jeudi 31 mai 2012

ÇA DEVRAIT VOUS DIRE QUELQUE CHOSE...


Découvrant une photo de l'étrange poisson Psychrolutes, le réalisateur de MEN IN BLACK III, Barry SONNENFELD, a demandé au maquilleur Rick BAKER d'en réaliser une effigie pour une séquence se déroulant dans un restaurant chinois, laquelle fut réalisée en silicone. Les lecteurs les plus fidèles de "Créatures et imagination" l'auront sans doute reconnu et auront au cinéma une impression de "déjà vu", puisqu'il fut l'invité de la seconde "photo-mystère": http://creatures-imagination.blogspot.fr/2011/05/photo-mystere-n-2.html.

Ce Poisson inhabituel illustre parfaitement la vocation de ce site, avec ses allers-retours entre les représentants du monde vivant et leur figuration au travers de l'imaginaire: apparu sous son identité originelle de spécimen zoologique pittoresque au travers de la photo-mystère numéro 2, il reparaît à présent en ces pages en tant que créature figurant dans un film de science-fiction, retranscrivant la manière dont le fantastique se saisit des êtres existants pour se les réapproprier sous diverses formes. Psychrolutes mériterait de devenir l'emblème de "Créatures et imagination, les êtres réels et les êtres imaginaires".


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Encore une disparition d'un compositeur de science-fiction

Huit ans seulement après son célèbre père, le compositeur Joël GOLDSMITH a été à son tour emporté le 29 avril 2012 à l'âge de 54 ans par un cancer ( mal qui avait déjà écourté les carrières de Michael KAMEN et Basil POLEDOURIS ), situé au niveau des poumons, ainsi que par une maldie musculaire. On avait évoqué brièvement cette personnalité dans l'article qui fut consacré à l'hommage à Jerry GOLDSMITH pour honorer sa mémoire à l'occasion du cinquième anniversaire de la disparition de ce dernier (http://creatures-imagination.blogspot.fr/2009/07/lhomme-qui-faisait-chanter-les-mogwai.html ).

Né le 19 novembre 1957, Joël GOLDSMITH fit ses débuts professionnels en collaborant sur la bande musicale du film de science-fiction à petit budget LASERBLAST avec Richard BAND, frère de Richard BAND, producteur et réalisateur du film PARASITE. Il s'était particulièrement fait connaître dans le domaine des séries télévisées, notamment en illustrant plusieurs centaines d'épisodes des différentes sagas dérivées du film STARGATE, ce qui lui valut d'être honoré à plusieurs occasions par des Emmy awards sanctionnant la réussite en matière de télévision, et notamment pour sa création du thème héroïque de STARGATE ATLANTIS récompensé en 2005. Sur un mode musical plus singulier, il avait aussi signé la musique de certains épisodes de la série d'AU- DELÀ DU RÉEL, L'AVENTURE CONTINUE ( THE NEW OUTER LIMITS ), sa partition y privilégiant, plutôt que des mélodies reconnaissables, d'étranges assonances constituant une atmosphère mystérieuse et envoûtante s'harmonisant parfaitement avec celles des compositeurs comme J. Peter ROBINSON et John VON TONGEREN ayant également travaillé sur la série, l'ensemble étant tout à fait approprié au climat des histoires extraordinaires de cette série marquante des années 1990 riche en créatures étranges.


Joël GOLDSMITH a illustré un certain nombre d'épisodes d'AU-DELÀ DU RÉEL, L'AVENTURE CONTINUE.


Dans l'épisode LES DÉPROGRAMMEURS (THE DEPROGRAMMERS), l'humanité est sous la coupe d'extraterrestres reptiliens, contre lesquels seuls quelques individus isolés paraissent s'élever. On trouvera en suivant ce lien la liste des titres originaux des épisodes d'AU-DELÀ DU RÉEL auxquels il a contribué: http://tvscoring.150m.com/Outer.html

Le père et le fils avaient à l'occasion oeuvré ensemble, notamment en 1984 sur la partition électronique de RUNAWAY réalisé par Michael CRICHTON et en 1996 sur le film STAR TREK FIRST CONTACT.


Le Maître et son fils au temps de leur collaboration sur STAR TREK FIRST CONTACT.

hommage sur le principal site américain consacré à son père: http://www.jerrygoldsmithonline.com/spotlight_joel_goldsmith.htm

Signalons par ailleurs le décès de cause inconnue, à l'âge de 43 ans, survenu le 21 avril 2012 de Samara KATZ née HAGOPIAN, technicienne d'effets spéciaux, qui avait notamment débuté sur CHÉRI, J'AI RÉTRÉCI LES GOSSES ( HONEY, I SHRUNK THE KIDS ), travaillé pour Kevin YAGHER, avait collaboré sur certains films de Roland EMMERICH au sein du département mécanique, STARGATE, GODZILLA ainsi qu' INDEPENDANCE DAY en tant que membre du studio Character Shop de Rick LAZZARINI ( avec lequel elle avait aussi notamment œuvré sur les insectes monstrueux de MIMIC et sur l'éléphant incroyablement réaliste de OPERATION DUMBO DROP ). En compagnie de ses deux chiens, elle occupait ses loisirs en s'adonnant à la joaillerie artisanale et aux bouturage des cactus, deux domaines dans laquelle sa compétence était également reconnue.


Une biographie plus complète en anglais peut être lue sur le site de Rick LAZZARINI :
http://ricklazzarini.tumblr.com/post/23388490585/obituary-samara-hagopian-katz-we-loved-you-so-sam

Un autre spécialiste d'effets spéciaux bien connu a disparu le 28 mai 2012. Frère de Richard YURICICH, directeur de la photographie sur les séquences d'effets spéciaux visuels de classiques de la science-fiction, Matthew YURICICH concevait des peintures sur verre incorporées aux films (matte-paintings), permettant de créer des trompe-l'oeil à l'époque où les arrières-plans n'étaient pas créés par infographie.


Matthew YURICICH, avec deux peintures combinées avec les plans tournés avec les acteurs, pour LA BATAILLE DE LA PLANÈTE DES SINGES (BATTLE FOR THE PLANET OF APES) de 1974 en haut, et une scène de STAR TREK-LE-FILM à la perfection technique digne de Ralph McQUARRIE évoqué récemment, laquelle a marqué les cinéphiles de la même manière que ses décors de PLANÈTE INTERDITE, la ville futuriste de SOLEIL VERT ou encore nombre d'arrières plans de la cité noyée dans des tons bleutés de BLADE RUNNER.

Né le 19 janvier 1923 dans l'Ohio de parents croates, il s'engage dans l'armée durant la seconde guerre mondiale, puis entame sa carrière dans les studios d'Hollywood, contribuant à l'aspect visuel de nombreux films comme BEN-HUR, LE SYNDROME CHINOIS (THE CHINESE SYNDROM), SOLEIL VERT (SOLEYNT GREEN), L'ÂGE DE CRISTAL (LOGAN's RUN), LES RESCAPES DU FUTUR (FUTUREWORLD), DAMNATION ALLEY, STAR TREK LE FILM (STAR TREK-THE-MOVIE), BLADE RUNNER, BRAINSTORM et 2010. Il avait aussi collaboré à certains films comportant des créatures fantastiques, PLANÈTE INTERDITE (FORBIDDEN PLANET), RENCONTRES DU TROISIÈME TYPE (CLOSE ENCOUNTERS OF THE THIRD KIND), la série V, S.O.S. FANTÔMES (GHOSTBUSTERS), POLTERGEIST 2 (le décor rocheux du prologue), VAMPIRE, VOUS AVEZ DIT VAMPIRE? (FRIGHT NIGHT) et THE MONSTER SQUAD.
Après son divorce en 1976, ce père de cinq enfants occupa sa retraite en pratiquant sa passion pour les compétitions de tir à l'arc et continua à peindre pour son plaisir.

On trouvera un éventail très complet de ses contributions à cette page :
http://nzpetesmatteshot.blogspot.fr/2010/10/matts-mattes-photo-tribute-to-career-of.html



lundi 2 avril 2012

IL A AGENCE L'UNIVERS DE LA GUERRE DES ETOILES


Ralph McQUARRIE s'amusant en compagnie d'un comparse ayant revêtu le costume de Dark Vador, le personnage qu'il était le plus fier d'avoir façonné.

Un illustrateur de science-fiction de premier plan a disparu le 3 mars 2012 à l'âge de 82 ans. Né le 13 juin 1929 dans l'Indiana, Ralph McQUARRIE se rend en Californie et débute une carrière de dessinateur industriel chez Boeing. Sa notoriété ne cesse de croître, réalisant des illustrations à l'attention du public, telles que des animations accompagnant la couverture du programme spatial Apollo pour la chaîne CBS.

C'est sa passion pour la technologie qui amène finalement cet illustrateur à s'investir dans le domaine de la science-fiction, genre auquel il avoue ne pas s'intéresser spontanément en tant que lecteur. Après avoir réalisé des couvertures de livres de science-fiction, qu'il s'attache à lire pour en tirer l'idée qui lui paraît visuellement la plus intéressante, ainsi que des posters de films, c'est sa contribution à un projet inabouti de film de science-fiction, STAR DANCING initié par les futurs auteurs du DRAGON DU LAC DE FEU (DRAGONSLAYER), qui attire l'attention du jeune réalisateur George LUCAS, lequel l'engage en novembre 1974 en tant qu'artiste conceptuel pour concrétiser son script de LA GUERRE DES ÉTOILES ( STAR WARS : A NEW HOPE ). Sa participation fut déterminante, puisque LUCAS parvint enfin à intéresser les producteurs à son entreprise grâce à la beauté plastique et à la puissance visuelle émanant des créations de l'artiste. Il conçoit notamment l'apparence du robot 2D2, l'armure des troupes de l'Empire ainsi que la figure la plus iconique de la trilogie, le casque de Dark Vader ( Darth Vador en V.O. ), que George LUCAS trouve si réussi qu'il décide d'en revêtir en permanence le personnage - qui dissimule ainsi son visage brûlé sous de mystérieux atours. Ralph McQUARRIE se réjouissait de voir cette création célèbre au point de la voir reprise dans des publicités.

Il travaille aussi pour Steven SPIELBERG, concevant le concept du majestueux vaisseau-mère de RENCONTRES DU TROISIEME TYPE ( CLOSE ENCOUNTERS OF THE THIRD KIND ), d'après un rêve fait quelques années plus tôt - nonobstant l'injonction extraterrestre de son songe de ne pas évoquer leur présence. Sa contribution au premier projet d'adaptation au cinéma de la série STAR TREK, STAR-TREK-LE FILM ( STAR TREK-THE MOVIE PICTURE ), ne survit guère au rejet par le producteur Gene RODDENBERRY, créateur de la série originelle, du script que Philip KAUFMAN - réalisateur du remake de 1978 de L'INVASION DES PROFANATEURS DE SEPULTURES (INVASION OF THE BODY SNATCHERS ) - devait initialement porter à l'écran; McQUARRIE étant par la suite retenu par son engagement sur L'EMPIRE CONTRE-ATTAQUE lorsque le projet se concrétise, il ne subsiste de son travail dans le film finalement dirigé par Robert WISE qu'une station spatiale.


L'envol de L'Enterprise vu par McQUARRIE.

Une créature dessinée pour STAR TREK.

Il est à nouveau à l'œuvre sur le second volet de la saga de LUCAS, L'EMPIRE CONTRE-ATTAQUE ( THE EMPIRE SRIKES BACK ), puis sur le troisième volet, LE RETOUR DU JEDI ( RETURN OF THE JEDI ), qu'il quitte au bout de deux ans, ayant la sensation d'avoir accompli la majeure part du travail. S'il a conçu la Forteresse de Jabba the Hut, sa version du personnage du monstre lui-même n'est pas retenu, l'illustrateur ayant envisagé un personnage malfaisant plus agile que la créature sardonique au corps de limace qui est retenue. Certaines de ses plus belles illustrations pour LE RETOUR DU JEDI ne sont pas des œuvres conceptuelles mais des réalisations effectuées postérieurement à la sortie du film pour ses portfolios dédiés à la trilogie.


Ralph McQUARRIE avait pour L'EMPIRE CONTRE-ATTAQUE doté le monde de Dagobah d'un grand nombre de créatures étranges, mi-animales mi-végétales, comme ce spécimen à mi-chemin de la pieuvre et de la souche d'arbre, qui pourrait évoquer un zoomorphe de ROSNY Aîné. Malheureusement, LUCAS a finalement opté pour un paysage de marécage plus classique, le plateau étant finalement décoré par des végétaux qui ne dépareraient pas celui des Everglades terrestres, et hébergeant même quelques reptiles véritables...

Une créature inquiétante de Dagobah qui ne verra pas davantage le jour à l'écran.

Monstre aquatique évoquant une limace, habitant les marais de la planète Dagobah, dont on trouvera aucune trace dans le film.

Le concept final de l'énorme monstre de l'astéroïde dont s'échappe le Millenium Falcon d'Han Solo représenté par l'artiste ( la photo de la créature a été publiée dans l'article hommage à Irvin KERSHNER en novembre 2010 ).

Cette petite créature dessinée par McQUARRIE devait vivre en commensal du Sarlacc, le monstre du désert vu dans LE RETOUR DU JEDI. Seule sa tête survivra, sous forme d'un hôte de Jabba fugitivement apperçu.

Antérieurement, l'artiste avait aussi élaboré l'univers d'un autre space-opéra cinématographique, celui de BATTLESTAR GALACTICA, mais il décida par la suite de ne pas renouveler sa participation à ce genre de film par respect pour Georges LUCAS, afin de ne pas galvauder l'univers qu'il avait largement contribué à façonner.

Les Oviones insectoïdes de GALACTICA : une neutralité pas nécessairement bienveillante.

Il conçoit néanmoins le vaisseau des visiteurs de COCOON pour lequel il reçoit un Oscar, œuvre pour SPIELBERG sur E.T. en imaginant l'engin spatial inspiré l'esthétique de l'époque de Jules VERNE, LES AVENTURIERS DE L'ARCHE PERDUE ( RAIDERS OF THE LOST ARK ), sa production BATTERIES NON INCLUDED et JURASSIC PARK. Il contribue aussi à STAR TREK IV: THE VOYAGE HOME, LES MAÎTRES DU MONDE (et effectue un peu de travail sur CABAL ( NIGHTBREED ) de David CRONENBERG et une version non retenue du projet d'adaptation de TOTAL RECALL.

L'artiste au travail sur une peinture sur verre de Bespin, la cité des nuages de L'EMPIRE CONTRE-ATTAQUE.

Ralph McQUARRIE s'était initialement déclaré intéressé par le projet de nouvelle trilogie STAR WARS ( les "préquelles" ), envisageant avec intérêt la perspective de renouveler ses concepts, mais, lorsque le projet vint à se concrétiser des années plus tard, George LUCAS engagea Doug CHIANG, et le vétéran voyant alors que celui-ci avait déjà largement défini l'esthétique de la nouvelle trilogie estima qu'il n'avait plus grand chose à ajouter à son travail et déclina l'offre de s'associer à la nouvelle saga.

Apparition fugitive à l'écran de l'artiste sous l'identité du "Général McQuarrie" ( ça tombe bien ) dans L'EMPIRE CONTRE-ATTAQUE, témoignant de la reconnaissance de l'auteur de la saga à son égard.

Souffrant depuis plusieurs années de la maladie de Parkinson l'empêchant de pratiquer son art et même de signer des autographes, Ralph McQUARRIE disparaît en laissant derrière lui un riche héritage artistique. Il fait incontestablement parti des visionnaires qui auront contribué à façonner la science-fiction contemporaine.


MOEBIUS, une influence plus indirecte sur le cinéma


Le 10 mars 2012 s'est éteint à Paris dans sa 73 ème année le dessinateur Jean GIRAUD. Connu notamment pour les aventures du LIEUTENANT BLUEBERRY, principale concrétisation de sa passion juvénile pour les cowboys et les Indiens dessinée dans un style proche de celui d'Hugo PRATT ( porté à l'écran par Jan KOUNEN ), il avait aussi mené une carrière dans le genre fantastique sous le nom de MOEBIUS ( pseudonyme forgé d'après le concept de ruban pourvu d'une seule face par MÖBIUS ). Sa participation à la saga du SURFEUR D'ARGENT ( SILVER SURFER ), un des super-héros dont les aventures sont publiées par les fameuses éditions Marvel, lui avait plus particulièrement valu une renommée mondiale. Né à Nogent-sur-Marne le 8 mai 1938, ayant grandi à Fontenay-sous-bois avec son père, il travaille sur des bandes dessinées pour la jeunesse comme "Fripounet et Marisette" et "Coeurs vaillants". Co-créateur des Humanoïdes associés, une maison d'édition fondée par des dessinateurs, il avait participé à l'aventure des deux plus célèbres magazines de bandes dessinées pour adultes français, "Pilote", pour lequel BLUEBERRY est créé, puis "Métal hurlant" dont il est un des initiateurs, lequel lui offre un nouveau débouché pour ses œuvres fantastiques, souvent ésotériques, comme ARZACH, puis L'INCAL basé sur une histoire d'Alejandro JODOROWSKY, cinéaste chilien dont il avait fait la connaissance à l'occasion de son projet d'adaptation à l'écran du roman DUNE de Frank HERBERT, dont il devait assurer la conception visuelle. Il mêle encore ésotérisme et univers science-fictionnel dans LE GARAGE HERMÉTIQUE.


Vue extérieure et intérieure d'une méduse géante de la série L'INCAL, aussi connue sous le nom des "aventures de John Difool".



Encore une femme qui se change en créature terrifiante, en fait un métamorphe arcturien, dans THE LONG TOMORROW, d'après un scénario de Dan O'BANNON, rencontré sur le projet inabouti de transcription de DUNE sous l'égide de JODOROWSKI.

Cette étrange créature érotique semble surgir du cambrien.

Dans son petit fascicule LA FAUNE DE MARS, MOEBIUS a imaginé des créatures fantasmagoriques et burlesques, mais quelques-unes, notamment les trois figurées ci-dessus, se rapprochent davantage des extraterrestres imaginés par Edd CARTIER (voir l'article consacré en ces pages à la disparition de celui-ci en janvier 2009).

Cette expérience va initier une suite de rendez-vous manqués avec le cinéma. Le projet d'adaptation très onirique de DUNE par JODOROWSKY s'avère un gouffre financier et n'aboutit pas. MOEBIUS avait imaginé les costumes des personnages et travaillé sur le storyboard, concrétisant les fantasmagories du cinéaste chilien avec ses hommes chiens et son robot crucifié. Dan O'BANNON, qui avait créé les décors et les effets spéciaux de DARK STAR, comédie de science-fiction de John CARPENTER, et qui devait superviser les effets spéciaux du projet avorté, écrit le scénario d'ALIEN, et MOEBIUS se retrouve ainsi engagé à sa suite sur un des plus grands classiques de cinéma de science-fiction. Il dessine les scaphandres des infortunés explorateurs du film de Ridley SCOTT, mais sa contribution passe relativement inaperçue auprès du public, l'essentiel de la conception visuelle du film étant imputable à Chris FOSS (conception du navire spatial), Ron COBB (décors intérieurs) et surtout H.R.GIGER (créatures, épave extraterrestre et paysage extraterrestre).

Illustration de Moebius pour l'épave extraterrestre d'ALIEN.

En 1988, Jean GIRAUD/MOEBIUS s'installe à Los Angeles. Georges LUCAS embauche le dessinateur français comme concepteur pour le film WILLOW dirigé par Ron HOWARD, mais ses contributions ne sont pas retenues. Il n'a pas davantage de chance pour ABYSS. Il propose divers concepts brillants pour les extraterrestres sous-marins, tenant du papillon, de la méduse et du poisson, mais le réalisateur James CAMERON n'en retient aucun, optant finalement pour une version davantage humanoïde, sorte de croisement entre une raie et les visiteurs graciles de RENCONTRES DU TROISIÈME TYPE, visiblement soucieux que les spectateurs puissent s'identifier plus facilement aux créatures extraterrestres. Sur LE CINQUIÈME ÉLÉMENT de Luc BESSON, la presse fait passer au second plan son travail, derrière celui de son collègue, l'auteur des aventures de VALERIAN ET LAURELINE, Jean-Claude MEZIERES, concepteur notamment des taxis volants. Par contre, les décors futuristes de sa bande dessinée THE LONG TOMORROW n'auraient pas été sans influencer fortement la conception visuelle de BLADE RUNNER. Il avait aussi été approché pour un projet d'adaptation du roman RENDEZ-VOUS AVEC RAMA (RENDEZ VOUS WITH RAMA) d'Arthur C. CLARKE que devait réaliser David FINCHER (ALIEN 3), mais le projet ne s'est pas concrétisé.

Une version proposée par MOEBIUS pour ABYSS, avec un extraterrestre gracieux tenant du papillon aussi bien que de la méduse et du gastéropode planctonique.

Autre version, à l'étrangeté manifeste.

Cette version plus anthropomorphe n'a pas davantage séduit James CAMERON.



Illustrations conceptuelles de Moebius pour WILLOW, incluant une sorte de Salamandre géante, aux proportions titanesques, qui n'a pas été retenue.

Il n'y ainsi réellement que dans l'univers du dessin animé que l'écran portera la marque incontestable de MOEBIUS, concepteur de l'univers de TRON, une production Disney qui propulse des humains dont Jeff BRIDGES dans l'univers virtuel créé par l'électronique, de celui des MAÎTRES DU TEMPS, dessin animé de René LALOUX tiré du roman L'ORPHELIN DE PERDIDE de Stefan WUL, ou encore de la série télévisée en 14 épisodes ARZAK RHAPSODY ( son projet de long-métrage créé en trois dimensions par ordinateur, STARWATCHER, n'a par contre pas abouti. Curieusement pourtant, ses bandes dessinées auront influencé indirectement le cinéma, Ridley SCOTT qui l'a croisé sur DUNE, après avoir été engagé par de LAURENTIIS suite à l'échec de l'équipe JODOROWSKI, s'inspira notamment de l'esthétique de certains décors de THE LONG TOMORROW pour esquisser la ville futuriste aux voitures de police volantes de BLADE RUNNER.

Cette vignette de THE LONG TOMORROW semble annoncer aussi bien la ville basse de BLADE RUNNER que les quartiers chauds de TOTAL RECALL.

L'homme aura finalement cessé de dessiner inlassablement sur ses petits carnets qu'il ne quittait jamais, mais il a su obtenir une reconnaissance qui lui vaut de plus en plus d'être considéré comme une référence de la bande dessinée.

Hommage dessiné rendu à MOEBIUS, dans le plus pur style d'ARZAKH.


L'acteur Georges STOVER miraculé.

Agent de l'Etat fédéral actuellement en retraite, Georges STOVER a mené en parallèle une carrière d'acteur dans des productions cinématographiques quelque peu marginales, des films sulfureux de John WATERS à ceux de Don DOHLER, films au budget très modestesdans lesquels, tel un "David Vincent" du pauvre, il est régulièrement confronté à divers envahisseurs extraterrestres.

George STOVER fait face à un géant extraterrestre dans THE ALIEN FACTOR réalisé en 1978 par Don DOHLER; pas le genre d'invité auquel on a envie de dire :"merci d'être velu.. euh venu!..."

A la fin du mois du février, il a été braqué à son domicile par un cambrioleur qui, après lui avoir demandé de descendre l'escalier de sa cave, lui a tiré une balle dans la nuque, laquelle est ressortie par le visage. Après une tentative infructueuse de voler le véhicule de sa victime, l'auteur de cet acte odieux a été arrêté par la police alors qu'il essayait de dérober une autre automobile. L'acteur a évité le pire, et quelques jours plus tard, rassurait ses admirateurs sur internet. Il expliqua qu'il avait supporté l'épreuve en songeant au type de personnage incarné par John WAYNE dans les westerns qui "ne pleurait pas ou n'allait pas voir un psychologue quand on lui avait tiré dessus". On ne peut que lui souhaiter un prompt rétablissement au sortir de cette épreuve qui démontre une nouvelle fois que, dans la réalité, les êtres les plus effroyables appartiennent bien à l'espèce humaine...

(un entretien sur la carrière de l'acteur en anglais peut être lu sur ce site :
http://smashortrashindiefilmmaking.com/?page_id=248)


mardi 20 mars 2012

C'ETAIT LE MAITRE D'OEUVRE DE ROB BOTTIN

Le mois de mars 2012 a vu la disparition de trois artistes renommés ayant oeuvré dans le domaine de l'imaginaire, et occasionnellement créé des créatures. Deux étaient des illustrateurs célèbres, Ralph McQUARRIE et Jean GIRAUD dit MOEBIUS, qui seront évoqués incessamment. Le troisième, Henry ALVAREZ, a collaboré à nombre de films fantastiques et de science-fiction célèbres des années 1980.

L'HOMME AUX MASQUES DE CIRE


Henry Jesus ALVAREZ a disparu le 3 mars 2012 à l’âge de 67 ans. Comme beaucoup d’artistes, il fut notamment marqué dans sa jeunesse par l’influence de l’univers conçu par Walt Disney, et plus particulièrement par les sculptures du parc d’attraction de Disneyworld, avant de découvrir les photos de monstres de cinéma dans la revue « Famous Monsters » de Forrest J. ACKERMAN. Son attrait pour les animaux lui donnait aussi une base pour appliquer à ses créatures le plus grand réalisme. Il réalise successivement ses premières sculptures en bois, en papier mâché, puis en glaise naturelle. Sitôt son service militaire accompli, il se fit embaucher par les studios Stubergh en Californie où, sous la direction du sculpteur Katherine Marie STUBERGH, il avait durant trois années et demi appris à créer des figures de cire réalistes. En 1970, après le départ en retraite de Katherine Marie STUBERGH, l’entreprise est rachetée et transférée à New-York, devenant les studios Stuberh-Keller, dont Henry ALVAREZ est nommé responsable de production et participe à la création de nombreuses figures de cire pour des musées.

En 1976, il retourne en Californie avec sa famille, où il fonde sa propre société, Alvarez Wax Productions. Son succès l’amène à réaliser des figures de cire pour des collectionneurs et des musées du monde entier ainsi que des figurines en bronze, des sculptures pour des parcs d’attraction et des monuments, des modèles pour la fabrication de masques industriels en latex, et il contribue également à la création d’effets spéciaux pour la télévision et le cinéma. A partir de 1981, il est engagé comme sculpteur conceptuel par le célèbre maquilleur Rob BOTTIN, pour le compte duquel il travailla plus particulièrement durant 13 années, tout en formant des artistes avec une grande disponibilité. Il œuvre ainsi sur THE THING, travaillant notamment sur le buste de la dernière incarnation du monstre, le « Blairmonster », sur LEGEND, dont une tête maléfique non achevée faute de moyen pour la princesse interprétée par Mia SARA, EXPLORERS, LA QUATRIEME DIMENSION ( THE TWILIGHT ZONE-THE-MOVIE ), LES SORCIERES D’EASTWICK ( WITCHES OF EASTWICK ) avec la version géante et démoniaque du personnage interprété par Jack NICHOLSON, PREDATOR, la trilogie ROBOCOP, TOTAL RECALL, LES MAÎTRES DE L'UNIVERS ( MASTERS OF THE UNIVERSE ) et SUPER MARIO BROS. Il était notamment apparu en 2004 dans un documentaire sur l’histoire des monstres en cire au cinéma, MONSTERAMA, HISTORY OF WAX MONSTERS.

Henry Alvarez recréant pour la presse la tête du personnage de Norris de THE THING s'enfuyant en se pourvoyant de pattes d'araignée.


Tête de la dernière incarnation monstrueuse de THE THING.

Le grotesque et pittoresque père extraterrestre, sorte de préfiguration des créatures tout aussi baroques conçues par Rick BAKER pour MEN IN BLACK et sa suite, apparaissant à la fin du film EXPLORERS, personnage imaginé par Rob BOTTIN et sculpté par Henry ALVAREZ.

Recréation de la tête du Démon d'Halloween du film PUMPKINHEAD.

L'impressionnant mutant Kuato du film TOTAL RECALL, auquel l'équipe d'animation de Rob BOTTIN conféra une vraie personnalité.

Henry ALVAREZ s’appliqua à perfectionner la formule du latex afin d’obtenir les meilleurs résultats. Il était secondé dans son travail par son fils, et par sa femme qui peignait ses créations, excellant dans l’art d’appliquer plusieurs couches de couleur en partant du ton le plus foncé afin de donner une impression de profondeur factice à la cire, de manière à lui donner l’apparence d’un véritable épiderme recouvrant des veines.

Une des répliques si réalistes de la tête de l’acteur Barry CORBIN pour une série que celui-ci ne pouvait la regarder sans déplaisir, ce qui arrivait souvent puisqu'elle avait été facétieusement disposée à l'entrée du studio dans lequel se tournait la série NORTHERN EXPOSURE.

Collectionneur, il avait notamment acquis des outils utilisés pour la création du costume de L’ÉTRANGE CRÉATURE DU LAC NOIR (CREATURE FROM THE BLACK LAGOON), ceux-ci étant si inhabituels qu’il n’est pas parvenu à déterminer leur usage exact, bien qu’ayant souvent créé lui-même ses propres instruments…

Henry ALVAREZ était considéré comme un maître de la sculpture dans la profession, à la manière de Gunnar FERDINANSEN ( à droite ), la référence pour le démoulage de masques, seul capable de retirer une pièce d'un moule à un seul tenant.

La disparition de sa fille en raison d’un cancer des os, et l’éradication croissante des créateurs d’effets spéciaux concrets en raison de l’hégémonie des images virtuelles qui a également découragé nombre d’artistes talentueux, à commencer par Rob BOTTIN, amènent le sculpteur à s’éloigner de l’effervescence et de l’investissement à temps plein du cinéma, et à s’installer dans l’Orégon. Il y retouche des sculptures en cire destinées à être revendues. D’origine mexicaine et amérindienne, notamment apache, il entreprend également la création de bronzes de grande taille figurant des chefs indiens, dont il s’attache à faire ressentir l’intériorité.

La maladie dont il était atteint depuis plusieurs années s’étant récemment aggravée, Henry ALVAREZ a finalement succombé au mésothéliome, forme de cancer rare du poumon, vraisemblablement causé par l’exposition répétée avec les particules d’amiante des moules utilisés pour la réalisation des statues de cire. Un nouvel exemple d’investissement complet qui aura probablement été fatal à cet artiste renommé.

Sources principales de l'article :

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