jeudi 31 mars 2011

UN POINT DE VUE SUR LES CRÉATURES VIRTUELLES DÉSORMAIS PARTAGÉ

Version mécanique des créatures coureuses de TREMORS 2: AFTERSHOCKS; un bel exemple de modèle soigné laissant admirer toute sa matérialité, retranscription la plus réaliste possible d'une forme de vie étrangère.

Après avoir rendu hommage, dans l'article initial, au grand créateur de monstres de cinéma Stan WINSTON, ce site ne pouvait faire moins que de poursuivre sur sa lancée, en honorant ceux qui se sont ingéniés à concevoir des êtres imaginaires tangibles, alors que le rouleau compresseur de l'imagerie numérique s'acharne à ringardiser les effets spéciaux traditionnels.

L'actualité cinématographique a donné plusieurs occasions récentes de revenir sur le clivage entre effets spéciaux physiques et trucages numériques. Il faut dire qu'un film aussi médiatique qu'AVATAR est emblématique, par ce qu'il révèle de l'évolution de James CAMERON, qui s'était fait connaître par des films de science-fiction s'ancrant dans une réalité très physique, un univers à la technique d'une matérialité pesante et hyperréaliste, à l'opposé de l'animation virtuelle dont il est à présent le promoteur extatique. On ne peut d'ailleurs que se féliciter que le scénario d'AVATAR ait incité son metteur en scène à appuyer les combats pour la préservation de l'environnement - contre la destruction de la forêt amazonienne, mais il aurait peut-être été d'autant plus suivi par son public s'il avait orchestré la création de végétaux et animaux extraterrestres plus vrais que nature faisant toucher aux spectateurs la sensibilité du monde vivant sous toutes ses formes, plutôt que de le plonger dans une simulation purement immatérielle, se rapportant davantage à celle des jeux vidéos, qui amènent le joueur à se complaire dans une déréalisation où même la violence devient en quelque sorte abstraite. La vogue du tout-virtuel a dématérialisé le cinéma, tournant le dos à un certain réalisme fantastique. Les effets spéciaux traditionnels sont comparables aux tours de magie: lorsqu'ils sont bien réalisés, le spectateur se laisse tromper par ses sens, bien qu'il sache que ce qu'il voit n'est pas réel. Les réalisateurs actuels ne sont pas aussi exigeants que les illusionnistes, ne se souciant guère que les trucages, des abstractions numériques, paraissent intrinsèquement artificiels.

Il arrive cependant que certains arguments à l'encontre du virtuel soient un peu discutables. Ainsi, quelques esprits critiques, dans la lignée du glorieux animateur Ray HARRYHAUSEN, fondent leur nostalgie pour la méthode d'animation image par image traditionnelle sur l'idée que celle-ci s'inscrirait dans un style plus poétique, davantage approprié au caractère onirique du fantastique, que l'animation "lisse" du virtuel qui l'a supplanté, censée être plus "réaliste". On se permettra une divergence d'opinion avec le Maître de l'animation en considérant ici, au contraire - comme on l'a notamment évoqué dans l'article "Un hommage purement virtuel" de novembre 2009 - que l'animation très fluide et très rapide de créatures, comme dans certaines scènes d'ANACONDA et de ses succédanés, ne retranscrit guère les mouvements d'êtres réalistes mais s'apparente au contraire à celle ayant cours dans les dessins animés.

Un autre argument parfois entendu déplore que les acteurs ne soient pas en présence des créatures lors du tournage, ce qui nuirait à la conviction de leur jeu. Le propos ne manque pas de fondement, mais se doit, pour être exact, d'être quelque peu nuancé. Faire tourner, comme pour AVATAR, des acteurs dans un entrepôt vide dépourvu de décors est effectivement particulièrement désolant; il vaut bien mieux que l'interprète soit immergé dans le plan et que la photographie saisisse l'ensemble de la scène sous un même éclairage, conférant de l'harmonie à la séquence, plutôt que de se contenter de combiner des éléments hétérogènes au travers du mixage informatique, postérieurement au tournage. Néanmoins, la complexité de l'animation traditionnelle des créatures, pour ce qui les concerne, a pour conséquence que les acteurs ne sont pas toujours sur le plateau lorsque celles-ci sont filmées. Dans les œuvres cinématographiques de Ray HARRYHAUSEN évoquées ci-dessus, il n'y a la plupart du temps sur le tournage que l'animateur pour guider les interprètes, dans l'attente de l'insertion des plans avec la figurine animée, seule une fraction de la créature étant conçue grandeur nature pour les plans rapprochés. Même dans le cas bien différent d'un film comme THE THING de John CARPENTER comportant des monstres animés en temps réel et à la même échelle que les acteurs, le temps nécessaire à la mise en œuvre des effets spéciaux implique que beaucoup de plans soient réalisés postérieurement au tournage principal, parfois en présence de doublures des acteurs - plans de dos, notamment, par le directeur de l'équipe technique ( appelé réalisateur de la seconde équipe, dont la charge est justement de faire en sorte que leur style se combine parfaitement avec les séquences déjà tournées ); il en va ainsi des différentes manifestations de la Chose entrevues dans ce film durant la scène se déroulant dans le chenil. Aussi, particulièrement dans les films comportant des trucages, il n'est pas toujours possible de tout filmer en direct; l'art du cinéma, par l'habileté de ses auteurs et la latitude qu'offre le montage, consiste justement à donner une impression de continuité entre des plans différents, passant par exemple de décors grandeur nature à des maquettes filmées de manière à suggérer une échelle identique. Ce qui fait, en la matière, la différence essentielle entre tous les films de monstres classiques - y compris les films conçus par Ray HARRYHAUSEN - et les productions truffées de trucages numériques, est que, indépendamment de la technique utilisée pour donner vie aux créatures qui apparaissent dans les premiers, celles-ci sont des modèles concrets, revêtus d'une texture véritable mise en valeur par l'éclairage, et non de simples programmes informatiques - ce qui rend plus naturel le passage de la portion de monstre en grandeur réelle à la figurine de Ray HARRYHAUSEN que lorsqu'à cette dernière se substitue une simple animation graphique immatérielle; à l'inverse, on éprouve une certaine gêne à la vision des séries de Tim HAINES telles que SUR LA TERRE DES DINOSAURES ( WALKING WITH DINOSAURS ) en raison du contraste entre des gros plans sur des marionnettes très réalistes et des animations informatiques pour les plans larges.

Les miniatures de Ray HARRYHAUSEN ( en l'occurence, LE CHOC DES TITANS ); un monde à échelle réduite, mais non moins tangible.

Le spectateur est évidemment abusé par la diversité de l'image numérique. Dans un certain nombre de cas, notamment dans les téléfilms, les informaticiens créent de toute pièce un modèle qui ressemble bien à ce qu'il est : un genre de personnage dessiné, ce qui finalement n'est pas si novateur par rapport à un film comme PETER ET ELLIOTT LE DRAGON, combinant un garçonnet réel avec un personnage dessiné par les graphistes du studio Disney - rappelons qu'il existe aussi quelques plans avec ce procédé dans le classique de 1956 PLANÈTE INTERDITE (FORBIDDEN PLANET), lorsque l'entité invisible se laisse partiellement entrevoir. Dans nombre de films, le procédé est plus fallacieux; une figurine est réellement sculptée avec le plus grand soin, puis celle-la est scannée et animée par infographie, comme avec les créations numériques de Phil TIPPETT sur des films tels que COEUR DE DRAGON (DRAGONHEART) et STARSHIP TROOPERS, et il arrive même, dans le cas par exemple de LA FIN DES TEMPS, (END OF DAYS) qu'une scène avec des effets spéciaux mécaniques soit réellement filmée avant d'être retouchée informatiquement. Ce que le spectateur peu exigeant tient pour réaliste réside en fait dans ce qu'il subsiste de la maquette d'origine, scannée puis animée infographiquement.

Comme en bon nombre d'autres domaines, le cinéma virtuel donne lieu à un unanimisme exaspérant, et il semble bien souvent que tout esprit critique ait été banni, tandis que l'on moque tous les effets spéciaux réalisés par des procédés traditionnels. Comme souvent avec les phénomènes de mode, ce discours a quelque chose d'aussi factice que les images qu'il encense. En effet, les amateurs d'effets spéciaux traditionnels conçoivent une vraie admiration pour leurs créateurs, connaissant au moins les noms des plus connus comme Ray HARRYHAUSEN ou les maquilleurs Rick BAKER, Stan WINSTON et Rob BOTTIN. Bien peu de zélateurs du virtuel pourraient sans doute en revanche citer les noms des principaux créateurs d'effets numériques du cinéma hollywoodien au sein de studios comme ILM. Cette prétendue admiration ne va pas jusqu'à la reconnaissance des individualités, preuve peut-être que les spectateurs ne les perçoivent pas autant comme des artistes que leurs remarquables devanciers.

Par ailleurs, y-a-t-il beaucoup de spectateurs pouvant affirmer sincèrement avoir été émus ou terrifiés par une créature virtuelle de l'écran, comme les monstres physiques pouvaient effrayer ( la créature d'ALIEN, les métamorphoses de THE THING, les loups-garous de HURLEMENT ) ou attendrir ( E.T. L'EXTATERRESTRE ). Qui, passé l'effet de surprise, a sincèrement été terrifié par un monstre virtuel ? Quel être numérique peut saisir comme la Reine pondeuse d'ALIENS tournant sa tête à la recherche d'une proie ?

Certains commentateurs expriment parfois leur regret devant l'éviction des vrais effets spéciaux, comme on a pu parfois le lire sur le site du Club des monstres, mais "Créatures et imagination" a été parmi les premiers à prendre systématiquement leur parti.

On se doutait bien qu'en raison de l'importance que revêt l'imaginaire et la science-fiction chez nos amis anglo-saxons, il devait bien exister un courant de puristes attachés à l'utilisation d'effets spéciaux physiques.

Un blog, dénommé explicitement Death to CGI, c'est à dire "mort aux images de synthèse", (http://deathtocgi.blogspot.com) affirme son opposition frontale à ces effets spéciaux insubstanciels, avec un ton décidé et parfois caustique. L'auteur reproche notamment à la version numérisée des Muppets de procéder de la volonté de l'industrie du divertissement d' accoutumer insidieusement les plus jeunes à l'imagerie virtuelle - voir : http://deathtocgi.blogspot.com/2010/04/cgi-acceptance-indoctrination-of-young.html. On ne saurait trop conseiller aux lecteurs anglophones de se rendre sur les pages de cet estimable homologue.

Un Cylon de GALACTICA faisant la manche pour un emploi ( sa pancarte explique qu'il a été remplacé par l'imagerie virtuelle ); une plaisante illustration mise en valeur par le site "Death to CGI".

Les lecteurs de "Créatures et imagination, les êtres réels et les êtres imaginaires" se rendront aussi avec profit sur le site P.E.G. Practical Effects (www.facebook.com/group.php?gid=165380038268). Celui-ci présente un très grand nombre de photos, constamment alimentées par les internautes, relatives aux trucages traditionnels ( incluant les deux photos rares de THE THING mises en ligne par "Créatures et imagination", dont celle commentée par James CUMMINS - voir hommage qu'on a consacré à ce dernier ), qui furent repérées dans l'article "les derniers grands créateurs déclarent forfait", ou dans sa reprise par le Club des monstres de Mario. On retrouvera des vues similaires à celles exposées en ces pages sur le forum (http://www.facebook.com/topic.php?uid=165380038268&topic=14327). Un article rend aussi compte des désillusions du maquilleur Rick BAKER, dont on s'était ici fait l'écho dans un article ironique en avril 2010 ("N'en dégoûtez pas les autres, Monsieur BESSON") - à lire à la page : http://www.facebook.com/topic.php?uid=165380038268&topic=16182.

En France aussi, la nostalgie pour les trucages concrets se répand. L'auteur du site http://cinesfx.blogspot.com/ est détenteur d'une impressionnante collection d'ouvrages sur les effets spéciaux traditionnels, pour lesquels il affiche sa préférence exclusive; des photos intéressantes sont données en exemple. Voila qui est fort réjouissant, bien qu'un peu frustrant, nombre d'ouvrages étant à présent épuisés. A noter un petit article critique sur AVATAR à l'instar de celui lu en ces pages : http://cinesfx.blogspot.com/2009/12/avatartificiel-avatartificial.html.

Un ouvrage sur Carlo RAMBALDI, possession de l'auteur du blog Cinesfx.blogspot.com; l'heureux homme !

Voici par ailleurs quelques commentaires supplémentaires ( à la suite de ceux déjà reproduits dans l'article "Un hommage purement virtuel" de novembre 2009 ) émanant d'internautes anglo-saxons :
Le meilleur exemple est JURASSIC PARK. Le film tout entier aurait eu l'air ridicule avec des Dinosaures numériques dans les scènes rapprochées, comme celle incluant le Tricératops. Voir Laura DERN se lever et tomber aurait été lamentable, moins intime, avec l'utilisation d' images informatiques à la place de la version animatronique à la respiration spasmodique."


"Hollywood court maladivement après l'argent, de sorte que les responsables ressentent la nécessité d'en user pour le spectacle. Les trucages numériques ne sont pas nécessairement un mal absolu mais ils sont utilisés abusivement dans 90% des films. Si ceux-ci rapportent des bénéfices, les producteurs en créditent la quantité d'effets virtuels réalisés. C'est qu'ils ne se rendent pas compte qu'ils pourraient faire plus d'argent en en usant parcimonieusement. Considérez ainsi CONSTANTINE. L'enfer aurait paru réussi s'ils n'avaient pas utilisé excessivement cet effet de vent. Et le responsable des effets spéciaux se décerne un auto-satisfecit dans le supplément du DVD pour avoir si bien réussi ce trucage. Pas si bien que ça, en fait.

"Je viens juste de le revoir ( THE THING de John CARPENTER ) il y'a quelques nuits. CELA EST TOUJOURS UN SUMMUM, les gars! Je veux proclamer à tous à quel point les effets spéciaux sont TOUJOURS incroyables. La totalité de la scène de transformation de Vance (Norris) est une des meilleurs séquences d'effets spéciaux d'Hollywood. C'est intense et reste terrifiant jusqu'à ce que la tête soit détruite au lance-flamme. L'expression du visage tandis que la Chose est à l'extérieur de son corps, la manière dont la tête se traîne sous le bureau pour se dissimuler... Et il ne s'agit là que d'une scène. Comment pourraient-ils recréer quelque chose de comparable dans la préquelle* ? PAS d'IMAGES DE SYNTHESE!!!!Utilisez ce qu'a employé CARPENTER et restez classiques. Conservez l'aspect rugueux et brut. Naturellement, servez vous des techniques modernes, mais je veux savoir s'il y'aura du virtuel ou non. Rendez-nous Rick BAKER pour remplacer Stan WINSTON. CELA SUFFIRAIT LARGEMENT A M'ENTHOUSIASMER."

NB: Rappelons que si Stan WINSTON, disparu depuis ( voir l'article initial de ce blog ), a contribué aux trucages de THE THING, c'est toutefois Rob BOTTIN, à la tête d'une équipe de plusieurs dizaines de techniciens, qui a agencé la large majorité des métamorphoses du film ( voir article principal sur Rob BOTTIN, "Les derniers grands créateurs déclarent forfait" ) - ainsi que Roy ARBOGAST dans une certaine proportion . Une coopération entre Rick BAKER et Rob BOTTIN serait effectivement un choix pertinent pour la préquelle, mais leur participation conjointe à un projet est de toute manière d'autant plus hypothétique que les deux hommes se seraient brouillés depuis longtemps ( le second fut initialement l'apprenti du second ).

* Pour ceux qui en douteraient, voir le succédané de FACULTY avec la décapitation du personnage interprété par Famke JENSEN - on a par ailleurs déjà évoqué la préquelle de THE THING ("Retour annoncé de deux grands monstres", septembre 2009, ainsi que "La Chose se concrétise", septembre 2010).




dimanche 20 février 2011

DERNIÈRE SÉANCE POUR LA BIODIVERSITÉ ?

Passage fatal d'une Girafe sur une piste d’atterrissage : le développement humain peut-il encore laisser une place à l'animal sauvage ?

Avec les derniers jours de décembre 2010 s'est achevée l'année internationale de la biodiversité, c'est à dire la mise à l'honneur de la variété des espèes vivantes présentes sur notre planète. Il faut espérer que cette initiative ne demeurera pas sans lendemain, à la manière de la "journée de la courtoisie au volant", qui pourrait laisser accroire que, le restant du temps, les chauffards seraient tolérés et leur "inconduite" admise. Cette séquence a débouché sur la création de la Plate-forme intergouvernementale de la biodiversité et des écosystèmes ( IPBES), répondant à une urgence criante : les experts estiment que le taux d'extinction des espèces est de 100 à 1000 fois plus important que celui qui se produit ordinairement dans la nature. On ne peut qu'espérer que cette prise de conscience officielle se traduise par des actions fortes. Cependant, l'absence d'adoption de véritables dispositions coercitives à l'issue de la conférence sur le climat de Cancun susceptibles d'induire une inflexion notable visant à réduire le réchauffement climatique, et ce malgré le désolant précédent de la conférence de Copenhague de l'hiver précédent, laisse sceptique quant à la perspective de mesures concrètes prochaines de protection des espèces.

La diversité biologique n'est en effet guère prise en compte, à de rares exceptions près - un projet d'autoroute a été suspendu dans le sud de la France pour protéger une espèce de Coléoptère menacée - par les décideurs, qui n'envisagent pas le maintien des différentes formes de vie comme une priorité, l'anthropocentrisme et le court terme étant la règle. C'est ce constat qui a conduit l'économiste Nicolas STERN à conclure que les responsables ne pourraient intégrer dans leurs paramètres la complexité des écosystèmes que si l'on chiffrait financièrement les services que ceux-ci rendent gratuitement à l'homme, notamment par la régulation du climat et de l'atmosphère réalisée au travers des océans et des forêts, par le recyclage des matières organiques sans émission de pollution - alors qu'on suspecte de plus en plus les incinérateurs d'être cancérigènes, ou encore par la pollinisation des plantes au travers des Insectes - si ces derniers venaient à disparaître, il n'y aurait plus guère que quelques espèces comme les Pissenlits, lesquels utilisent le truchement du vent pour disperser leurs graines, qui ne risqueraient pas l'extinction. L'évaluation a ainsi, à l'issue de l'expertise, mis en évidence la somme considérable que les sociétés humaines devraient investir pour avoir la moindre chance de compenser les effets délétères d'un développement non maîtrisé.

Une certaine vulgate laisse entendre qu'un discours écologique lassant aurait fini par s'imposer unanimement. Si les préoccupations environnementales ont effectivement davantage de visibilité dans les médias, ce serait beaucoup s'illusionner d'en déduire que celles-ci sont désormais prioritaires. On ne peut d'ailleurs que s'inquiéter de voir aux États-Unis revenir en force dans le camp républicain la tendance dont le ticket de la dernière élection était l'expression, plutôt que des personnalités du parti plus responsables en matière d'environnement, tels qu'Arnold SCHWARZENEGGER et Newt GINGRICH. La prise de conscience des risques induits par un développement non maîtrisé en Chine, promise à devenir la nouvelle puissance mondiale, est également assez lente. Le premier ministre de Russie, Vladimir POUTINE, initie à présent la protection du Tigre; cependant, cet investissement au travers d'une espèce emblématique ne semble pas pour l'instant annoncer pour autant un réel changement d'orientation de la politique, au moment où de nouveaux opposants à la construction d'une autoroute menaçant une forêt ont été passés à tabac et mutilés à la suite de BEKETOV ( évoqué précédemment dans l'article "Nos précieux cousins des profondeurs" ). En France, la proclamation du pouvoir sur la "conversion écologique" à l'issue de l'élection n'a pas réellement débouché sur des arbitrages nécessairement favorables aux objectifs annoncés alors que les résistances institutionnelles sont toujours aussi affirmées ( lors des débats parlementaires sur les organismes génétiquement modifiés, leurs partisans sont ainsi pratiquement les seuls à être reçus par les instances parlementaires dans le cadre des auditions devant fonder les projets de loi, de sorte que les arguments de ceux qui réclament une certaine prudence en la matière sont d'emblée passés sous silence ).
Depuis que, grâce à leurs armes, les premiers hommes ont pu chasser les gros animaux qui n'avaient que peu de prédateurs, et qu'ils ont ainsi pu contribuer, en dépit de leur faible importance numérique, à leur extinction, l'emprise de l'espèce humaine, au fur et à mesure qu'elle transformait les milieux naturels, n'a cessé de s'accroître. A présent, les menaces pesant sur les espèces sauvages sont multiformes, et le taux d'extinction ne cesse ainsi d'augmenter. Les perspectives de réchauffement climatique sont effectivement loin de constituer le seul facteur de perturbation de l'environnement. Dans tous les domaines, des intérêts obèrent une gestion pleinement responsable des ressources.

Nombre de petits Marsupiaux ont disparu dans les derniers siècles, comme ce Wallaby-lièvre dont il ne reste plus que des exemplaires naturalisés.

Le développement technique fait peser ses contraintes sur tous les plans. Le maillage des territoires des pays occidentaux par des autoroutes et des surfaces bitumées coupent les aires naturelles dont les animaux ont besoin de disposer pour trouver leur partenaire; l'imperméabilisation du sol stérilise le substrat et empêche l'absorption des eaux excédentaires, facilitant les inondations. En Australie, l'utilisation non raisonnée de l'irrigation a drainé l'eau de régions exposées à la sécheresse, précipitant la désertification, et finissant finalement par y mener l'agriculture à sa propre perte. Un ver de terre géant spécifique au Lac Pedder en Tasmanie a disparu après l'installation d'une centrale hydroélectrique. En Chine, le gouvernement qui s'efforce de protéger le Grand Panda, symbole du pays, a en revanche laissé s'éteindre une espèce de Dauphin d'eau douce, victime de la pollution des fleuves et des barrages restreignant le nombre de ses proies.

L'envolée démographique des pays en voie de développement conduit quant à elle à un empiétement toujours plus grand sur les réserves naturelles; les projections les plus pessimistes estiment que, tandis que l'Europe peine à renouveler ses générations, l'Afrique pourrait compter près de 9 milliards d'habitants en 2100. En Asie et en Amérique du sud notamment, des zones forestières ne cessent d'être défrichées pour être converties en champs, entraînant des conflits entre les cultivateurs et les animaux dont l'espace vital se réduit. En Afrique, les villageois n'hésitent plus à chasser ouvertement les animaux officiellement protégés qui y vivent, renforçant la prédation imputable aux braconniers chasseurs d'ivoire et de cornes de Rhinocéros. De surcroît, en Amazonie et en Afrique, la viande de brousse ( les animaux sauvages d'espèces souvent menacées, Singes de toutes espèces, Pangolins, Tatous, Fourmiliers, Tapirs, etc... ) fait l'objet d'un véritable engouement qui n'est pas limité aux populations locales, certaines personnes se faisant même clandestinement acheminer par leur famille jusqu'en Occident les cadavres de ces créatures destinées à servir de mets. Et le processus n'en est encore qu'à ses prémisses; nombre de pays comme la Chine et l'Inde achètent d'énormes territoires dans des endroits encore sauvages comme à Madagascar pour y délocaliser la production agricole.
L'effet de destruction imputable à une démographie incontrôlée est encore amplifiée par les déprédations dues aux conflits, comme la guerre au Rwanda qui a failli réduire à néant l'investissement de Dian FOSSEY en faveur de la protection des Gorilles de montagne, ou les affrontements au Nigeria et en Côte d'Ivoire qui précarisent encore davantage l'Hippopotame nain, dernière espèce d'Hippopotame de petite taille encore vivante appartenant à un genre distinct de son parent l'Hippopotame amphibie, de nombreuses autres formes d'Hippopotames de taille réduite ayant disparu dans les temps récents en raison très probablement de l'action de l'homme - rien que dans les sous-bois de l'île de Madagascar, il y'a eu pas moins de trois espèces de petits Hippopotames dans les derniers siècles jusqu'à l'installation des Malgaches.
L'hippopotame nain, discret hôte des forêts d'Afrique de l'Ouest.
Les grandes compagnies ont également leur part dans la déforestation, particulièrement en Asie du sud-est, accaparant le bois précieux ou défrichant pour installer des plantations d'huile de palme ou des carburants verts, éradiquant ainsi l'écosystème naturel; des militants écologistes y ont été assassinés, pour avoir tenté d'alerter l'opinion des déprédations perpétrées. De plus en plus, une sylviculture anthropique ( arbres originaux remplacés par des essences d'espèces exploitées par l'homme ) appauvrissent le milieu. En Alaska, le lobby pétrolier demande à pouvoir effectuer des exploitations dans des réserves naturelles; les évaluations des associations écologiques estiment que les perturbations induites par l'activité auraient un impact plus important que celui allégué par les requérants et seule la catastrophe survenue dans le Golfe du Mexique a conduit le président américain à reconsidérer provisoirement les risques des exploitations d'hydrocarbures - après un rejet initial au temps du gouvernement BUSH grâce à la fronde de quelques élus républicains courageux ayant voté à l'opposé de leur camp. L'Afrique du sud a durant des décennies exercé un rôle de pionnier auprès des institutions zoologiques par sa politique de gestion de la grande faune; le gouvernement actuel ne témoigne apparemment pas du même intérêt en la matière, nombre de protecteurs de la nature dont les efforts ont permis de maintenir en bonne condition les populations de Rhinocéros blancs sont tour à tour expulsés pour laisser la place au projet d'un complexe d'usines et d'une centrale électrique sur une zone étendue de bush, suite à la découverte de la richesse pétrolière du sous-sol. L'exploitation des ressources minières occasionne également bien des pollutions, comme les mines de cobalt d'Amérique du sud ou l'extraction du lithium utilisé notamment pour le téléphone portable. Les orpailleurs clandestins en Guyane française empoisonnent le milieu aquatique, excédant les capacités des forces de l'ordre à y mettre un terme.
Les animaux sont aussi toujours recherchés pour leurs attributs; les Félins sont menacés en raison de leur fourrure, l'ivoire végétal constituant un matériau très proche de celui des défenses d'Eléphants n'a pas mis fin à la tuerie des pachydermes pour ce motif, les cornes de Rhinocéros servent à constituer des manches d'armes blanches très recherchées dans les pays arabes où la superstition leur prête le même pouvoir de virilité que leur utilisation sous forme de poudre par les Asiatiques et notamment par les Chinois, également très demandeurs de griffes de Tigre, ou bien d'autres produits animaux auxquels leurs croyances attribuent également à tort une fonction aphrodisiaque, tandis que d'autres encore comme la bile d'Ours ( prélevée de manière particulièrement cruelle ) et certains Reptiles sont censés avoir des effets bénéfiques pour la santé selon la médecine chinoise traditionnelle. Des mains de Gorille ou des pieds d'Eléphant servent aussi de cendrier ou deviennent d'autres objets utilitaires d'un goût contestable.
Voici un pied de tabouret qui porte bien son nom! On ne sait pas si la trompe a servi à confectionner un tuyau de douche...
L'océan n'est plus depuis longtemps hors d'atteinte de l'homme et son emprise sur ce milieu a été croissante. Il est pour le moins surprenant, pour dire le moins, d'entendre encore certains responsables proclamer en 2010 que la mer peut tout absorber, alors que l'équipe du commandant Jacques-Yves COUSTEAU ( qui s'indignait qu'on "prenne la mer pour une poubelle" ) avait mis en évidence il y' a déjà des années la désertification de certaines zones de la mer Méditerranée, engorgées par les produits toxiques rejetés par les fleuves; on sait depuis que l'embouchure du Saint-Laurent ou les côtes de la Mer baltique ne se portent pas tellement mieux..Une étude récente a révélé que la taille des poissons d'eau douce n'avait cessé de décroître au XIX ème siècle pour cause de prélèvements excessifs, de sorte que la mer est apparue comme une alternative pour l'approvisionnement. A l'heure actuelle, les espèces marines les plus consommées sont en péril, et même celles des profondeurs, qui devaient s'y substituer, commencent elles-mêmes à montrer des signes d'épuisement des populations, de sorte qu'une estimation prévoit la disparition totale des Poissons d'ici trente ans - voir la prédiction de Jules VERNE évoquée dans l'article "La revanche des plus humbles" d'août 2010. De surcroît, l'espèce humaine s'ingénie à dégrader ce milieu dont elle attend tant pour sa subsistance. Les filets dérivants raclant le sol marin arasent tout sur leur passage, détruisant les animaux qui y vivent ainsi que les pontes, et étranglent aussi les espèces nageuses. Une quantité considérable de déchets, notamment drainés par les fleuves, s'y déversent, une accumulation de déchets plastiques apportés par les courants constitue même à présent dans l'Atlantique un véritable continent artificiel, triste réalisation célébrant la modernité. Les particules plus petites s'insinuent dans les organismes et les micropolluants, aux effets toxiques voire mutagènes, se concentrent au fil de la chaîne alimentaire, se retrouvant ensuite avec une forte teneur dans les espèces consommées par l'homme. Nitrates et phosphates, et plus généralement une surabondance de matières organiques, provoquent l'eutrophisation, une prolifération exagérée d'algues qui intoxique l'environnement, entraînant l'extinction de la faune. Les hormones anti-contraceptives se retrouvent aussi dans l'eau, perturbant l'équilibre physiologique de certains animaux, notamment des Poissons qui se féminisent, compromettant leur reproduction. Quant au processus de réchauffement climatique, la modélisation laisse craindre une acidification des mers qui pourrait être fatale à de nombreuses formes de vie; au cours de son histoire, notre planète a connu bien des climats différents ayant eu des influences majeures sur celles-ci, mais l'addition des atteintes porte à croire que la diversité aura davantage de difficultés à surmonter la crise présente.
Le défunt sculpteur CÉSAR n'est pour rien dans cette accumulation formant presque une nouvelle terre qu'aucun conquérant n'a pour l'instant revendiquée...
La contamination des espèces pêchées par l'homme illustre la manière avec laquelle la courte vue finit par être également préjudiciable à notre propre espèce. La pollution génère allergies, asthmes et cancers. La disparition de prédateurs ainsi que l'appauvrissement de la faune au profit d'espèces plus courantes qui sont souvent des "réservoirs" naturels hébergeant des organismes pathogènes pour l'homme, augmente le risque de transmission de maladies. Les organismes génétiquement modifiés, généralement conçus par l'intégration dans l'ADN de virus utilisés pour transférer les gènes, peuvent faire redouter des mutations inattendues, tant les interactions sont par nature complexes, et la résistance qui finit par apparaître chez les parasites combattus par les végétaux modifiés renforce finalement la population d'espèces nuisibles devenus invincibles, comme si toute interférence dans les écosystèmes s'avérait néfaste ( qu'on se souvienne de l'introduction désastreuse des Lapins en Australie, puis de l'horrible myxomatose incontrôlée répandue ensuite pour limiter leur propagation ). On peut encore rappeler que la variété presque infinie de combinaisons chimiques et de caractéristiques cellulaires rencontrée chez les espèces vivantes, dont on ne cesse de réduire dramatiquement le nombre, laisse pourtant augurer des voies prometteuses à la recherche, revêtant notamment dans le domaine médical une importance cruciale; en matière de lutte contre le cancer, notamment, on renverra le lecteur à l'article "Nos précieux cousins des profondeurs" de novembre 2008.
Et pourtant, l'homme est bien loin de ménager la nature alors que son propre intérêt le commanderait. Il n'est pas jusqu'aux scientifiques qui rechignent à donner l'exemple, collectant souvent systématiquement tout organisme découvert lors d'une étude au lieu de se limiter à un ou deux individus par espèce. Des entomologistes sont ainsi parvenus en 1968 à décimer toute une population d'Insectes aptères à Rovinj en Croatie, pour avoir sans ménagement remué toute la zone. Plus récemment, deux espèces de plantes africaines contemporaines des Dinosaures sont considérées comme pratiquement éteintes, suite à un prélèvement intensif.
Sa petite taille n'a pas mis l'Embie, Insecte dont les ailes ont régressé secondairement qui vit sous terre dans des galeries de soie, à l'abri de toutes les convoitises...
Les Cycades ont survécu aux Dinosaures durant 65 millions d'années, mais pourraient ne pas réchapper de la frénésie de certains amateurs de botanique.
Par le passé, bien des populations, dont le mode de vie était plus proche de la nature, ont chassé des espèces jusqu'à l'anéantissement total, en particulier dans les îles, avec l'arrivée des Malgaches, Maoris, Arborigènes, Canaques et autres Mélanésiens, puis finalement des Européens. Des mesures de protection ont été adoptées dans les derniers siècles, mais le statut d'espèce protégée est arrivé trop tardivement pour empêcher l'extinction de l'Aurochs, des dernières Rythines de Steller ( lointain parent du Lamantin adapté au climat polaire ) et du Loup marsupial ( évoqué brièvement dans l'article "L'étrange fin des Marsupiaux?" ). Ce dernier avait notamment pâti de la mauvaise réputation excessive que les éleveurs de moutons australiens leur avait faite, stigmatisation qu'on retrouve de nos jours en France à l'encontre des Loups et des Ours, auxquels on impute d'emblée tout trépas survenu dans le cheptel, entraînant une vindicte frénétique à leur encontre - alors même qu'existent des dispositions pour indemniser le propriétaire lésé. Du Loup marsupial au Renard, sans oublier le Hanneton, qui a pratiquement disparu, différents animaux ont eu l'infortune d'être proposés à la détestation générale, leur destruction étant encouragée par l'octroi de primes. La bêtise consternante des hommes est de constamment surévaluer la capacité de reconstitution des populations : les ornithologues connaissent bien la triste répétition de cette erreur qui a vu l'extermination du Dodo de l'Ile Maurice, du Grand Pingouin de l'Arctique ( seul de son groupe a avoir perdu la capacité de voler, à l'instar des Manchots de l'hémisphère austral ), ou encore plus près de nous du Pigeon migrateur, animaux qu'on disait surabondants jusqu'à ce que le dernier individu soit tué. L'amnésie fait aussi partie des caractéristiques de notre espèce : très présent dans la littérature maritime à l'époque, le Grand Pingouin, à la différence du Dodo mis en scène par le récit de Lewis CAROLL dans ALICE AU PAYS DES MERVEILLES, a totalement disparu de notre culture contemporaine. Les hommes de l'avenir sauront-ils que le Rhinocéros et l'Eléphant ont existé dans les temps historiques ?
Hannetons annonciateurs de la Pentecôte présentés sous un jour sympathique sur cette carte postale de 1905.
Les enfants des écoles étaient recrutés pour anéantir les Hannetons, recevant dix centimes par kilo, avant de les entasser et d'y mettre le feu.
Hanneton vu de face, avec ses antennes en éventail : un indésirable pourchassé jusqu'à sa quasi-disparition.

On peut considérer que, sans des mesures exceptionnelles, une espèce, pour avoir une chance raisonnable de survie, doit bénéficier d'un vaste territoire et être représentée par plusieurs milliers d' individus au minimum, 10 000 dans l'idéal. Lorsque son territoire est morcelé et que ce nombre est inférieur, elle n'est pas assurée de pouvoir surmonter les aléas divers, comme des épidémies ( la maladie de Carré a ainsi décimé près de 90% de la population de lions d'une réserve africaine ). Le braconnage, quant à lui, élimine de préférence les mâles reproducteurs les plus vigoureux, d'ordinaire plus épargnés par les prédateurs. La sous-espèce du Nord de Rhinocéros blanc est ainsi considérée comme pratiquement éteinte, faute que les autorités des pays africains concernés aient pu avoir les moyens suffisants d'endiguer la chasse illicite.
A ce terrible constat des agissements d'une espèce qui a tôt fait d'en désigner nombre d'autres sous le terme de nuisibles, mais qui est incontestablement celle qui aura le plus malmené l'environnement, il convient cependant d'ajouter quelques contre-exemples démontrant la possibilité d'une alternative. En Islande, la population locale qui utilise le duvet de l'Eider remplace le prélèvement effectué dans le nid par un substitut, de manière à ce que la couvaison de ce genre indigène de Canard n'en souffre pas, démontrant que l'homme peut tirer profit d'une espèce sans nécessairement compromettre sa survie. Des chasseurs européens organisateurs de safaris, notamment en Inde, ont pris conscience au début du XXème siècle des menaces que la chasse aux trophées faisait peser sur nombre d'animaux, et sont devenus les promoteurs de réserves naturelles. Le célèbre BUFFALO BILL tient son surnom de la gloire qu'il se faisait des larges massacres de Bisons d'Amérique qu'il perpétrait; il a néanmoins fini par prendre quelque part à sa protection et la population de ces grands ongulés s'est partiellement reconstituée. Le Bison d'Europe est sans doute passé encore plus près de l'extinction, mais cette fois, à la différence du pauvre Aurochs, la Pologne a su préserver les derniers individus vivants en liberté, de sorte qu' il n'est à présent plus immédiatement menacé. Le Lynx pardelle ( grand chat sauvage vivant dans le sud de l'Europe ) a pu se maintenir grâce à un investissement soutenu pour garantir sa reproduction. Néanmoins, sa survie a long terme est incertaine, car le réchauffement climatique devrait selon toute vraisemblance désertifier la réserve naturelle vouée à sa protection. De la même manière, en Afrique, les variations climatiques potentielles dues au réchauffement global pourraient déplacer les zones fertiles, compromettant la perpétuation de la riche faune encore préservée dans les réserves naturelles, l'extension des zones occupées par l'homme ne laissant plus guère de solution de repli.
Si les raisons d'être pessimiste l'emportent largement sur de trop rares bonnes nouvelles, il n'est pas interdit de participer au niveau le plus modeste à une meilleure prise en compte des formes de vie avec lesquelles nous avons reçu la planète en héritage. Le contribuable peut évidemment apporter une participation financière sous la forme de dons déductibles des impôts aux organisations qui tentent de préserver la faune, ce qui ne dispense pas d'un investissement plus personnel. La généralisation de petits gestes quotidiens peut aussi amoindrir l'œuvre de destruction de la nature en cours. Rouler plus lentement, notamment l'été, peut permettre de limiter l'hécatombe routière des Hérissons, dont la stratégie de défense les conduit à se rouler en boule plutôt qu'à prendre la fuite, ce qui leur est fatal. Proscrire les pesticides dans le jardin, alors que la plupart du temps, les mécanismes de défense des plantes et l'action des prédateurs limitent les proliférations indésirables à un niveau tolérable, permet de maintenir une population d'Insectes diversifiée et évite de contaminer les animaux qui s'en nourrissent, tels qu'Hérisons, Musaraignes, Chauve-souris et Oiseaux. Ne pas abandonner de sacs plastiques, particulièrement à proximité de plages, ne répond pas qu'à un civisme soucieux d'esthétique, ceux-ci étouffant nombre d'animaux marins comme les Tortues de mer qui les prennent pour les Méduses dont ils se nourrissent. Concernant ceux d'entre nous estimant indispensable d'avoir un téléphone ou un ordinateur portable, on ne saurait trop leur conseiller de ne pas en acheter un nouveau tous les six mois dès que le dernier modèle à la mode est mis sur le marché comme la publicité intensive y incite, pour le motif évoqué plus haut. Et évidemment, il convient pour ceux qui collectent des plantes ou collectionnent des spécimens d'Insectes ou d'autres animaux, de ne prélever que des espèces non protégées, en préférant toujours comme représentant du groupe recherché celles qui sont les plus courantes à celles qui sont plus rares, ceux qui s'intéressent à la nature se devant de donner l'exemple.
Cette pauvre Tortue a poursuivi sa croissance en dépit de l'anneau qui l'enserre incoerciblement; beaucoup de souffrance provoquée par une petite négligence.
( NOTA : cet article qui devait paraître au début de l'année a été différé pour évoquer les disparitions de personnalités de janvier 2011 )
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Quelques sites ont célébré l'année de la diversité biologique :
Le muséum national d'histoire naturelle de Londres a mis en valeur une espèce chaque jour:
Un blog américain a proposé durant un an de faire découvrir un parasite différent chaque jour :
( on s'était d'ailleurs permis de proposer quelques photos rares, mais faute, probablement, de la caution d'une institution prestigieuse, ces propositions n'ont pas eu l'honneur d'être retenues )
Auparavant, un internaute avait proposé une galerie des espèces découvertes ces dernières années : http://www.flickr.com/photos/26042632@N03

mercredi 19 janvier 2011

UNE PASSION IBÉRIQUE POUR LE FANTASTIQUE




Metteur en scène espagnol, Juan PIQUER SIMON s'est éteint le 7 janvier 2011 à 76 ans. Il était notamment connu des amateurs de films d'horreur pour avoir adapté au cinéma en 1988 sous le titre de MUTATIONS (MUERTE VISCOSA, en anglais, SLUGS) le roman gore LA MORT VISQUEUSE, dans lequel des limaces manifestent une appétence soudaine pour la chair humaine, et avait signé d'autres films gore, LE SADIQUE A LA TRONÇONNEUSE et PIÈCES, ainsi qu'une parodie des super-héros, SUPERSONIC MAN.

Il avait livré en 1976 une adaptation de VOYAGE AU CENTRE DE LA TERRE de Jules VERNE intitulée LE CONTINENT FANTASTIQUE (VIAJE AL CENTRO DE LA TIERRA), distribuée sous le titre JOURNEY TO THE CENTER OF THE EARTH. Le film comporte la transcription la plus fidèle de la scène se déroulant sur l'océan intérieur, à ceci-près que celle-ci met aux prises deux monstres marins de la même espèce, en l'occurrence deux Tylosaures rescapés du Crétacé - le roman voyait s'affronter un Plésiosaure et un Ichtyosaure. A L'homme préhistorique géant veillant sur un troupeau de Mammouths, le réalisateur a substitué un Gorille géant, le décor expressionniste constitué d'arbres morts et une utilisation adroite des effets de perspective, conférant à l'interprète une taille colossale, contribuant à donner quelque force à la séquence. Des Tortues géantes ancestrales (encore pourvues de dents) ainsi que des Reptiles préhistoriques parmi lesquels des Dimétrodons (espèce disparue à voilure dorsale déjà vue dans la version d'Henri LEVIN de 1959) complètent ce monde fantastique orné de champignons géants.


Un monde souterrain empli de périls.

L'impressionnant occupant des lieux

Un des maîtres de l'océan souterrain.

Le metteur en scène s'inspire à nouveau de Jules VERNE en 1981, adaptant L'ÉCOLE DES ROBINSONS (en anglais GODFREY MORGAN: A CALIFORNIAN MYSTÈRE), qui, comme L'ILE MYSTÉRIEUSE, est une histoire édifiante de survie sur une île dans la lignée de ROBINSON CRUSOE, devenue à l'écran LE MYSTÈRE DE L'ÎLE AUX MONSTRES (MISTERIO EN LA ISLA DE LO MONSTRUOS) - en anglais JULES VERNE'S MYSTERY ON MONSTER ISLAND. A l'instar de Ray HARRYHAUSEN qui avait transformé à sa manière L'ÎLE MYSTÉRIEUSE pour y inclure divers êtres extraordinaires, Juan PIQUER SIMON modifie l'intrigue en y rajoutant plusieurs monstres (gigantesque mille-pattes, bête bipède d'allure féroce, reptile géant, hommes-poissons...). Il s'avère en fait que les êtres menaçants sont des créations factices destinées à éloigner les indésirables qui pourraient convoiter le trésor amassé par un pirate, dénouement qui rappelle celui d'un autre roman de Jules VERNE, LE MYSTÈRE DU CHÂTEAU DES CARPATES, dans lequel les éléments fantastiques procédaient également d'une supercherie.

Bête géante, qui s'avérera factice.

Avec L'ÉCLOSION DES MONSTRES ( LOS NUEVOS EXTRATERRESTRES ) - en anglais THE POD PEOPLE - Juan PIQUER SIMON aborde la science-fiction contemporaine, avec ses visiteurs extraterrestres hostiles, des humanoïdes velus pourvus d'une courte trompe, ayant quelque ressemblance avec ALF, qui naissent dans des œufs (d'où le titre anglais faisant faussement référence à L'INVASION DES PROFANTATEURS). Le scénario orchestre une relation entre un jeune garçon et un de ces êtres fraîchement éclos qu'il recueille et baptise plaisamment "Trompette"; réalisant qu'il ne pourra indéfiniment le protéger de l'hostilité des adultes s'appliquant à traquer ses congénères, l'enfant décide finalement, au cours d'un épilogue assez déroutant et non dénué d'émotion, de l'abandonner dans la forêt en espérant qu'il parviendra à leur échapper.

Un petit invité à la maison.

L'ABÎME (LA GRIETA), de 1990, distribué sous les titres THE RIFT et ENDLESS DESCENT, participe de la vogue des films de science-fiction sous-marins initiée par ABYSS de James CAMERON. Une expédition y découvre le fruit d'expériences génétiques menées dans un laboratoire dissimulé dans les profondeurs. Le propos du film de Juan PIQUER SIMON n'est guère explicite. On ne sait d'ailleurs pas si la première créature apparue menaçant le submersible, un être informe évoquant un gigantesque Nudibranche ("Limace de mer"), n'est qu'un monstre marin de passage non encore inventorié, ou un fruit échappé des expériences interdites, pas plus qu'on ne sera renseigné sur le rôle de la curieuse créature en forme de gigantesque Etoile de mer du Pacifique aux nombreux bras rayonnants qui trône dans la salle principale du complexe secret et qui paraît revêtir une grande importance dans le dispositif d'ingénierie. Peu importe en fait, le film ne cherchant pas tant à coller à la logique d'une science-fiction adulte qu'à proposer à ceux qui ont gardé de leurs jeunes années le goût pour l'étrange et les êtres fantastiques une immersion dans une sorte de séance de train-fantôme n'ayant d'autre but que de divertir et de procurer quelques frissons.
Rencontre avec une aberration génétique qui a tout du dragon médiéval.

Si Juan PIQUER SIMON ne laissera sans doute guère de chefs-d'œuvre incontestables dans l'histoire du cinéma fantastique, il était un véritable passionné, réalisant lui-même en partie les effets spéciaux de ses films. Il se tournait vers les grands auteurs du genre, Jules VERNE, dont il prévoyait de tourner une nouvelle version de VOYAGE AU CENTRE DE LA TERRE, H.P. LOVECRAFT qui lui avait inspiré MAGIE NOIRE (LA MANSION DE LOS CTHULHU - en anglais CTHULHU MANSION) ou encore William H. HODGSON dont il avait projeté d'adapter LA MAISON AU BORD DU MONDE, roman qui devrait finalement être portée à l'écran par Stuart GORDON (lequel a lui aussi précédemment adapté LOVECRAFT, avec notamment FROM BEYOND). Il était parvenu au cours de sa carrière à obtenir le concours d'acteurs anglo-saxons célèbres, comme Peter CUSHING et Terence STAMP sur LE MYSTÈRE DE L'ÎLE AUX MONSTRES, ou Jack SCALIA, Ray WISE (ROBOCOP, TWIN PEAKS) et R.Lee ERMEY (FULL METAL JACKET, BODY SNATCHERS) pour l'ABIME. Il laissera le souvenir d'un artisan appliqué à la mise en valeur du fantastique, qu'on pourra goûter sous réserve d'avoir su garder une certaine fraîcheur d'esprit.


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Peter YATES disparu le 9 janvier 2011 à l'âge de 81 ans était un réalisateur britannique spécialisé dans les films policiers, comme DÉLIT D’INNOCENCE ( AN INNOCENT MAN ) de 1989, dans lequel Tom SELLECK incarne avec justesse un homme qui découvre un monde de violence alors qu'il a été indûment jeté en prison pour couvrir la faute de deux policiers corrompus - dont l'un est interprété par David RASCHE, parfaitement odieux, qui avait déjà livré une forte prestation dans son rôle d'activiste écologique au côté de David CLENNON (THE THING, MATINÉE) dans BULLETIN SPECIAL (SPECIAL BULLETIN ) d'Edward ZWICK de 1983. On devait aussi à Peter YATES un film d'heroïc-fantasy, KRULL, en 1983, qui narre l'épopée de Colwyn, prince héritier d'un royaume médiéval pour libérer son monde de l'emprise d'un être maléfique désigné sous le nom de "la Bête", au cours de laquelle les forces magiques s'affrontent. L'action était portée par la composition grandiloquente de James HORNER à son apogée. KRULL devait originellement s'ancrer davantage encore dans l'imagerie du Moyen-Age à l'époque à laquelle il devait s'intituler DRAGONS OF KRULL, mais la sortie du DRAGON DU LAC DE FEU décida les producteurs à éviter la redite - ce qui n'empêcha pas le film de connaître une piètre réussite commerciale, tout comme d'ailleurs son illustre devancier qui ne parvint à trouver son public. Le film comporte quelques créatures fantastiques, telles qu'un cyclope mélancolique ayant troqué son deuxième œil contre la possibilité de connaître l'avenir ( réduit en fait à l'heure de sa mort ), dont le maquillage fut créé par Nick MALEY après une première version rejetée conçue par Christopher TUCKER, les guerriers de la Bête qui semblent faits d'une cuirasse osseuse et qui, à leur trépas, libèrent une masse visqueuse et tentaculée disparaissant furtivement dans le sable ( scène ajoutée lors de la post-production ), comme si leur existence ne résultait que d'un sortilège leur ayant donné consistance à partir d'une forme de vie rudimentaire, et la Bête elle-même, enfermée dans sa forteresse volante. Celle-ci, un monstre humanoïde, n'apparaît que pauvrement, étant filmée dans un réservoir et en contre-plongée de manière à la rendre plus mystérieuse, procédé qui finit par paraître un peu artificiel. Les motivations de la créature demeurent également mystérieuses, le personnage, comme le Fantômas de l'adaptation comico-policière interprété par Jean MARAIS ( qui avait précédemment incarné une autre "Bête" célèbre sous la direction de jean COCTEAU ) semblant se complaire dans la destruction mais s'affirmant résolu à cesser de commettre le mal si une jeune fille accepte de l'épouser ( en l'occurrence la princesse destinée au héros ), le spectateur demeurant en vain dans l'attente d'une révélation qui aurait donné davantage de force à l'allégorie, la raison d'être du monstre semblant principalement de fournir au héros le prétexte pour prouver sa bravoure au travers des épreuves tel un nouveau Persée, tâche dévolue à Ken MARSHALL qui avait eu auparavant l'occasion de s'illustrer de manière plus nuancée dans le rôle-titre de la série MARCO POLO, aux côtés notamment de James HONG et David WARNER. L'être fabuleux sans doute le plus notable de KRULL est probablement une araignée géante translucide désignée pour cette raison comme l'Araignée de cristal, animée image par image par Stephen ARCHER, lequel avait précédemment participé aux effets d'animation du CHOC DES TITANS de 1982, Ray HARRYHAUSEN ayant exceptionnellement pour cette superproduction fait officiellement appel à des collaborateurs ( le jeune talent a malheureusement depuis effectué sa conversion dans le virtuel, comme Phil TIPPETT, étant employé jusque sur le contestable remake de ce classique ). La scène, qui bénéficie aussi de la collaboration de Derek MEDINGS, technicien britannique ayant notamment apporté son concours aux trucages de JAMES BOND, survient à l'occasion d'un passage particulièrement marquant voyant Ynir, le mentor du prince Colwyn qu'interprète Freddie JONES ( extraordinaire forain malsain de THE ELEPHANT MAN, entre autres ) retrouver un autre interprète shakespearien, Francesca ANNIS ( Reine-mère de DUNE ) dans le rôle d'une très vieille femme, son ancien amour délaissé conduit à l'infanticide. La résurrection éphémère d'un amour qui paraissait révolu est assez touchante, tout, comme dans une certaine mesure, la mort du cyclope Krell, contribuant à faire de ce film, qui a offert un de ses premiers rôles à Liam NEESON composant un des bandits ralliés au prince, une œuvre qui n'est pas aussi mauvaise qu'on l'écrit souvent.

L'araignée de cristal

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Après l'auteur Michael CRICHTON et le créateur d'effets spéciaux Stan WINSTON, la saga JURASSIC PARK est encore une fois endeuillée par le décès de l'un des acteurs principaux du second volet LE MONDE PERDU ( THE LOST WORLD ) de Steven SPIELBERG, Pete POSTLETHWAITE, qui s'est éteint le 2 janvier 2011 à l'âge de 65 ans des suites d'un cancer. Prêtant ses traits sévères au personnage de Roland Tembo, chasseur expérimenté commandant l'équipe envoyée par le neveu d'Hammond traquer des Dinosaures sur le "site B" pour fournir une attraction à San Diego, il était un peu l'équivalent du chef des gardes Robert Muldoon ( Bob PECK ) du premier film, soit un homme aguerri plutôt téméraire, mais dont le contact prolongé avec les Dinosaures carnivores finissait par entamer l'assurance.


Auparavant, il avait fait partie de la galerie de personnages patibulaires peuplant le pénitencier en déshérence d'ALIEN 3 de David FINCHER, aux côtés notamment de Charles DANCE ( LAST ACTION HERO, le téléfilm L'HUMANOÏDE ) et Brian GLOVER - l'effrayant joueur d'échecs du LOUP-GAROU DE LONDRES. Débutant sa carrière au cinéma en 1977 dans le premier film de Ridley SCOTT, LES DUELLISTES (THE DUELLISTS ), l'acteur de théâtre avait peu tourné pour l'écran jusqu'au début des années 1990. Le rôle qui lui avait valu la consécration fut son interprétation d'un père emprisonné abusivement par la justice anglaise dans le cadre de la répression des activistes de l'IRA, dans AU NOM DU PÈRE, pour lequel il obtint en 1993 l'Oscar du meilleur second rôle. L'autobiographie de cet acteur défenseur de l'écologie devrait être publiée au cours de l'année 2011.

Visage du pénitencier d'ALIEN 3, un monde dont tout espoir a été banni.

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Dernière minute : disparition du compositeur des musiques des films de James BOND, John BARRY, décédé d'une crise cardiaque à 77 ans, plusieurs fois cité ici pour sa partition notable et novatrice du remake de KING KONG de 1976 et à qui on devait aussi l'envoûtante partition de QUELQUE PART DANS LE TEMPS (SOMEWHERE IN TIME) en 1980, voyage romantique dans le temps.



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Si ce petit site est fréquenté par des Français, y compris jusqu'en Terre-Neuve, par des Belges, des Québécois et des Suisses comme on pouvait raisonnablement l'espérer, il semble à présent être aussi visité par des non-francophones, alors même que sa version anglophone, aboutallcreatures.blogspot.com a été arrêtée, par manque de temps, pour ne pas alourdir le volume du site ( par le doublement des images présentées dans les deux langues ), mais aussi parce que, la première année, le nombre de connectés restait bloqué sur le zéro! Depuis quelques mois, non seulement les articles en anglais commencent à être régulièrement parcourus, mais le site principal lui-même est vu par des internautes d'horizons divers. Sans doute parce qu'il se rattache à une tradition plus prospère dans le monde anglo-saxon notamment en matière d'imaginaire, les visiteurs dont le français n'est pas la langue principale, si on se réfère à leur contrée de résidence, proviennent principalement d'Amérique du Nord et de l'Europe du Nord; on note même, suivant les semaines, un certain nombre de visiteurs de langue germanique, en particulier des Allemands et des Néerlandais ( 50 connections d'Hollandais ont été enregistrées pour la dernière semaine de janvier 2011 ). Depuis peu, des internautes du Maghreb manifestent aussi dans une certaine mesure quelque intérêt. C'est la raison pour laquelle un traducteur automatique été intégré à ce site. Il suffit de cliquer sur l'icône puis, dans la barre qui apparaît en haut de la page, de sélectionner le français dans la colonne de gauche et la langue désirée dans celle de droite et de valider. Le résultat est plutôt satisfaisant, même si, évidemment, certaines expressions sont intraduisibles d'une langue à l'autre, mais au moins le sens général de l'article devrait être accessible à tous ceux qui le souhaitent et qui ne pouvaient lire directement les articles jusqu'à présent. C'est également par souci des lecteurs non francophones que l'on s'efforcera à présent de donner le titre original des œuvres évoquées, alors que jusqu'à maintenant, on se contentait souvent, pour ne pas surcharger, de ne mentionner que le titre par lequel celles-ci pouvaient être connues des lecteurs de langue française - il est vrai que parfois, il existe plusieurs titres pour un roman ou un film dans la même langue... Les sujets les plus populaires sont depuis un mois et demi toujours les quatre mêmes : l'article sur les créateurs de monstres évincés par les images de synthèse ( rendez-nous le goût authentique des produits naturels! ) évoquant notamment le découragement conjoint de Patrick TATOPOULOS, Rob BOTTIN et Steve JOHNSON, est très populaire, suivi de l'hommage consacré à Jim HENSON, créateur des Muppets et initiateur de bien des créatures fantastiques, pour le vingtième anniversaire de sa disparition. Mais l'éclectisme du site semble porter ses fruits avec deux articles de vulgarisation très souvent vus, celui passant en revue, à l'occasion de l'anniversaire de Charles DARWIN, les argumentaires s'opposant à la théorie de l'évolution, et celui qui arrive pratiquement toujours en tête des consultations, "La peoplisation du monde vivant", consacré aux tendances contemporaines en matière de dénomination des espèces ( ce qui ferait presque regretter d'avoir cédé à quelques traits d'humour en mentionnant des personnalités qui ne sont pas toutes nécessairement connues en dehors de l'hexagone ).


mercredi 8 décembre 2010

LES TALENTS MULTIPLES DE JAMES CUMMINS



Alors que le tournage de la préquelle de THE THING s'achève, on vient d'apprendre la disparition d'un maquilleur qui avait contribué aux effets spéciaux du film initial.

Si les noms de quelques maquilleurs comme Dick SMITH, Rick BAKER, Stan WINSTON et Rob BOTTIN ( voir les articles que ce site thématique a consacré à la carrière des deux derniers en juin 2008 et mars 2009 ) sont connus de ceux qui se passionnent pour le cinéma fantastique, bien d'autres parmi ceux qui œuvrent à leur côté n'ont pas acquis le même niveau de notoriété. James CUMMINS est ainsi probablement un peu moins connu des amateurs de fantastique, mais il a participé à des films importants.

Né dans le Missouri, James CUMMINS suit des études artistiques en Californie, et découvre qu'elles ont pour finalité de le recruter comme animateur par le studio Disney. Estimant que la reproduction de dessins presque identiques à la suite, destinés à recréer un mouvement, est une tâche plutôt fastidieuse, le jeune homme préfère réaliser des masques et se constitue ainsi un portfolio avant d'aller le présenter dans les studios d'effets spéciaux. Le célèbre maquilleur Tom BURMAN, responsable des effets spéciaux de films comme SOUDAIN LES MONSTRES ( FOOD OF THE GODS ) ainsi que de ceux des remakes de L'ÎLE DU DOCTEUR MOREAU ( THE ISLAND OF DR. MOREAU ) de Don TAYLOR et de L'INVASION DES PROFANATEURS ( INVASION OF THE BODY SNATCHERS ) de Philip KAUFMAN, qu'il admirait tout particulièrement, se montre enthousiaste devant ses réalisation et l'engage séance tenante. Il reçoit d'abord la mission d'effectuer des dessins pour un projet personnel de BURMAN portant sur une course de motos. Grâce à l'entremise de Tom BURMAN, il sculpte pour le compte de Stan WINSTON une tête décapitée pour EXTERMINATOR, LE DROIT DE TUER; l'effet est jugé si réaliste que la scène sera finalement écourtée pour tenir compte de la censure. Il œuvre ensuite sur les corps décomposés de DEAD AND BURIED et sur les robots amoureux de HEARTHBEEPS, toujours sous l'égide de Stan WINSTON.

Alors qu'il était demeuré sans contrat durant trois mois, un ami, Henry GOLAS, lui offre la responsabilité principale des effets spéciaux d'un téléfilm, LE MONSTRE DES PROFONDEURS ( THE INTRUDER WITHIN ), de Peter CARTER, avec Chad EVERETT, Joseph BOTTOMS et Linda MASON GREEN, promise à devenir la ravissante héroïne de la série LA GUERRE DES MONDES ( WAR OF THE WORLDS ). L'opportunité ne va cependant pas sans déconvenues. Trois jours avant le début du tournage, les producteurs lui demandent de revoir le concept dans un sens plus commercial, recevant l'ordre de s'inspirer partiellement de l'extraterrestre d'ALIEN ainsi que de la mâchoire du requin des DENTS DE LA MER ( JAWS ). En trois semaines, il doit donc modifier le costume et concevoir toutes les phases de cette créature découverte par les employés d'une plate-forme de forage pétrolière, représentant une espèce ancienne de plusieurs millions d'années, concurrente de l'homme, qui débute sous une forme embryonnaire; si le monstre rappelle effectivement l'allure biomécanique de la créature conçue par GIGER pour le film de Ridley SCOTT, il est cependant loin d'en être la simple décalque. N'étant alors pas encore membre de l'union syndicale des maquilleurs, James CUMMINS n'est pas autorisé à prendre une part active sur le plateau; frustré de devoir laisser une autre personne manipuler ses créations, il quitte finalement le tournage au Canada, sans amertume, estimant que le travail a été correctement effectué.

Le juvénile James CUMMINS avec le buste de la créature adulte du MONSTRE DES PROFONDEURS.

Il a aussi participé à deux films importants au sein de l'équipe de Tom BURMAN.  Sur THE BEAST WITHIN, il réalise le costume de la dernière étape de transformation d'un adolescent en une créature terrifiante, mais le costume s'avère trop lourd à porter pour l'acteur prévu, et une nouvelle version est rapidement créée, ne conservant que les mains et pieds sculptés par CUMMINS. Sur le remake de LA FÉLINE ( CAT PEOPLE ), un autre film traitant de métamorphose, il conçoit une panthère mécanique - représentant le personnage joué par Natassia KINSKI sous une forme animale - mais les atermoiements du réalisateur Paul SCHRADER, qui ont aussi eu pour effet de réduire la scène de la transformation, amènent à n'utiliser cette création que pour un plan, montrant le félin s'élancer dans une rivière. Peu de temps après avoir reçu une proposition d'intégrer l'équipe de Rob BOTTIN pour THE THING de John CARPENTER, Tom BURMAN le contacte de nouveau pour travailler sur des plans additionnels de LA FÉLINE. En dépit de la reconnaissance qu'il éprouve pour le célèbre maquilleur lui ayant offert sa chance, James CUMMINS décide de saisir la possibilité d'intégrer une grande production - sur laquelle est aussi employé de son côté Rob BURMAN, fils de Tom, en tant que "préposé au latex". Cependant, en dépit de la cohérence que s'efforce de faire régner le directeur des effets spéciaux sur le film, Eric JENSEN, CUMMINS se heurte à nouveau aux hésitations quant à ce qu'on attend de son travail, le responsable principal, Rob BOTTIN, trop accaparé par ses responsabilités, et se concentrant principalement sur la sculpture des têtes, ne passant donner son aval qu'une fois la tâche de ses collaborateurs achevée. Au bout de sept mois, il choisit de reprendre sa liberté.

A l'issue d'une période d'oisiveté, il est engagé par Henry GOLAS sur LES ENVAHISSEURS SONT PARMI NOUS ( STRANGE INVADERS ) de Michael LOUGHLIN, pour concevoir des extraterrestres humanoïdes prenant des traits humains afin d'infiltrer une communauté villageoise, au rang de laquelle on compte notamment l'interprète principal de LA CHOSE D'UN AUTRE MONDE ( THE THING FROM ANOTHER WORLD ), Kenneth TOBEY. On le retrouve sur des films bien connus comme LES DENTS DE LA MER 3 (JAWS 3D ), pour lequel il réalise des modèles miniatures de requin. Il dessine des storyboards ( dessins prévoyant le découpage des scènes ) pour COCOON, travaille comme sculpteur et animateur pour Chris WALAS sur ENEMY MINE et conçoit les créatures du film d'épouvante tragico-comique de HOUSE de Steve MINER, notamment les traits d'un monstre surnommé le "Démon de la guerre", une manifestation inquiétante constituée par l'assemblage de victimes du Vietnam donnant mauvaise conscience à un écrivain ( William KATT ) qui a servi à leurs côtés quelques années plus tôt, peinte par Margaret BESERRA, qui avait également aussi œuvré sur THE THING et LES ENVAHISSEURS SONT PARMI NOUS. On lui doit encore les créatures d'ALIEN PREDATORS, petit film de Deran SARAFIAN, tourné en Espagne, qui imagine les exactions d'un organisme extraterrestre parasite ayant échappé au contrôle de la N.A.S.A, et il fait partie en tant que sculpteur de l'importante équipe - Chris WALAS, Greg NICOTERO, Robert KURTZMAN, etc... ayant donné vie au monstre marin d'une espèce inconnue sévissant dans le film de Sean CUNNINGHAM curieusement intitulé en français M.A.L. MUTANT AQUATIQUE EN LIBERTÉ (DEEP STAR SIX).

James CUMMINS au travail pour une séquence non finalisée des Envahisseurs sont parmi nous (Strange Invaders) dans laquelle apparaissait le corps d’un extraterrestre tué par une fourche, présentant une apparence déformée et inachevée dans le style du cadavre norvégien monstrueux de The Thing de John CARPENTER tel qu’il avait été dépeint dans le premier scénario achevé et dont l’artiste avait d’ailleurs contribué à sculpter la version finale. 

James CUMMINS (à l'extrême droite) sculptant un buste d'extraterrestre des Envahisseurs sont parmi nous pour au côté d'un autre artiste ayant oeuvré sur les effets spéciaux de THE THING de John CARPENTER, Brian WADE.

Tournage du film avec un buste d'extraterrestre, avec Henry GOLAS au premier plan, ami fidèle de James CUMMINS, le maquilleur Stephen DUPUIS (ENEMY MINE, LA MOUCHE, LA MOUCHE 2, LE FESTIN NU), second à partir de la gauche et Margareth BESERRA à l'extrême droite, chargée de la teinte des monstres de THE THING et LA MOUCHE).

L'effrayant Démon de la guerre de HOUSE, conçu par James CUMMINS, qui en a notamment sculpté la partie antérieure, constitué d'un conglomérat de victimes, lequel n'est pas sans rappeler les effrayantes transformations de THE THING. Le maquilleur se montrait particulièrement fier de Big Ben, l'ancien supérieur du héros, un mort-vivant qui l'accuse de désertion, interprété par Richard MOLL, dont le visage était animé par divers mécanismes. La photo provient du blog de l'auteur, échange de bons procédés (voir post-scriptum).

James CUMMINS avait préalablement fait les dessins conceptuels pour les créatures de HOUSE.

Rencontre déplaisante en Espagne: la N.A.S.A. a laissé s'échapper des organismes meurtriers, que CUMMINS a contribué à créer. Avec leur mâchoire gourmande et leurs pattes arachnidiennes, ils rappellent quelque peu le monstre de MUTANT ( plus connu comme FORBIDDEN WORLD ) d'Allan HOLZMAN - ce qui a peut-être incité le distributeur d'ALIEN PREDATORS à proposer parfois le film sous le titre MUTANT II.

Le petit extraterrestre reptilien d'ENEMY MINE sculpté par James CUMMINS.

Cependant, James CUMMINS finit par se lasser de devoir laisser à d'autres le soin de mettre en valeur de manière aléatoire son travail, d'autant qu'adolescent il envisageait déjà, en testant dans le secret de sa chambre ses premiers maquillages, la création de monstres comme une possible étape pour accéder un jour à la mise en scène. Il réalise un film dont il a conçu lui-même les effets spéciaux, THE BONEYARD en 1990, film d'épouvante semi-humoristique se concluant par l'apparition d'un féroce démon à l'aspect de caniche géant.

Un personnage effrayant de THE BONEYARD.

Lors du tournage de son troisième film, DARK: 30, il contracta la scarlatine; l'infection le contraignit à subir deux opérations à cœur ouvert en 2002. Il écrivit et illustra un ouvrage tout public, GOOD THINGS TO SHARE, dont les bénéfices lui permettent de faire un don à des associations d'aide aux enfants malades, afin de remercier l'association nationale d'aide aux malades du cœur. Il avait été secondé dans cette entreprise par le producteur Richard F. BROPHY, supporter de l'Association américaine du cœur, qui fut son associé de longue date, producteur de ses films, et imprésario de ses scénarios; lorsqu'il succomba à un cancer du poumon, James CUMMINS l'assista jusqu'au bout, estimant qu'il avait un partenaire et ami au-delà de ce qu'on pouvait espérer (*).

James CUMMINS faisant la lecture aux enfants d'une école de son livre pour la jeunesse à vocation caritative, en compagnie de son soutien Richard BROPHY, administrateur de haut niveau ayant une formation scientifique, qui se reconvertit par passion dans le cinéma, en tant qu'acteur et producteur.

L'état de santé diminué contraignit James CUMMINS à abandonner la mise en scène, les assurances refusant dorénavant de prendre en charge les tournages. Il se consacra à l'écriture de scénarios en tant qu'auteur aussi bien que consultant et entreprit aussi de proposer sous l'identité de J.T. CUMMINS - afin d'éviter la confusion avec un poète se nommant également James CUMMINS - des histoires à suspens à lire sur livre électronique (Kindle) traitant de sorcellerie et de créatures mythiques, comme THE JITTERS et ses monstres ambigus, et dont l'une, SOFTLY: THE UNIVITED figura parmi les 100 récits d'épouvante à lire sur internet les plus demandés. James CUMINS s'est éteint durant son sommeil le 1er décembre 2010, à l'âge de 51 ans, victime du mauvais état de ses artères. Tristement, le dernier message qu'il avait publié sur son blog ( http://www.jtcummins.com ), écrit quelques heures avant sa disparition, était consacré à l'annonce du Noël qu'il ne connaîtra pas, déplorant son dévoiement consumériste oublieux du caractère sacré qu'il avait connu dans ses jeunes années. Sans enfant, il laisse derrière lui les créatures auxquelles il apporté son concours durant une décennie particulièrement riche.

La créature simiesque de THE JITTERS

PS : James CUMMINS avait semble-t-il apprécié la photo rare que "Créatures et imagination" avait mise sur internet du cadavre norvégien "hamburger" de THE THING qui permet de voir les quatre membres supérieurs de la créature, la commentant sur son blog : "Rob BOTTIN gardait un contrôle fanatique des photos prises durant la création des effets spéciaux de THE THING de John CARPENTER, aussi même de nos jours, il est rare de voir des images de tournage comme celle postée ici. D'après la forme de la photo, c'est un Polaroid pris durant l'application de la peinture. Bien que la création semble molle et charnelle, elle est en fait réalisée en fibre de verre. Les sculpteurs qui ont contribué à la création de cette pièce sont : Rob BOTTIN, moi-même, Brian WADE, Willy WHITTEN, Vincent PRENTICE. Peinture : Margaret BESERRA - devenue épouse PRENTICE".

James CUMMINS, dessinateur, sculpteur, technicien d'effets spéciaux, scénariste, réalisateur, écrivain: une existence écourtée mais bien remplie.

(*On peut voir sur le site facebook de James CUMMINS plusieurs autres photos relatives à l'opération GOOD THINGS TO SHARE, qui ne sont pas dépourvues d'émotion lorsqu'on sait que la rémission de l'auteur n'était que provisoire :