lundi 2 avril 2012

IL A AGENCE L'UNIVERS DE LA GUERRE DES ETOILES


Ralph McQUARRIE s'amusant en compagnie d'un comparse ayant revêtu le costume de Dark Vador, le personnage qu'il était le plus fier d'avoir façonné.

Un illustrateur de science-fiction de premier plan a disparu le 3 mars 2012 à l'âge de 82 ans. Né le 13 juin 1929 dans l'Indiana, Ralph McQUARRIE se rend en Californie et débute une carrière de dessinateur industriel chez Boeing. Sa notoriété ne cesse de croître, réalisant des illustrations à l'attention du public, telles que des animations accompagnant la couverture du programme spatial Apollo pour la chaîne CBS.

C'est sa passion pour la technologie qui amène finalement cet illustrateur à s'investir dans le domaine de la science-fiction, genre auquel il avoue ne pas s'intéresser spontanément en tant que lecteur. Après avoir réalisé des couvertures de livres de science-fiction, qu'il s'attache à lire pour en tirer l'idée qui lui paraît visuellement la plus intéressante, ainsi que des posters de films, c'est sa contribution à un projet inabouti de film de science-fiction, STAR DANCING initié par les futurs auteurs du DRAGON DU LAC DE FEU (DRAGONSLAYER), qui attire l'attention du jeune réalisateur George LUCAS, lequel l'engage en novembre 1974 en tant qu'artiste conceptuel pour concrétiser son script de LA GUERRE DES ÉTOILES ( STAR WARS : A NEW HOPE ). Sa participation fut déterminante, puisque LUCAS parvint enfin à intéresser les producteurs à son entreprise grâce à la beauté plastique et à la puissance visuelle émanant des créations de l'artiste. Il conçoit notamment l'apparence du robot 2D2, l'armure des troupes de l'Empire ainsi que la figure la plus iconique de la trilogie, le casque de Dark Vader ( Darth Vador en V.O. ), que George LUCAS trouve si réussi qu'il décide d'en revêtir en permanence le personnage - qui dissimule ainsi son visage brûlé sous de mystérieux atours. Ralph McQUARRIE se réjouissait de voir cette création célèbre au point de la voir reprise dans des publicités.

Il travaille aussi pour Steven SPIELBERG, concevant le concept du majestueux vaisseau-mère de RENCONTRES DU TROISIEME TYPE ( CLOSE ENCOUNTERS OF THE THIRD KIND ), d'après un rêve fait quelques années plus tôt - nonobstant l'injonction extraterrestre de son songe de ne pas évoquer leur présence. Sa contribution au premier projet d'adaptation au cinéma de la série STAR TREK, STAR-TREK-LE FILM ( STAR TREK-THE MOVIE PICTURE ), ne survit guère au rejet par le producteur Gene RODDENBERRY, créateur de la série originelle, du script que Philip KAUFMAN - réalisateur du remake de 1978 de L'INVASION DES PROFANATEURS DE SEPULTURES (INVASION OF THE BODY SNATCHERS ) - devait initialement porter à l'écran; McQUARRIE étant par la suite retenu par son engagement sur L'EMPIRE CONTRE-ATTAQUE lorsque le projet se concrétise, il ne subsiste de son travail dans le film finalement dirigé par Robert WISE qu'une station spatiale.


L'envol de L'Enterprise vu par McQUARRIE.

Une créature dessinée pour STAR TREK.

Il est à nouveau à l'œuvre sur le second volet de la saga de LUCAS, L'EMPIRE CONTRE-ATTAQUE ( THE EMPIRE SRIKES BACK ), puis sur le troisième volet, LE RETOUR DU JEDI ( RETURN OF THE JEDI ), qu'il quitte au bout de deux ans, ayant la sensation d'avoir accompli la majeure part du travail. S'il a conçu la Forteresse de Jabba the Hut, sa version du personnage du monstre lui-même n'est pas retenu, l'illustrateur ayant envisagé un personnage malfaisant plus agile que la créature sardonique au corps de limace qui est retenue. Certaines de ses plus belles illustrations pour LE RETOUR DU JEDI ne sont pas des œuvres conceptuelles mais des réalisations effectuées postérieurement à la sortie du film pour ses portfolios dédiés à la trilogie.


Ralph McQUARRIE avait pour L'EMPIRE CONTRE-ATTAQUE doté le monde de Dagobah d'un grand nombre de créatures étranges, mi-animales mi-végétales, comme ce spécimen à mi-chemin de la pieuvre et de la souche d'arbre, qui pourrait évoquer un zoomorphe de ROSNY Aîné. Malheureusement, LUCAS a finalement opté pour un paysage de marécage plus classique, le plateau étant finalement décoré par des végétaux qui ne dépareraient pas celui des Everglades terrestres, et hébergeant même quelques reptiles véritables...

Une créature inquiétante de Dagobah qui ne verra pas davantage le jour à l'écran.

Monstre aquatique évoquant une limace, habitant les marais de la planète Dagobah, dont on trouvera aucune trace dans le film.

Le concept final de l'énorme monstre de l'astéroïde dont s'échappe le Millenium Falcon d'Han Solo représenté par l'artiste ( la photo de la créature a été publiée dans l'article hommage à Irvin KERSHNER en novembre 2010 ).

Cette petite créature dessinée par McQUARRIE devait vivre en commensal du Sarlacc, le monstre du désert vu dans LE RETOUR DU JEDI. Seule sa tête survivra, sous forme d'un hôte de Jabba fugitivement apperçu.

Antérieurement, l'artiste avait aussi élaboré l'univers d'un autre space-opéra cinématographique, celui de BATTLESTAR GALACTICA, mais il décida par la suite de ne pas renouveler sa participation à ce genre de film par respect pour Georges LUCAS, afin de ne pas galvauder l'univers qu'il avait largement contribué à façonner.

Les Oviones insectoïdes de GALACTICA : une neutralité pas nécessairement bienveillante.

Il conçoit néanmoins le vaisseau des visiteurs de COCOON pour lequel il reçoit un Oscar, œuvre pour SPIELBERG sur E.T. en imaginant l'engin spatial inspiré l'esthétique de l'époque de Jules VERNE, LES AVENTURIERS DE L'ARCHE PERDUE ( RAIDERS OF THE LOST ARK ), sa production BATTERIES NON INCLUDED et JURASSIC PARK. Il contribue aussi à STAR TREK IV: THE VOYAGE HOME, LES MAÎTRES DU MONDE (et effectue un peu de travail sur CABAL ( NIGHTBREED ) de David CRONENBERG et une version non retenue du projet d'adaptation de TOTAL RECALL.

L'artiste au travail sur une peinture sur verre de Bespin, la cité des nuages de L'EMPIRE CONTRE-ATTAQUE.

Ralph McQUARRIE s'était initialement déclaré intéressé par le projet de nouvelle trilogie STAR WARS ( les "préquelles" ), envisageant avec intérêt la perspective de renouveler ses concepts, mais, lorsque le projet vint à se concrétiser des années plus tard, George LUCAS engagea Doug CHIANG, et le vétéran voyant alors que celui-ci avait déjà largement défini l'esthétique de la nouvelle trilogie estima qu'il n'avait plus grand chose à ajouter à son travail et déclina l'offre de s'associer à la nouvelle saga.

Apparition fugitive à l'écran de l'artiste sous l'identité du "Général McQuarrie" ( ça tombe bien ) dans L'EMPIRE CONTRE-ATTAQUE, témoignant de la reconnaissance de l'auteur de la saga à son égard.

Souffrant depuis plusieurs années de la maladie de Parkinson l'empêchant de pratiquer son art et même de signer des autographes, Ralph McQUARRIE disparaît en laissant derrière lui un riche héritage artistique. Il fait incontestablement parti des visionnaires qui auront contribué à façonner la science-fiction contemporaine.


MOEBIUS, une influence plus indirecte sur le cinéma


Le 10 mars 2012 s'est éteint à Paris dans sa 73 ème année le dessinateur Jean GIRAUD. Connu notamment pour les aventures du LIEUTENANT BLUEBERRY, principale concrétisation de sa passion juvénile pour les cowboys et les Indiens dessinée dans un style proche de celui d'Hugo PRATT ( porté à l'écran par Jan KOUNEN ), il avait aussi mené une carrière dans le genre fantastique sous le nom de MOEBIUS ( pseudonyme forgé d'après le concept de ruban pourvu d'une seule face par MÖBIUS ). Sa participation à la saga du SURFEUR D'ARGENT ( SILVER SURFER ), un des super-héros dont les aventures sont publiées par les fameuses éditions Marvel, lui avait plus particulièrement valu une renommée mondiale. Né à Nogent-sur-Marne le 8 mai 1938, ayant grandi à Fontenay-sous-bois avec son père, il travaille sur des bandes dessinées pour la jeunesse comme "Fripounet et Marisette" et "Coeurs vaillants". Co-créateur des Humanoïdes associés, une maison d'édition fondée par des dessinateurs, il avait participé à l'aventure des deux plus célèbres magazines de bandes dessinées pour adultes français, "Pilote", pour lequel BLUEBERRY est créé, puis "Métal hurlant" dont il est un des initiateurs, lequel lui offre un nouveau débouché pour ses œuvres fantastiques, souvent ésotériques, comme ARZACH, puis L'INCAL basé sur une histoire d'Alejandro JODOROWSKY, cinéaste chilien dont il avait fait la connaissance à l'occasion de son projet d'adaptation à l'écran du roman DUNE de Frank HERBERT, dont il devait assurer la conception visuelle. Il mêle encore ésotérisme et univers science-fictionnel dans LE GARAGE HERMÉTIQUE.


Vue extérieure et intérieure d'une méduse géante de la série L'INCAL, aussi connue sous le nom des "aventures de John Difool".



Encore une femme qui se change en créature terrifiante, en fait un métamorphe arcturien, dans THE LONG TOMORROW, d'après un scénario de Dan O'BANNON, rencontré sur le projet inabouti de transcription de DUNE sous l'égide de JODOROWSKI.

Cette étrange créature érotique semble surgir du cambrien.

Dans son petit fascicule LA FAUNE DE MARS, MOEBIUS a imaginé des créatures fantasmagoriques et burlesques, mais quelques-unes, notamment les trois figurées ci-dessus, se rapprochent davantage des extraterrestres imaginés par Edd CARTIER (voir l'article consacré en ces pages à la disparition de celui-ci en janvier 2009).

Cette expérience va initier une suite de rendez-vous manqués avec le cinéma. Le projet d'adaptation très onirique de DUNE par JODOROWSKY s'avère un gouffre financier et n'aboutit pas. MOEBIUS avait imaginé les costumes des personnages et travaillé sur le storyboard, concrétisant les fantasmagories du cinéaste chilien avec ses hommes chiens et son robot crucifié. Dan O'BANNON, qui avait créé les décors et les effets spéciaux de DARK STAR, comédie de science-fiction de John CARPENTER, et qui devait superviser les effets spéciaux du projet avorté, écrit le scénario d'ALIEN, et MOEBIUS se retrouve ainsi engagé à sa suite sur un des plus grands classiques de cinéma de science-fiction. Il dessine les scaphandres des infortunés explorateurs du film de Ridley SCOTT, mais sa contribution passe relativement inaperçue auprès du public, l'essentiel de la conception visuelle du film étant imputable à Chris FOSS (conception du navire spatial), Ron COBB (décors intérieurs) et surtout H.R.GIGER (créatures, épave extraterrestre et paysage extraterrestre).

Illustration de Moebius pour l'épave extraterrestre d'ALIEN.

En 1988, Jean GIRAUD/MOEBIUS s'installe à Los Angeles. Georges LUCAS embauche le dessinateur français comme concepteur pour le film WILLOW dirigé par Ron HOWARD, mais ses contributions ne sont pas retenues. Il n'a pas davantage de chance pour ABYSS. Il propose divers concepts brillants pour les extraterrestres sous-marins, tenant du papillon, de la méduse et du poisson, mais le réalisateur James CAMERON n'en retient aucun, optant finalement pour une version davantage humanoïde, sorte de croisement entre une raie et les visiteurs graciles de RENCONTRES DU TROISIÈME TYPE, visiblement soucieux que les spectateurs puissent s'identifier plus facilement aux créatures extraterrestres. Sur LE CINQUIÈME ÉLÉMENT de Luc BESSON, la presse fait passer au second plan son travail, derrière celui de son collègue, l'auteur des aventures de VALERIAN ET LAURELINE, Jean-Claude MEZIERES, concepteur notamment des taxis volants. Par contre, les décors futuristes de sa bande dessinée THE LONG TOMORROW n'auraient pas été sans influencer fortement la conception visuelle de BLADE RUNNER. Il avait aussi été approché pour un projet d'adaptation du roman RENDEZ-VOUS AVEC RAMA (RENDEZ VOUS WITH RAMA) d'Arthur C. CLARKE que devait réaliser David FINCHER (ALIEN 3), mais le projet ne s'est pas concrétisé.

Une version proposée par MOEBIUS pour ABYSS, avec un extraterrestre gracieux tenant du papillon aussi bien que de la méduse et du gastéropode planctonique.

Autre version, à l'étrangeté manifeste.

Cette version plus anthropomorphe n'a pas davantage séduit James CAMERON.



Illustrations conceptuelles de Moebius pour WILLOW, incluant une sorte de Salamandre géante, aux proportions titanesques, qui n'a pas été retenue.

Il n'y ainsi réellement que dans l'univers du dessin animé que l'écran portera la marque incontestable de MOEBIUS, concepteur de l'univers de TRON, une production Disney qui propulse des humains dont Jeff BRIDGES dans l'univers virtuel créé par l'électronique, de celui des MAÎTRES DU TEMPS, dessin animé de René LALOUX tiré du roman L'ORPHELIN DE PERDIDE de Stefan WUL, ou encore de la série télévisée en 14 épisodes ARZAK RHAPSODY ( son projet de long-métrage créé en trois dimensions par ordinateur, STARWATCHER, n'a par contre pas abouti. Curieusement pourtant, ses bandes dessinées auront influencé indirectement le cinéma, Ridley SCOTT qui l'a croisé sur DUNE, après avoir été engagé par de LAURENTIIS suite à l'échec de l'équipe JODOROWSKI, s'inspira notamment de l'esthétique de certains décors de THE LONG TOMORROW pour esquisser la ville futuriste aux voitures de police volantes de BLADE RUNNER.

Cette vignette de THE LONG TOMORROW semble annoncer aussi bien la ville basse de BLADE RUNNER que les quartiers chauds de TOTAL RECALL.

L'homme aura finalement cessé de dessiner inlassablement sur ses petits carnets qu'il ne quittait jamais, mais il a su obtenir une reconnaissance qui lui vaut de plus en plus d'être considéré comme une référence de la bande dessinée.

Hommage dessiné rendu à MOEBIUS, dans le plus pur style d'ARZAKH.


L'acteur Georges STOVER miraculé.

Agent de l'Etat fédéral actuellement en retraite, Georges STOVER a mené en parallèle une carrière d'acteur dans des productions cinématographiques quelque peu marginales, des films sulfureux de John WATERS à ceux de Don DOHLER, films au budget très modestesdans lesquels, tel un "David Vincent" du pauvre, il est régulièrement confronté à divers envahisseurs extraterrestres.

George STOVER fait face à un géant extraterrestre dans THE ALIEN FACTOR réalisé en 1978 par Don DOHLER; pas le genre d'invité auquel on a envie de dire :"merci d'être velu.. euh venu!..."

A la fin du mois du février, il a été braqué à son domicile par un cambrioleur qui, après lui avoir demandé de descendre l'escalier de sa cave, lui a tiré une balle dans la nuque, laquelle est ressortie par le visage. Après une tentative infructueuse de voler le véhicule de sa victime, l'auteur de cet acte odieux a été arrêté par la police alors qu'il essayait de dérober une autre automobile. L'acteur a évité le pire, et quelques jours plus tard, rassurait ses admirateurs sur internet. Il expliqua qu'il avait supporté l'épreuve en songeant au type de personnage incarné par John WAYNE dans les westerns qui "ne pleurait pas ou n'allait pas voir un psychologue quand on lui avait tiré dessus". On ne peut que lui souhaiter un prompt rétablissement au sortir de cette épreuve qui démontre une nouvelle fois que, dans la réalité, les êtres les plus effroyables appartiennent bien à l'espèce humaine...

(un entretien sur la carrière de l'acteur en anglais peut être lu sur ce site :
http://smashortrashindiefilmmaking.com/?page_id=248)


mardi 20 mars 2012

C'ETAIT LE MAITRE D'OEUVRE DE ROB BOTTIN

Le mois de mars 2012 a vu la disparition de trois artistes renommés ayant oeuvré dans le domaine de l'imaginaire, et occasionnellement créé des créatures. Deux étaient des illustrateurs célèbres, Ralph McQUARRIE et Jean GIRAUD dit MOEBIUS, qui seront évoqués incessamment. Le troisième, Henry ALVAREZ, a collaboré à nombre de films fantastiques et de science-fiction célèbres des années 1980.

L'HOMME AUX MASQUES DE CIRE


Henry Jesus ALVAREZ a disparu le 3 mars 2012 à l’âge de 67 ans. Comme beaucoup d’artistes, il fut notamment marqué dans sa jeunesse par l’influence de l’univers conçu par Walt Disney, et plus particulièrement par les sculptures du parc d’attraction de Disneyworld, avant de découvrir les photos de monstres de cinéma dans la revue « Famous Monsters » de Forrest J. ACKERMAN. Son attrait pour les animaux lui donnait aussi une base pour appliquer à ses créatures le plus grand réalisme. Il réalise successivement ses premières sculptures en bois, en papier mâché, puis en glaise naturelle. Sitôt son service militaire accompli, il se fit embaucher par les studios Stubergh en Californie où, sous la direction du sculpteur Katherine Marie STUBERGH, il avait durant trois années et demi appris à créer des figures de cire réalistes. En 1970, après le départ en retraite de Katherine Marie STUBERGH, l’entreprise est rachetée et transférée à New-York, devenant les studios Stuberh-Keller, dont Henry ALVAREZ est nommé responsable de production et participe à la création de nombreuses figures de cire pour des musées.

En 1976, il retourne en Californie avec sa famille, où il fonde sa propre société, Alvarez Wax Productions. Son succès l’amène à réaliser des figures de cire pour des collectionneurs et des musées du monde entier ainsi que des figurines en bronze, des sculptures pour des parcs d’attraction et des monuments, des modèles pour la fabrication de masques industriels en latex, et il contribue également à la création d’effets spéciaux pour la télévision et le cinéma. A partir de 1981, il est engagé comme sculpteur conceptuel par le célèbre maquilleur Rob BOTTIN, pour le compte duquel il travailla plus particulièrement durant 13 années, tout en formant des artistes avec une grande disponibilité. Il œuvre ainsi sur THE THING, travaillant notamment sur le buste de la dernière incarnation du monstre, le « Blairmonster », sur LEGEND, dont une tête maléfique non achevée faute de moyen pour la princesse interprétée par Mia SARA, EXPLORERS, LA QUATRIEME DIMENSION ( THE TWILIGHT ZONE-THE-MOVIE ), LES SORCIERES D’EASTWICK ( WITCHES OF EASTWICK ) avec la version géante et démoniaque du personnage interprété par Jack NICHOLSON, PREDATOR, la trilogie ROBOCOP, TOTAL RECALL, LES MAÎTRES DE L'UNIVERS ( MASTERS OF THE UNIVERSE ) et SUPER MARIO BROS. Il était notamment apparu en 2004 dans un documentaire sur l’histoire des monstres en cire au cinéma, MONSTERAMA, HISTORY OF WAX MONSTERS.

Henry Alvarez recréant pour la presse la tête du personnage de Norris de THE THING s'enfuyant en se pourvoyant de pattes d'araignée.


Tête de la dernière incarnation monstrueuse de THE THING.

Le grotesque et pittoresque père extraterrestre, sorte de préfiguration des créatures tout aussi baroques conçues par Rick BAKER pour MEN IN BLACK et sa suite, apparaissant à la fin du film EXPLORERS, personnage imaginé par Rob BOTTIN et sculpté par Henry ALVAREZ.

Recréation de la tête du Démon d'Halloween du film PUMPKINHEAD.

L'impressionnant mutant Kuato du film TOTAL RECALL, auquel l'équipe d'animation de Rob BOTTIN conféra une vraie personnalité.

Henry ALVAREZ s’appliqua à perfectionner la formule du latex afin d’obtenir les meilleurs résultats. Il était secondé dans son travail par son fils, et par sa femme qui peignait ses créations, excellant dans l’art d’appliquer plusieurs couches de couleur en partant du ton le plus foncé afin de donner une impression de profondeur factice à la cire, de manière à lui donner l’apparence d’un véritable épiderme recouvrant des veines.

Une des répliques si réalistes de la tête de l’acteur Barry CORBIN pour une série que celui-ci ne pouvait la regarder sans déplaisir, ce qui arrivait souvent puisqu'elle avait été facétieusement disposée à l'entrée du studio dans lequel se tournait la série NORTHERN EXPOSURE.

Collectionneur, il avait notamment acquis des outils utilisés pour la création du costume de L’ÉTRANGE CRÉATURE DU LAC NOIR (CREATURE FROM THE BLACK LAGOON), ceux-ci étant si inhabituels qu’il n’est pas parvenu à déterminer leur usage exact, bien qu’ayant souvent créé lui-même ses propres instruments…

Henry ALVAREZ était considéré comme un maître de la sculpture dans la profession, à la manière de Gunnar FERDINANSEN ( à droite ), la référence pour le démoulage de masques, seul capable de retirer une pièce d'un moule à un seul tenant.

La disparition de sa fille en raison d’un cancer des os, et l’éradication croissante des créateurs d’effets spéciaux concrets en raison de l’hégémonie des images virtuelles qui a également découragé nombre d’artistes talentueux, à commencer par Rob BOTTIN, amènent le sculpteur à s’éloigner de l’effervescence et de l’investissement à temps plein du cinéma, et à s’installer dans l’Orégon. Il y retouche des sculptures en cire destinées à être revendues. D’origine mexicaine et amérindienne, notamment apache, il entreprend également la création de bronzes de grande taille figurant des chefs indiens, dont il s’attache à faire ressentir l’intériorité.

La maladie dont il était atteint depuis plusieurs années s’étant récemment aggravée, Henry ALVAREZ a finalement succombé au mésothéliome, forme de cancer rare du poumon, vraisemblablement causé par l’exposition répétée avec les particules d’amiante des moules utilisés pour la réalisation des statues de cire. Un nouvel exemple d’investissement complet qui aura probablement été fatal à cet artiste renommé.

Sources principales de l'article :

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lundi 5 mars 2012

Petites victimes méconnues de Fukushima


Un spécimen de "poisson Napoléon" - surnommé ainsi à cause de sa bosse qui évoque un peu le bicorne de l'Empereur des Français; élevé pour assurer sa protection dans l'aquarium de la région de Fukushima, il a été frappé par la catastrophe qui a mis à mal l'établissement.

Il y'a un an, à la date du 11 mars 2011, un tremblement de terre frappait le Japon, engendrant un raz-de-marée terrifiant ( tsunami ) qui ravageait la côte de la région de Fukushima et des environs, causant des dégâts considérables, la mort de milliers de personnes et un accident nucléaire majeur, contraignant les populations limitrophes à évacuer durablement la zone, condamnée comme celle de Tchernobyl en Ukraine depuis 1986.

Des fonds considérables durent être mobilisés pour la reconstruction. Une polémique est d'ailleurs soulevée par le célèbre défenseur des Cétacés, Paul WATSON, relayée par Brigitte BARDOT au titre de sa Fondation - laquelle remarque au passage que les animaux familiers n'ont quant à eux pas été évacués des zones désertées - sur l'utilisation d'une partie des dons collectés, partiellement affectés au soutien de la campagne de chasse à la baleine, au motif qu'un des ports dévastés se consacrait à cette activité, plutôt qu'au profit des survivants de la catastrophe auxquels ils étaient principalement destinés - le Japon étant l'un des rares pays avec la Norvège à poursuivre cette pratique en dépit du moratoire sur la chasse commerciale, même si, théoriquement, celle-ci ne cible plus que les espèces de Rorquals n'étant pas en danger immédiat d'extinction  :

Le sort tragique des habitants a également occulté celui d'autres victimes indirectes. La région de Fukushima comporte notamment un important complexe d'aquariums inauguré en juillet 2000, L'Aquamarine Fukushima à Iwaki, dont la majorité des pensionnaires ont péri des suites de la catastrophe. A la différence des bassins extérieurs affectés à la reproduction des Poissons, qui furent ravagés par le tsunami, la structure résistante du bâtiment a bien préservé l'intégrité des aquariums, mais néanmoins la coupure d'électricité imputable à l'arrêt automatique des quatre centrales nucléaires les plus proches et à la capacité limitée en réserve de carburant du groupe de secours, a occasionné la mort des Poissons, Crustacés, Mollusques et de l'immense majorité des pensionnaires - Les Mammifères marins ( Loutres et Pinnipèdes ) et les Oiseaux de mer, dont la respiration et la température ne sont pas strictement dépendantes des infrastructures, furent quant à eux évacués temporairement, incluant un phoque femelle qui donna naissance dans ces circonstances à un petit, baptisé "Espoir" en japonais (Kibo). A l'issue de travaux de restauration, l'aquarium d'Iwaki, qui se trouve dans une zone non directement exposée à la radioactivité de la centrale sinistrée, a été rouvert en juillet 2011, le jour de son onzième anniversaire, bénéficiant du don de pensionnaires venus d'une vingtaine d'aquariums et zoos du Japon, et même du monde entier.

Le bassin des Morses a toujours captivé les jeunes visiteurs de l'Aquamarine.

Belle reconstitution de Dunkleosteus ( aussi appelé Dinichthys ), un très grand Placoderme ("poisson cuirassé") qui vivait dans les océans au Dévonien, il y'a plus de 360 millions d'années, suspendue au plafond de la salle du rez-de-chaussée présentant des reconstitutions des animaux marins des temps anciens.

Autre animal disparu assez inquiétant surgissant de l'obscurité, un Euryptéride prêt à fondre sur sa proie et à la saisir avec ses pinces effilées; surnommés "scorpions de mer", ces prédateurs marins étaient relativement plus proches de la Limule, un "fossile vivant", que des Arachnides au sein desquels se rangent les Scorpions terrestres.

Pensionnaires de l'Aquamarine, ces spécimens de Nautiles, animal considéré comme un "fossile vivant", Céphalopode à coquille enroulée comparable à ceux qui servaient de proies à de grands Reptiles marins contemporains des Dinosaures, n'ont pas survécu à la catastrophe de Fukushima.

L'équipe de l'aquarium de Fukushima s'est notamment distinguée par sa participation à l'expédition qui a pris les premières photographies d'une espèce asiatique de Coelacanthe dans son milieu naturel en mai 2006, rééditant plusieurs fois l'expérience par la suite. Ce Poisson appartient à un groupe qui fut considéré comme éteint en même temps que les Dinosaures, jusqu'à l'identification en 1938 d'un spécimen ramené par des pêcheurs au large des côtes d'Afrique du sud, et dont l'articulation des nageoires annonce celle des membres des Vertébrés terrestres de même qu'une poche d'air dans l'estomac préfigure le futur poumon - il existe cependant des Poissons actuels paraissant plus engagés sur la voie qui mène à la sortie des eaux, les Polyptères et les Dipneustes, possédant aussi bien des branchies que des poumons. Certains créationnistes ont cherché à tirer partie de la découverte du premier Cœlacanthe vivant pour arguer que, l'animal n'ayant en apparence guère évolué - même si ses nageoires sont devenues plus symétriques au fil du temps - alors qu'il est vu comme un "chaînon manquant", cette immuabilité contredisait la théorie de l'évolution; la polémique est assez absurde, puisque, les derniers représentants fossiles connus datant de la fin du Crétacé, la paléontologie avait déjà établi que l'animal s'était perpétué plus de 300 millions d'années après que des formes voisines avaient engendré les Vertébrés terrestres, sa survie dans les derniers 65 millions d'années n'apportant rien de nouveau sur le fond(*)... L'hypothèse qu'une seconde espèce de Cœlacanthe ait pu se maintenir en Indonésie parut à beaucoup très improbable, celle-ci se basant principalement sur une sculpture traditionnelle récupérée par un antiquaire, jusqu'à ce qu'en 1997, l'animal quitte le domaine de la cryptozoologie pour constituer officiellement une seconde espèce à côté de son parent comorien.

Autre "fossile vivant", le Cœlacanthe indonésien, découvert en 1997 - bien que l'hypothèse de son existence se heurta à l'incrédulité, la preuve de son existence eut moins d'écho médiatique que celle de son parent africain, un demi-siècle plus tôt.

(*) Rappelons que l'évolution des espèces, déjà évoquée ici à l'occasion de l'article sur DARWIN et le créationnisme, n'implique pas que la transformation affecte nécessairement l'intégralité d'une population : tandis que certains représentants des poissons à nageoires lobés - probablement du genre Tiktaalik -s'aventuraient sur la terre ferme, donnant naissance à nos lointains ancêtres, d'autres rameaux du groupe comme le Cœlacanthe demeuraient dans les eaux, se maintenant tant bien que mal jusqu'à notre époque.

PS : Comme pour l'explosion de la centrale de Tchernobyl, le précédent nucléaire majeur, des hommes ont sacrifié leur vie pour empêcher que la catastrophe ne soit pas pire encore. Les territoires demeurent radioactifs durant une très longue période. Beaucoup d'enfants, plus particulièrement, résidant dans la région de Tchernobyl connaissent toujours de très graves problèmes de santé, des associations internationales récoltent des dons pour leur venir en aide, en Ukraine : http://www.chernobyl-international.comet en Biélorussie : http://enfants-tchernobyl-belarus.org/


vendredi 13 janvier 2012

LA VALEUR N'ATTEND PAS LE NOMBRE DES ANNEES


Comme sans doute beaucoup d'autres, je me suis intéressé très jeune à la vie animale, et enfant, j'étais déjà passionné par certaines espèces fort singulières ( ma passion pour les créatures fantastiques en est peut-être d'une certaine manière un prolongement au travers de l'imaginaire ). Cependant, on découvre toujours au travers d'internet des profils capables de vous surprendre.

J'ai ainsi découvert un blog sur les animaux disparus les plus anciens ( principalement "invertébrés" ) créé par un internaute de 7 ans : http://www.lifebeforethedinosaurs.com/. Je pense qu'il sera difficile de trouver plus précoce en la matière. Le garçonnet livre des articles synthétiques parfaitement aboutis, à tel point que j'avais initialement peine à croire qu'il en fut bien l'auteur, et que j'ai du lire une seconde fois son âge pour m'assurer que je ne m'étais pas trompé. Les textes sont tapés par la mère d'Art, mais il en est bien l'auteur, et les illustre à l'occasion de dessins personnels.


Cette étrange créature du cambrien récemment découverte, un genre de "Lobopode", tout en pattes, Diania cactiformis - n'a pas échappé à Art, qui s'en est fait tricoter une version par sa mère.

Dessin d'un Priapulien du cambrien, Fieldia, par Art, représentant fossile d'un petit embranchement d'animaux vermiformes ayant pratiquement disparu de la faune actuelle - seules 4 espèces vivantes étaient connues jusqu'à la découverte de quelques représentants microscopiques dans la vase des grands fonds; à cette époque reculée, ces animaux étaient aussi répandus que les vers annelés de nos plages qui les ont supplantés.

Toujours informé des découvertes les plus récentes, son blog vient de rendre compte de la découverte d'une nouvelle espèce sessile mystérieuse des schistes de Burgess datant du cambrien, au Canada :

Il est possible de lire un article en français sur le même sujet à cette page :

Un petit montage montrant le fossile et la reconstitution de l'animal en forme de tulipe, évoquant une "Groseille de mer" montée sur un pédoncule.

Avec son pédoncule, la morphologie de Siphusauctum rappelle un autre animal des schistes de Burgess Schale, tout aussi énigmatique, évoquant de manière frappante une fleur, le Dinomischus, mais l'anatomie du nouveau venu pourrait le rapprocher d'animaux planctoniques, les Cténaires, embranchement auquel appartiennent les "Groseilles de mer" - créatures évoquées dans un l'article que vous avez peut-être déjà lu ici http://creatures-imagination.blogspot.com/2010/08/la-revanche-des-plus-humbles.html ). Les Cténaires ne sont pour leur très grande majorité pas fixés au substrat, mais une telle analogie a déjà évoquée pour d'autres créatures pédonculées encore plus anciennes, remontant au précambrien, les Rangeomorphes en forme de plume, que d'autres avaient par contre comparés aux "Plumes de mer" ( des Coraux mous ) et dont on peut voir une belle reconstitution sur la photo du diorama consacré à la vie édiacarienne présentée dans l'article http://creatures-imagination.blogspot.com/2009/02/charles-darwin-et-le-debat-sur.html

Ce nouveau fossile vient enrichir l'inventaire de la faune très ancienne des schistes de Burgess, comportant, à côté notamment de Trilobites, d'autres créatures représentant des expériences évolutives sans descendance, plasticité de la vie animale susceptible d'alimenter la réflexion quant aux manifestations possibles de la vie telle qu'elle aurait pu se développer sur d'autres planètes. On peut compter sur Art pour nous informer de nouveaux développements quant aux avancées de la connaissance se rapportant au début de l'expansion animale.

Le système éducatif américain étant moins rigide que le français si prompt à décourager les vocations, on peut fonder les plus grands espoirs que ce paléontologiste précoce puisse un jour sans trop d'entraves transformer sa passion en profession et intégrer la recherche.

Art a lancé un appel à souscription pour réunir suffisamment de fonds pour qu'il puisse se rendre avec sa famille au musée d'histoire naturelle de Chicago, et la collecte a été assez fructueuse pour qu'il atteigne son but à l'amorce de son huitième anniversaire. Bonne visite!


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S'il est peu douteux que le monde que nous connaissons court inévitablement à sa perte, nous laisserons aux plus crédules les prédictions issues du calendrier maya qui annoncent l'apocalypse pour l'année qui vient. Comme le disait récemment le réalisateur Abel FERRARA, auteur du film BODY SNATCHERS sur la perte de l'identité : "C'est tous les jours la fin du monde. (...) L'apocalypse, c'est d'abord dans nos âmes que ça se passe". En effet, tous les jours, la vie amène certains d'entre nous à cesser de croire aux valeurs qui leur étaient chères, mais ici, on s'efforce au moins de conserver un peu de notre sens du merveilleux. 
   
Je ne doute pas, à contre-courant de ce sensationnalisme, qu'il nous reste sûrement encore un certain nombre d'années à passer ensemble, et je remercie tous ceux qui manifestent leur intérêt à l'endroit de ce blog un peu atypique par leurs commentaires, leurs messages personnels ou encore par la mise en ligne du lien sur leur propre site. Comme dit la chanson, "ma plus belle histoire d'amour, c'est vous!"

Meilleurs voeux!
Happy new year!
Gute Jahre!

lundi 19 décembre 2011

FINALEMENT, LA CHOSE ÉTAIT BIEN REVENUE...



"Créatures et imagination" n'est pas revenu depuis sa sortie sur la préquelle de THE THING dont la production avait été évoquée à plusieurs reprises, tant, comme à chaque fois depuis une vingtaine d'années que les promoteurs des films de science-fiction nous promettent de conserver une majorité d'effets spéciaux traditionnels, la désillusion est grande, avec la substitution d'un déluge virtuel aux monstres organiques, aux créatures donnant l'illusion concrète d'une réalité biologique que l'on se pique ici d'aimer particulièrement (il n'y a pas davantage d'espoir à entretenir au sujet de la transcription si longtemps différée à l'écran des aventures de John Carter sur Mars d'après les romans d'Edgar Rice BURROUGHS, et pour PROMÉTHEUS que devrait réaliser Ridley SCOTT dans la lignée de la saga d'ALIEN - projet initialement présenté comme une préquelle lui aussi, il convient d'être là encore particulièrement circonspect).


On évoquera prochainement cette dernière (annoncée en ces pages dans l'article "Retour attendu de deux grands monstres"), mais on ne résiste pas au plaisir de signaler au lecteur les coulisses des effets spéciaux de la préquelle de THE THING réalisés par ADI (l'atelier d'Alec GILLIS et Tom WOODRUFF cité dans l'article récent sur LA GALAXIE DE LA TERREUR), à déconseiller aux personnes les plus impressionnables : http://www.youtube.com/watch?v=oBAkq1L_iVc 



Des effets spéciaux concrets à l'aspect très organique conçus pour la préquelle par le Studio ADI qui rappellent la fusion de cadavres du film LEVIATHAN - finalement lourdement retouchés par les infographistes sur ordre de la production.

On ne peut qu'être consterné par le gâchis ayant consisté à remplacer par du virtuel tous ces trucages du fait de la décision jugement autoritaire et infondée de la production sur la base de son conformisme par rapport aux standards actuels et de sa méconnaissance de ce à quoi doit ressembler une créature réaliste. Les effets organiques ont été lourdement manipulés par programme informatique comme la créature satanique créée par l'atelier de Stan WINSTON pour LA FIN DES TEMPS (END OF DAYS). Le prédecesseur de GILLIS et WOODRUFF qui avait été le maître d'oeuvre du film original de John CARPENTER, Rob BOTTIN, a subi précédemment la même infortune avec le réalisateur d'UN CRI DANS L'OCEAN (DEEP RISING) trop pressé d'achever leur tâche pour prendre le temps nécessaire à mettre en valeur ces saisissantes créations. Cette vidéo des coulisses de la préquelle a comme on s'en doute suscité un débat passionné chez nos amis de P.E.G.

Rappelons que Vincent GUASTINI ( SPOOKIES, METAMORPHOSIS ALIEN FACTOR, etc.. ), qui a oeuvré sur le projet abandonné de mini-série, a mis en ligne certains concepts : http://anythinghorror.com/2011/11/17/some-new-sights-from-the-thing/


Le film original ayant bientôt trente ans, nul doute qu'on cédera à la tentation de la commémoration..

Bon Noël.



Petite variation sur le thème de THE THING, qui a remporté le concours de Noël organisé par le site Outpost31, excellent site consacré au film de John CARPENTER (http://www.outpost31.com).

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Mentionnons pour mémoire la disparition le 21 Novembre 2011 à l'âge de 85 ans de l'écrivain d'origine irlandaise Anne McCAFFREY, qui avait obtenu de nombreuses distinctions au titre de la science-fiction. Son plus célèbre cycle, débuté en 1968 avec LE VOL DU DRAGON (DRAGONFLIGHT) est celui de Pern, décrivant une planète régulièrement menacée par des filaments mycéliens corrosifs venus de l'espace, sur laquelle les colons sont revenus à un stade médiéval et dont les derniers ressorts de la science ont transformé un animal indigène aux allures de saurien en équivalent domestiqué des mythiques dragons, univers qui rappelle ainsi le cadre de la fantasy.
Anne MacCAFFREY avait aussi eu recours à d'autres célèbres créatures reptiliennes avec LA PLANETE DES DINOSAURES en 1978 ( DINOSAUR PLANET ), suivi d'une suite.


mercredi 30 novembre 2011

LE RÉALISATEUR D'AU-DELÀ DU RÉEL DISPARAÎT DANS L'INFINI




Ken RUSSELL s'est éteint le 27 novembre 2011 à l'âge de 84 ans. Personnalité controversée, à la vie tumultueuse, aimant faire scandale au travers de ses oeuvres au fort contenu sexuel et anti-chrétien, il était surtout renommé pour ses films musicaux flamboyants et colorés.

Il est aussi le réalisateur d'un des premiers films majeurs de science-fiction des années 1980, AU DELÀ DU RÉEL ( ALTERED STATES ) - qui en dépit de son titre français n'a pas de lien avec la série du même nom parfois évoquée en ces pages, et dont le titre original est THE OUTER LIMITS.



Illustration d'une problématique épistémologique moderne issue notamment de la physique quantique : comment interpréter les résultats d'une expérience touchant à la nature même du réel sans que la subjectivité de l'expérimentateur n'influence son observation? Une interrogation que ne devrait pas méconnaître le Dr. Jessup avant d'entamer un grand saut dans l'inconnu...


Adapté du roman de Paddy CHAYEFSKY, AU DELÀ DU RÉEL (1980) traite d'une expérimentation qui était alors à la mode: la recherche sur l'esprit de sujets immergés dans un liquide à l'intérieur d'un caisson d'isolation et plongés dans l'obscurité. Le docteur Jessup (William HURT) fait lui-même l'essai dans ces conditions d'une drogue d'Amérique du Sud censée provoquer des transes initiatiques, au grand effroi de ses collègues qui jugent qu'il enfreint les règles de sécurité. Mais Jessup, qui a perdu la foi lorsque son père est mort dans des circonstances tragiques, veut découvrir la Vérité, ce qu'il y a réellement après la vie. Sa première hallucination concerne la religion, qui lui apparaît comme une tromperie issue de la vanité des hommes, refusant de croire à leur fin prochaine et inéluctable. Ken RUSSELL glisse quelques images hallucinatoires, de nature religieuse, dans une séquence onirique, l'agneau sacrificiel se confondant avec la figure christique.




La tête d'agneau sacrificiel pourvue de sept yeux ainsi que de sept cornes, représentant les sept esprits de Dieu en mission sur la Terre selon le Livre de l'Apocalypse; le studio de Tom BURMAN a réalisé une tête destinée à être portée par un véritable mouton, de la même manière que le chien hybride qu'il avait conçu pour le remake de L'INVASION DES PROFANATEURS ( INVASION OF THE BODY SNATCHERS ) de 1978. Plusieurs versions des yeux ont été envisagées, la première semblable à ceux d'un vrai bélier, la finale beaucoup plus humaine, avec un iris bleu clair inspiré de celui de l'acteur William HURT. Une vingtaine de minutes supplémentaires d'hallucinations diverses tournées par Ken RUSSELL ont été coupées.


De nouvelles visions montrent que, cette fois, Jessup a réussi à réveiller une mémoire génétique universelle ancestrale sommeillant au fond de la conscience. Il éprouve des instincts primitifs tels que le besoin de tuer pour survivre, revivant une scène de chasse paléolithique. Mais, stimulé par cette étrange drogue, le cerveau agit directement sur le corps, le transformant peu à peu, et, l'espace d'une nuit Jessup devient réellement un paléanthrope - un homme velu de la préhistoire - qui se réveille le lendemain dans un zoo après y avoir tué une chèvre ( séquence qui annonce une scène similaire l'année suivante dans LE LOUP-GAROU DE LONDRES ( AMERICAN WEREWOLF IN LONDON ) de John LANDIS.

Dans sa quête d'absolu, le scientifique régresse au stade de l'homme primitif.

A n'en point douter, le Docteur Jessup est parvenu à mettre à nu le "ça" originel. Le maquilleur Dick SMITH s'est notamment basé sur les traits plus ancestraux des Arborigènes australiens pour imaginer la physionomie du personnage.

Cette année, le concierge n'aura probablement pas d'étrennes...

Le Docteur Jessup, exalté, poursuit ses recherches. Il est menacé par la régression de son organisme, attiré par cette force dynamique et destructrice qu'est le néant ; son être est sur le point d'être dissous, tant moralement que physiquement. Puis sa chair elle-même entre en fusion. Seul l'amour de sa bien aimée incarnée par Blair BROWN saura le rattacher à la vie, alors qu'il était près de se désintégrer, ayant franchi la frontière entre la matière et l'énergie et constaté physiquement et intellectuellement le vide total qui attend tout être après la mort, comme son père le lui avait révélé. AU DELÀ DU RÉEL est un film envoûtant et original, auquel on reprochera simplement que les effets visuels occultent un peu trop certaines des étonnantes réalisations du maquilleur Dick Smith comme il s'en était offusqué. Il est à la fois un des premiers films à montrer à l'écran une métamorphose en train de s'opérer, aussi bien qu'à subir une altération des effets spéciaux physiques, très organiques, par une retouche ultérieure de l'image.

Le chercheur devient une créature grotesque lorsque sa structure génétique est altérée par les substances toxiques qu'il teste. L'expérimentation engendre "une nouvelle chair" comme dirait le cinéaste David CRONENBERG. Le maquilleur Dick SMITH avait même pensé, au temps où le film devait être réalisé par Arthur PENN avant que le dépassement de budget ne l'incite à déclarer forfait, à s'inspirer des difformités de l'infortuné "Homme-Éléphant" auquel David LYNCH a consacré un film la même année.

Le Docteur Jessup s'efforce d'échapper à la désintégration, au néant que son expérience a fait surgir comme une redoutable force d'attraction, le changeant en une créature déformée touchant concrètement son vide existentiel.

La compagne de Jessup, Emily, manque elle-même d'être consumée par le maelström; pour le réalisateur, à l'instar du roman originel, seul l'amour permet de surmonter la vacuité de la vie, une conclusion qui, comme dirait le philosophe Alain FINKIELKRAUT, peut sembler malgré tout encore très optimiste dans le contexte désillusionné de notre époque*.

Belle étude anatomique - plus organique que celle, virtuelle, de L'HOMME SANS OMBRE (HOLLOW MAN) - pour le personnage d'Emily, costume intégral qui n'apparaît pas dans la version finale du film. Un modèle additionnel devait montrer les vaisseaux sanguins du visage imploser, mais toute la séquence a été éliminée faute de temps pour la mener à bien.

Ken RUSSELL avait été aussi occasionnellement acteur, interprétant en 1990 un officier de renseignement britannique homosexuel dans THE RUSSIA HOUSE, tiré d'un roman d'espionnage de John LE CARRÉ.

Ken RUSSELL avait par ailleurs réalisé par la suite GOTHIC (1986), un film baroque s'attachant à dépeindre l'atmosphère fiévreuse dans laquelle Mary SHELLEY conçut le roman FRANKENSTEIN, ainsi qu'une adaptation pittoresque d'une œuvre moins connue de l'auteur de DRACULA, Bram STOCKER, LE REPAIRE DU VER BLANC ( THE LAIR OF THE WHITE WORM ), en 1988, évoquant un culte vampirique orchestré autour d'une créature monstrueuse vivant sous terre - film dans lequel apparaît Peter CAPALDI, notamment connu des amateurs de science-fiction pour son rôle de responsable gouvernemental confronté à une menace extraterrestre dans la troisième saison de la série TORCHWOOD, LES ENFANTS DE LA TERRE (CHILDREN OF THE EARTH), contraint pour des raisons politiques de sacrifier ses propres enfants au cours d'une scène bouleversante.

Imagerie religieuse explicite dans LE REPAIRE DU VER BLANC; la créature, avec sa mâchoire à la dentition rudimentaire et sa peau nue rappelle plus les Batraciens sans pattes ( Gymnophiones ) que le Serpent de l'Ancien testament ou le Dragon médiéval.

Son autobiographie parue en Grande-Bretagne en 1989, avait été publiée aux États-Unis en 1991 sous un titre faisant allusion à l'œuvre qui retient ici notre attention : "Altered states, the autobiography of Ken Russell".

A noter : Les concepteurs de films ne sont pas toujours très rigoureux en matière d'exactitude zoo-géographique. Dans AU-DELÀ DU RÉEL, le chaman sud-américain a pour animal de compagnie non un iguane, mais un petit varan, saurien propre à l'ancien monde - inversement, des nomades promènent dans CONAN LE BARBARE ( CONAN THE BARBARIAN ) un lama, Camélidé qu'on ne trouve que dans le nouveau monde, découvert beaucoup plus tard...

PS : un site internet est consacré au cinéaste : http://fuckyeahkenrussell.tumblr.com/.

(* Le philosophe a écrit un essai sur le sujet, ET SI L'AMOUR DURAIT, dans lequel il évoque notamment LA PRINCESSE DE CLÈVES, roman sur l'amour impossible et l'abnégation, qui fit récemment l'objet en France d'une controverse célèbre, car jugé «dépassé» au nom de la «modernité» - le plaisir d'être à contre-courant était trop fort pour qu'on ne mentionne pas l'œuvre en passant!... ).