance confrontée à de terrifiants secrets, annonce fortement les histoires de Stephen KING ; l'idée d'un cirque itinérant abritant un personnage maléfique aux pouvoirs surnaturels rappelle aussi les romans de Theodore STURGEON CRISTAL QUI SONGE et LE CIRQUE DU DR LAO de Charles FINNEY, adapté au cinéma; ce second récit avait d'ailleurs été choisi comme tête d'affiche d'une anthologie constituée par Ray BRADBURY, "The circus of Dr. Lao and other improbable stories".

Ray BRADBURY s'est lui-même impliqué directement dans l'univers audio-visuel, en transformant en scénario certaines de ses histoires, comme LA FÉE ÉLECTRIQUE ( I SING THE ELECTRIC BODY ) sous forme d''un épisode de la série LA QUATRIÈME DIMENSION (THE TWILIGHT ZONE) - devenu également un téléfilm en 1982, THE ELECTRIC GRANDMOTHER, en concevant la série RAY BRADBURY PRÉSENTE (RAY BRADBURY THEATRE), et a collaboré à divers films, écrivant notamment le scénario de l'adaptation cinématographique de MOBY DICK réalisé par John HUSTON, avec lequel il eut une relation difficile.

L'adaptation en bande dessinée des CHRONIQUES MARTIENNES ne comporte pas les monstres spectaculaires que la couverture promet, pas plus que l'œuvre originale, mais fait seulement apparaître fugacement une forme de vie indigène vivant dans les canaux, le "poisson-anneau", d'après la description de BRADBURY : "Un poisson-anneau argenté flottait près d’eux, ondulait et se refermait comme un iris, instantanément, autour de parcelles de nourriture, pour les assimiler".n poisson-anneau argenté flottait près d’eux, ondulait et se refermait comme un iris, instantanément, autour de parcelles de nourriture, pour les assimiler".
A l'instar d'Isaac ASIMOV, Ray BRADBURY recourait peu aux créatures dans ses histoires, préférant opter pour un fantastique plus éthéré, dont la qualité poétique ne manquait d'être soulignée. Sa courte nouvelle LA LONGUE ATTENTE (THE ONE WHO WAITS), intégrée dans LES CHRONIQUES MARTIENNES, évoque une entité encore plus évanescente que les fantomatiques martiens, une force immatérielle attendant au fond d'un gouffre l'explorateur par trop téméraire.
La forme vaporeuse pourvue de conscience, de LA LONGUE ATTENTE, représentée en bande dessinée par Al WILLIAMSON.

Ray BRADBURY est cependant l'auteur du script "Atomic creatures" sur lequel, comme le relevait John CARPENTER lui-même, est basé le premier film de science-fiction comportant une forme de vie non humanoïde (suite à la volte-face des producteurs de LA CHOSE D'UN AUTRE MONDE déjà évoquée, sur laquelle on reviendra en août). Mis en scène par le célèbre réalisateur Jack ARNOLD, LE MÉTÉORE DE LA NUIT (IT CAME FROM OUTER SPACE), tourné pour être projeté en relief, est un des rares films de l'époque mettant en scène des extraterrestres qui s'avèrent finalement peu hostiles. Le film joue pourtant avec le climat d'inquiétude de la guerre froide entre Américains et Soviétiques, mais les simulacres extraterrestres apparaissant lors de scènes très inquiétantes filmées dans le désert jalonnés de cactus aux formes psychédéliques parfaitement mises en valeur, ne sont, contrairement à ceux de L'INVASION DES PROFANATEURS DE SÉPULTURES trois ans plus tard, que des naufragés désireux d'utiliser des compétences humaines sans attirer l'attention, ayant remplacé les humains servant de main-d'œuvre, provisoirement ravis à leur famille, par des simulacres tandis que les originaux s'attellent à la réparation du vaisseau spatial.

L'antre des visiteurs, dissimulé dans un flanc de montagne.

Gros plan sur un des extraterrestres, enfin révélé.


Sa nouvelle LA SIRÈNE est portée en 1953 au cinéma sous le titre LE MONSTRE DES TEMPS PERDUS (THE BEAST FROM 20000 FATHOMS), avec sa créature dinosaurienne (une espèce inventée surnommée Rhedosaurus) rendue à la vie, qu'animait son ami Ray HARRYHAUSEN, prenant le son d'une sirène d'un phare pour l'appel d'une femelle de son espèce. Cet espoir déçu condamnant à la solitude le protagoniste renvoie sans doute à d'anciennes expériences de l'auteur qui confiait dans sa jeunesse avoir éprouvé durement l'échec amoureux, comme dans les classiques LE BOSSU DE NOTRE DAME et LE FANTÔME DE L'OPÉRA qu'il avait vus enfant.


Un autre reptile géant des temps reculés évoqué par l'écrivain est le Tyrannosaure que chassent pour le plaisir des voyageurs du temps dans la courte nouvelle COUP DE TONNERRE (AS OUND OF THUNDER). L'intrigue est connue, un papillon écrasé par inadvertance suffisant à changer le futur, illustrant la théorie du "battement d'ailes de papillon à l'autre bout du monde qui crée un cataclysme", comme détaillé par le "physicien du chaos" interprété par Jeff GOLDBLUM dans JURASSIC PARK, autre film démontrant le danger d'employer des dinosaures dans un sens ludique. Adaptée tardivement au cinéma, en 29005, l'histoire a été compliquée par divers aller-retours temporels, l'un deux voyant la cité du futur envahie par des mauvaises herbes et investie par un groupe de babouins mutants anthropophages imaginés par le sculpteur Brian WADE ( mais réalisés numériquement ).

Adaptation d'UN COUP DE TONNERRE par Al WILLIAMSON

Autre adaptation en bande dessinée par un autre dessinateur célèbre, Richard CORBEN.

Tout récemment, CHRYSALIS, qui avait déjà eu l'honneur d'une dadaptation à la télévision italienne en 1979 (LA CRISALIDE, dans la série RACCONTI DI FANTASCIENZA) transférait au cinéma une nouvelle futuriste de l'écrivain, huis-clos à la manière de THE TERROR WITHIN, montrant des survivants essayant de recréer la vie végétale qui voyait l'un d'eux progressivement recouvert d'un étrange cocon verdâtre, l'œuvre permettant d'aborder le thème des rapports antre la science et la religion.


LA CRISALIDE

La singularité de Ray BRADBURY ne se limite pas à son rapport un peu atypique aux genres de l'imaginaire, si on en juge par les tentatives des critiques de le situer politiquement, comme cela avait déjà été le cas pour un autre célèbre écrivain de science-fiction Robert HEINLEIN. Certains en font un auteur d'une gauche non marxiste, critiquant les dérives d'un monde productiviste, de l'appât du gain de la société moderne et de la déculturation qui l'accompagne toujours davantage, viscéralement attaché au pacifisme, dénonçant explicitement le racisme, et décèlent même au travers des Martiens évanescents des CHRONIQUES MARTIENNES le souvenir des Amérindiens acculés aux réserves par les colons anglo-saxons venus s'établir et asservir la nature, ce qui en ferait presque un précurseur des mouvements de contestation de la société de consommation des années 1970. D'autres au contraire décèlent dans l'attachement au mode de vie traditionnel une forme de nostalgie pour une société plus provinciale et rurale, qui serait davantage harmonieuse conformément à la thèse du sociologue TÖNNIES, et l'écrivain confesse d'ailleurs son peu d'attirance pour le progrès et la science, ce qui pousse certains à en faire un conservateur, ce qui pourrait encore être étayé par sa dénonciation prémonitoire du discours "politiquement correct" dans FAHRENHEIT 451 visant à éradiquer, comme dans nombre d'universités américaines actuelles, l'étude de toute œuvre et toute considération qui pourrait pousser même indirectement une minorité à se sentir offensée. La décoration de l'écrivain par la médaille nationale des arts en 2004 des mains du président George BUSH junior, qui a décidé de l'invasion de l'Irak en présentant de fausses preuves de l'implication du dictateur Saddam HUSSEIN dans des actes terroristes internationaux, est quelque peu ironique quand on pense à la préparation de l'opinion à une "guerre propre", sans morts, dans FAHRENHEIT 451, préfigurant les attaques ciblées censées épargner les civils et l'interdiction de publier des photos des corps de soldats américains tués au combat notamment lors de la seconde guerre du Golfe - l'écrivain avait d'ailleurs initialement exprimé son insatisfaction de voir une allusion au titre de ce roman dans celui d'un documentaire de Michael MOORE présentant un réquisitoire à ce sujet. D'autres font encore valoir que, finalement, Ray BRADBURY pourrait être apolitique, et ses considérations n'émaner que de la réflexion d'un poète - après tout, un écrivain exprime avant toute chose un regard individuel au travers de ses élaborations artistiques et il est souvent réducteur de vouloir l'assigner à une catégorisation partisane.

Ayons une petite pensée pour le créateur de monstres Ray HARRYHAUSEN, qui après le rédacteur du magasine "Famous monsters", Forrest ACKERMAN, perd avec le volubile Ray BRADBURY un second ami très cher. Suite à un accident cérébral, Ray BRADBURY passa les dernières années de sa vie dans un fauteuil roulant, mais s'efforça de conserver son apparente légèreté. En 2012 encore, il contribuait à l'adaptation au cinéma en tant que court-métrage sous le titre RAY BRADBURY'S KALEIDOSCOPE de sa nouvelle KALÉIDOSCOPE, dont le romantisme désabusé se concrétise par la pensée d'un astronaute en chute libre qui se réconforte en se disant qu'au moins sa mort participera du renouvellement du cycle de l'écosystème de sa planète. Auteur en marge des genres, assez inclassable politiquement, reconnu par une élite à laquelle il s'est toujours attaché à ne pas appartenir, c'est un personnage singulier empreint de bonhomie et de charme qui disparaît après avoir conquis une place non discutée dans l'imaginaire du XXème siècle, paradoxalement tout particulièrement auprès de ceux qui sont plutôt réticents au fantastique. Une étoile sur le boulevard d'Hollywood des célébrités en 2002 et un astéroïde portant son nom consacrent définitivement son succès.



Astronaute changé en étoile filante dans une bande dessinée de Wally WOOD inspirée officieusement de l'œuvre de Ray BRADBURY, les nouvelles KALEIDOSCOPE et ROCKET MAN. BRADBURY a écrit une lettre ironique expliquant qu'il n'avait pas encore reçu le versement des droits d'adaptation et qu'il espérait que l'éditeur William GAINES y remédierait. Ce dernier prit bien la chose, lui envoya les 50 dollars requis, et une série de nouvelles adaptations en bandes dessinées, cette fois officielles, débuta...

Réticent devant l'emprise croissante de la technologie, Ray BRADBURY a toujours refusé que soit proposée une version numérisée de ses livres, mais il avait néanmoins son site internet officiel : http://www.raybradbury.com/

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Signalons en passant la disparition d'un acteur qui s'est notamment illustré dans les séries télévisées en incarnant des personnages patibulaires. Richard LYNCH, acteur américain d'origine irlandaise ( il avait la double nationalité ), a été découvert sans vie à son domicile le 19 juin 2012, à l'âge de 76 ans. Son visage particulier provient d'un accident survenu alors que, sous l'effet de la dogue, il s'était immolé; il apporta son expérience à un documentaire contre l'usage des drogues. On l'a vu dans des épisodes de BUCK ROGERS AU XXVème SIECLE, GALACTICA, MANIMAL - y incarnant un agent de l'est inquiétant, STAR TREK-THE NEXT GENERATION,...

Richard LYNCH ne se remet pas de la mort de sa famille dans NECRONOMICON et, comme le Comte Dracula mis en scène par COPPOLA, renie Dieu dans son ire.

Au cinéma, on l'avait vu notamment interpréter le souverain maléfique de L'ÉPÉE ENCHANTÉE ( THE SWORD AND THE SORCERER ), un film d'heroic-fantasy d'Albert PUYN, ainsi qu'un homme bouleversé dont la courte apparition est assez inoubliable dans NECRONOMICON, s'adonnant à l'occultisme dans le fol espoir de faire revivre les siens, et l'avènement de puissances monstrueuses ne dissuadera pas pour autant un autre désespéré de tenter la même funeste expérience.

Richard LYNCH disparaît après 40 ans de carrière. Son fils unique, né d'un premier mariage, Christopher LYNCH, qui avait suivi les traces de son père, l'avait précédé dans la tombe, victime en 2005 d'une pneumonie.